Poésies de Benserade/Les plus fiers animaux

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Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. 74).



SONNET.


Les plus fiers animaux, l’un à l’autre opposez,
Ne laissent pas d’avoir l’âme reconnoissante ;
Et bien plutôt que vous, ils sont aprivoisez,
Vous, de qui la douceur n’est rien moins qu’innocente.

Loin d’alléger mes fers qui devroient être usez,
Vous insultez vous-même à ma douleur pressante ;
Et tout le monde sçait que vous me méprisez,
Ingrate, n’est-ce pas assez que je le sente ?

Si le bruit du triomphe importe à vos appas,
Où n’est-il point connu que vous ne m’aimez pas ?
Pour dire un malheureux il suffit qu’on me nomme.

Un amant souffre tout et doit être constant ;
Mais, injuste beauté, sçachez qu’un honnête homme
Ne s’accommode point d’un mépris éclatant.