Quelques mots de chimie pathologique

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SOMMAIRE
Introduction 
 5
Du sang 
 9
Analyse du sang 
 14
De la fibrine 
 16
Du sérum 
 18
Des globules 
 19
Eau 
 22
De l’urine 
 23
Examen de la partie liquide 
 25
Examen du dépôt urinaire 
 30
Du lait 
 35
ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE




QUELQUES MOTS


DE


CHIMIE PATHOLOGIQUE


PAR


A. CHEVALIER


De la Loire-Inférieure




Si c’est un sujet que je n’entende point, à cela même je m’essaie, sondant le gué de bien loin, et puis le trouvant trop profond pour ma taille, je me tiens à la rive.

(Essais de Montaigne.)




THÈSE POUR LE DIPLÔME DE MÉDECIN-VÉTÉRINAIRE
Présentée le 25 Juillet 1873.




TOULOUSE

IMPRIMERIE GÉNÉRALE PAUL SAVY

10 bis, allées lafayette, 10 bis

1873


À MON PÈRE, À MA MÈRE


Reconnaissance et tendresse filiale.






À MES FRÈRES, À MA SŒUR


dévouement sans bornes.





A.C.



À MES PROFESSEURS.






À MES AMIS.





A.C.


Si c’est un sujet que je n’entende point, à cela même je m’essaie, sondant le gué de bien loin, et puis le trouvant trop profond pour ma taille, je me tiens à la rive.
(Essais de Montaigne.)


Il serait intéressant de mettre en parallèle l’histoire de deux sciences dont l’origine, également reculée, remonte à la plus haute antiquité et dont les progrès, souvent simultanés, se sont manifestés, dans ces derniers temps surtout, de la manière la plus éclatante. Quel attrait n’offrirait pas le récit des essais tentés par les pères de la médecine pour enrichir leur art des découvertes de la chimie, plus jeune encore, parce que l’homme, alors comme aujourd’hui, préoccupé surtout d’approfondir les secrets de la vie et d’en reculer les limites, appliquait toutes ses facultés à l’étude de cette science qu’il croyait recéler le secret de son immortalité ! Quel puissant intérêt dans l’exposition de ces luttes dans lesquelles elles semblaient vouloir se substituer l’une à l’autre et régner d’une manière exclusive ! De nos jours, à cet esprit d’exclusivisme ont succédé des idées plus sages et mieux inspirées des principes de la raison ; et les prétentions excessives des humoristes, enthousiastes propagateurs de l’influence prédominante de la chimie en médecine sont tombées, ainsi que celles des vitalistes, devant les saines démonstrations de nos auteurs modernes ; elles ont fait place à un intelligent éclectisme, qui, sans dénier les incontestables services rendus par la chimie, ne lui accorde cependant que la juste part qui lui revient dans l’explication des phénomènes de la vie animale.

Mais si des limites mesurées sont venues borner son domaine exagérément étendu, son influence n’en a pas été moins active, son rôle en médecine n’en a pas été moins énergique et souvent victorieux ; ne semble-t-il pas au contraire qu’elle a puisé des forces nouvelles dans la contrainte qu’elle a éprouvée ? Oui, sans doute ; ses richesses fournissent un aliment à cette avidité de connaissances qui est le partage de l’homme, à ce besoin impérieux d’expliquer les phénomènes qui se passent soit autour de lui, soit en dedans de lui. Il lui demande le secret des lois qui régissent la naissance, la croissance et la production des êtres organisés ; il l’interroge surtout sur les modifications intimes qu’il subit, et déjà la nature de plusieurs a été découverte ; mais celle d’un bien plus grand nombre, sans doute, est encore ignorée.

Si cette patiente et laborieuse étude nous conduit vers l’explication des lois physiologiques, si elle ne néglige point les changements qui surviennent dans l’organisme lorsque, altéré par des causes souvent obscures et même inconnues, il éprouve dans ses fonctions des troubles dont les conséquences lui sont funestes, elle n’est rien moins que spéculative ; car elle recherche les altérations subies sous des influences morbides par les diverses parties constituantes de l’être, et de là peuvent naître des indications précieuses sur la nature des maladies, sur les signes propres de leur manifestation, et sur les moyens de les combattre. C’est ce qu’on désigne sous le nom de chimie pathologique.

Nous regrettons profondément de ne pouvoir pénétrer plus avant dans les considérations qui se rattachent à l’étude de ces dernières questions.

Le peu de progrès encore accompli en cette matière, la brièveté des moments qu’il nous est permis d’y consacrer, et par-dessus tout l’insuffisance de nos connaissances, nous imposent l’obligation de nous borner à un cadre plus modeste. Nous ne ferons donc qu’effleurer un sujet qui, pour être complètement traité, devrait comprendre l’étude encore imparfaite des modifications éprouvées durant le cours des maladies par les diverses parties de l’organisme, c’est-à-dire par les solides et les fluides liquides ou aériformes.

L’étude des altérations morbides qui ont pu être observées jusqu’à ce jour dans les principaux liquides nous occupera seule. C’est en eux, d’ailleurs, qu’elles se manifestent avec le plus de fréquence, et de la manière la plus sensible.

Exposer les moyens qui permettent en médecine de reconnaître leur composition normale, indiquer cette composition elle-même et signaler en peu de mots les changements les plus accentués qui se produisent dans un certain nombre de maladies : tel est en résumé le but que nous poursuivons.

On peut le pressentir : nous allons glaner dans un champ qui n’est pas le nôtre ; les faits que nous rassemblerons ne nous appartiennent pas, mais nos vœux et nos désirs seront remplis si nous avons pu attirer sur des questions, trop négligées peut-être du praticien, l’attention des rares lecteurs qui parcourront ces lignes ; si nous avons rendu un faible hommage à une science qui le mérite à tant de titres ; et si, l’audace de notre tentative mise de côté, on ne veut plus considérer que les soins laborieux apportés à son exécution.

DU SANG


Parmi les divers liquides de l’économie, il est incontestable que le sang occupe la première place ; il est l’agent indispensable de la nutrition des organes et de l’accomplissement des fonctions vitales ; c’est de lui que dérivent les différents liquides sécrétés. Aussi, de tout temps, il a été l’objet de recherches incessantes ; une foule d’hommes illustres dans les annales de la médecine se sont préoccupés de déterminer sa composition, son véritable rôle et les altérations qu’il est susceptible d’éprouver.

Nous ne rapporterons pas ici les idées plus ou moins singulières qui ont été propagées à ce sujet dans les temps anciens. Qu’il nous suffise de citer les noms d’Hippocrate et de Galien, parmi les premiers auteurs qui se sont efforcés de découvrir des secrets dont la révélation était réservée à notre époque. Il faut remonter jusqu’aux temps modernes et consulter les écrits de Harvey, qui découvrit la circulation du sang, de Sylvius de le Boë, de Vieussens et de Boerhaave, pour trouver le germe d’opinions vraiment sérieuses, qui viennent se substituer aux rêveries scientifiques du passé. Mais, ainsi que celles de leurs successeurs immédiats, les démonstrations de ces auteurs reposent sur des bases presque toutes hypothétiques, et c’est aux savants de nos jours qu’appartient la gloire des découvertes entreprises depuis si longtemps et poursuivies à travers tous les âges avec une ténacité qui prouve leur importance.

