Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile/Chapitre IV

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CHAPITRE IV.

Suite du calcul des probabilités qui dépendent de très grands nombres.

(94). Nous allons maintenant nous occuper des formules relatives aux chances variables ; ce qui nous conduira à démontrer les trois propositions générales énoncées dans les nos 52 et 53, et dont nous avons conclu la loi des grands nombres.

Considérons une série de ou épreuves successives, pendant laquelle les chances des deux événements contraires E et F varient d’une manière quelconque. Désignons ces chances par et à la première épreuve, par et à la seconde, par et à la dernière ; de sorte qu’on ait

,,… .

Appelons la probabilité que E et F arriveront suivant un ordre quelconque, fois et fois. D’après la règle du no 20, sera le coefficient de dans le développement du produit

.

Or, si l’on fait

,,

le terme de ce produit deviendra , et tous les autres termes renfermeront des exponentielles différentes de  ; d’où l’on conclut qu’en désignant ce produit par , en le multipliant, ainsi que son développement, par, et intégrant ensuite depuis jusqu’à , tous ces autres termes disparaîtront, et l’on aura simplement

 ;

ce qui résulte de ce que si et exprimant deux nombres entiers, positifs, négatifs ou zéro, dont le premier sera , on aura

,

quand et différeront l’un de l’autre, et, en particulier,

,

dans le cas de .

Nous aurons, en même temps,

 ;

et si nous faisons

,

il y aura un angle réel , tel que l’on ait

, ;

d’où il résultera

.

Le signe sera ambigu ; pour fixer les idées, nous regarderons cette quantité comme positive. En faisant, pour abréger,

,
,

le produit désigné par deviendra

 ;

et nous aurons, en conséquence,

.

Pour des valeurs de égales et de signes contraires, les valeurs de le seront aussi, et celles de seront égales ; par conséquent, la seconde intégrale définie s’évanouira, comme étant composée d’éléments deux à deux égaux et de signes contraires ; et cela devait être, en effet, puisque est une quantité réelle. Pour des angles suppléments l’un de l’autre, les angles le seront également, d’après les expressions de et  ; la somme des deux valeurs de qui leur correspondront, sera donc ou , et conséquemment le cosinus de ne changera pas : il en sera de même à l’égard des valeurs de  ; en sorte que les éléments de la première intégrale définie, correspondants à et , seront égaux, aussi bien que ceux qui répondent à et . En supprimant donc la deuxième intégrale, réduisant les limites de la première à zéro et , et quadruplant le résultat, nous aurons simplement

. (1)

L’intégration indiquée s’effectuera toujours sous forme finie, par les règles ordinaires. Mais quand ne sera pas un grand nombre, cette formule ne pourra être d’aucune utilité pour calculer la valeur de  ; quand, au contraire, ce nombre sera très grand, on déduira de cette formule, comme on va le voir, une valeur de aussi approchée qu’on voudra.

(95). Chacun des facteurs de se réduit à l’unité pour , et est moindre que l’unité pour toute autre valeur de , comprise dans les limites de l’intégration ; il s’ensuit que quand sera un très grand nombre, ce produit sera généralement une très petite quantité, pour toutes les valeurs de qui ne seront pas très petites, et que s’évanouirait, pour toutes les valeurs finies de , si devenait infini. Il n’y aurait d’exception que si les facteurs de convergeaient indéfiniment vers l’unité ; car on sait que le produit d’un nombre infini de semblables facteurs, peut avoir pour valeur une quantité de grandeur finie. À cause de

,

cette circonstance supposerait que l’une des chances des deux événements E et F, ou leur produit , décrût indéfiniment pendant la série des épreuves. En excluant ce cas particulier, on pourra donc, dans le cas où est un très grand nombre, considérer la variable comme une très petite quantité, et négliger la partie de l’intégrale précédente, qui répond aux autres valeurs de .

En développant alors suivant les puissances de , on aura, en série très convergente,

,

et, par conséquent,

 ;

d’où l’on conclut

,

en faisant, pour abréger,

,,etc.,

et étendant la somme depuis jusqu’à . Si l’on fait aussi

,

que l’on considère la nouvelle variable comme une quantité très petite par rapport à , et qu’on néglige les quantités de l’ordre de petitesse de , il en résultera

.

D’après les valeurs de et de , on aura de même

Je désignerai par et les chances moyennes de E et F pendant toute la série des épreuves, de sorte qu’on ait

,, ;

la somme s’étendant toujours depuis jusqu’à . Je ferai aussi, pour abréger,

.

En conservant seulement les quantités de l’ordre de petitesse de , on en déduira d’abord

,

et ensuite

,

où l’on fait, pour abréger,

.

Je substitue ces valeurs de et dans la formule (1), et j’y mets au lieu de  ; il vient

.

Le cas où les valeurs de et décroîtraient indéfiniment ayant été exclu, ne peut être une très petite quantité ; pour des valeurs de comparables à , l’exponentielle sera donc insensible ; et quoiqu’on ne doive donner à cette variable que des valeurs très petites par rapport à , on pourra maintenant, sans altérer sensiblement l’intégrale, l’étendre au-delà de cette limite, et la prendre, si l’on veut, depuis jusqu’à . D’après une formule connue, on aura alors

 ;

en différentiant successivement par rapport à et à , on en déduit

 ;

et au moyen de ces valeurs, celle de devient

.

À raison de l’exponentielle , cette probabilité sera insensible dès que ne sera pas de l’ordre de la fraction  ; mais à cause de et , cette quantité ne peut être de cet ordre de petitesse, à moins que cela n’ait lieu séparément pour et , qui sont d’ailleurs des quantités égales et de signes contraires ; si donc on fait

,,,

la probabilité n’aura de valeurs sensibles que pour des valeurs de , positives, négatives ou zéro, mais très petites par rapport à , et il en résultera finalement

, (2)

pour la probabilité que les nombres et auront pour valeurs

,,

c’est-à-dire, des valeurs qui s’écarteront très peu d’être proportionnelles aux chances moyennes et et au nombre des épreuves.

(96). Pour que et soient des nombres entiers, il faudra que soit un multiple de ou zéro. En faisant dans la formule (2), on aura pour la probabilité que et seront précisément entre eux comme et . En désignant par une quantité positive, multiple de  ; faisant successivement dans cette formule et  ; et ajoutant les deux résultats, leur somme exprimera la probabilité que sera l’un des deux nombres , et l’un des deux nombres . Soit

 ;

désignons par un multiple donné de  ; faisons successivement, dans la somme précédente, jusqu’à  ; représentons par la somme des résultats, augmentée de la valeur de qui répond à  ; nous aurons

,

pour la probabilité que les nombres et seront compris entre les limites

,,

ou égaux à l’une d’elles.

La somme se rapportera aux valeurs de comprises depuis jusqu’à , et croissantes par des différences égales à  ; mais ou pourra la remplacer par la différence des sommes de , prises depuis jusqu’à , et depuis jusqu’à . Au moyen de la formule d’Euler, déjà employée dans le no 91, cette dernière somme, multipliée par , aura pour valeur,

,

au degré d’approximation où nous devons nous arrêter, c’est-à-dire en négligeant le carré de . Si l’on y fait , on aura aussi

,

pour la somme étendue depuis jusqu’à et multipliée par . Par conséquent, si l’on retranche de cette dernière quantité la précédente, et qu’on divise par , on aura

,

pour la somme comprise dans l’expression de  ; et en ayant égard à la valeur de , cette expression deviendra

. (3)

Lorsque les chances et sont constantes et conséquemment égales aux moyennes et , on a  ; ce qui fait coïncider cette formule (3), et les limites précédentes de et , avec la formule (17) du no 79, et les limites auxquelles elle répond. Cette coïncidence de deux résultats obtenus par des méthodes aussi différentes, pourrait servir, au besoin, de confirmation à nos calculs.

En prenant pour un nombre peu considérable, tel que trois ou quatre, on rendra la valeur de très peu différente de l’unité. Il est donc à peu près certain que dans un très grand nombre d’épreuves, les rapports et s’écarteront très peu des chances moyennes et , dont ils approcheront de plus en plus, à mesure que augmentera encore davantage, et avec lesquelles ils coïncideraient rigoureusement si pouvait être infini ; ce qui est déjà la première des deux propositions générales du no 52.

(97). Soit maintenant A une chose quelconque, susceptible de plusieurs valeurs positives ou négatives, et que nous supposerons des multiples d’une quantité donnée . Ces valeurs seront comprises depuis jusqu’à inclusivement, de sorte que soit leur nombre ; et désignant des nombres entiers ou zéro, dont le second surpassera le premier, abstraction faite du signe : on aurait , si A n’était susceptible que d’une seule valeur. Non-seulement à chaque épreuve que l’on fera pour déterminer A, toutes les valeurs possibles seront inégalement probables, mais on supposera, pour plus de généralité, que la chance d’une même valeur varie d’une épreuve à une autre. Si n’est un nombre quelconque, compris entre et , ou égal à l’une de ces limites, on désignera donc la chance de la valeur de A, par à la première épreuve, par à la seconde épreuve, etc. Cela posé, étant la somme des valeurs de A qui auront lieu dans un nombre d’épreuves successives, il s’agira de déterminer la probabilité que cette somme sera comprise entre des limites données.

Appelons d’abord la probabilité qu’on aura précisément , en désignant par un nombre donné. Si l’on forme le produit

,

dans lequel est une quantité indéterminée, et les sommes s’étendent à toutes les valeurs de , depuis jusqu’à  ; et si l’on développe ce produit suivant les puissances de , il est aisé de voir que sera le coefficient de dans ce développement. Cela est évident, dans le cas de . Quand , si l’on représente par et deux exposants de pris, l’un dans la première et l’autre dans la seconde somme , il est évident que la valeur de A pourra arriver d’autant de manières différentes que l’équation aura de solutions distinctes, en prenant pour et des nombres compris depuis jusqu’à  ; la probabilité de chacune de ces manières sera le produit des valeurs de et , qui répondent à chaque couple de nombres et  ; par conséquent, la probabilité totale de aura pour expression le coefficient de dans le produit des deux premières sommes . Ce raisonnement s’étendra sans difficulté aux cas de , etc. Lorsque toutes les quantités , , , etc., sont égales, leur produit se change dans la puissance de l’un des polynômes qui répondent aux sommes , et ce cas a été considéré dans le no 17.

