Rig Véda ou Livre des hymnes/Section 1/Lecture 2

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Traduction par Alexandre Langlois.
Bibliothèque Internationale Universelle (p. 51-61).

LECTURE DEUXIÈME.

HYMNE I.

Aux Ribhous[1], par Médhatithi.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. En l’honneur d’une race divine, la bouche des prêtres chante cet hymne, qui doit provoquer la généreuse reconnaissance (de ces dieux).

2. Ce sont eux dont la pensée a créé les chevaux radieux d’Indra, ces chevaux que la voix suffit pour atteler à son char ; ils ont entouré le sacrifice de cérémonies (saintes).

3. Ils ont construit pour les véridiques Aswins un char fortuné qui fait le tour (du monde) ; ils ont produit la vache qui donne le lait.

4. Les Ribhous, puissants par leurs prières et par leur justice, ont rendu à la jeunesse leur père et leur mère.

5. Ces libations s’adressent à vous et à Indra qu’accompagnent les Marouts, ainsi qu’aux brillants Adityas.

6. Ce sont les Ribhous qui ont divisé en quatre parties la coupe encore nouvelle du divin Twachtri[2].

7. Avec nos louanges, recevez, pour en tenir compte au religieux (père de famille), trois genres d’offrandes dans sept sacrifices différents[3].

8. Chargés de (nos sacrifices), (les Ribhous) ont vécu en persévérant dans le bien, et ont obtenu une part du sacrifice offert aux dieux.


HYMNE II.

À Indra et à Agni, par Médhatithi.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. J’appelle ici Indra et Agni ; nous désirons qu’ils soient célébrés, (et qu’ils acceptent) nos libations, ces dieux jaloux de nos offrandes.

2. Mortels, chantez dans vos sacrifices Indra et Agni ; ornez-les de vos louanges. Qu’ils soient exaltés dans vos hymnes.

3. À la voix d’un ami qui vous loue et vous invoque, venez, Indra et Agni, goûter de notre soma.

4. À ces libations ici préparées nous invitons ces (dieux) redoutables : qu’Indra et Agni s’approchent.

5. (Divinités) puissantes, Indra et Agni, vous qui présidez à nos assemblées (pieuses), domptez les Râkchasas ; empêchez ces êtres voraces de se multiplier[4].

6. Donnez-nous cette assurance. Veillez au loin du haut du ciel ; Indra et Agni, accordez-nous le bonheur.


HYMNE III.

À divers dieux, par Médhatithi.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Éveille les Aswins alliés au Matin[5] ; qu’ils viennent ici goûter de notre soma.

2. Nous invoquons les Aswins, ces deux divinités habitantes du ciel, et qui se distinguent par leur habileté à conduire un char brillant.

3. Ô Aswins de votre fouet qu’humectent nos libations, que fortifient nos prières, touchez notre sacrifice.

4. Non loin de vous est la maison où vous dirigez votre char, ô Aswins ! (la maison) de celui qui vous offre le soma.

5. J’appelle à notre secours Savitri[6] à la main d’or[7] ; ce dieu voit bien le lieu (où l’invoquent ses serviteurs).

6. Célèbre, pour obtenir sa protection, Savitri, enfant des libations[8]. Nous voulons en son honneur accomplir l’œuvre sainte.

7. Nous invoquons Savitri, qui est l’œil des mortels, (Savitri) à qui nous devons et nos demeures et toutes nos richesses.

8. Amis, placez-vous ; nous avons à chanter Savitri. C’est lui qui donne l’opulence et qui brille (au ciel).

9. Ô Agni, amène ici, pour prendre part à nos libations, Twachtri et les épouses chéries des dieux[9].

10. Agni toujours jeune, amène en ces lieux, pour notre bien, ces épouses divines. Hotrâ[10], Bhâratî[11], Varoutrî[12], Dhichanâ[13].

11. Que ces déesses, amies des hommes, nous couvrent de leur haute faveur, et nous donnent la prospérité ; que rien ne blesse leur aile (protectrice).

12. J’appelle ici Indrânî, Varounânî, Agnâyî[14] ; je les vénère, et les invite aux libations de soma.

13. Que le grand Ciel et la Terre agréent notre sacrifice, et qu’en récompense ils nous comblent de leurs biens.

14. Par leurs prières les sages, dans ce lieu où siège Gandharva[15], recueillent le lait du Ciel et de la Terre.

15. Ô Terre, sois pour nous une habitation large et fortunée : donne-nous bonheur et gloire.

16. Que les dieux nous protègent de cette région d’où Vichnou[16] s’est élancé, (excité) par nos sept genres d’invocations[17].

17. Oui, d’ici Vichnou s’est élancé ; trois fois il a foulé un sol[18] empreint de la poussière de son pied.

18. Vichnou, sauveur invincible, gardien des devoirs sacrés, en trois stations a fourni sa carrière.

19. Considérez donc les actes de Vichnou, par lesquels cet ami, ce compagnon d’Indra, indique (à l’homme pieux) le moment des sacrifices.

20. Les pères de famille[19] éclairés examinent constamment la haute station de Vichnou ; leur œil est toujours comme tendu vers le ciel.