Berzélius, Thénard, puis Prévost et Dumas, Orfila, etc., sont parvenus les premiers à signaler les véritables parties constituantes du sang.

Enfin, ces investigations devaient acquérir un nouveau degré de perfection par des travaux plus récents, accomplis dans le but d’établir les quantités respectives des divers éléments constitutifs du liquide nourricier. Ainsi ont été facilitées les recherches entreprises dans le but de connaître les altérations qu’il peut subir dans les diverses maladies.

Nous nous proposons, comme il a été dit déjà, de recueillir et de résumer les observations produites à ce sujet.

Le sang, quelle qu’en soit la couleur, rouge, vermeil ou brun foncé, est un liquide épais, sa saveur est salée et nauséabonde. Il a une odeur particulière, qui varie chez les divers animaux, et elle est généralement plus prononcée dans les individus du sexe masculin.

Chez les animaux supérieurs on trouve deux espèces de sang : le sang artériel, qui est d’un rouge vermeil, va des poumons au ventricule gauche du cœur, et de là dans les artères ; le sang veineux, qui est d’un brun foncé, arrive de toutes les parties du corps, entre dans le ventricule droit du cœur, d’où il passe dans les poumons pour devenir rouge vermeil.

La couleur du sang envisagée dans différents organes est très variable. Haller a beaucoup insisté sur ses variations de couleur, et particulièrement sur celles du sang veineux. Il va même jusqu’à dire que la couleur rouge n’est pas toujours due à l’action du poumon.

Dans l’état normal comme dans l’état pathologique, le sang veineux des organes peut être tantôt rouge, tantôt noir. M. Claude Bernard a démontré qu’il y a un organe dont le sang veineux à l’état physiologique est à peu près toujours rouge ; c’est le rein. Le sang des glandes sous-maxillaires est alternativement rouge ou noir ; il a aussi fait voir que le sang des glandes est toujours rouge pendant la fonction glandulaire, et noir pendant le repos de l’organe, ce qui viendrait expliquer la permanence de la couleur rouge du sang dans le rein, puisque cet organe fonctionne d’une manière continue. Il n’en est pas de même dans les muscles ; pendant la contraction, le sang veineux est noir, et pendant le repos du muscle il est presque rouge.

Le sang veineux, lorsqu’il est agité avec certains gaz, change de couleur ; avec l’oxygène et l’air atmosphérique, il prend la teinte rouge-vermeil, qui caractérise le sang artériel.

L’oxyde de carbone, l’hydrogène carboné, le deutoxyde d’azote lui font prendre une teinte brun violacé.

L’azote, l’acide carbonique, l’hydrogène, le protoxyde d’azote lui communiquent une couleur rouge-brun.

L’hydrogène arsénié et l’hydrogène sulfuré lui donnent une teinte violet-foncé, passant peu à peu au brun-verdâtre.

Le gaz chlorhydrique le fait passer au brun-marron et le gaz sulfureux lui communique une teinte noire. Ces deux gaz le coagulent.

Le gaz ammoniac le rend plus fluide et le fait passer au rouge-cerise. Enfin le chlore lui donne d’abord une teinte brun-noir en le coagulant, et puis il le décolore.

Le sang artériel, lorsqu’il est agité avec tous les gaz que nous venons d’énumérer, sauf l’air et l’oxygène, perd sa couleur caractéristique et prend des teintes brunes variées. Celles qui le rapprochent le plus du sang veineux sont produites par l’action de l’hydrogène, de l’azote et de l’acide carbonique.

Nous allons faire ressortir les principales différences qui existent entre le sang artériel et le sang veineux.

sang artériel sang veineux
Rouge vermeil. Rouge brun.
Plus riche en fibrine. Plus riche en albumine.
» en globules. » en eau.
» en sels. » en matières extractives.
Contient environ 38 parties d’oxygène pour 100 d’acide carbonique. Renferme à peu près 22 parties d’oxygène pour 100 d’acide carbonique.
Plus coagulable.

. . . . . . . . .

. . . . . . . . .

Globules plus abondants en matières grasses.
À la même composition dans tout le système artériel. À une composition différente en divers points du système veineux.

La plupart des acides coagulent le sang. L’acide sulfurique concentré fait dégager l’odeur qui caractérise l’espèce de l’animal auquel le sang appartient. Cependant ce phénomène ne se manifeste plus lorsque le sang est soustrait à la circulation depuis quinze à vingt jours.

Le caillot du sang du mouton, du chien, du porc, de la chèvre et des volailles en bonne santé est très ferme. Celui du bœuf est généralement un peu mou. Le sang du cheval, de l’âne et du mulet donne un caillot ferme, mais présentant dans la moitié de sa hauteur une partie blanc-jaunâtre supérieure et une partie rouge foncé inférieure. La première partie est ferme, mais la seconde l’est moins.

Cette partie blanc-jaunâtre du caillot est particulière au sang des solipèdes. Elle est plus abondante au commencement de la saignée qu’elle ne l’est à la fin, et elle est d’autant plus grande que l’animal a perdu plus de sang.

Ces modifications, apportées dans la séparation des éléments du sang du cheval, sont évidemment le résultat d’influences physiques que nous ne donnerons pas ici, mais qui doivent être prises en considération, dans les analyses faites sur le sang des solipèdes, si l’on veut obtenir des renseignements utiles pour le diagnostic, le pronostic et surtout pour la nature et le traitement des maladies. Voici, du reste, d’après Hoppe, quelques chiffres qui pourront donner une idée des proportions de plasma et de globules contenues dans le sang du cheval et les poids spécifiques de ces deux parties.

Le sang du cheval contient sur 1,000 parties : plasma, 673,8 ; globules, 326,2.

1,000 parties de globules contiennent : eau, 565 ; parties solides, 435 ;

1,000 parties de plasma contiennent : eau, 908,4 ; parties solides, 91,6 ;

Poids spécifique des globules ══ 1.105.
» » du plasma ══ 1.027 à 1.028.

Cette séparation du sang en globules et en plasma peut avoir lieu, non-seulement dans le sang retiré des vaisseaux, mais aussi dans le système sanguin chez l’animal vivant : c’est ce qu’a eu occasion d’observer M. Claude Bernard sur un cheval percheron sur lequel il avait pratiqué la section du filet sympathique cervical.

On a aujourd’hui, grâce aux travaux de MM. Andral, Gavarret, Delafond, Becquerel, Rhodier, etc., des notions assez précises sur les changements que le sang éprouve dans les maladies. Il est si important pour l’étude des maladies de connaître les variations que subit le sang sous le rapport de sa composition, que nous croyons nécessaire d’exposer le procédé d’analyse le plus simple et le plus usité.


ANALYSE DU SANG.