Cela étant, par une considération semblable à celle qu’on a employée plus haut, si nous faisons

,

et si nous désignons par ce que deviendra le produit des sommes , nous aurons

.

Soient actuellement et deux nombres donnés, et la probabilité que la somme sera comprise entre et , ou égale à l’une de ces limites ; la valeur de se déduira de celle de en y faisant successivement  ; et la somme des valeurs correspondantes de ayant pour expression

,

il en résultera

.

Pour simplifier cette formule, je supposerai que soit un infiniment petit ; je prendrai, en même temps, pour et des nombres infinis ; et je ferai

, , ,  ;

et étant des constantes données, dont la seconde sera positive, afin qu’on ait , comme le suppose l’expression de . Les limites de l’intégrale relative à la nouvelle variable seront . On aura  ; et en négligeant par rapport à et à , cette valeur de deviendra

. (4)

Les valeurs possibles de A croissant actuellement par degrés infiniment petits, il faudra supposer leur nombre infini, et la probabilité de chacune d’elles infiniment petite ; en désignant par et des constantes données, et par une variable continue, on fera donc

,, ;

on aura, en même temps,

 ;

et l’on fera aussi

,,, etc.

Chacune des sommes contenues dans se changera en une intégrale définie, dont et seront les limites ; et en prenant pour la différentielle de , on en conclura

, (5)

pour le produit de facteurs qu’on devra substituer dans la formule (4) à la place de .

(98). Cette formule exprimera la probabilité que dans le nombre d’épreuves, la somme des valeurs de A se trouvera comprise entre les quantités données et . À la ième épreuve, la chance infiniment petite d’une valeur de A est  ; c. toutes les valeurs possibles de A étant, par hypothèse, comprises entre et , et l’une d’elles devant avoir lieu certainement à chaque épreuve, il faudra qu’on ait

 ;

la fonction pourra d’ailleurs être continue ou discontinue, pourvu qu’entre ces limites et , elle soit une quantité positive.

Si la chance de chaque valeur de ne change pas pendant les épreuves, la fonction sera indépendante de  ; et en la représentant par on aura

,.

Si, de plus les valeurs de A sont également probables, sera une constante qui devra être , pour satisfaire à la dernière équation. En faisant

,,

on aura donc

, ;

au moyen de quoi la formule (4) deviendra

ou simplement

(6)

parce que la seconde intégrale s’évanouit comme étant composée d’éléments qui sont deux à deux égaux et de signes contraires, et que ceux de la première sont deux à deux égaux et de mêmes signes.

L’exposant étant un nombre entier et positif, je vais faire voir que cette valeur de s’obtiendra toujours sous forme finie, en réduisant la puissance de , en sinus ou cosinus des multiples de , au moyen des formules connues, savoir :

(7)

qui sont composées chacune d’un nombre fini de termes, et dont la première a lieu quand le nombre est pair, et la seconde lorsqu’il est impair.

(99). Pour cela, j’observe que l’on a, comme on sait,

,

en prenant le signe supérieur ou le signe inférieur, selon que la constante sera positive ou négative. Soient et , deux autres quantités positives ; mettons et à la place de et , ce qui ne changera rien aux limites de l’intégrale ; nous aurons

 ;

et en multipliant par , et intégrant ensuite depuis jusqu’à

, il en résultera

. (8)

Cette équation subsistera évidemment pour , quoique celle dont elle est déduite n’ait pas lieu dans ce cas particulier. Son premier membre est la différence des deux intégrales et , dont chacune a une valeur infinie. Pour cette raison, il n’est pas permis de les considérer isolément, et de changer la variable dans l’une, sans la changer dans l’autre. Ainsi, en mettant et à la place de et dans la première, elle deviendrait  ; et en divisant les deux membres de l’équation précédente par , on aurait

 ;

ce qui serait absurde. La même remarque s’applique à toute intégrale, comme le premier membre de l’équation (8), qui a une valeur finie, résultante de la différence de deux intégrales infinies.

Je multiplie cette équation (8) par  ; puis j’intègre ses deux membres, en assujétissant leurs intégrales à s’évanouir quand  ; ce qui donne

.

En intégrant une seconde fois de la même manière, il vient

 ;

une troisième et une quatrième intégration donneront de même

et en continuant ainsi, on parviendrait à des équations de cette forme

la première répondant au cas où est un nombre pair, et la seconde au cas où est impair. Les quantités et sont des constantes déterminées, qui dépendent de et , et dont les expressions, faciles à former, nous seront inutiles à connaître.

Je mets successivement, dans chacune de ces équations, et au lieu de  ; et par la soustraction des résultats, j’en déduis

et étant des constantes différentes de et . Je mets encore successivement et à la place de  ; et par l’addition des résultats dans la première équation, et la soustraction dans la seconde, il vient

et désignant aussi des constantes différentes de et . En donnant à les valeurs successives 0, 1, 2, 3, etc. ; faisant, pour abréger,

et désignant par et ce que deviennent et , quand on y change en , on déduit des équations précédentes

et étant encore des constantes différentes de et . On a fait, dans ces dernières équations,

et l’on a désigné par , ce que devient quand on y change le signe de , et par et , ce que deviennent et par le changement du signe de . Or, en renversant l’ordre des termes de et , qui sont en nombre fini, il est facile de voir que l’on a et quand est pair, et quand est impair ; au moyen de quoi les équations précédentes deviennent plus simplement

(9)

Dans chacune des deux quantités et que ces équations renferment, on devra, d’après l’origine des doubles signes de leurs différents termes, prendre le signe supérieur ou le signe inférieur d’un terme quelconque, selon que la quantité qui s’y trouve élevée à la puissance sera positive ou négative.

Maintenant, en vertu des équations (7), on a

Les intégrales contenues dans les seconds membres de ces équations sont des quantités finies ; les intégrales et , et par suite, celles qui s’en déduisent en y mettant et au lieu de et , ont donc aussi des valeurs finies ; par conséquent, la remarque relative à l’équation (8) ne s’applique plus aux équations (9). Or, en mettant et à la place de et , dans les intégrales qui répondent à et , nous aurons

, ;

au moyen de quoi et des formules précédentes, les équations (9) se changent en celles-ci :

Mais l’intégrale étant infinie, ces dernières équations ne pourraient pas subsister, si les constantes et n’étaient pas nulles ; il faut donc qu’on ait identiquement et  ; ce qu’on pourrait d’ailleurs vérifier, si cela était nécessaire. Cela étant, les deux dernières équations se réduiront à une seule, savoir :

,

qui aura lieu pour les deux cas de pair et de impair ; et si l’on y fait

,

et qu’on ait égard à la formule (6), on en conclura finalement

, (10)

pour l’équation qui fera connaître la valeur de sous forme finie, et qu’il s’agissait d’obtenir.

(100). Dans le cas de , ou d’une seule observation, est la probabilité que la valeur de A qui doit, par hypothèse, être comprise entre les limites données et , ou et , le sera, d’après l’observation, entre les limites aussi données et . Si ces dernières limites renferment les premières, on devra donc avoir  ; si, au contraire, ce sont les dernières limites qui sont renfermées dans les premières, devra être le rapport de l’intervalle des dernières à l’intervalle des premières ; si les dernières limites tombent toutes deux en dehors de l’intervalle des premières, il faudra qu’on ait  ; si tombe dans l’intervalle de et , et en dehors, devra être le rapport de l’excès de sur à l’intervalle  ; et enfin, si c’est qui tombe dans l’intervalle de et , et en dehors, il faudra que soit le rapport de l’excès de sur à l’intervalle . Ces cinq valeurs différentes de , savoir :

,,,,,

se déduisent effectivement de l’équation (10), qui donne

,

pour . On aura, en même temps, , et par suite

Dans le premier des cinq cas qu’on vient d’énoncer, on aura et  ; les quantités comprises entre les parenthèses seront positives dans et négatives dans  ; il faudra, en conséquence, prendre les signes supérieurs dans et les signes inférieurs dans  ; et il en résultera

,,.

Dans le second cas, on aura et  ; on devra prendre les signes supérieurs des premiers termes de et , et les signes inférieurs de leurs seconds termes ; de sorte que l’on aura

,,.

Dans le troisième cas, nous aurons  ; on devra prendre les signes supérieurs dans et dans  ; ce qui donnera

,,.

On pourra aussi avoir, dans ce troisième cas,  ; ce qui exigera qu’on prenne les signes inférieurs ; les valeurs de et changeront donc de signe, et l’on aura encore . Dans le quatrième cas nous aurons , ,  ; il faudra prendre les signes inférieurs des deux termes de , le signe supérieur du premier terme de , et le signe inférieur de son second terme ; d’où il résultera

,,.

Enfin, dans le cinquième cas, on aura , , . On prendra, en conséquence, les signes supérieurs des deux termes de , le signe supérieur du premier terme de , et le signe inférieur de son second terme ; ce qui donnera

,,.

La vérification de la valeur de relative au cas d’une seule observation, peut aussi se faire sur cette valeur générale, donnée par la formule (4). Dans ce cas, si l’on regarde comme une fonction discontinue, qui soit nulle pour toutes les valeurs de non comprises entre les limites données et  ; la probabilité que la valeur de A devra tomber entre les limites , sera évidemment

.

Or, pour , on a, d’après les formules (5) et (4),

,
 ;

et en intervertissant l’ordre des intégrations relatives à et , et faisant disparaître les imaginaires, cette expression de pourra s’écrire ainsi

.

Mais on a, comme plus haut,

,

selon que la constante est positive ou négative ; la différence des deux intégrales relatives à sera donc nulle ou égale à , selon que les deux quantités et seront de mêmes signes ou de signes contraires ; par conséquent, l’intégrale relative à se réduira à zéro pour toute valeur de qui sera, ou plus grande que , ou plus petite que  ; elle ne devra donc s’étendre qu’aux valeurs de comprises à la fois entre et , et entre et  ; et puisque nous regardons comme nulle pour toutes les valeurs de qui tombent hors des limites et , la valeur de P se réduira à l’intégrale , prise depuis jusqu’à  ; ce qu’il s’agissait de vérifier.