21. Et cette haute station de Vichnou, les prêtres vigilants la célèbrent par leurs hymnes et les feux du sacrifice.


HYMNE IV.

À divers dieux, par Médhatithi.

(Mètre : Gâyatrî. ― Pouras : Ouchnih et Anouchtoubh.)

1. Les voilà préparées, ces abondantes libations qu’accompagnent nos prières ; nous te les présentons, Vâyou[20] ; viens, et bois.

2. Nous invitons à goûter notre soma Indra et Vâyou, ces deux divinités habitantes du ciel.

3. Les sages invoquent le secours d’Indra et de Vâyou, aussi rapides que la pensée, doués de mille yeux[21], et maîtres de la prière.

4. Nous appelons à nos libations Mitra et Varouna, qui, de leur essence, sont forts et purs.

5. J’invoque, en allumant le feu du sacrifice, Mitra et Varouna, ces maîtres de la pure lumière, dont nos offrandes augmentent la grandeur.

6. Que Mitra soit notre sauveur ; que Varouna nous prodigue ses secours ! que tous deux nous rendent opulents !

7. Nous appelons à partager notre soma Indra escorté des Marouts : qu’avec ses compagnons il se réjouisse (de nos libations) !

8. Ô Marouts, qui avez Indra pour chef, et vous dieux, qui distribuez les biens de Poûchan[22], écoutez tous mon invocation.

9. (Divinités) libérales, robustes auxiliaires d’Indra, donnez la mort à Vritra : que le méchant ne règne pas sur nous !

10. Nous convions tous les dieux à nos libations ; (nous y appelons) les Marouts, ces terribles fils de Prisni[23].

11. Ô mortels, quand vous vous réunissez à la fête du sacrifice, (entendez-vous) le bruit des Marouts ? c’est comme une marche triomphante.

12. Nés de tous les côtés dans les régions de l’air splendides et riantes, que les Marouts nous protègent et nous conservent !

13. (Accepte), ô brillant Poûchan, ces libations que nous t’offrons sur ce magnifique lit de cousa ; et du ciel, viens (vers nous avec l’amour du pasteur qui retrouve sa brebis perdue).

14. Poûchan, d’un rayon lumineux, sait toujours percer la retraite mystérieuse où, sur une couche magnifique de gazon, siège le roi (des sacrifices).

15. Que ce dieu, satisfait de mes libations, fasse accomplir leur carrière aux six (coursiers) qu’il attelle[24], comme (le laboureur) avec ses bœufs (trace le sillon où il) sème son orge.

16. (Cependant les Eaux), mères des êtres et amies des hommes pieux[25], viennent suivant leurs voies, et distribuant leur lait aussi doux que le miel.

17. Soit qu’elles précèdent la naissance du soleil, ou bien qu’elles l’accompagnent (dans le ciel), puissent ces Eaux aimer notre sacrifice !

18. J’invoque ces Eaux divines qui désaltèrent nos vaches ; qu’un holocauste soit fait en l’honneur des ondes.

19. Dans les Eaux se trouve l’ambroisie (pour les dieux) ; dans les Eaux est la santé (pour les hommes). Dévas[26], présentez les mets sacrés en bénissant les Eaux.

20. Dans les Eaux, m’a dit Soma[27], sont tous les remèdes. Agni fait le bonheur de tous, et les Eaux guérissent tous les maux.

21. Eaux salutaires, protégez mon corps contre les maladies ! Que je puisse longtemps voir le soleil !

22. Eaux purifiantes, emportez tout ce qui peut être en moi de criminel, tout le mal que j’ai pu faire par violence, par imprécation[28],par injustice.

23. En ce jour, j’ai honoré les Eaux ; nous nous sommes présentés avec (des coupes remplies de) ce précieux élément. Agni, toi qui aimes les libations, viens, et couvre-moi de ton éclat.

24. Agni, donne-moi de l’éclat, de la famille, de longs jours ! Que les dieux, qu’Indra et les (saints) Richis se souviennent de moi !


HYMNE V.

À divers dieux, par Sounahsépa.

(Mètres : Trichtoubh et Gâyatrî.)

1. Parmi les dieux immortels, quel est celui dont nous prononcerons d’abord le nom vénérable ? Quel est celui qui doit nous rendre à la grande Aditi[29], et me faire revoir et le père et la mère (du monde) ?

2. Avant celui des autres immortels, nous prononcerons le nom vénérable d’Agni. C’est lui qui doit nous rendre à la grande Aditi, et me faire revoir le père et la mère (du monde).

3. Nous t’invoquons (ensuite), divin Savitri[30], maître de l’opulence ; toi qui nous aides sans relâche, accorde-nous la richesse.

4. Cette (richesse) recherchée, estimée, qu’on blâme quand on ne l’a pas, qu’on cesse de haïr (quand on la possède), tu la tiens dans tes mains.

5. Puissions-nous, par ta protection, (par la faveur d’un dieu) possesseur de la richesse, acquérir un commencement de prospérité qui fonde notre bonheur !

6. Ni ces oiseaux qui volent dans les airs, ni ces ondes qui coulent sans cesse, ni les vents conjurés, ne peuvent égaler ta force, ta rapidité, ta véhémence.