Dosage de la fibrine. — Pour doser la fibrine on bat avec un petit balai une quantité connue de sang ; la fibrine qui se sépare est jetée sur une toile serrée où on la lave jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement blanche. On la dessèche à 100°, en ayant soin de continuer la dessiccation tant qu’il y a diminution de poids.

Dosage des globules. — Le même sang qui a été battu peut servir au dosage des globules. À cet effet on y ajoute 3 à 4 fois son volume d’une solution saturée de sulfate de soude, puis on jette le mélange sur un filtre préalablement mouillé avec la même dissolution saline. Si l’on fait traverser le liquide contenu dans le filtre par un courant rapide d’air, les globules n’adhéreront ni au papier, ni entre eux, et la solution passera presque incolore. Les globules qui restent sur le filtre sont lavés plusieurs fois avec de la solution de sulfate de soude, puisqu’ils sont desséchés dans le vide. Une fois secs, on les épure des matières grasses au moyen de l’éther, des matières animales par l’action de l’alcool, et enfin du sulfate de soude par l’eau, qui ne peut plus les dissoudre.

Dosage des parties liquides et solides du sérum. — Voici comment on dose les parties liquides et solides du sérum. On laisse coaguler une certaine quantité de sang, on sépare le caillot du sérum et l’on pèse l’un et l’autre séparément. En évaporant le sérum au bain-marie et en desséchant le résidu à 100°, on reconnaît les proportions des matières solides et de l’eau, mais on n’a pas ainsi la totalité du sérum, puisqu’une portion est restée dans le caillot. Pour apprécier cette portion, on dessèche le caillot à 100° ; la perte de poids qu’il subit représente l’eau du sérum qui se trouvait dans le caillot : de la connaissance de cette eau on déduit celle du sérum lui-même.

Dosage simultané de la fibrine et des globules. — On dose tout à la fois la fibrine et les globules, en lavant successivement avec de l’éther et de l’alcool le caillot sec obtenu dans l’expérience précédente : on a ainsi la fibrine et les globules réunis, d’où l’on retranche le poids connu de la matière solide du sérum interposé.

Dosage de l’albumine. — On apprécie l’albumine de deux manières différentes, suivant qu’on veut en connaître la quantité totale contenue dans le sang, ou seulement la portion contenue dans le sérum. Dans ce dernier cas, on verse deux à trois volumes d’alcool sur un volume de sérum, et on réunit le coagulum sur un filtre ; on le lave, on le dessèche et on le pèse. Quand on veut doser toute l’albumine du sang, on abandonne un poids donné de ce dernier à la coagulation spontanée : on opère sur le sérum comme nous venons de le dire, puis on tient compte de la perte que le caillot a éprouvée par l’évaporation ; au coagulum fourni directement par le sérum, il faut ajouter celui qui se rapporte à la portion du sérum qui est restée interposée dans le caillot.

Dosage collectif de tous les sels minéraux. — On détermine collectivement tous les sels minéraux en incinérant séparément le sérum et le caillot desséchés, et en pesant les deux cendres. Leur analyse spéciale indiquera la quantité de fer et la portion relative de chaque sel.

Il est rare que l’on ait besoin de faire une analyse complète du sang ; c’est pourquoi nous avons donné le procédé pour le dosage de chaque principe. Plusieurs de ces procédés ne sont pas irréprochables ; mais dans une suite de recherches, si l’on opère toujours de la même manière, les résultats ne manqueront pas d’être parfaitement comparables.


DE LA FIBRINE


Le procédé pour l’obtention de la fibrine étant indiqué plus haut, il est inutile d’y revenir ici.

Les conditions de sexe, d’âge, de constitution, d’habitation, d’alimentation, exercent probablement une influence sur les proportions de la fibrine ; elle est si peu considérable, qu’elle n’a pas été encore déterminée jusqu’à présent.

La fibrine peut augmenter ou diminuer sous l’influence d’une foule de causes pathologiques différentes. Mais remarquons en passant que si l’augmentation des globules de l’albumine est rare, et que si leur diminution, au contraire, est un fait très commun ; remarquons, dis-je, que le contraire existe pour la fibrine, c’est-à-dire que l’élévation de son chiffre est aussi fréquente que l’augmentation de celui des globules et de l’albumine l’est peu.

Augmentation du chiffre de la fibrine. — Quelque légère qu’elle soit, elle peut néanmoins être constatée dans un certain nombre de maladies. C’est ainsi qu’elle apparaît dans la cachexie aqueuse et dans les phlegmasies légères, assez intenses toutefois pour déterminer un mouvement fébrile. Les érysipèles et certaines angines, chez l’homme, revêtent encore ce caractère.

Nous avons trouvé des exemples de cette augmentation considérable de fibrine dans la pleurésie, la pleuropneumonie, les entérites, les affections rhumatismales aiguës du bœuf, du mouton, du porc.

On remarque aussi une certaine augmentation dans la fièvre inflammatoire ou angéioténique, la bronchite, la péritonite, et toutes les phlegmasies des autres organes.

Diminution du chiffre de la fibrine. — La diminution de la fibrine se manifeste dans les fièvres typhoïdes ou typhoses, la petite vérole des vaches ou variole, la rougeole ou fièvre miliaire chez les jeunes animaux, et l’anémie. Les maladies organiques du cœur peuvent aussi amener la diminution de la fibrine.


DU SÉRUM.


Parties ou matériaux solides du sérum. — La densité du sérum est de 0,5 à l’aréomètre de Beaumé. — On est frappé du résultat singulier que l’on obtient lorsque, dans plusieurs analyses successives du sang et faites dans des conditions identiques, on cherche les variations des matériaux solides du sérum, comme on l’a fait pour la fibrine, les globules, etc.

« Les résultats obtenus pour ces deux dernières parties sont comparables, soit dans les mêmes maladies, soit dans des séries données d’influences du même genre ; rien de semblable n’existe pour les matériaux solides du sérum. En effet, les poids divers de ces éléments ne conduisent à aucun résultat comparable. Dans les mêmes maladies, chez les individus placés dans les mêmes conditions, on trouve les chiffres les plus dissemblables, différant même, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, chez un même individu, et dans deux saignées différentes. Cette diversité apparente de composition est tellement palpable, que tous ou à peu près tous les expérimentateurs ont renoncé à tirer la moindre conclusion des résultats de l’analyse relatifs aux parties solides du sérum. » (Becquerel et Rhodier.)


DES GLOBULES.


Les globules du sang sont de deux sortes ; les uns extrêmement nombreux, réguliers et de dimensions constantes ; ce sont les globules rouges ; les autres très-rares, moins réguliers, de dimensions variables, sont les globules blancs, qui ne sont probablement autre chose qu’un certain nombre de globules du chyle. Nous ne nous occuperons ici que des premiers, c’est-à-dire des globules rouges, et nous dirons un mot de l’hématoïdine et de l’hématine.

Avant d’aller plus loin, il est utile de faire connaître le poids moyen des globules dans les principaux animaux domestiques ainsi que leur nombre chez quelques-uns.

Cette moyenne a été obtenue par les analyses faites par MM. les professeurs Andral et Gavarret, sur le sang des animaux en santé.