(101). Lorsque sera un très grand nombre, on pourra, par des transformations semblables à celles du no 95, changer la formule (4) en une autre qui fera connaître la valeur approchée de .

Observons d’abord que la formule (5) peut s’écrire ainsi

.

Faisons ensuite

 ;

il y aura un angle réel , tel que l’on ait

, ;

et si l’on fait aussi, pour abréger,

la valeur précédente de deviendra

.

En la substituant dans la formule (4), on aura donc

 ;

et comme les éléments de la seconde intégrale sont deux à deux égaux et de signes contraires, et ceux de la première, deux à deux égaux et de mêmes signes, cette valeur de se réduira à

. (11)

Pour , on a  ; et pour toute autre valeur de , celle de est moindre que l’unité. En effet, l’expression de peut évidemment se changer en celle-ci :

laquelle est équivalente à

 ;

quantité moindre que , ou que , pour toute valeur de différente de l’unité ; et, par conséquent, moindre que l’unité, puisqu’on doit avoir et .

Cela posé, le nombre étant très grand, il s’ensuit que dès que la variable ne sera plus très petite, le produit , égal à l’unité pour , se réduira, en général, à une très petite fraction qui serait tout-à-fait nulle si pouvait devenir infini. En faisant abstraction, comme dans le no 95, du cas particulier où convergerait vers une quantité différente de zéro[1], nous pourrons donc ne donner à , dans l’intégrale que contient la formule (11), que de très petites valeurs, à la limite desquelles la valeur de soit insensible ; de sorte qu’en faisant

,

la variable pourra être supposée infinie à cette limite ; et qu’en substituant cette variable à dans l’intégration, on devra prendre zéro et l’infini pour les limites de l’intégrale relative à .

Pour exprimer et au moyen de et , je développe les valeurs précédentes de et suivant les puissances de . En mettant la lettre au lieu de sous les signes , et faisant

,,, etc.,

nous aurons, en séries convergentes,

En faisant aussi

,, etc.,

on déduira de ces séries

et de cette valeur de , on déduira ensuite

Faisons encore

,,,, etc. ;

les sommes s’étendant, ici et dans tout ce qui va suivre, depuis jusqu’à  ; nous aurons

 ;

d’où l’on tire

et l’on aura en même temps

Au moyen de ces diverses valeurs, la formule (11) devient

(12)

en négligeant les termes qui seraient divisés par , et conservant à la place de sa valeur sous les sinus et cosinus.

Si nous prenons

,

cette formule se réduira à

,

en supposant que le rapport de à ne soit pas un grand nombre, ce qui permet de réduire la valeur de à son premier terme . Or, étant une constante indéterminée, on a, d’après une formule connue,

 ;

en multipliant par , et intégrant depuis jusqu’à , on en déduit

 ;

et en faisant

,,,

et observant qu’on a

,

il en résultera enfin

, (13)

pour la probabilité que dans un très grand nombre d’épreuves, la somme des valeurs de A sera comprise entre les limites

,

ou, ce qui est la même chose, pour la probabilité que les limites

,

comprendront la valeur moyenne de A, résultante de ces épreuves successives.

(102). En donnant à une valeur peu considérable, qui rende néanmoins la formule (13) très peu différente de l’unité, on en conclura que le rapport différera probablement fort peu de la quantité  ; et comme cette quantité représente la somme des valeurs possibles de A, multipliées par leurs chances respectives à chaque épreuve, et divisées par le nombre des épreuves, c’est-à-dire la somme de ces valeurs multipliées respectivement par leurs chances moyennes, il s’ensuit que cette conclusion coïncide avec la proposition du no 53, qui se trouve ainsi démontrée dans toute sa généralité.

Ainsi, dans un très grand nombre d’épreuves, il y aura toujours une probabilité très approchante de la certitude, que la valeur moyenne de A différera très peu de la quantité  : la différence diminuera indéfiniment à mesure que augmentera de plus en plus, et serait tout-à-fait nulle si ce nombre devenait infini.

Si l’on construit une courbe plane dont et soient les coordonnées courantes, elle représentera la loi de probabilité des valeurs de A dans la ième épreuve, en ce sens que l’élément de l’aire de cette courbe sera la probabilité infiniment petite de la valeur de A exprimée par l’abscisse . La courbe dont les coordonnées courantes sont et représentera de même la loi de probabilité moyenne des valeurs de A, relative à la série des épreuves ; l’intégrale étant l’unité, l’aire totale de cette courbe, depuis jusqu’à , sera aussi l’unité ; et si l’on appelle l’abscisse de son centre de gravité, on aura

 ;

en sorte que cette abscisse est la quantité vers laquelle converge, dans tous les cas, la moyenne des valeurs de A. Cette quantité sera zéro toutes les fois que par la nature de la chose A, ses valeurs égales et de signes contraires seront également probables dans chaque épreuve, c’est-à-dire lorsque l’on aura , pour toutes les valeurs de et de .

La constante devra être une quantité positive, pour que les limites de soient réelles. C’est aussi ce que l’on peut facilement vérifier. En effet, d’après ce que représente, et parce que , on peut écrire

,

ou, ce qui est la même chose,

,

ou bien encore

 ;

ce qui donne, en ajoutant ces deux dernières équations,

.

Or, cette valeur de est évidemment positive, et ne peut pas non plus être nulle, puisque tous les éléments de l’intégrale double sont positifs ; par conséquent, il en sera de même à l’égard de la somme , et de .

Le cas le plus simple est celui d’une égale probabilité de toutes les valeurs possibles de A, pendant toute la série des épreuves. Quel que soit , on aura alors

,

afin que cette valeur constante de satisfasse à la condition  ; et il en résultera

,.

Les limites de dont la probabilité est , seront, en conséquence,

,

et se réduiront à , lorsqu’on aura . En prenant, par exemple (no 82),

0,4765,

il sera également probable que la moyenne se trouvera comprise en dedans ou en dehors des limites (0,389)  ; et si l’on a 600, il y aura un contre un à parier que ne s’écartera pas de zéro, d’une quantité plus grande que la fraction 0,4765/30 de , à très peu près égale à (0,016).

Ce cas est celui d’un point qui doit tomber à chaque épreuve sur une droite dont la longueur est , et où l’on suppose toutes les positions de sur cette droite également probables : est alors la probabilité que dans un très grand nombre d’épreuves, la distance moyenne de au milieu de cette droite n’excédera pas la fraction de sa demi-longueur . Si devait tomber à chaque épreuve sur la surface d’un cercle du rayon , et que l’on supposât également probables toutes les distances égales du point à son centre, il est évident que la probabilité d’une distance serait proportionnelle à  ; en la supposant constante pendant les épreuves, et observant que toutes les distances possibles seraient comprises entre zéro et , il faudrait prendre pour satisfaire à la condition  ; de cette manière, on aurait

, ;

et serait la probabilité que dans le nombre d’épreuves, la moyenne des distances du point au centre serait comprise entre les limites

.

(103). Quoique nous ayons supposé (no 97) la chose A susceptible de toutes les valeurs comprises entre les limites et , mais inégalement probables, les formules que nous avons obtenues n’en sont pas moins applicables au cas où le nombre de valeurs possibles de A est limité ; et pour cela, il suffira de considérer comme des fonctions discontinues, les fonctions , , , etc., qui expriment les lois de probabilité des valeurs de A dans les épreuves successives.

Soient, en effet, , un nombre de valeurs de comprises entre et  ; supposons que la fonction soit nulle pour toutes les valeurs de qui ne sont pas infiniment peu différentes de l’une de ces quantités  ; en désignant par un infiniment petit, supposons aussi qu’on ait

,,…  ;

de cette manière, A ne sera susceptible que des valeurs données , dont les probabilités respectives seront à la ième épreuve, et pourront varier d’une épreuve à une autre, c’est-à-dire avec le nombre . Mais l’une de ces valeurs devant avoir lieu certainement à la ième épreuve, il faudra que l’on ait

,

pour toutes les valeurs de , depuis jusqu’à . Cette somme des quantités , , , etc., sera d’ailleurs la valeur de l’intégrale , et cette équation remplace la condition .

Pour un indice quelconque , on a identiquement

Si l’on prend ces intégrales entre les limites , celles qui renferment le facteur sous le signe s’évanouiront, puisque entre ces limites, ce facteur est infiniment petit, et les autres auront pour valeur. On aura donc

, ;

d’où l’on conclut

au moyen de quoi les quantités désignées par et dans le no 101, deviendront

les sommes s’étendant au nombre des épreuves. Par conséquent, la formule (13) exprimera la probabilité que la somme des valeurs de A, dans cette série d’épreuves, sera comprise entre les limites , dans lesquelles on mettra pour et les valeurs que l’on vient d’écrire, et qui seront faciles à calculer, quand les valeurs possibles de A et leurs probabilités respectives seront données pour chaque épreuve.

Si ces probabilités sont constantes et, de plus, égales entre elles ; leur valeur commune sera , et l’on aura simplement

,
.

Supposons, par exemple, que les valeurs possibles de A soient les six numéros marqués sur les faces d’un ordinaire, que l’on projette successivement un très grand nombre de fois représenté par  ; abstraction faite de la petite inégalité qui peut exister entre les chances de ces six faces, on aura

,,,,,, ;

d’où il résultera

, ;

en sorte que la formule (13) exprimera la probabilité que la somme des numéros qu’on amènera dans les épreuves successives, sera comprise entre les limites

.

En prenant 0,4765 et 100, il sera également probable que dans 100 épreuves, la somme sera comprise en dedans ou en dehors des limites 350 ∓ 11,5.