7. (Dans le ciel, arbre majestueux) sans racines (ici[[]]-bas), règne Varouna[31] fort et pur, trésor élevé de rayons lumineux. Ces rayons descendent ; mais leurs racines sont en haut. Puissent-ils briller pour nous au milieu des airs !

8. C’est lui, c’est le royal Varouna qui prépara au soleil[32] cette large voie où il poursuit sa carrière ; qui, dans une région dépourvue de route, en fit une pour (l’astre) voyageur. Qu’il nous défende contre (l’ennemi) qui nous perce le cœur !

9. Puissant (Varouna), tu possèdes contre nos maux cent et mille remèdes. Que ta faveur soit grande, soit étendue ! Retiens loin de nous Nirriti[33] enchaînée ; détourne sa face (cruelle), et préviens le crime préparé contre nous.

10. Ces étoiles qui brillent au-dessus de nos têtes apparaissent la nuit, et avec le jour elles se retirent ; la lune aussi vient la nuit étaler ses splendeurs. L’œuvre de Varouna n’est jamais interrompue.

11. Je viens donc à toi avec une prière respectueuse ; celui qui t’offre cet holocauste te bénit et t’implore. Varouna, sois favorable à nos vœux : toi dont le nom est au loin célébré, épargne notre vie !

12. Voilà ce qu’on m’a répété et le jour et la nuit, voilà ce que mon propre cœur me dit. Que le royal Varouna nous délivre, lui qu’a invoqué Sounahsépa enchaîné[34] !

13. Oui, Sounahsépa enchaîné, attaché aux trois poteaux du bûcher sacré, a prié le fils d’Aditi, le royal Varouna, de le sauver. Que (ce dieu) sage et invincible brise nos fers !

14. Ô Varouna, par nos invocations, par nos sacrifices, par nos holocaustes, nous voulons détourner ta colère. Viens, toi qui donnes la vie[35] ; roi prudent, délivre-nous de nos fautes.

15. Ô Varouna, délie les chaînes qui nous serrent d’en haut, d’en bas et du milieu[36]. Fils d’Aditi, par le sacrifice que nous t’offrons, que nos fautes soient effacées, que nous soyons à Aditi[37] !


HYMNE VI.

À Varouna, par Sounahsépa.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Dans tous ces sacrifices que nous t’offrons journellement, ô divin Varouna, nous pouvons, pauvres mortels, manquer à quelqu’un de nos devoirs.

2. (Épargne-nous ;) ne nous livre pas à la mort, au fer d’un ennemi, au ressentiment d’un furieux.

3. Varouna, par nos chants nous voulons adoucir et calmer ton esprit, de même que le conducteur d’un char (délasse par sa voix) son cheval fatigué.

4. Vers toi, comme l’oiseau vers son nid, volent mes pensées, pour obtenir une existence prospère.

5. Et dans quel (autre) temps devons-nous invoquer l’illustre Varouna, qui possède la force et la richesse, et nous rendre propice celui qui est l’œil du monde ?

6. Que (Mitra et Yarouna) accueillent ce (sacrifice) offert pour tous les deux ; ils sont justes, quand ils favorisent un pieux serviteur.

7. Varouna connaît la voie de l’oiseau qui vole dans l’air, celle du vaisseau qui vogue sur la mer.

8. Ce dieu, ferme en ses œuvres, connaît la marche des douze mois qui engendrent les êtres, et celle du mois qui complète l’année[38].

9. Il connaît la carrière du vent, qui exerce au loin sa remarquable puissance ; il connaît la demeure élevée des dieux.

10. Au sein de nos demeures réside et règne Varouna, fidèle à ses desseins, et digne d’être honoré par les sacrifices.

11. Le sage voit toutes les merveilles accomplies par lui, comme celles qu’il accomplira.

12. Que ce fils d’Aditi, honoré par nos sacrifices, nous dirige chaque jour dans une bonne voie ; qu’il prolonge notre existence !

13. Varouna a revêtu sa cuirasse d’un or éclatant et pur ; des rayons de lumière l’environnent de toute part.

14. Nul dans le monde n’oserait affronter ce dieu ; nul parmi ceux qui ont l’habitude du mal, de l’injure, du crime.

15. C’est lui qui prépare cette nourriture abondante, soutien de notre vie mortelle.

16. Après ce dieu qui éclaire le monde, ma prière soupire, comme la vache après son étable.

17. S’il est vrai que mes libations te soient agréables, s’il est vrai que, comme sacrificateur[39], tu consommes notre offrande avec plaisir, nous voulons encore nous adresser à toi.

18. Et en effet j’ai vu (ce dieu) visible pour tous ; j’ai vu son char sur la terre ; (Varouna) exauce nos prières.

19. Ô Varouna, écoute aujourd’hui mon invocation ; sois-nous favorable ! J’implore ton secours.

20. (Dieu) sage, tu brilles partout, au ciel et sur la terre. Écoute et sauve-nous.

21. Délie les chaînes qui nous serrent d’en haut, d’en bas et du milieu[40]. Fais que nous vivions.


HYMNE VII.

À Agni, par Sounahsépa.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Dieu vénérable, (dieu) maître des mets consacrés, revêts ta robe (resplendissante), et accomplis notre sacrifice.