Poids comparatifs pour 1,000 parties de sang :

Bœuf 
 99. 7
Cheval 
 102. 9
Porc 
 105. 7
Mouton 
 98. 2
Chèvre 
 101. 4
Chien 
 148. 3
Chat 
 113. 3

D’après M. Malassez, le nombre des globules rouges chez les mammifères varierait entre 3,500,000 à 18,000,000 par millimètre cube, le dernier chiffre appartenant au sang de chèvre.

D’après les recherches de M. Pelouze et celles encore plus récentes de M. Boussingault, le sang contiendrait en moyenne 0 gr. 047 de fer exprimés à l’état métallique pour 100 grammes de sang chez le bœuf et 0 gr. 058 chez le porc.

Les globules conservent leur état physiologique dans un grand nombre de circonstances : ainsi dans les maladies aiguës légères, dans les affections nerveuses, dans les maladies chroniques de peu d’intensité, ou bien qui n’ont pas frappé les organes essentiels à la vie. Il en est encore ainsi dans beaucoup d’affections cérébrales.

Augmentation des globules. — L’augmentation des globules est un fait rare, mais leur diminution est beaucoup plus fréquente.

L’augmentation des globules rouges du sang a été constatée en médecine humaine dans trois circonstances particulières :

1o Dans certains cas de pléthore ;

2o Dans quelques cas d’ictère ;

3o Dans un certain nombre de cas de choléra épidémique.

Mais cette augmentation est si peu considérable qu’il nous semble, que si elle pouvait être saisie, elle ne le serait que très-difficilement par un procédé d’analyse facile et simple comme celui que nous avons donné plus haut.

Diminution des globules. — La diminution, au contraire, quand elle est observée, a lieu à des degrés très-variables. On rencontre cette diminution chez les animaux à constitution faible, à tempérament lymphatique, chez ceux qui sont nourris d’une manière insuffisante, qui séjournent dans des lieux humides ou marécageux, dans des écuries obscures. On la retrouve aussi à la suite de larges saignées ou d’hémorragies considérables ; ou bien encore à la suite d’un emploi répété de purgatifs sous l’influence d’une maladie de Bright qui passe à l’état chronique, après une maladie aiguë. Enfin signalons en terminant les flux diarrhéiques, prolongés, la cachexie, les maladies organiques du cœur, l’anhémie et l’hydrohémie du cheval et du chien.

Hématoïdine — Le sang épanché dans l’épaisseur des tissus d’un animal vivant, dépose, au bout de quelques jours, une substance cristalline rouge, qui fut signalée pour la première fois par Everard Home, et à laquelle Virchow a donné le nom d’hématoïdine. M. Charles Robin l’a étudiée avec soin, et il l’a considérée comme étant de l’hématosine dont le fer aurait été remplacé par de l’eau. Elle est formée d’aiguilles microscopiques appartenant au type clinorhombique, dures, cassantes et d’un rouge vif.

D’après l’analyse, on trouve que ces cristaux renferment :

Carbone 
 65.05.
Hydrogène 
 6.37.
Azote 
 10.51.

L’hématoïdine se dissout dans le chloroforme, qui prend une teinte jaune. Le sulfure de carbone la dissout en se colorant en rouge de feu. L’éther anhydre la dissout moins bien. L’acide acétique cristallisable la dissout à chaud avec une coloration jaune. L’ammoniaque la dissout rapidement avec une teinte amarante, si la liqueur est concentrée ; mais cette coloration fait place bientôt à une teinte d’un jaune safrané, puis brunâtre. Cette matière cristalline rouge se rencontre quelquefois dans les anciens foyers hémorrhagiques.

Hématine. — L’hématine est une matière colorante ferrugineuse que l’on retire du sang. Elle offre une coloration d’un noir bleuâtre à éclat métallique ; sa poudre possède une teinte brune. Sa composition serait :

C48H51Fe3Az6O ?

Elle est insoluble dans l’eau, l’alcool, l’éther et le chloroforme ; un peu soluble dans l’acide acétique cristallisable. Elle est facilement soluble dans l’ammoniaque aqueuse ou alcoolique.


EAU.


Il a été établi d’une manière générale, que la quantité d’eau contenue dans le sang est en raison inverse des parties solides qui entrent dans la constitution de ce liquide. Plus ces dernières sont en proportion considérable, plus l’eau diminue, et plus ces matières solides diminuent, plus l’eau augmente.

La diminution de l’eau dans le sang est rare ; mais en revanche son augmentation est très commune.

Nous allons procéder pour l’eau comme nous l’avons fait pour les globules, c’est-à-dire que nous allons donner la quantité d’eau moyenne contenue dans 1,000 grammes de sang chez les principaux animaux domestiques en santé.

Bœuf 
 810
gr. 3
Mouton 
 811
gr. 7
Cheval 
 810
5
Chèvre 
 804
0
Porc 
 809
6
Chien 
 774
1
Chat 
 810
1

Dans un grand nombre de maladies, la proportion de l’eau du sang varie beaucoup.

Augmentation de l’eau. — Elle se fait surtout remarquer dans les phlegmasies chroniques, les maladies vermineuses, la gale ancienne, les névroses. Dans les affections anhémiques du cheval, du chien et du porc, et surtout dans l’hydrohémie du bœuf et du mouton, on a constaté une augmentation de la quantité d’eau, et généralement dans toutes les altérations morbides dans lesquelles le chiffre des globules est très-abaissé.

Diminution de l’eau. — L’eau diminue, au contraire, dans toutes les maladies polyhémiques, les inflammations aiguës rapides, les pyrexies essentielles, qui se déclarent chez les sujets jeunes, vigoureux, soumis à une nourriture sèche et succulente, et enfin dans les affections nerveuses.


DE L’URINE


L’analyse de l’urine chez les animaux domestiques, pourrait, nous en sommes persuadés, selon la nature, la qualité et la quantité de la matière alimentaire verte ou sèche dont ils se nourrissent, conduire à des résultats d’un haut intérêt dans l’étude des maladies, et servir à élucider la formation des calculs urinaires, pour ne parler ici que de cette affection qui donne trop souvent lieu à des maladies graves chez les herbivores, et notamment chez le bœuf et le mouton. Les analyses comparées faites jusqu’à ce jour démontrent :

1o Que les matières organiques très-azotées, l’urée, l’acide urique, sont en grande proportion dans l’urine des carnivores ;

2o Que c’est surtout à l’acide urique qu’est due l’acidité de l’urine ;

3o Que cet acide est remplacé dans l’urine des herbivores par l’acide hippurique ou uro-benzoïque combiné à la soude et à la potasse, ce qui explique l’alcalinité de l’urine des herbivores ;

4o Enfin, que les urines des herbivores contiennent du carbonate calcaire, que l’on ne rencontre point dans l’urine des carnivores.