(104). Maintenant considérons, comme dans le no 52, un événement E d’une nature quelconque, dont l’arrivée puisse être due à un nombre de causes distinctes, qui s’excluent mutuellement et qui sont les seules possibles. Appelons ces causes C1, C2, C3,… C ; soient la chance que la cause C donnera à l’arrivée de E, quand ce sera cette cause qui interviendra, et la probabilité de son intervention. La chance de E pourra varier, en conséquence, d’une épreuve à une autre : ce sera une chose susceptible de valeurs différentes, , dont les probabilités respectives seront , et demeureront les mêmes tant que les causes C1, C2, C3,… C, ne changeront pas. En prenant donc cette chance pour A, il y aura la probabilité , donnée par la formule (13), que sa valeur moyenne, dans un très grand nombre d’épreuves, sera comprise entre les limites , où l’on mettra pour et , leurs premières valeurs du numéro précédent, appliquées au cas où les quantités , , , etc., , , , etc., demeurent constantes pendant les épreuves ; ce qui changera ces valeurs en celles-ci :

,
,

et les rend, comme on voit, indépendantes du nombre , quels que soient d’ailleurs le nombre et l’inégalité des quantités qu’elles renferment. Et comme on peut donner à une valeur peu considérable, qui rende la probabilité très approchante de la certitude, il s’ensuit que la moyenne des chances de E qui auront lieu pendant la série d’épreuves, différera probablement très peu de la somme des produits , , etc., dont elle s’approchera indéfiniment à mesure que le nombre augmentera encore d’avantage ; ce qui est la seconde des deux propositions générales du no 52, qui nous restait à démontrer.

Dans deux séries composées de très grands nombres et d’épreuves, si l’on représente par et les nombres de fois que l’événement E arrivera, les rapports et s’écarteront probablement fort peu (no 96) des chances moyennes de E dans ces deux séries ; il est donc aussi très probable qu’ils différeront très peu de la valeur précédente de , et, par conséquent, l’un de l’autre, puisque cette valeur de sera commune aux deux séries d’épreuves, si, toutes les causes C1, C2, C3, etc., n’ont pas changé dans l’intervalle. Mais quelle sera la probabilité d’une petite différence donnée entre ces rapports et  ? C’est une question importante dont nous nous occuperons dans un des numéros suivants.

(105). Dans la plupart des questions auxquelles la formule (13) est applicable, la loi de probabilité des valeurs de A est inconnue, et, par conséquent, les quantités et , contenues dans les limites de la valeur moyenne de A, ne peuvent se déterminer à priori. Mais au moyen des valeurs de A observées dans une longue série d’épreuves, on pourra éliminer les inconnues que renfermeraient les limites de sa valeur moyenne, dans d’autres séries également composées d’un grand nombre d’épreuves, et pour lesquelles les diverses causes qui peuvent amener toutes les valeurs possibles de A, sont les mêmes que pour la série dont on aura employé les résultats, en entendant par de mêmes causes, celles qui donnent la même chance à chacune de ces valeurs, et qui ont elles-mêmes une égale probabilité. La solution complète de ce problème est l’objet des calculs suivants.

Je fais dans la formule (12) ; il en résulte

pour la probabilité que la somme des valeurs de A sera comprise entre zéro et . On en conclut que la différentielle de par rapport à , savoir :

exprimera la probabilité infiniment petite que aura précisément pour valeur. Je fais aussi

, ;

je désigne par la valeur correspondante de , dans laquelle je néglige les quantités de l’ordre de petitesse de , ce qui permettra d’y réduire au premier terme de sa valeur en série (no 101) ; il vient

,

et à cause de

cette valeur de prendra la forme

 ;

désignant un polynôme qui ne contient que des puissances impaires de , et qui n’influera pas, quel qu’il soit d’ailleurs, sur le résultat de nos calculs. Cette expression de sera donc la probabilité de la somme égale à la valeur précédente de , ou bien en divisant par , ce sera la probabilité de l’équation

,

dans laquelle est une quantité positive ou négative, mais très petite par rapport à .

J’appellerai maintenant C1, C2, C3,… C, toutes les causes, connues ou inconnues, qui s’excluent mutuellement, et qui peuvent donner à A une des valeurs dont cette chose est susceptible ; et je désignerai par leurs probabilités respectives, dont la somme sera égale à l’unité, et dont chacune aurait une valeur infiniment petite, si le nombre de ces causes possibles était infini. Les valeurs possibles de A étant toutes celles qui sont comprises entre et , et, conséquemment, en nombre infini, la chance de chacune d’elles, provenant de chacune de ces causes, sera infiniment petite. Je représenterai par la chance que C donnerait, si cette cause était certaine, à la valeur de A. L’intégrale , relative à la ième épreuve, sera donc une chose susceptible des valeurs , dont les probabilités seront celles des causes correspondantes ; en sorte que exprimera, à une épreuve quelconque, la chance de la valeur . Par conséquent, la probabilité infiniment petite d’une valeur de la moyenne , se déterminera par la règle précédente, qui convient à la moyenne des valeurs d’une chose quelconque, dans un très grand nombre d’épreuves : sera alors la somme des valeurs inconnues de , qui auront lieu dans cette série d’épreuves, et les quantités qu’on devra prendre pour et , se détermineront d’après les valeurs possibles de cette intégrale.

Or, en prenant ces valeurs , pour celles que l’on a désignées par , dans le no 105, et faisant, pour abréger,

,,

où la caractéristique indique une somme qui s’étend à tous les indices depuis jusqu’à , ce sont, d’après les formules de ce numéro, les quantités et , indépendantes de , qu’il faudra prendre pour et . Si donc on désigne par une quantité positive ou négative, très petite par rapport à  ; que soit un polynome qui ne contienne que des puissances impaires de  ; et que l’on fasse

,

cet infiniment petit , sera la probabilité de l’équation

.

En considérant de même la quantité

,

comme une chose susceptible des valeurs correspondantes aux causes C1, C2,… C, et dont les probabilités, à chaque épreuve, seront celles de ces causes mêmes ; désignant par une quantité positive ou négative, telle que le rapport soit une très petite fraction, et par un polynome qui ne contienne que des puissances impaires de  ; faisant ensuite

,

et, pour abréger,

,

cette expression de sera la probabilité que la moyenne des valeurs de la quantité dont il s’agit, savoir

,

ne différera de que d’une quantité déterminée, de l’ordre de petitesse de , et qu’il nous sera inutile de connaître. D’ailleurs cette moyenne n’est autre chose que la quantité du no 101 ; si donc on néglige les quantités de l’ordre de , il suffira de mettre au lieu de , dans le second terme de la valeur précédente de , qui est déjà de l’ordre de  : de cette manière, on aura

 ;

et la probabilité de cette équation serait encore , si la valeur de que l’on a employée était certaine. Mais cette valeur n’ayant qu’une probabilité , dépendante de la variable qui n’entre pas dans la valeur de , il s’ensuit que la probabilité de celle-ci aura pour expression complète, le produit de et de la somme des valeurs de , correspondantes à toutes celles que l’on peut donner à . Or, quoique ces valeurs doivent être très petites par rapport à , on pourra néanmoins, à raison de l’exponentielle facteur de , étendre l’intégrale de sans l’altérer sensiblement, depuis jusqu’à  ; la partie dépendante de disparaîtra comme étant composée d’éléments, deux à deux égaux et de signes contraires ; et l’on aura simplement . Par conséquent, la probabilité de l’équation précédente sera toujours , comme si la valeur approchée de dont on a fait usage, eût été certaine.

On peut aussi remarquer que la moyenne n’est autre que la quantité du no 101 ; l’expression de est donc la probabilité que la valeur de cette quantité sera

 ;

donc en substituant cette valeur dans celle de , ce qui donne

 ;

la probabilité de cette dernière équation, pour chaque couple de valeurs de et , sera le produit de et , que je représenterai par , de sorte qu’on ait

,

en négligeant le terme qui aurait pour diviseur.

Désignons par une variable positive ou négative, très petite, comme et , par rapport à  ; on pourra faire

 ;

et si l’on veut remplacer par cette nouvelle variable, dans la formule différentielle précédente, il y faudra mettre, au lieu de et , les valeurs

, ;

ce qui la changera en celle-ci

,

dans laquelle est un polynôme provenant de et , et dont chaque terme contient une puissance impaire de ou de . L’équation

, (14)

ne renfermant plus que la variable , il s’ensuit que sa probabilité totale sera la somme des valeurs de , relative à toutes les valeurs positives ou négatives que l’on peut donner à l’autre variable . De plus, à raison de l’exponentielle que renferme l’expression de , il sera permis d’étendre cette intégrale, sans en altérer sensiblement la valeur, depuis jusqu’à . Alors, en faisant

,,

et désignant par , ce que deviendra en fonction de et , nous aurons

 :

les limites de l’intégrale relative à la nouvelle variable seront encore  ; en représentant donc par sa valeur infiniment petite, il en résultera

,

pour la probabilité de l’équation (14) ; étant un polynôme qui ne contient que des puissances impaires de .

Il s’agira actuellement d’éliminer l’inconnue de cette équation (14) ; ce qui sera possible, comme on va le voir, parce que l’expression de se réduit à

,

et se trouve indépendante de la somme , qui était contenue dans chacune des quantités et .

(106). En appliquant à le même raisonnement qu’à cette quantité diminuée, comme dans le numéro précédent, de , et désignant par sa valeur moyenne, de sorte qu’on ait

,

il y aura la probabilité que ne différera de , que d’une quantité déterminée et de l’ordre de petitesse de . De plus, en négligeant toujours les termes qui ont pour diviseur, on verra aussi, comme dans ce numéro, qu’il sera permis d’employer, dans l’équation (14), cette partie de la valeur précédente de , sans rien changer à la probabilité de cette équation. L’autre partie de la valeur de étant exactement la quantité , on aura donc

 ;

au moyen de quoi l’équation (14) deviendra d’abord

.

Cela posé, soit une fonction donnée de . L’analyse des nos 97 et nos 101, et par suite, l’expression de du numéro précédent, s’étendront sans difficulté à la somme des valeurs de qui auront lieu dans les épreuves que nous considérons. Il suffira de prendre au lieu de A une autre chose A dont les valeurs soient celles de cette fonction . La probabilité infiniment petite d’une valeur quelconque de A sera la même que celle de la valeur correspondante de , et s’exprimera, en conséquence, par à la ième épreuve ; et si l’on désigne par , , , etc., ce que deviennent relativement à A, les quantités , , , etc., du no 101, qui se rapportent à A on aura

,, etc.