2. Viens, Agni, toi notre sacrificateur, toujours jeune, digne entre tous d’être l’objet de nos pensées, et de nos hymnes les plus brillants.

3. Sois pour nous généreux et bon, comme un père pour son fils, un parent pour son parent, un ami pour son ami.

4. Sur ce lit de cousa préparé par nous, que Varouna, Mitra, Aryaman, viennent s’asseoir ; rivaux terribles pour leurs ennemis, qu’ils soient pour nous comme un homme[41] (vis-à-vis d’un autre homme).

5. Premier des sacrificateurs, daigne te complaire en notre amitié ; écoute nos chants avec bonté.

6. Quel que soit le dieu que nous honorions avec notre sacrifice perpétuel, toujours à toi s’adresse l’holocauste.

7. Sois toujours le maître chéri des pauvres mortels, le sacrificateur satisfait de nos hommages, l’élu de notre cœur. Amis d’Agni, nous nous plaçons sous ses auspices.

8. Sous les auspices d’Agni, les Dévas présentent les mets choisis pour le sacrifice ; sous les auspices d’Agni, nous poursuivons nos adorations.

9. Ainsi, dieux et mortels, unissons-nous pour accomplir de concert cette œuvre de bénédiction.

10. Ô Agni, fils de la force[42], avec tous les feux[43], reçois ce sacrifice, ces prières et ces mets consacrés.


HYMNE VIII.

À Agni, à tous les dieux, par Sounahsépa.

(Mètres : Gâyatrî et Trichtoubh.)

1. Nous adressons nos hommages à Agni, roi des sacrifices, (Agni qui nous apparaît) tel qu’un coursier orné d’une longue queue[44].

2. Qu’il nous soit favorable, ce fils de la force, dont les pas s’étendent au loin ; qu’il répande ses biens sur nous !

3. De loin, de près, que ce (dieu), qui est partout, nous protège toujours contre le mortel méchant.

4. Agni, annonce aux dieux le sacrifice nouveau que nous leur offrons, accompagné de nos hymnes.

5. Fais-nous part des trésors d’abondance que fournissent la région supérieure, la région du milieu, et celle qui est près de nous[45].

6. Dieu resplendissant, tu puises comme à la source intarissable d’un fleuve, pour répandre tes faveurs sur ton serviteur.

7. Le mortel que tu protèges dans les combats, que tu soutiens dans les batailles, ne manquera jamais de te préparer des offrandes.

8. Dieu, invincible, cet homme est vainqueur de tous ses ennemis, et acquiert une force à jamais mémorable.

9. Que ce dieu, qui voit tout, accorde la victoire à nos cavaliers, et la richesse à nos sages !

10. Éveillé par nos chants, accueille le sacrifice de chaque mortel, et l’hymne par lequel il prétend charmer ta colère.

11. La grandeur d’Agni est sans borne ; la fumée (du sacrifice) forme sa bannière ; son éclat est immense. Qu’il reçoive avec faveur nos prières et nos offrandes !

12. Qu’il prête l’oreille à nos chants, cet Agni qui remplit tout de sa splendeur, qui est l’étendard des dieux, qui, comme un roi, brille par sa richesse.

13. Adoration aux grands dieux ; adoration aux dieux enfants ; adoration aux dieux jeunes ; adoration aux dieux âgés. Nous offrons aux dieux tous les sacrifices que nous pouvons. Ô dieux, (il dépend de vous) que l’hommage dû à vos bontés ne soit jamais interrompu.


HYMNE IX.

À Indra, aux instruments du sacrifice, par Sounahsépa.

(Mètres : Anouchtouth et Gâyatrî.)

1. Dans cet endroit où s’élève une pierre à la base profonde pour recevoir les libations, Indra, viens boire le jus préparé dans le mortier[46].

2. Dans cet endroit où, pareils à deux djaghanas[47], figurent les deux bassins destinés au soma, Indra, viens boire le jus préparé dans le mortier.

3. Dans cet endroit où la mère de famille entre et sort avec empressement[48], Indra, viens boire le jus préparé dans le mortier.

4. Dans cet endroit où l’on passe une lanière autour du bâton (de l’aranî)[49], comme une rêne au col d’un cheval fougueux, Indra, viens boire le jus préparé dans le mortier.

5. Quelle que soit l’œuvre à laquelle on t’emploie dans chaque maison, ô mortier ! résonne d’une manière éclatante, tel que le tambour des vainqueurs.

6. Ô pilon[50] ! à ton extrémité l’air souffle avec force. Ô mortier ! prépare le breuvage d’Indra !

7. Ô mortier ! ô pilon ! instruments du sacrifice, vous qui apprêtez les mets (des dieux), séparez-vous, unissez-vous comme les mâchoires[51] qui broient la nourriture.

8. Nobles instruments de bois[52], avec ces nobles faiseurs de soma vous nous préparez aujourd’hui pour Indra une boisson aussi douce que le miel.

9. Toi, (Haristchandra)[53], emporte le soma tombé dans le bassin ; verse-le sur le filtre, et que la peau de vache le reçoive[54].


HYMNE X.

À Indra, par Sounahsépa.

(Mètre : Panctî.)

1. (Divinité) sincère et amie du soma, nous sommes comme frappés de malédiction ; mais, Indra, toi qui es riche, donne-nous la renommée en nous accordant par milliers des vaches et de superbes chevaux.