Le poids de l’eau existant dans l’urine de tous les animaux varie beaucoup dans l’état de santé. En général, on peut dire avec certitude que la quantité d’urine expulsée par les carnivores, les herbivores et les omnivores, est généralement la conséquence de l’augmentation ou de la diminution de l’eau. Après l’eau, l’urée, très-riche en azote, est la substance qui varie le plus dans ses proportions, du moins dans l’urine des carnivores, et cette variation est subordonnée à la nature de l’alimentation que reçoivent ces animaux. Le jeûne, l’exercice musculaire surtout, diminuent la quantité d’urée et d’acide urique de l’urine ; aussi chez les chiens sédentaires, nourris abondamment avec des matières animales, l’urine est-elle plus acide ou plus chargée d’acide urique que chez les chiens qui vivent en liberté et mangent moins de matières animales.

Dans les maladies, les variations peuvent être beaucoup plus considérables ; de plus, des produits divers peuvent se trouver dans l’urine, tels que du sang, du pus, de l’albumine, du sucre, etc. Ces modifications dans la nature de l’urine sont l’expression de divers états morbides, et leur constatation peut jeter un grand jour sur l’étude des maladies.

Nous ne donnerons ici que l’analyse qualitative parce qu’elle est la plus simple et la plus facile à appliquer à la clinique. Pour rendre l’opération plus facile, nous allons considérer l’urine claire et sans dépôt et celle qui donne lieu à un dépôt plus ou moins abondant.


Examen de la partie liquide.


Couleur. — La couleur normale de l’urine est le jaune-pâle ambré ; mais cette teinte peut varier, suivant le degré de concentration, jusqu’au brun-foncé. De plus, elle peut être modifiée par la présence du sang, de la bile, etc. Si la couleur brune est due à la concentration, l’acide chlorhydrique, ajouté à une portion d’urine chauffée préalablement, lui communique une teinte cramoisie.

Si l’urine contient de la bile, une goutte d’acide azotique, ajoutée au centre d’une couche mince d’urine étendue sur une assiette au fur et à mesure que les liquides se mélangent, on voit apparaître au pourtour des colorations vertes, bleues, jaunes, rouges ou violettes. Un autre procédé est dû à Pettenkofer. Il consiste à ajouter à l’urine les deux tiers de son volume d’acide sulfurique pur, en ayant soin que la température ne dépasse pas 50° (pour y arriver il suffit d’ajouter peu à peu l’acide sulfurique et de refroidir dans l’eau). On opère dans un tube bouché par un bout. Quand l’acide sulfurique est ajouté on verse quelques gouttes d’une dissolution de une partie de sucre de canne et quatre parties d’eau, puis on agite. Si l’urine contient de la bile il se forme une coloration violette. Dans le cas où l’urine contient de l’albumine, il convient d’abord de l’en débarrasser par la chaleur.

Si la coloration rouge ou brune est due à du sang, l’urine se trouble par la chaleur, par suite de la coagulation de l’albumine, et à l’aide du microscope on y peut découvrir les globules caractéristiques.

Densité. — Elle se détermine au moyen d’un petit aréomètre, connu sous le nom de pèse-urine. La détermination de la densité ne donne aucune notion absolue, mais des indications sur le caractère des maladies. Si elle est trop faible, elle indique une urine très-aqueuse qui provient d’un sang trop pauvre ou de l’ingestion outrée de boissons aqueuses ; cette faible densité coïncide quelquefois avec la présence de l’albumine. Une densité forte est due à un excès des principes nouveaux de l’urine ou à la présence du sucre ou encore à ce qu’elle a été recueillie après un repas abondant.

Réaction. — Chez les animaux domestiques, l’urine à l’état physiologique peut être, suivant l’espèce, acide ou alcaline. Chez les herbivores elle est alcaline, mais elle peut devenir acide sous l’influence d’un changement de nourriture ; ainsi, si l’on substitue à l’usage des végétaux celui de la viande, l’urine devient acide. De même si l’on fait jeûner un herbivore il doit se nourrir aux dépens de son économie, et par suite, son urine se rapproche de celle des carnivores.

Chez les carnivores l’urine ressemble à celle de l’homme et possède toujours une réaction acide. L’alcalinité chez ces animaux indique le plus souvent un état morbide ou une décomposition de ce liquide. On reconnaît l’état alcalin ou acide de l’urine au moyen du papier de tournesol, qui reste bleu ou devient rouge suivant qu’il subit la réaction alcaline ou acide.

Recherche de l’albumine. — On constate la présence de l’albumine par deux procédés qui amènent sa coagulation : par l’emploi de la chaleur et de l’acide azotique. L’emploi simultané de ces deux moyens est nécessaire pour éviter toute erreur.

Si l’urine ne se trouble pas par l’action de la chaleur, ni par celle de l’acide nitrique, elle ne contient pas d’albumine. Une urine non albumineuse peut se troubler par l’action de la chaleur ; le précipité peut être produit par des phosphates terreux ou par des carbonates provenant de la réduction de bicarbonates solubles. Ce précipité se distingue de l’albumine en ce qu’il disparaît par l’addition d’une goutte d’acide nitrique ; d’autre part l’acide azotique, ajouté à une urine non albumineuse très-concentrée, ou provenant d’un malade soumis à l’action de substances résineuses, peut donner lieu à un dépôt qui se distingue de l’albumine en ce qu’il ne se produit pas par l’action de la chaleur. Pour affirmer la présence de l’albumine dans l’urine, il faut donc qu’elle soit troublée par l’action de la chaleur et par celle de l’acide nitrique.

Recherche du sucre par la réduction des sels de cuivre. — Pour préparer la liqueur qui sert au dosage du sucre, et qui est due à Fehling ; on fait dissoudre 130 grammes de soude caustique dans 500 grammes d’eau distillée, et on y ajoute une solution de 160 grammes de tartrate de potasse neutre dans 100 grammes d’eau distillée ; ces deux solutions doivent être faites à l’aide d’une douce chaleur et mélangées chaudes. On verse peu à peu et en agitant une solution de 40 grammes de sulfate de cuivre cristallisé dans 160 grammes d’eau distillée. À chaque addition il se forme un précipité bleu qui disparaît promptement et la liqueur garde une belle couleur bleue. On complète le volume avec de l’eau distillée de façon à obtenir 1,155 centimètres cubes de liquide ; 10 centimètres cubes de cette liqueur sont réduits par 5 centigrammes de glucose ; ce qui est manifesté par la décoloration de la liqueur. Cette liqueur s’altère en vieillissant ; aussi est-il bon de la titrer de temps en temps ; on prend alors une solution de glucose parfaitement pure et on cherche si 10 c. c. de la liqueur sont réduits exactement par une portion de la solution de glucose en contenant exactement 0 gr. 05 centigrammes.

Dosage du sucre. — On commence par décolorer l’urine au moyen de quelques gouttes de sous-acétate de plomb très-concentré ; on filtre, puis on l’introduit dans une burette divisée en dixièmes de centimètres cubes.