Donc, en appelant , la somme des valeurs de A qui auront lieu dans la série d’épreuves, l’infiniment petit sera la probabilité que l’on aura précisément,

.

Maintenant, si nous faisons , nous aurons

 ;

au degré d’approximation où nous nous arrêtons, on pourra donc prendre pour la valeur de , dans l’expression précédente de  ; et l’on s’assurera, comme dans le numéro précédent, que la probabilité de cette expression ne changera pas ; en sorte que sera toujours la probabilité infiniment petite de l’équation

,

ou de celle-ci,

,

qui se déduit de la précédente, en négligeant toujours les quantités de l’ordre de petitesse de .

Je représente par la valeur de A qui a eu ou qui aura lieu à la ième épreuve ; et je fais, pour abréger,

,.

On aura identiquement

,, ;

au moyen de quoi, l’équation précédente deviendra

.

Or, on conclut de là que si l’on désigne par une quantité positive et donnée, l’intégrale de la probabilité de cette équation, prise depuis jusqu’à , exprimera la probabilité que la valeur de tombera entre les limites

.

En appelant cette dernière probabilité, et ayant égard à l’expression de , on aura

 ;

et comme est un polynôme qui ne contient que des puissances impaires de , la seconde intégrale sera nulle, et l’on aura simplement

 ;

résultat qui coïncide avec la probabilité donnée par la formule (13).

Ainsi, cette formule exprime la probabilité que les limites , qui ne renferment plus rien d’inconnu après les épreuves, comprendront la différence entre la moyenne des valeurs de A et la quantité spéciale , dont cette moyenne approche indéfiniment, et qu’elle atteindrait si devenait infini, sans que les causes C1, C2, C3,… C, des valeurs possibles de A changeassent jamais.

(107). Supposons actuellement que l’on fasse deux séries d’un grand nombre d’épreuves, qui sera représenté par dans l’une de ces séries et par dans l’autre. Soient et les sommes des valeurs de A dans ces deux séries ; soient aussi et les valeurs de A qui auront ou qui ont eu lieu à la ième épreuve ; et faisons

les sommes s’étendant à toutes les épreuves de chaque série, c’est-à-dire, les deux premières depuis jusqu’à , et les deux dernières depuis jusqu’à . Si les causes C1, C2, C3,… C, ne changent pas d’une série d’épreuves à l’autre, la quantité du no 105 ne changera pas non plus ; en désignant alors par et des variables positives ou négatives, mais très petites par rapport à et , les équations relatives aux valeurs moyennes de A dans ces deux séries, seront

, ; (15)

et leurs probabilités respectives et auront pour expressions

,  ;

et étant des polynomes qui ne contiennent que des puissances impaires de et . De plus, si les séries se composent d’épreuves différentes, on pourra considérer ces valeurs de et comme des événements indépendants l’un de l’autre ; et par la règle du no 5, la probabilité de leur arrivée simultanée sera le produit de et . Ce sera aussi la probabilité d’une combinaison quelconque des deux équations (15), et, par exemple, de l’équation que l’on obtient en les retranchant l’une de l’autre, savoir :

.

Ainsi, en désignant par le produit , et négligeant le terme qui aurait pour diviseur, nous aurons

,

pour la probabilité de l’équation précédente, relativement à chaque couple de valeurs de et .

Pour suivre ici, la même marche que dans le no 105, je fais

 ;

ce qui change cette équation en celle-ci :

.

Je remplace dans , par la nouvelle variable  ; et pour cela, je fais

, ;

d’où il résulte

 ;

étant un polynome dont chaque terme renferme une puissance impaire de ou de . La valeur de ne renfermant plus que la variable , sa probabilité sera l’intégrale de étendue à toutes les valeurs que l’on pourra donner à l’autre variable  ; et à cause de l’exponentielle contenue dans , cette intégrale pourra s’étendre, sans en altérer sensiblement la valeur, depuis jusqu’à . En faisant alors,

,,

et désignant par ce que deviendra, nous aurons

 ;

les limites de l’intégrale relative à seront encore  ; et si l’on représente par la probabilité infiniment petite de la valeur précédente de , on aura

 ;

étant un polynome qui ne contient que des puissances impaires de . Enfin, si nous représentons par une quantité positive et donnée, et par la probabilité que cette différence tombera entre les limites

,

nous aurons

 ;

ce qui coïncide avec la valeur de donnée par la formule (13). Par conséquent, cette quantité est la probabilité que la différence entre les valeurs moyennes de A dans deux longues séries d’épreuves, tombera entre ces limites qui ne contiennent rien d’inconnu.

Après avoir pris pour une valeur suffisante pour rendre celle de très peu différente de l’unité, si l’observation donne pour cette différence , une quantité qui tombe en dehors des limites précédentes, on sera fondé à en conclure que les causes C1, C2, C3,… C, des valeurs possibles de A, ne sont pas restées les mêmes dans l’intervalle des deux séries d’épreuves, c’est-à-dire qu’il sera survenu quelque changement, soit dans les probabilités de ces causes, soit dans les chances qu’elles donnent aux différentes valeurs de A.

D’après ce qu’on a vu dans le numéro précédent, chacune des quantités et devra différer très probablement fort peu d’une même quantité , inconnue et la même dans les deux séries d’épreuves ; il est donc aussi très probable que les quantités et différeront très peu l’une de l’autre ; et sans changer sensiblement, ni la grandeur des limites précédentes, ni leur probabilité, on y pourra faire . Dans une série d’épreuves futures, il y aura donc la probabilité , donnée par la formule (13), que la moyenne des valeurs de A, tombera entre les limites

 ;

qui ne dépendent, pour chaque valeur donnée de , que des résultats de la première série d’épreuves déjà faites.

Pour une même valeur de , c’est-à-dire à égal degré de probabilité, on voit que l’amplitude de ces limites est plus grande que celle des limites de la différence , dans le rapport de à , et que ces deux amplitudes coïncident à très peu près, lorsque est un très grand nombre par rapport au très grand nombre .

(108). Si les deux séries de et épreuves ont pour objet la mesure d’une même chose, et sont faites avec des instruments différents, pour chacun desquels les erreurs égales et contraires soient également probables ; les valeurs moyennes et , résultantes de ces deux séries, convergeront indéfiniment vers une même quantité qui sera la véritable valeur de A (no 60). Dans ce cas, l’inconnue y sera donc la même pour les deux séries d’observations, et les moyennes et différeront très probablement fort peu l’une de l’autre ; mais, pour ces deux séries, l’inconnue pourra être très différente ; ce qui rendra très inégales les quantités et . Les valeurs de ces quantités étant connues, on peut demander quelle est la manière la plus avantageuse de combiner les moyennes et , pour en déduire les limites de , ou de la véritable valeur de A.

Pour trouver cette combinaison, je désigne par et des quantités indéterminées dont la somme soit l’unité, et j’ajoute les équations (15), après avoir multiplié la première par et la seconde par , ce qui donne

 ;

équation dont la probabilité est égale à , d’après ce qu’on a dit plus haut, pour tous les couples de valeurs de et . Or, par un calcul semblable à celui qu’on vient d’effectuer, on en conclura que la quantité , donnée par la formule (13), exprimera la probabilité que la valeur inconnue de soit comprise entre les limites

.

Si donc on veut que pour une même probabilité , c’est-à-dire, pour chaque valeur donnée de , l’amplitude de ces limites, soit la plus petite qu’il est possible, il faudra déterminer et en égalant à zéro la différentielle du coefficient de , par rapport à ces quantités : à cause de et , on en déduira

, ;

et les limites les plus étroites de seront celles-ci

,

dont la formule (13) exprimera toujours la probabilité.

On peut facilement généraliser ce résultat, et l’étendre à un nombre quelconque de séries d’un grand nombre d’observations, faites avec des instruments différents pour mesurer une même chose A. Les trois quantités , , , répondant à la première série, si l’on désigne les quantités analogues par , , , dans la seconde série ; par , , , dans la troisième ; etc. ; et si l’on fait, d’abord

,

et ensuite

,,, etc.,

la formule (13) exprimera la probabilité que la valeur inconnue de A est comprise entre les limites

,

résultantes de la combinaison la plus avantageuse des observations. Et comme on pourra rendre cette formule (13) très peu différente de l’unité, en prenant pour un nombre peu considérable, il s’ensuit que la valeur de A différera très probablement fort peu de la somme des moyennes , , , etc., multipliées respectivement par les quantités , , , etc. Le résultat de chaque série d’observations influera d’autant plus sur cette valeur approchée de A et sur l’amplitude de ses limites, que celui des quotients , , , etc., qui se rapporte à cette série, aura une plus grande valeur.

Lorsque toutes les séries d’observations auront été faites avec un même instrument, on pourra les considérer comme une seule série, composée d’un nombre d’observations égal à . Ainsi qu’on l’a dit plus haut, les quantités , , , etc., seront à très peu près et très probablement égales ; en étendant les sommes à la série totale, ou depuis jusqu’à , et faisant

,
,

on pourra prendre pour la valeur commune de , , , etc. ; au moyen de quoi les limites précédentes de l’inconnue , et dont la formule (13) exprime la probabilité, deviendront

 ;

ce qui coïncide avec le résultat du no 106, relatif à une seule série d’épreuves.

(109). La question indiquée à la fin du no 104 se résoudra par des considérations semblables à celles dont on vient de faire usage.

Soit le nombre de fois que l’événement E, de nature quelconque, arrivera dans un très grand nombre d’épreuves. La chance de E variant d’une épreuve à une autre, soit celle qui aura lieu à la ième épreuve. Faisons

, ;

désignons par une quantité positive ou négative, mais très petite par rapport à  ; et représentons par la probabilité de l’équation

.

En négligeant, pour simplifier les calculs, le second terme de la formule (2) ; ayant égard à ce que représente la quantité qu’elle renferme ; et y mettant au lieu de , on aura

.