2. (Dieu) à la noble face[55], maître des offrandes, compagnon de Satchî[56], à toi la puissance ! Indra, toi qui es riche, donne-nous la renommée en nous accordant par milliers des vaches et de superbes chevaux.

3. Endors les deux funestes jumelles (messagères d’Yama)[57] ; qu’elles reposent sans s’éveiller. Indra, toi qui es riche, donne-nous la renommée en nous accordant par milliers des vaches et de superbes chevaux.

4. Qu’ils dorment, ceux qui ne nous veulent que du mal ! noble héros, qu’ils s’éveillent, les amis qui désirent notre bien ! Indra, toi qui es riche, donne-nous la renommée en nous accordant par milliers des vaches et de superbes chevaux.

5. Indra, frappe le méchant qui, comme l’une, ose élever pour te louer une voix odieuse. Indra, toi qui es riche, donne-nous la renommée en nous accordant par milliers des vaches et de superbes chevaux.

6. Que le vent pousse au loin l’orage ; qu’il le détourne de nous, et le fasse tomber sur la forêt. Indra, toi qui es riche, donne-nous la renommée en nous accordant par milliers des vaches et de superbes chevaux.

7. Détruis tout ce qui élève la voix autour de nous ; donne la mort à l’ennemi qui menace notre tête. Indra, toi qui es riche, donne-nous la renommée en nous accordant par milliers des vaches et de superbes chevaux.


HYMNE XI.

À Indra, aux Aswins et à l’Aurore, par Sounahsépa.

(Mètres : Gâyatrî et Trichtoubh.)

1. Comme on remplit un large réservoir, comblez Indra, le grand Satacratou, d’offrandes et de libations.

2. (L’eau) coule dans la vallée ; de même Indra vient (naturellement) vers ces cent breuvages, vers ces mille mets préparés avec soin.

3. Ces (offrandes) font la joie de ce (dieu) puissant ; son vaste sein les reçoit et les contient, comme la mer (renferme les ondes).

4. Ces libations sont pour toi ; viens à nous de même que la colombe vient à sa compagne, et accueille nos prières.

5. Maître des richesses, héros que nos chants élèvent, ô toi que nous célébrons, à ta puissance ajoute la bonté et la justice !

6. Lève-toi, Satacratou, pour nous secourir dans ce combat. Notre reconnaissance n’oubliera pas de t’invoquer encore.

7. Dans toutes les circonstances, dans tous les combats, c’est le puissant Indra que nous appelons à notre secours, nous qui sommes ses amis.

8. S’il entend notre appel, qu’il nous soutienne par mille secours, (qu’il nous fortifie) par de nombreux aliments.

9. J’invoque le dieu fort qui de son antique (et céleste) séjour vient visiter les hommes, lui qu’autrefois invoqua aussi mon père.

10. Toi que tous chérissent et appellent, toi notre ami et notre refuge, nous te louons ; (sois favorable) à ceux qui chantent (ta gloire).

11. (Dieu) armé de la foudre, et ami, comme nous, du soma ; toi qui nous rends amour pour amour, (nous t’invoquons pour obtenir) des vaches (fécondes).

12. Qu’il en soit ainsi, (dieu) armé de la foudre, (dieu) ami du soma, et notre protecteur. Comble les désirs de tes serviteurs.

13. Par la faveur d’Indra, qui partage notre bonheur, que nos (vaches) soient fécondes et robustes ; qu’elles fassent notre joie, et nous donnent une nourriture abondante.

14. Terrible (Indra), que les autres dieux, heureusement disposés par toi, non moins que toi sensibles à nos louanges, soient pour nous comme l’axe qui soutient et fait tourner les roues du char !

15. Tu es déjà pour nous, Satacratou, cet axe bienfaisant ; ce que peuvent désirer tes panégyristes, tu le leur accordes en récompense de leurs offrandes.

16. Au milieu des hennissements (des chevaux), des cris, des souffles haletants, Indra gagne de (glorieuses) dépouilles. Fort et généreux, que (ce dieu) nous donne un char d’or ; qu’il nous donne les biens dont il peut disposer !

17. Venez, bienfaisants Aswins, et que nos offrandes nous fassent obtenir de vous des chevaux, des vaches, de l’or.

18. Ô bienfaisants Aswins, un même char, un (char) immortel vous transporte à travers l’océan (de l’air).

19. De ce char une roue touche la crête de la (montagne) inabordable, l’autre roule dans le ciel[58].

20. Aurore immortelle, amie de la louange, quel mortel est (aujourd’hui) l’objet de ta prédilection ? Brillante (déesse), qui viens-tu visiter ?

21. Vive et légère, merveilleuse par tes couleurs, resplendissante, de loin ou de près nous ne pouvons manquer de t’admirer.

22. Fille du ciel, invitée par nos offrandes, viens, et apporte-nous la richesse.


HYMNE XII.

À Agni, par l’Angiras Hiranyastoupa.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Agni, tu as été l’antique Richi Angiras[59] ; Dieu, tu es l’heureux ami des autres dieux. Dans ton œuvre sainte sont nés les Marouts, sages, agissant avec prudence, et chargés d’armes brillantes.