On verse alors 10 c. c. de la liqueur de Fehling dans un ballon de verre ou même dans une capsule de porcelaine ; on y ajoute 40 c. c. d’eau distillée et on porte à l’ébullition. On verse l’urine goutte à goutte dans la liqueur bouillante, que l’on remue sans cesse au moyen d’un agitateur en verre, si l’on opère dans une capsule, ou que l’on agite à la main si l’on fait usage d’un ballon. On observe avec attention la coloration de la liqueur, et quand elle paraît avoir à peu près passé du bleu au jaune-rougeâtre, on laisse reposer le vase à l’abri du feu. La liqueur s’éclaircit ; si elle paraît encore verdâtre, on porte de nouveau à l’ébullition, et on ajoute de l’urine avec une grande lenteur jusqu’à ce que la décoloration ait lieu. Il est bon de vérifier cet essai par un ou deux autres ; supposons que 8 c. c. d’urine aient été nécessaires, il résulte de la composition de la liqueur que ces 8 c. c. renferment 0 gr. 05 de glucose et que 1 litre d’urine en contient 6 gr. 25.

Ce procédé ainsi employé est loin d’être exact. Tout ce que l’on peut conclure, c’est que, s’il n’y a pas réduction de l’oxyde de cuivre, l’urine ne renferme pas de sucre. Si l’on tient à avoir un résultat exact on mesure un volume connu d’urine, et on y verse une solution concentrée de sous-acétate de plomb tant qu’il se forme un précipité. On filtre, on lave le filtre, puis on note le volume du liquide obtenu : il est clair que ce volume représente le volume d’urine sur lequel on a opéré. C’est ce liquide que l’on place dans la burette, et que l’on traite par la liqueur cupro-potassique, comme nous le disions plus haut.

Une urine qui, portée à l’ébullition après addition d’un alcali, ne donne pas une teinte rougeâtre caramélique, ne contient pas de glycose.

Lorsque ce liquide contient de la glycose et qu’il est porté à l’ébullition après addition d’un des réactifs cuivriques indiqués plus haut, on obtient un précipité rouge d’oxydule de cuivre. Cette réaction se produit sous l’influence de l’alcali en excès que contiennent ces liqueurs ; car, en dehors de l’influence alcaline, la glycose ne réduit pas l’oxyde de cuivre, comme l’a démontré M. Mialhe.

On a donné, pour découvrir la présence du sucre dans l’urine, bien d’autres procédés que nous n’exposerons pas ici, parce qu’ils nous ont paru d’un emploi trop compliqué. La détermination quantitative du sucre contenu dans une urine est indispensable pour suivre d’une manière exacte l’influence du régime ou du traitement. Il en est de même de l’albumine ; lorsque la présence de ce principe aura été constatée, de véritables analyses quantitatives permettront de suivre pas à pas la marche de la maladie.


EXAMEN DU DÉPÔT URINAIRE.


Nous avons dit que l’urine donnait souvent lieu à un dépôt sédimenteux plus ou moins abondant dont il importe de connaître la nature.

Le dépôt peut être formé de matières salines, ou de matières organiques, ou du mélange de ces deux ordres de corps. Il peut être blanc ou coloré de jaune, fauve, rose ou rouge. Le principe peut être une matière appelée purpurine ou du sang. Le sang est surtout important à caractériser ; mais malheureusement on ne peut y arriver que par l’examen microscopique. Si le dépôt est soluble par l’action de la chaleur et par celle de la potasse, il est constitué par des urates.

S’il ne disparaît pas par la chaleur, s’il est soluble dans l’acide acétique et insoluble dans les alcalis, il est formé de phosphates terreux.

S’il est insoluble par la chaleur, par l’ammoniaque et par l’acide acétique, c’est de l’oxalate de chaux.

Le carbonate de chaux est insoluble dans l’ammoniaque, mais soluble dans l’acide acétique avec effervescence.

L’acide urique visiblement cristallisé, est insoluble dans l’acide acétique et l’ammoniaque, mais soluble dans la potasse ou la soude.

L’urine albumino-graisseuse se décèle en traitant cette urine par l’éther et décantant ensuite la couche éthérée qui vient à la surface après un moment de repos ; on obtient une urine transparente. L’éther abandonné à l’évaporation spontanée, donne pour résidu une matière grasse, solide, jaune, saponifiable par les alcalis.

L’urine rendue limpide par l’éther se trouble ensuite par l’action de la chaleur et par celle de l’acide nitrique ; elle contient donc de l’albumine, ce qui justifie le nom d’urine albumino-graisseuse.

Après avoir exposé les moyens chimiques qu’on emploie pour arriver à l’analyse rapide de l’urine dans les cas pathologiques, nous allons essayer, comme nous l’avons fait pour le sang, de réunir quelques-uns de ces cas en indiquant les changements qu’elle subit. D’une manière générale, dans les maladies, il y a toujours diminution ou augmentation. Il y a diminution de la quantité d’urine dans toutes les phlegmasies aiguës accompagnées d’une violente fièvre de réaction, les fièvres éruptives, les maladies nerveuses violentes, et notamment les affections vertigineuses. La petite quantité d’urine qui est alors expulsée est jaunâtre, odorante, épaisse, filante et laisse déposer une matière sédimenteuse abondante, composée de substances salino-terreuses et de nombreux débris d’épithélium vésical. C’est surtout dans la période d’état des maladies graves et à marche rapide, que la sécrétion urinaire est ainsi considérablement diminuée. Il y a augmentation, au contraire, dans toutes les affections chroniques accompagnées d’épanchements, soit dans les cavités closes des grandes séreuses, soit dans le tissu cellulaire, comme dans les hydropisies des cavités splanchniques, l’anasarque chronique ; de même aussi que dans l’hydrohémie et les maladies vermineuses du canal intestinal et des canaux biliaires, l’urine est sécrétée en abondance. Elle est claire, presque inodore, très-aqueuse et ne laisse déposer au fond du vase qu’un léger sédiment. Vers le déclin des maladies aiguës et pendant le cours de leur résolution, les urines, qui d’abord avaient été rares, se montrent abondantes et parfois chargées de beaucoup de mucosités.

Dans la fièvre typhoïde ou typhose l’urine est peu abondante, fortement colorée, dense, chargée d’acide urique, et quelquefois même on y trouve un peu de sang et un peu d’albumine.

Dans l’albuminerie ou maladie de Bright les urines sont très-foncées en couleur, très-acides et, contiennent cependant une plus grande quantité d’albumine et un peu de sang. L’urine, dans cette maladie, est alcaline et présente des sédiments de phosphates et de carbonates de chaux, et quelquefois on y trouve de l’acide carbonique.

Dans la pneumonie et la pleurésie l’urine est peu abondante, foncée en couleur, et dans le cas de pneumonie en particulier elle prend une teinte acajou des plus foncées. L’urine, dans ces deux maladies, est dense, souvent sédimenteuse, et contient un peu d’albumine.

Dans la jaunisse ou ictère, l’urine du chien et du porc offre une couleur jaune, verdâtre, ambrée et très-souvent orangée, comme nous avons eu souvent l’occasion de le constater. Cette coloration est due à une quantité plus ou moins grande de bile qui se mélange à l’urine.