Comme dans le no 104, appelons C1, C2,… C, toutes les causes possibles de l’événement E, qui peuvent être en nombre fini ou infini ; , leurs probabilités respectives ; , les chances qu’elles donnent à l’arrivée de E. En considérant comme une chose susceptible de ces valeurs , dont , sont les probabilités ; faisant

et désignant par une variable positive ou négative, très petite par rapport à , la probabilité infiniment petite que l’on aura précisément

,

sera la quantité du no 105, ou simplement , en négligeant le second terme de son expression. Si l’on désigne encore par une variable très petite par rapport à , il y aura aussi la probabilité de ce même numéro, ou simplement , que la quantité ne différera de que d’une quantité déterminée, proportionnelle à , et de l’ordre de petitesse de  ; et l’on verra de plus qu’en négligeant les quantités de l’ordre de , on pourra, sans altérer la probabilité de la valeur précédente de , mettre au lieu de  ; ce qui changera cette valeur en celle-ci

.

D’ailleurs, si l’on fait

,

il faudra, pour que soit un nombre entier, ne prendre pour que des multiples positifs ou négatifs de , qui devront, en outre, être très petits par rapport à .

Cela posé, j’ajoute les valeurs précédentes de et  ; ce qui donne

 ;

équation dont la probabilité, pour chaque couple de valeurs de et , sera le produit de et de que je représenterai par et qui aura pour valeur

,

en mettant au lieu de dans l’expression de . Je fais

, ;

il en résulte

 ;

d’où l’on tire

,

en négligeant les termes de l’ordre de petitesse de . On aura, en même temps,

,

en ayant égard à ce que représente. Mais l’expression de ne renfermant pas , sa probabilité en est aussi indépendante ; elle est égale à la somme des valeurs de correspondantes à toutes celles que l’on peut donner à , et qui doivent croître par des différences égales à , dont est un multiple ; à cause de la petitesse de , on obtiendra une valeur approchée de cette somme en mettant au lieu de dans , et remplaçant la somme par une intégrale : cette valeur sera exacte aux quantités près de l’ordre de ou de . Quoique la variable doive être une très petite quantité par rapport à , on pourra, à raison de l’exponentielle contenue dans , étendre l’intégrale, sans en altérer sensiblement la valeur, depuis jusqu’à . Alors, si l’on fait

,,

les limites de l’intégrale relative à seront aussi  ; et en désignant par la probabilité infiniment petite de l’expression de , on aura

.

Donc étant une quantité positive et donnée, la probabilité que la valeur inconnue de tombera entre les limites

,

coïncidera avec la quantité donnée par la formule (13), puisque cette probabilité sera

.

Ainsi, est la probabilité que la quantité spéciale dont s’approche indéfiniment le rapport , à mesure que le grand nombre augmente encore davantage, ne diffère de ce rapport que d’une quantité comprise en les limites

,

qui ne contiennent rien d’inconnu.

Dans une seconde série composée d’un très grand nombre d’épreuves, soit le nombre de fois que l’événement E arrivera. En désignant par une variable positive ou négative, mais très petite par rapport à , la probabilité infiniment petite de l’équation

,
sera  ; celle de l’équation
,

que l’on obtient en retranchant cette valeur de , de la précédente, sera donc le produit de et de pour tous les couples de valeurs de et  ; et si l’on fait d’abord

et ensuite

c’est-à-dire, si l’on remplace d’abord la variable par sans changer , et ensuite par sans changer , cette probabilité de l’équation précédente deviendra

.

Cette équation devenant, en même temps,

,

et ne contenant plus que la variable , sa probabilité totale sera l’intégrale relative à de cette expression différentielle ; intégrale que l’on pourra étendre, sans en altérer sensiblement la valeur, depuis jusqu’à , ce qui donnera  ; d’où l’on conclura enfin que , ou la quantité donnée par la formule (13), exprimera la probabilité que la différence est comprise entre les limites

,

dans lesquelles sera une quantité positive et donnée, et qui ne contiennent que des nombres connus.

Ces limites coïncident avec celles que nous avons trouvées dans le no 87, d’une manière beaucoup plus simple, mais pour le cas seulement où la chance de l’événement E est constante et la même dans les deux séries d’épreuves. Toutefois la formule (24) de ce numéro contient un terme de l’ordre de ou , qui ne se trouve pas dans la formule (13) ; ce qui tient à ce que, dans le calcul que nous venons de faire, nous avons négligé les termes des probabilités que nous avons considérées, qui seraient de cet ordre de petitesse.

(110). Je ne me propose pas de traiter, dans cet ouvrage, les nombreuses questions auxquelles on peut appliquer les formules précédentes, et dont les principales ont été indiquées dans le no 60 et les suivants[2]. Je me bornerai à prendre pour exemple de ces applications, une question connue qui se rapporte aux orbites des planètes et des comètes.

Dans les quantités qui ont été désignées précédemment par et (no 99), si nous faisons

,,,,
nous aurons

où l’on prendra le signe supérieur ou le signe inférieur de chaque terme, selon que la quantité qui s’y trouve élevée à la puissance sera positive ou négative. Cela étant, en représentant dans ces deux formules, par et les sommes des termes qui devront être pris avec leurs signes supérieurs, et par et les sommes de ceux qu’on devra prendre avec leurs signes inférieurs, on aura donc

, ;

mais quelle que soit la quantité , on a, d’après une formule connue et facile à vérifier,

si donc on fait successivement et , on aura aussi

, ;

d’où il résultera

, ;

ce qui changera la formule (10) en celle-ci

.

Or, en changeant les signes des quantités élevées à la puissance dans les termes de et , ce qui les rendra toutes positives, et exigera que l’on change aussi ou que l’on ne change pas les signes de ces termes, selon que le nombre sera impair ou pair ; et en intervertissant ensuite l’ordre de ces termes dont le nombre est fini, on verra aisément que cette expression de deviendra

(16)

formule qui coïncide avec celle que Laplace a trouvée[3], d’une toute autre manière, pour le même objet.

Elle exprimera la probabilité que, dans un nombre quelconque d’épreuves, la somme des valeurs d’une chose A sera comprise entre les quantités et , en supposant que toutes les valeurs de A soient également possibles depuis zéro jusqu’à , et impossibles en dehors de ces limites. On y prolongera chacune des deux parties qui la composent jusqu’au terme où la quantité élevée à la puissance cessera d’être positive ; en sorte que si représente le plus grand nombre entier contenu dans , la première partie de cette formule s’arrêtera au ième terme ou auparavant, selon qu’on aura ou  ; et il en sera de même à l’égard de la seconde partie, si est le plus grand nombre entier contenu dans .

Cela posé, quelle que soit la cause qui a déterminé la formation des planètes, on suppose que toutes les inclinaisons possibles des plans de leurs orbites sur celui de l’écliptique, depuis zéro jusqu’à 90°, ont été également probables à l’origine, et l’on demande de déterminer la probabilité que, dans cette hypothèse, la somme des inclinaisons des dix planètes connues, et différentes de la Terre, a dû être comprise entre des limites données, par exemple, entre zéro et 90°. En prenant une inclinaison planétaire pour la chose A à laquelle répond la formule (16), il faudra supposer l’intervalle des valeurs possibles de A, égal à 90°, et faire, dans cette formule, 0, 1, 10, ce qui la réduira à

1/1.2.3.4.5.6.7.8.9.10.

Cette fraction étant à peu près un quart de millionième, il s’ensuit qu’une somme d’inclinaisons moindre qu’un angle droit, serait tout-à-fait invraisemblable, et qu’on peut regarder comme hors de doute que cette somme aurait dû surpasser 90°. Or, au contraire, elle ne s’élève actuellement qu’à environ 82° ; et comme elle n’éprouve que de très petites variations périodiques, il en résulte que l’hypothèse d’une égale probabilité des inclinaisons de tous les degrés, à l’époque de la formation des planètes, est inadmissible, et qu’il n’y a aucun doute que la cause quelconque de cette formation a dû rendre les plus petites inclinaisons beaucoup plus probables que les autres. Les inclinaisons planétaires sont considérées ici indépendamment de la direction du mouvement des planètes, dans le sens ou en sens contraire du mouvement de la Terre autour du Soleil ; si ces deux sens avaient été également probables à l’origine, la probabilité que le mouvement des dix planètes différentes de la Terre aurait eu lieu dans le sens de son mouvement, serait la dixième puissance de 1/2 ; fraction au-dessous d’un millième, ce qui rend aussi fort peu probable l’égale chance des deux directions contraires, et montre que la cause inconnue de la formation des planètes a dû rendre fort probable les directions de tous les mouvements planétaires dans un même sens.

Si l’on prend pour A l’excentricité d’une orbite planétaire, et si l’on suppose qu’originairement toutes ses valeurs depuis zéro jusqu’à l’unité étaient également probables, on déterminera la probabilité que la somme des excentricités des planètes connues devait être comprise, par exemple, entre zéro et 5/4, en faisant 0, 1,25, 11, dans la formule (16), ce qui donne

1/1.2.3.4.5.6.7.8.9.10.11 [(1,25)11 − 11(0,25)11].

Cette probabilité étant au-dessous de trois millionièmes, il est extrêmement probable, au contraire, que la somme des 11 a dû surpasser 1,25 ; mais cette somme, qui n’est soumise qu’à des variations périodiques de peu d’étendue, est maintenant un peu moindre que 1,15 ; l’hypothèse d’une égale probabilité de toutes les valeurs possibles de A est donc tout-à-fait inadmissible ; et il est hors de doute que la cause quelconque de la formation des planètes était telle qu’elle rendait beaucoup plus probables, les plus petites excentricités, de même que les plus petites inclinaisons.

(111). Les comètes observées depuis l’an 240 de notre ère, et dont les astronomes ont calculé les éléments paraboliques aussi bien qu’il a été possible, sont aujourd’hui au nombre de 138, dont 71 directes et 67 rétrogrades. Le peu de différence entre ces deux nombres 71 et 67 montre déjà que la cause inconnue de la formation des comètes, ne rend pas plus probable leurs mouvements dans un sens que dans le sens opposé ; la somme des inclinaisons des orbites de ces 138 comètes sur l’écliptique s’élève à près de 6752°, c’est-à-dire qu’elle surpasse 75 angles droits d’à peu près 2° ; pour savoir si elle devrait très peu différer de cette quantité, dans l’hypothèse d’une égale probabilité de toutes les inclinaisons possibles depuis zéro jusqu’à 90°, il faudrait donc prendre pour et , dans la formule (16), des nombres peu différents de 75 en plus et en moins, ce qui rendrait le calcul numérique de cette formule tout-à-fait inexécutable ; par conséquent, pour connaître, dans cette même hypothèse, la probabilité que la somme des inclinaisons des orbites de toutes les comètes observées, doit être comprise entre des limites données, il faudra recourir à la formule (13).