2. Ô Agni, toi le premier et le plus grand des Angiras, (dieu) sage, tu ornes les cérémonies divines ; tu es né de deux mères[60] ; puissant et raisonnable, pour le bien de l’homme et des mondes, tu reposes partout dans la nature.

3. Agni, montre-toi d’abord à Mâtariswan ; qu’il vienne avec respect te donner des forces ;[61]. Que le ciel et la terre soient illuminés ; choisi pour notre sacrificateur, porte notre offrande. Ô toi, notre refuge, exerce ta haute fonction !

4. Agni, c’est toi qui as révélé à Manou[62] la région du ciel, toi qui as été généreux pour le généreux Pouroûravas[63]. Quand du sein de tes parents tu as été extrait par le frottement[64], on t’a porté d’abord du côté de l’orient, puis du côté opposé[65].

5. Bienfaisant Agni, auteur de notre prospérité, tu es digne d’être célébré par celui qui, élevant la coupe sacrée, connaît la vertu des invocations et des prières. Agni, tu es la vie, tu es le protecteur de l’homme.

6. Agni, (dieu) sage, tu places dans la bonne voie l’homme qui s’égarait dans la mauvaise. Dans ces rencontres où le combat s’engage, où le guerrier va recueillir un heureux butin, c’est par toi que quelques hommes triomphent de la multitude.

7. Agni, tu entretiens chaque jour le mortel qui t’honore dans une espèce d’immortelle abondance ; ton sage serviteur obtient de toi le bonheur et la nourriture qu’il désire dans les deux espèces[66].

8. Agni, pour prix de nos louanges, donne au père de famille qui t’implore la gloire et la richesse ; à nos hommages nous ajouterons des hommages nouveaux. Ciel et Terre, protégez-nous, avec les autres dieux.

9. Agni, toi (qui brilles) à côté des parents qui t’ont produit[67], dieu vigilant et irrépréhensible parmi les dieux, toi qui t’es donné une forme sensible, sois-nous favorable ; accueille le sacrifice du père de famille. Toi qui possèdes la fortune, tu peux bien conférer les richesses.

10. Agni, tu es pour nous un défenseur prudent et un père ; à toi nous devons la vie, nous sommes ta famille. En toi sont les biens par centaines, par milliers. (Dieu) invincible, tu es la force des héros et le gardien des sacrifices.

11. Agni, alors que tu pris une forme humaine, pour le bien de l’humanité, les Dévas te donnèrent comme général à Nahoucha. Quand le fils de notre (premier) père naquit, ce sont eux aussi qui choisirent Ilâ pour commander aux enfants de Manou[68].

12. Divin Agni, par tes secours protège notre fortune et nos personnes ! Tu mérites nos louanges. Tu conserves les vaches du fils de ton fils[69] toujours attentif à perpétuer ton culte.

13. Agni, tu étends ta protection sur le serviteur constant dans ses hommages. Tes quatre yeux[70] brillent et s’allument. Tu chéris la prière du prêtre qui te présente l’holocauste ; car (tu es) bon et clément.

14. Agni, tu aimes (et dispenses) cette richesse enviée qui est le premier vœu de ton chantre respecté. Protecteur prévoyant du faible, tu reçois le nom de père ; ta haute sagesse gouverne depuis l’enfant jusqu’aux (habitants des) régions célestes.

15. Agni, l’homme qui se répand en pieuses générosités, tu le couvres de tout côté comme d’une épaisse cuirasse. Le (père de famille) qui, aux agréments qu’il prépare à ses hôtes, aux doux aliments qu’il leur donne, ajoute encore le sacrifice d’une victime vivante[71], ne peut être comparé qu’au ciel[72].

16. Agni, si nous avons commis une faute, si nous avons marché loin de toi, pardonne-nous. Tu es un parent, un père, un défenseur prévoyant. En faveur des mortels qui offrent le soma, tu apparais pour accomplir le sacrifice.

17. Agni, toi qui fus Angiras, (dieu) saint, viens en ces lieux avec ces sentiments qu’avaient autrefois Manou, Angiras, Yayâti[73] et les anciens. Viens ici, amène la troupe céleste, fais-les placer sur le cousa, et consomme le sacrifice.

18. Agni, que ta grandeur croisse par l’effet de cet hymne que nous t’adressons suivant nos forces et notre science ! Conduis-nous à la richesse, et avec la sagesse accorde-nous aussi l’abondance.


HYMNE XIII.

À Indra, par Hiranyastoûpa.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Je veux chanter les antiques exploits par lesquels s’est distingué le foudroyant Indra. Il a frappé Ahi[74], il a répandu les ondes sur la terre, il a déchaîné les torrents des montagnes (célestes).

2. Il a frappé Ahi, qui se cachait au sein de la montagne (céleste) ; (il l’a frappé) de cette arme retentissante formée pour lui par Twachtri[75] ; et les eaux, telles que les vaches qui courent vers leur étable, se sont précipitées vers la mer.

3. Indra, impétueux comme le taureau, se désaltérait de notre soma ; pendant les Tricadrous[76] il buvait de nos libations. Cependant Maghavan[77] a pris la foudre qu’il va lancer comme une flèche ; il a frappé le premier-né des Ahis.

