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12 SULLY PRUDHOMME

souvent harmonieuse et belle, quelquefois terrible comme un spectre. Dans la Nuit de Mai, quand la Muse demande au poète accablé de livrer au public ses secrets d'amour, il ne peut retenir ce cri d'épouvante : « Muse, spectre insatiable! »

L'aveu de Musset, l'effroi de ce malade, en proie aux hallucinations, montre ce qu'il y a de morbide dans cette interprétation delà poésie, et fait comprendre le mot terrible de Goethe : « Le clas- sique, c'est le sain ; le romantique, c'est le malade. »

Pour tous les romantiques l'inspiration est l'effet d'une fièvre sacrée. L'effusion du génie est ma- gnifique et divine. Le poète doit éviter le labeur de la recherche qui froisse et arrête les beaux élans. Qu'il entretienne plutôt en lui, par l'intensité de la vie passionnelle et l'exaltation qu'apporte la soli- tude, le don des ardeurs créatrices, des intui- tions qui déchirent les voiles et font resplendir la vérité.

Cette croyance un peu naïve dans le caractère divin de l'inspiration dispensait le poète de pour- suivre dans la méditation et la culture les raisons qui approfondissent les émotions apportées par la vie.