Je suppose donc que la chose A soit l’inclinaison d’une orbite cométaire sur le plan de l’écliptique. Les limites des valeurs possibles de A, que l’on a désignées généralement par et , étant alors 0 et 90°, et toutes ces valeurs étant regardées comme également probables, la formule (15) exprimera la probabilité que la moyenne d’un grand nombre d’inclinaisons observées, tombera (no 102) entre les nombres de degrés

.

En prenant 1,92, et faisant 138, il en résultera

0,99338,

pour la probabilité que dans l’hypothèse d’une égale chance de toutes les inclinaisons possibles, l’inclinaison moyenne des 138 comètes observées ne sortirait pas des limites 45° ∓ 6° ; en sorte qu’il y aurait à peu près 150 à parier contre un, que cette moyenne devrait être comprise entre 39° et 51° ; et, en effet, on a trouvé 48° 55′ pour sa valeur ; en sorte qu’il n’y a pas lieu de croire que la cause inconnue de la formation des comètes ait rendu inégalement probables leurs diverses inclinaisons.

Sans faire aucune hypothèse sur la loi de probabilité de ces inclinaisons, la formule (13) exprimera aussi la probabilité que l’inclinaison moyenne d’un grand nombre de comètes que l’on observera par la suite, ne s’écartera de la moyenne 48° 55′ relative aux 138 comètes déjà connues, que d’un nombre de degrés compris entre les limites (no 107)

.

On déduit des inclinaisons calculées de ces 138 comètes, une valeur de la quantité que ces limites l’enferment, égale à 34° 49′[4] ; et en faisant , par exemple, et prenant, comme plus haut, 1,92, il y aura 150 à parier contre un que la différence entre l’inclinaison moyenne de 138 nouvelles comètes et celles des 138 comètes observées, tombera entre les limites ∓ 8° 21′. Le nombre des comètes existantes étant sans doute extrêmement grand par rapport à celui des comètes dont on a pu calculer les orbites ; si l’on prend pour le nombre des comètes inconnues, les limites précédentes se réduiront à très peu près à , de sorte qu’elles seront plus étroites que pour , dans le rapport de l’unité à  ; et, en prenant toujours 1,92, il y aura encore à très peu près la probabilité 150/151, ou 150 à parier contre un, que la différence entre l’inclinaison moyenne des comètes inconnues et celle des comètes connues, est comprise entre les limites ∓ 5° 42′.

Si l’on divise la totalité des comètes observées en deux séries égales en nombre, dont l’une comprenne les 69 plus anciennes, et l’autre les 69 plus modernes, on trouve 49° 12′ pour l’inclinaison moyenne dans la première série, et 48° 38′ dans la seconde, de sorte que ces deux moyennes diffèrent à peine d’un demi degré. Cet exemple est très propre à montrer que les valeurs moyennes d’une même chose s’accordent entre elles, lors même que les nombres d’observations ne sont pas extrêmement grands, et quoique les valeurs observées soient très inégales, comme ici où la plus petite inclinaison cométaire est 1° 41′ et la plus grande 89° 48′. Les inclinaisons moyennes des 71 comètes directes et celle de 67 comètes rétrogrades s’écartent davantage l’une de l’autre ; la première est de 47° 3′, et la seconde de 50° 54′.

Par le centre du Soleil, si l’on élève dans l’hémisphère boréal, une perpendiculaire au plan de l’écliptique, elle ira rencontrer le ciel au pôle boréal de l’écliptique ; de même, si l’on élève, dans cet hémisphère et par ce centre, une perpendiculaire au plan de l’orbite d’une comète, elle rencontrera le ciel au pôle boréal de cette orbite : la distance angulaire de ces deux pôles sera l’inclinaison de cette orbite sur celui de l’écliptique ; mais il ne faut pas confondre, comme l’a fait l’estimable traducteur du Traité d’astronomie de M. Herschel, la supposition que tous les points du ciel puissent être, avec une même probabilité, des pôles d’orbites cométaires, avec l’hypothèse d’une égale probabilité des inclinaisons cométaires de tous les degrés.

En effet, soient et deux zones du ciel, circulaires, contenues dans l’hémisphère boréal, d’une même largeur infiniment petite, ayant pour centre commun le pôle boréal de l’écliptique, et dont les distances angulaires à ce pôle seront représentées par et  ; soient aussi la probabilité qu’un point du ciel, pris au hasard dans cet hémisphère, appartiendra à la zone , et la probabilité qu’il appartiendra à la zone  ; il est évident que ces fractions et seront entre elles comme les étendues et des deux zones, et, par conséquent, comme les sinus des angles et . Or, dans l’hypothèse d’une égale aptitude de tous les points du ciel à être des pôles d’orbites cométaires, et exprimeront les chances des distances et de deux de ces pôles à l’écliptique, ou, autrement dit, les chances des deux inclinaisons cométaires, égales à ces distances et  ; donc, dans l’hypothèse dont il s’agit, les chances des différentes inclinaisons, au lieu d’être égales, seraient proportionnelles aux sinus des inclinaisons mêmes : la chance d’une inclinaison de 90° serait double de celle d’une inclinaison de 30°, et toutes deux seraient infinies par rapport à la chance d’une inclinaison infiniment petite[5].

(112). Voici, en terminant ce chapitre, l’ensemble des formules de probabilité qui y sont démontrées, ainsi que dans le précédent. Le nombre des épreuves, supposé très grand, est représenté par  ; il se compose de deux parties et que l’on suppose aussi de très grands nombres ; les formules sont d’autant plus approchées que ce nombre est plus considérable ; et elles seraient tout-à-fait exactes, si était infini.

1o. Soient et les chances constantes pendant, toute la durée des épreuves, des deux événements contraires E et F, de sorte qu’on ait . Appelons la probabilité que dans le nombre ou d’épreuves, E arrivera fois et F aura lieu fois. Ou aura (no 69)

. (a)

Cette formule se réduit (no 79) à

,

lorsqu’on prend

, ;

étant une quantité positive ou négative, mais très petite par rapport à  ; et sous cette forme, elle subsiste également quand les chances de E et F varient d’une épreuve à une autre, en prenant alors, d’après la formule (2) du no 95, pour et les moyennes de leurs valeurs dans la série entière des épreuves successives.

2o. Les événements E et F ayant eu lieu effectivement et fois dans les épreuves, et leurs chances et étant inconnues, soit la probabilité qu’ils arriveront dans ou épreuves futures, des nombre de fois et , proportionnels à et , ou tels que l’on ait

,.

Quelque soit le nombre , on aura (no 71)

, (b)

en représentant par la probabilité de l’événement futur qui aurait lieu si les rapports et étaient certainement les chances de E et F, c’est-à-dire en faisant, pour abréger,

3o. Les chances constantes et de E et F étant données, soit la probabilité que dans ou épreuves, E arrivera au moins fois et F au plus fois. On aura (no 77)

(c)

étant une quantité positive dont le carré est

 ;

et en employant la première ou la seconde formule selon que l’on aura ou .

4o. En appelant la probabilité que E et F auront lieu dans les épreuves, des nombres de fois qui ne sortiront pas des limites

,,

est une quantité positive et très petite par rapport à , on aura (no 79)

 ; (d)

et réciproquement, si les chances et sont inconnues, et que E et F soient arrivés des nombres de fois et , dans ou épreuves, on aura (no 85)

, (e)

pour la probabilité que les valeurs de et ne sortiront pas des limites

,.

5o. Dans deux séries différentes de très grands nombres et d’épreuves, soient et les nombres de fois que E aura lieu ou a eu lieu, et les nombre de fois que F arrivera ou est arrivé ; désignons par une quantité positive, très petite par rapport à et à  ; et soit la probabilité que la différence ne sortira pas des limites

,

non plus que la différence , de ces mêmes limites prises avec des signes contraires. On aura (no 87)

. (f)

Comme on aura aussi à très peu près et , on pourra, sans altérer sensiblement les valeurs de , remplacer dans son dernier terme, qui sera toujours une petite fraction, les lettres , , , par , , , et, réciproquement, celles-ci par celles-là. Cette formule, en faisant du moins abstraction de son dernier terme (no 109), conviendra au cas général où les chances de E et F varient d’une épreuve à une autre, pourvu que, dans les deux séries, les causes possibles de ces événements, connues ou inconnues, n’éprouvent aucun changement, c’est-à-dire, pourvu que l’existence de ces causes conserve la même probabilité, et que chacune d’elles donne toujours la même chance à l’arrivée de E, comme à celle de F.

6o. Les nombres de fois que E et F sont arrivés dans les épreuves relatives à ces événements étant toujours et , soient généralement et les nombres de fois que deux autres événements contraires E1 et F1 ont eu lieu dans un nombre d’épreuves aussi très grand. Supposons qu’on ait

 ;

étant une petite fraction positive ou négative. Appelons et les chances inconnues et supposées constantes, des arrivées de E et E1 ; et désignons par la probabilité que excédera , d’une quantité au moins égale à une petite fraction positive et donnée . En représentant par une quantité positive, et faisant

,

selon que le facteur sera positif ou négatif, on aura (no 88)

, ; (g)

la première expression se rapportant au cas où la différence sera positive, et la seconde au cas où cette différence sera négative. Ces mêmes formules exprimeront aussi la probabilité que la chance inconnue de l’arrivée de E surpasse le rapport donné par l’observation, d’une fraction aussi donnée : pour cela, il suffira d’y faire

,

et de prendre la première ou la seconde formule selon que la différence sera positive ou négative.

7o. Lorsque les chances des deux événements contraires E et F varient d’une épreuve à une autre, soient et leurs valeurs à l’épreuve dont le rang est marqué par , de sorte qu’on ait , pour tous les indices . Les sommes s’étendant depuis jusqu’à , faisons, pour abréger,

,,.