Dans le cas d’hémorragie urinaire on trouve du sang dans l’urine, et ce sang peut venir des reins, des uretères, de la vessie et de l’urèthre.

Dans le diabète sucré les caractères de l’urine sont loin d’être toujours les mêmes. Ils varient selon que l’animal prend de la nourriture ou qu’il est à la diète. Cette affection est très-rare chez nos animaux domestiques ; cependant M. Saint-Cyr a eu l’occasion d’en constater plusieurs cas. Sur un petit chien atteint de cette maladie, il remarqua que les urines étaient abondantes ; l’animal en rendait un litre par vingt-quatre heures. Elles étaient claires, limpides, légèrement ambrées, collantes au doigt, d’une saveur sucrée, presqu’inodores. Lorsqu’on les laisse évaporer il se forme un dépôt blanc, pulvérulent. Ce même observateur a trouvé dans ces urines jusqu’à 83 gr. 46 cent. de glucose pour un litre d’urine.

Les urines diabétiques subissent la fermentation alcoolique. La transparence de ces urines peut être troublée : 1o par du mucus ; 2o par des sédiments d’acide urique ; ce dernier cas se voit plus rarement. Lorsqu’on trouve une urine pâle et dense, on peut presque assurer qu’elle contient du sucre. Le sucre de l’urine est de même nature que le sucre de fécule. On trouve quelquefois une petite quantité d’albumine ; la présence de ce principe coïncide avec la diminution. Ou constate aussi la présence de l’acide urique. Les urines diabétiques sont presque toujours acides ; elles le doivent à l’acide lactique libre.

Dans la phthisie, l’urine diminue de quantité et est plus dense et plus foncée.

Dans la néphrite, l’urine contient une certaine quantité de sang ou d’albumine ; elle est peu acide, neutre ou alcaline quelquefois ; elle peut contenir du pus.

Dans les inflammations du bassinet et des uretères l’urine est mélangée au pus ; elle conserve son acidité, mais le plus souvent sa présence hâte la décomposition de l’urée en sous-carbonate d’ammoniaque et rend l’urine alcaline.

Dans la néphrite calculeuse au début, l’urine est d’un rouge foncé ; plus tard elle est moins rouge et contient du mucus et du sang. Ces deux matières sont souvent mélangées avec l’acide urique et les sels. Elle peut contenir des graviers ; on y aperçoit alors des cristaux rhomboïdaux rougeâtres d’acide urique et l’urine est très-acide. Elle est au contraire alcaline si les calculs sont phosphatiques.

Dans la cystite, l’urine est pâle, d’une odeur vineuse et ammoniacale et par conséquent alcaline. Sa transparence est troublée par une couche de mucus. Elle est plus visqueuse ; cela est dû à la réaction du sous-carbonate d’ammoniaque sur le mucus ou sur le pus. Il en résulte une espèce de savon qui donne à l’urine ce nouveau caractère. Sa transparence est encore troublée par les précipités qui constituent les sédiments des urines alcalines, c’est-à-dire : phosphate de chaux, sous-carbonate de chaux et de magnésie, phosphate ammoniaco-magnésien. Dans cette maladie l’urée se trouve notablement diminuée.

Dans la rétention d’urine, l’alcalinité, la présence d’une certaine quantité de mucus et de pus sont des caractères distinctifs.

Enfin, dans la néphrite chronique, le cancer des reins, l’ulcération du bassinet rénal, l’existence d’échinocoques dans la texture rénale, l’urine prend une teinte rouge, due à la présence de caillots sanguins, et de plus elle est chargée de mucosités purulentes.


DU LAIT


La composition chimique du lait n’est guère bien connue que depuis le XIXe siècle. Les auteurs anciens ne connaissaient bien le lait que par ses caractères physiques. Ainsi ils n’en étudiaient que la couleur, la saveur, l’odeur, la viscosité et la quantité. Parmi les modernes, plusieurs s’en sont occupés d’une manière spéciale ; ce sont : Parmentier et Deyeux, en 1800 ; puis Quevenne, Lhéritier, Boussingault, Simon, etc., etc… Ils ont publié le résultat de leurs travaux, mais ils n’ont pas fait connaître les détails des procédés à suivre pour arriver à analyser le lait d’une manière complète.

Le lait se présente, en général, sous la forme d’un liquide opaque blanc, blanc-bleuâtre, jaunâtre et quelquefois doué d’une teinte verdâtre, d’une consistance un peu crémeuse, de saveur douceâtre et légèrement saline ; d’odeur fade, rappelant faiblement celle de l’animal. Le lait doit son opalescence, non-seulement aux globules de beurre émulsionnés qu’il tient en suspension ; mais aussi à une partie de la caséine qui y existe à l’état insoluble, comme l’ont montré MM. Milhon et Commorille.

Soumis à l’action de la chaleur, le lait entre en ébullition, en produisant à sa surface une pellicule de matière azotée, formée par de la caséine à l’état insoluble ; elle contient, en effet, suivant Staedeler 15,8 % d’azote. Cette pellicule se renouvelle quand on l’enlève.

La densité du lait est variable comme sa composition.

Poids de 1 litre de lait à la température de 15° d’après MM. Filhol et Joly.
Vache 
 1032
Chèvre 
 1030
Brebis 
 1037
Ânesse 
 1029
Jument 
 1028 à 1032
Truie 
 1044
Chienne 
 1040

Nous ferons remarquer que le lait écrémé a plus de densité après l’enlèvement de la partie butyreuse, qu’il n’en avait lorsqu’il possédait cette dernière.

Le lait peut prendre une teinte bleue sans perdre de son goût, ni aucune de ses qualités. Cette teinte bleue serait due d’après Bremer, Filhol et Joly, à l’influence de la nourriture ; aussi le sainfoin, l’anchusa officinalis, l’equisetum arvense, communiquent au lait cette couleur qui ne se développerait nullement sous l’influence de l’air. La garance peut aussi lui communiquer une teinte rouge.

La réaction du lait est le plus souvent alcaline ; il la doit principalement aux phosphates et à quelques carbonates alcalins. Le lait des vaches privées d’exercice est quelquefois légèrement acide. Il prend toujours cette réaction quelques heures après la traite. Abandonné à 15° ou à 20° le lait devient fortement acide et se coagule. Ces deux effets sont dus à la formation d’acide lactique aux dépens du sucre de lait sous l’influence de la caséine. Aucun lait normal, sauf celui de la truie et quelquefois celui de la chienne, ne se coagule à l’état frais par l’action de la chaleur.

Le lait de truie se prend en une masse blanche élastique, semblable à du blanc d’œuf, et ne contient pas de caséine. Certaines substances ont la propriété de coaguler le lait ; les plus remarquables sont les fleurs d’artichaut et de chardon, la présure et les membranes du testicule de jeune veau nourri avec du lait seulement.

Dans ces dernières années, MM. Vernois et Becquerel ont indiqué un procédé qui, tout en reposant sur des moyens d’une extrême simplicité, permet d’apprécier d’une manière exacte les quantités respectives des divers éléments qui composent le lait, et de parvenir à ce résultat au moyen d’une très-petite quantité de ce liquide.

