Rhétorique (trad. Ruelle)/Livre II/Chapitre 26

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Traduction par Charles-Émile Ruelle.
(p. 287-288).
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CHAPITRE XXVI


De l’exagération et de l’atténuation.


I. L’exagération et l’atténuation ne sont pas des éléments d’enthymèmes. (J’emploie dans le même sens les mots élément et lieu, attendu que, élément et lieu, c’est ce à quoi reviennent beaucoup d’enthymèmes.) Mais l’exagération et l’atténuation sont des enthymèmes pour montrer qu’une chose est de grande, ou de mince importance, comme aussi qu’elle est bonne ou mauvaise, juste ou injuste, ou qu’elle a une quelconque des autres qualités[1].

II. Or ce sont là toutes choses sur lesquelles portent les enthymèmes et les syllogismes ; de sorte que, si chacune d’elles n’est pas un lieu d’enthymème, il n’y a pas non plus exagération ou atténuation.

III. Les arguments qui servent à résoudre un enthymème ne sont pas d’une autre espèce que ceux qui servent à en établir ; car il est évident que l’on résout, soit que l’on fasse une démonstration, soit que l’on apporte une objection ; or on fait la contre-démonstration du fait opposé. Par exemple, si l’on a montré que tel fait a existé, l’adversaire montrera que ce fait n’a pas existé ; et si l’on a montré qu’il n’a pas existé, il montrera qu’il a existé ; de sorte que ce n’est pas là que serait la différence, puisque tous deux les mêmes moyens, produisant des enthymèmes comme quoi le fait n’est pas ou qu’il est.

IV. L’objection n’est pas un enthymème : mais ici, comme dans les Topiques[2], objecter, c’est avancer une opinion de laquelle il ressort clairement qu’il n’y a pas eu syllogisme, ou que l’on a allégué un fait inexact[3].

V. Voilà tout ce qu’il y avait à dire sur les exemples, les sentences, les enthymèmes et, généralement, sur tout ce qui concerne la pensée, sur les ressources que nous pourrons y puiser et sur la manière d’en faire la solution[4]. Il nous reste maintenant à traiter de l’élocution et de la disposition.

  1. En résumé, l’auteur semble vouloir dire que l’exagération et l’atténuation ne servent pas à former des enthymèmes, que les enthymèmes, au contraire, servent à exagérer ou à atténuer.
  2. Cp. Topiques VIII, 8.
  3. Le manuscrit de Paris 1741, suivi par Spengel, donne ici les mots ἐπεὶ δὲ δὴ… περὶ τὸν λόγον, qui se retrouvent au début du liv. III. Ce double emploi nous semble, comme à Vettori, être une simple erreur de copiste. De plus, il faudrait peut-être ajouter οὐν, après ῾Υπὲρ μὲν.
  4. Tout cela constitue l’invention.