4. Indra, quand ta main a frappé le premier-né des Ahis, aussitôt les charmes de ces magiciens sont détruits ; aussitôt tu sembles donner naissance au soleil, au ciel, à l’aurore. L’ennemi a disparu devant toi.

5. Indra a frappé Vritra, le plus nébuleux de ces ennemis. De sa foudre puissante et meurtrière, il lui a brisé les membres, tandis qu’Ahi, tel que l’arbre attaqué par la hache, gît étendu sur la terre.

6. Comme s’il n’avait point de rival à craindre, enivré d’un fol orgueil, (Vritra) osait provoquer le (dieu) fort et victorieux, qui a tant de fois donné la mort. Il n’a pu éviter un engagement meurtrier, et l’ennemi d’Indra d’une poussière humide a grossi les rivières.

7. Privé de pieds, privé de bras, il combattait encore Indra. Celui-ci le frappe de sa foudre sur la tête, et Vritra, cet eunuque qui affectait les dehors de la virilité, tombe déchiré en lambeaux.

8. Ainsi qu’une digue rompue, il est couché par terre, et recouvert de ces eaux dont l’aspect charme notre cœur. Ces ondes, que Vritra embrassait de toute sa grandeur, foulent et pressent maintenant Ahi terrassé.

9. La mère de Vritra[78] s’abaisse ; Indra lui porte par dessous un coup mortel ; la mère tombe sur le fils. Dânou est étendue comme la vache avec son veau.

10. Le corps de Vritra, ballotté au milieu des airs agités et tumultueux, n’est plus qu’une chose sans nom, que submergent les eaux. Cependant, l’ennemi d’Indra est enseveli dans le sommeil éternel.

11. Ces ondes, vaches (célestes), avaient été comme emprisonnées par Pani[79], elles étaient devenues les épouses d’un vil ennemi, et confiées à la garde d’un pasteur tel qu’Ahi. Indra tue Vritra, et ouvre la caverne où les eaux se trouvaient enfermées.

12. Telle la queue du cheval (pour les insectes qui l’attaquent), tel tu étais alors, divin Indra, pour cet (ennemi) qui, dans ce duel (terrible), te frappait aussi de son arme. Vainqueur héroïque, tu reprenais les vaches célestes, tu venais jouir de nos libations reconnaissantes, tu donnais carrière aux sept fleuves[80].

13. Ni l’éclair, ni la foudre, ni la pluie, ni le tonnerre lancé par son ennemi, au moment où Indra et Ahi combattaient, rien ne put arrêter Indra ; Maghavan triompha des efforts de ses adversaires.

14. Pouvais-tu croire qu’un autre que toi fût capable de tuer Ahi, quand tu sentis, avant de lui donner la mort, la crainte entrer dans ton cœur ? (C’est encore par amour pour nous que tu frémis de terreur, quand tu traversas les airs, comme l’épervier, au-dessus de ces quatre-vingt-dix-neuf[81] torrents formés par les eaux.

15. Indra, roi du monde mobile et immobile, des animaux apprivoisés et sauvages, (dieu) armé de la foudre, est aussi roi des hommes. Comme le cercle d’une roue en embrasse les rayons, de même Indra embrasse toutes choses.