Soient toujours et les nombres de fois que E et F arriveront dans les épreuves. Désignons par une quantité positive, très petite par rapport à . On aura (no 96)

, (h)

pour la probabilité que les rapports et ne sortiront pas des limites

, ;

ce qui coïncide avec la formule (d) dans le cas particulier des chances constantes.

8o. Une chose quelconque A étant susceptible de toutes les valeurs comprises entre les limites , et toutes ces valeurs étant également possibles et les seules possibles ; soit la probabilité que dans un nombre quelconque d’épreuves, la somme des valeurs de A qui auront lieu, sera comprise entre des limites aussi données . On aura (no 99)

, (i)

en faisant, pour abréger,

et prenant, dans chaque terme, le signe supérieur ou le signe inférieur, selon que la quantité qui s’y trouve élevée à la puissance , est positive ou négative : et sont des quantités positives ; et peuvent être des quantités positives ou négatives.

9o. Quelle que soit la loi de probabilité des valeurs possibles de la chose A à chaque épreuve, et la manière dont cette loi variera d’une épreuve à une autre ; si l’on appelle la somme des valeurs de A qui auront lieu dans un très grand nombre d’épreuves, on aura (no 101)

, (k)

pour la probabilité que la moyenne des valeurs de A tombera entre les limites

 ;

désignant une quantité positive et très petite par rapport à  ; et étant des quantités dont la seconde est positive, et qui dépendent des probabilités des valeurs de A pendant toute la durée des épreuves. Quand ces probabilités seront constantes, égales pour toutes les valeurs possibles de A entre des limites données et , et nulles en dehors de ces limites, on aura

,.

Lorsque A n’aura qu’un nombre fini de valeurs possibles , et que ces valeurs constantes seront également probables, on aura

,
.

10o. Soit , la valeur de A qui a eu lieu à la ième épreuve. Faisons

, ;

les sommes s’étendant depuis jusqu’à . Supposons que les causes de toutes les valeurs possibles de A n’éprouvent aucun changement, soit dans leurs probabilités respectives, soit dans les chances qu’elles donnent à chacune de ces valeurs. Il y aura alors une quantité spéciale dont la moyenne des valeurs de A, s’approchera indéfiniment à mesure que augmentera de plus en plus, et qu’elle atteindrait si devenait infini. Or, la formule (k) exprimera la probabilité que cette quantité est comprise entre les limites (no 106)

,

qui ne contient rien d’inconnu.

11o. Dans une seconde série d’un très grand nombre d’épreuves, soient la somme des valeurs de A, et ce que deviendra la quantité qui se rapporte à la première série. La formule (k) exprimera également la probabilité que la différence des deux moyennes, sera comprise entre les limites (no 107)

 ;

ou bien, à cause que l’on aura à très peu près , ce sera aussi la probabilité que la moyenne relative à la seconde série, tombera entre les limites

,

qui ne dépendent que des résultats de la première et de la quantité donnée , et qui sont d’autant plus étroites que est plus grand par rapport à .

12o. Pour déterminer la valeur d’une même chose A, on a fait plusieurs séries d’épreuves, composées de très grands nombres , , , etc. Les sommes des valeurs que l’on a obtenues dans ces séries successives sont , , , etc. ; la quantité précédente se rapporte toujours à la première série ; et l’on désigne par , , etc., ce qu’elle devient à l’égard des séries suivantes. On suppose que les causes d’erreurs dans les mesures varient d’une série à une autre, mais que néanmoins, toutes les moyennes , , , etc., convergent indéfiniment, à mesure que , , , etc., augmentent de plus en plus, vers une même quantité inconnue , qui serait la véritable valeur de A, si ces causes ne rendaient pas inégalement probables, dans une où plusieurs des séries d’observations, les erreurs égales et de signes contraires. Cela posé, la formule (k) exprimera encore la probabilité que la quantité y est comprise entre les limites (no 108) :

,

dans lesquelles on a fait, pour abréger,

,
,,, etc.

De plus, la partie , c’est-à-dire la somme des moyennes , , , etc., multipliées respectivement par les quantités , , , etc., sera la valeur approchée de \gamma la plus avantageuse que l’on puisse déduire du concours de toutes les séries d’observations, c’est-à-dire, la valeur de cette inconnue, dont les limites d’erreur auront la moindre étendue qu’il est possible, pour un valeur donnée de , ou bien à égal degré de probabilité.

13o. Enfin, les causes de l’arrivée d’un événement E demeurant les mêmes pendant les épreuves, ainsi qu’on l’a expliqué en citant la formule (f), le rapport du nombre de fois que E aura lieu au nombre total des épreuves, convergera indéfiniment vers une quantité spéciale , qu’il atteindrait rigoureusement si devenait infini. Or, cette formule (f), en négligeant son dernier terme, ou bien encore la formule (k) sera la probabilité que la valeur inconnue de tombera entre les limites (no 109)

.

(115). Pour compléter ces formules, il y faudrait joindre celles qui se rapportent à la probabilité des valeurs d’une ou plusieurs quantités, déduites d’un très grand nombre d’équations linéaires correspondantes aux résultats d’un égal nombre d’observations ; mais à l’égard de ces autres formules, je renverrai à la Théorie analytique des probabilités. En les appliquant à un système de 126 équations de condition relatives au mouvement de Saturne en longitude, formées par M. Bouvard, et en appliquant à ces équations la méthode des moindres carrés, Laplace a été conduit a en conclure qu’il y a un million à parier contre un que la masse de Jupiter, en prenant celle du Soleil pour unité, ne différera pas de 1/1070 de plus d’un 100e de cette fraction, en plus ou en moins[6]. Cependant, des observations postérieures, d’une autre nature, ont donné à très peu près 1/1050 pour cette masse ; ce qui excède la fraction 1/1070, d’environ un 50e de sa valeur, et paraîtrait mettre en défaut le calcul des probabilités. Il ne peut rester aucun doute sur cette masse 1/1050, qui a été conclue par M. Enke, des perturbations de la comète dont la période est de 1 204 jours ; par MM. Gauss et Nicolaï, de celles de Vesta et de Junon ; et par M. Airy, des élongations des satellites de Jupiter qu’il a récemment mesurées. Toutefois, si les calculs de Laplace ont donné, avec une probabilité très approchante de la certitude, une masse de cette planète, plus petite d’un 50e qu’elle n’est réellement, il n’en faudrait pas conclure que l’intensité du pouvoir attractif de Jupiter fût moindre sur Saturne que sur ses propres satellites, sur les comètes et sur les petites planètes ; cela ne provient pas non plus d’aucune inexactitude dans les formules de probabilité dont Laplace a fait usage ; et il y a lieu de croire que la masse de Jupiter, un peu trop petite, qu’il a obtenue, résulte de quelques termes fautifs dans l’expression si compliquée des perturbations de Jupiter, à laquelle on a déjà fait subir quelques corrections, et qui peut encore en exiger d’autres. C’est un point important de la Mécanique céleste, qui ne peut manquer d’être éclairci par le résultat du travail dont M. Bouvard s’occupe actuellement, dans le but de refaire en entier ses tables, déjà si précises, des mouvements de Saturne et de Jupiter.

—
  1. Pour l’examen de ce cas particulier et des singularités qu’il présente, je renverrai à mon mémoire inséré dans la Connaissance des Tems, de 1827, et que j’ai déjà cité (no 60).
  2. Je puis encore indiquer la probabilité du tir à la cible, que j’ai considérée dans un mémoire écrit avant cet ouvrage, et qui paraîtra dans le prochain numéro du Mémorial de l’artillerie.
  3. Théorie analytique des probabilités, page 257.
  4. Le calcul en a été fait par le neveu de M. Bouvard.
  5. Il paraît qu’un nombre, qui semble inépuisable, d’autres corps trop petits pour être observés, se meuvent dans le ciel, soit autour du Soleil, soit autour des planètes, soit peut-être même autour des satellites. On suppose que quand ces corps sont rencontrés par notre atmosphère, la différence entre leur vitesse et celle de notre planète est assez grande pour que le frottement qu’ils éprouvent contre l’air, les échauffe au point de les rendre incandescents, et quelquefois, de les faire éclater. La direction de leur mouvement, modifiée par cette résistance, les précipite souvent sur la surface de la terre ; et telle est l’origine la plus probable des aérolithes. Telle est aussi l’explication la plus naturelle d’un phénomène très remarquable, que l’on a déjà observé plusieurs fois, depuis quelque temps, en des lieux séparés par de grandes distances, et toujours à la même époque de l’année. Dans la nuit du 12 au 13 novembre, différents observateurs, en Amérique et ailleurs, ont vu dans le ciel un nombre extrêmement grand de corps semblables à des étoiles filantes. Or, on peut supposer que ces corps appartiennent à un groupe encore bien plus nombreux, qui circule autour du Soleil, et vient rencontrer le plan de l’écliptique en un lieu dont la distance au Soleil est égale à celle de la terre à cet astre, à l’époque où la terre se trouve en ce même lieu : notre atmosphère traversant ce groupe de corps à cette époque, agira sur une partie d’entre eux comme sur les aérolithes ; ce qui produira le phénomène dont il s’agit. Si ce groupe n’occupe pas une étendue très considérable sur la longueur de son orbite, c’est-à-dire, si son diamètre apparent, vu du Soleil, n’est pas beaucoup plus grand que celui de la terre, il sera nécessaire, pour que le phénomène ait toujours lieu à la même époque de chaque année, que la vitesse de cette sorte de planète brisée s’écarte peu de celle de la terre ; ce qui n’empêche pas le grand axe et l’excentricité de son orbite, de différer beaucoup du grand axe et de l’excentricité de notre orbite ; et alors les perturbations du mouvement elliptique ont pu rendre la rencontre du groupe et de la Terre possible depuis quelque temps, et pourront la rendre impossible par la suite. Si au contraire, le groupe que nous supposons forme un anneau continu autour du Soleil, sa vitesse de circulation pourra être très différente de celle de la Terre ; et ses déplacements dans le ciel, par suite des actions planétaires, pourront encore rendre possible ou impossible, à différentes époques, le phénomène dont nous parlons.
  6. Premier supplément à la Théorie analytique des probabilités, page 24.