On prend 60 grammes du lait à analyser, que l’on partage en deux parties de 30 grammes chacune environ.

Première partie. — On fait dessécher les 30 premiers grammes dans une étuve sèche, à une température qui ne dépasse pas 60 ou 80 degrés centigrades et qu’on maintient sans interruption jusqu’à ce que la dessiccation soit opérée complètement. On s’assure qu’il en est ainsi quand le résidu solide ne perd plus sensiblement de son poids. On le laisse même encore pendant quelques heures. Une fois desséché, on pèse ce résidu, et la différence qui existe entre son poids et celui de la quantité de lait mise primitivement à dessécher donne : 1o la quantité d’eau, et 2o la quantité des parties solides renfermées dans 30 grammes de lait. Le tout est rapporté à 1000. Le résidu solide est recueilli et traité par l’éther. On fait ce traitement à plusieurs reprises et l’on ne s’arrête que lorsque l’éther qui passe à travers le filtre ne contient sensiblement plus de graisse, ce qu’on reconnaît à ce qu’il ne laisse rien après évaporation. Cette opération fournit le poids du beurre ; en évaporant la solution éthérée on obtient les matières butyreuses.

Traitement de la deuxième portion. — Ces 30 grammes de lait sont coagulés par la présure ou par l’acide acétique et la chaleur. On filtre, la caséine est retenue, on la dessèche, et le liquide clair qui constitue le sérum du lait renferme : 1o le sucre du lait ; 2o les matières extractives ; 3o les sels solubles.

Pour connaître la quantité de sucre, MM. Becquerel et Vernois soumettent le sérum au saccharimètre. Mais il est plus commode de traiter une partie du sérum par l’alcool, filtrer, évaporer et doser le sucre par la méthode de Barreswil.

Dans ces deux séries d’opérations nous avons successivement obtenu le poids : 1o de l’eau ; 2o des parties solides constituées principalement par la caséine ; 3o de beurre ; 4o du sucre de lait ; 5o des sels par incinération.

Le lait des diverses espèces de femelles domestiques présente des caractères chimiques et physiques différents, suivant la race plus ou moins laitière à laquelle la femelle appartient. Ces caractères peuvent être modifiés par la quantité, la nature et la qualité des matières données pour l’alimentation, par le temps qui s’est écoulé depuis l’époque de la parturition, par une traite plus ou moins complète et enfin par un exercice plus ou moins prolongé. Nous ne nous occuperons ici que des caractères chimiques, et, pour que cela soit plus facile, nous allons donner dans un tableau les caractères chimiques différentiels du lait à l’état physiologique chez les principales femelles domestiques.

Eau Caséine Beurre Sucre Parties fixes Cendres.
Vache 
86 5 3 6 4 05 5 5 13 5 0 30 à 0 90
Jument 
89 0 2 7 2 30 5 5 11 0 0 5
Ânesse 
90 7 1 7 1 55 5 8 9 3 0 5
Chèvre 
87 6 3 7 4 20 4 0 12 4 0 56
Brebis 
82 0 6 1 5 33 4 2 18 0 0 7
Truie 
79 5 » 3 95 1 5 20 5 1 1
Chienne 
73 7 11 7 9 72 3 0 26 3 1 2 à 1 5

Colostrum. — Il est, je crois, utile de dire quelques mots du colostrum, dit mouille, chez la vache. C’est un liquide lactescent sécrété par les glandes mammaires, qui est destiné à l’alimentation du jeune petit. Cet état colostral du lait ne disparaît que trois semaines après le part chez la vache. Pour pouvoir établir la différence qui existe entre le lait normal et le lait colostral, nous allons donner les quantités de beurre, de sucre, ainsi que la densité de ce dernier chez la vache et la chèvre, d’après MM. Filhol et Joly.

Densité Beurre Sucre.
Vache 
1 036 2 3 3 79 Le colostrum contient aussi un peu d’albumine.
Chèvre 
2 2 4 8

Après avoir donné un tableau type des caractères chimiques du lait dans l’état physiologique, nous allons passer en revue quelques maladies dans lesquelles le lait subit certaines modifications.

Dans quelques maladies chroniques, la densité du lait se trouve diminuée, ce qui est surtout dû à l’élévation du beurre, qui a pu même quelquefois augmenter du double. La quantité d’eau est diminuée, et cependant elle l’est moins que dans les maladies aiguës ; mais aussi par contre le poids des parties solides a augmenté dans les mêmes proportions ; c’est un fait nouveau et entièrement opposé à l’opinion de la plupart des médecins, qui inclinaient au contraire à penser que le lait des nourrices malades devait être appauvri, c’est-à-dire qu’il contenait une quantité d’eau plus grande que dans l’état normal.

Dans la fièvre, la caséine et le beurre augmentent, de même que dans les maladies aiguës, et le sucre diminue. Dans les maladies chroniques la caséine demeure toujours au-dessus de la moyenne physiologique. L’augmentation se fixe principalement dans ces maladies sur le beurre ; le sucre ne subit pas d’accroissement et les sels gagnent quelque chose. Dans la pleurésie chronique, la composition du lait s’éloigne très-peu de l’état normal. Le poids de l’eau et celui des parties solides a un peu varié.

Dans l’entérite chronique, l’eau descend à un chiffre très-inférieur, et les parties solides augmentent ; cette augmentation porte surtout sur le beurre et sur le sucre. La caséine est normale et les sels se trouvent diminués de moitié.

Dans les cas de métro-vaginite chronique, l’eau se trouve fortement diminuée, le beurre très-augmenté, et la caséine est diminuée.

Dans le cas de diarrhée, le sucre, la caséine et les sels sont, à très-peu de chose près, dans leurs rapports naturels. Mais le beurre subit une dépréciation très-marquée et, de plus, le chiffre des parties solides est au moins diminué de 1/4 de ce qu’il était à l’état physiologique.

Dans la fièvre aphtheuse ou cocotte, le lait diminue pendant la période aiguë. M. Hulin proscrit l’usage du lait non bouilli et celui du beurre d’origine suspecte.

Dans certaines affections des glandes mammaires on rencontre dans le lait des corpuscules de mucus, divers infusoires, de la fibrine, des débris d’épithélium. L’albumine s’y rencontre aussi lorsque les mêmes glandes sont le siège d’une inflammation.

Dans le typhus, la sécrétion lactée est diminuée et finit par se tarir tout-à-fait.

Dans la variole ou vaccine des bêtes bovines, on constate une diminution quantitative et une altération qualitative de la sécrétion laiteuse. Le lait devient séreux et se caille plus facilement.

Dans la fièvre charbonneuse des bêtes bovines, la sécrétion laiteuse diminue considérablement, ou même se tarit complètement. Le lait prend une coloration d’un blanc-bleuâtre sale, une consistance visqueuse et un goût fade, et il entre rapidement en putréfaction.

Dans la pleuro-pneumonie contagieuse des bêtes bovines, la sécrétion laiteuse est complètement tarie.


A. C.