  1. Les Ribhous forment une classe de divinités. Suivant l’opinion de M. Nève, ce seraient d’anciens mortels élevés au rang des dieux. Fils de Soudhanwan, de la race d’Angiras, ils sont au nombre de trois : Ribhou, Vibhwan et Vâdja. Il est à croire qu’ils établirent des cérémonies religieuses, et changèrent quelques-uns des anciens usages. Peut-être fondèrent-ils une espèce de culte en l’honneur des rayons du soleil, avec lequel on les a personnifiés en leur qualité de dieux. La légende leur attribue d’avoir ressuscité une vache (c’est-à-dire le sacrifice), d’avoir rendu la jeunesse à leurs deux vieux parents (c’est-à-dire d’avoir ramené le sacrifice du matin, qui redonne la vie au ciel et à la terre), d’avoir fait des chevaux pour Indra, un char pour les Aswiris (c’est-à-dire d’avoir célébré des sacrifices en leur honneur), enfin d’avoir divisé en quatre parties la coupe de Twachtri (c’est-à-dire d’avoir établi quatre libations au lieu d’une). Je croirais que les Ribhous ne sont pas d’anciens Richis divinisés, mais que ce sont les rites eux-mêmes, les cérémonies déifiées. J’avoue que les hypothèses sont choses trop faciles, surtout avec l’instrument philologique ; j’en donnerai un exemple que me fournit le nom même des Ribhous. La grammaire nous apprend d’abord comment la voyelle ri se métamorphose en ar : ensuite la consonne bh, pour la valeur du son, correspond à ph ou f. Il résulte, de ces deux faits, que Ribhous se convertit tout naturellement en Arphous ; et ce mot rappelle aussitôt le nom d’Orphée, prêtre et poëte, qui a présidé à l’antique civilisation grecque.
  2. La coupe de bois du sacrifice, appelée tchamasa.
  3. Ou bien trois fois sept offrandes différentes. À l’occasion de ce vers, le commentateur explique que, dans le vase du sacrifice, il y a trois espèces d’offrandes, qu’il qualifie d’offrandes supérieures, d’offrandes du milieu, d’offrandes inférieures. Il distingue aussi trois classes (varga) de sacrifices : les haviryadjnas, les pâcayadjnas, les somasansthânas. Il cite des sacrifices appartenant à chacune de ces trois classes, sacrifices dans lesquels les Ribhous étaient probablement invoqués. Ailleurs, il dit qu’il y a sept offrandes appelées hotrâ, et accompagnées de l’exclamation vachat.
  4. Les Râkchasas, comme les Harpies, souillent et dévorent les mets des sacrifices.
  5. Le commentateur parle d’une étoile, Savanagraha, qui avertit que le moment des libations est venu.
  6. Savitri est un nom du Soleil.
  7. Les mains et bras de ces dieux, ce sont leurs rayons. On conte à ce sujet une légende. Dans un sacrifice, Savitri s’acquittait des fonctions de prêtre. Ses acolytes lui présentant une offrande appelée prâsitra, la main du prêtre se trouva coupée. On en fit une autre d’or, qu’on adapta à son bras. Voici l’explication de cette légende : le grand sacrifice accompli par le Soleil, c’est la fonction qu’il accomplit dans ce monde. L’offrande prâsitra, c’est le nuage qui intercepte et coupe les rayons du Soleil. Le Soleil, ce grand Papi, c’est-à-dire le grand buveur, ne peut manquer de recouvrer ces mains d’or qui ne lui ont été enlevées qu’un moment.
  8. Le mot napât se présente souvent, et on le traduit de diverses manières. Je n’ai pas cru que des auteurs pussent ainsi se jouer avec la langue, et donner à un même mot, suivant leur caprice, un sens différent. J’ai cherché pour le mot napât une signification uniforme, et qui convint à toutes les circonstances ; je me suis décidé pour le mot enfant, et j’ai rejeté toutes les explications ingénieuses qui menaient à un autre sens. Dans la circonstance présente, Savitri, c’est-à-dire le Soleil, est l’enfant des libations, dans ce sens que le sacrifice donne naissance au feu terrestre, et ensuite au feu céleste, qui est le Soleil. C’est ce qu’on verra développé plus loin dans beaucoup de passages.
  9. Nous avons vu, lecture 1, not. 4, p. 8, c. 2, que les épouses des dieux étaient les prières particulières que l’on dit en l’honneur de chacun d’eux.
  10. Hotrâ, dit le commentateur, est l’épouse d’Agni, surnommé Homanichpâda. C’est la personnification de l’invocation faite au moment de l’holocauste. Ce mot signifie encore hymne.
  11. Bhâratî est donnée comme l’épouse d’Aditya. Voyez encore, note 1, 1re col., pag. 3.
  12. Varoutrî est désigné par le commentateur sous le synonyme de Varanîya ; il semblerait que c’est la déesse qui préside à la prière par laquelle on demande une grâce, vara. Varoutrî est peut-être un nom d’Ilâ.
  13. Dhichanâ est la pensée, l’intelligence, l’esprit. Ce mot s’emploie pour signifier prière. Le commentaire confond Dhichanâ avec Saraswatî, appelée Vâgdévi, déesse de la parole. Voy. note 1, 1re col. pag. 3.
  14. Épouse d’Indra, de Varouna et d’Agni.
  15. Gandharva est, je crois, un nom d’Agni ; c’est quelquefois aussi une épithète du Soleil.
  16. Vichnou est un des noms du Soleil. Le texte porte le mot prithivi, qui s’emploie d’une manière générale pour signifier toute espèce de région, et d’une manière particulière pour signifier la terre. Le Soleil, en effet, semble partir de la terre, dont il peut se dire le fils.
  17. Le commentateur entend ici les sept espèces de mètres ou tchhandas qui servent à composer les hymnes. Ne serait-ce pas plutôt une allusion aux sept rayons que l’on donne à la lumière ? Le poëte n’a-t-il pas voulu représenter le Soleil avec une auréole de sept rayons ?
  18. Ce sol, c’est tantôt la terre, tantôt la voûte du ciel, puisque les trois endroits foulés par le Soleil sont l’orient, Samârohana ou la colline du levant ; en second lieu, le midi, Vichnoupada ou le méridien céleste ; et enfin, l’occident, Gayasiras ou les collines du couchant. Tels sont les trois pas ou stations de Vichnou, surnommé Trivicrama, qui ont donné naissance à une grande fiction pouranique.
  19. Autant qu’il me sera possible, je verrai, dans le mot Soûri, le maître de maison, le père de famille. Il doit être distingué du prêtre qui accomplit le sacrifice, dont l’autre a fait les frais.
  20. Vâyou, c’est le vent considéré comme le dieu de l’air.
  21. Ces mille yeux représentent l’extrême vigilance de ces dieux ; ou bien, comme l’éther et l’air semblent être le séjour des étoiles, ces yeux rappellent les astres innombrables qui tapissent la voûte céleste. On ne connaissait pas, à cette époque, la légende obscène racontée dans le Râmâyana sur l’origine de l’épithète Sahasrâkcha donnée à Indra.
  22. Nom du Soleil.
  23. Prisni est un nom donné à la Terre considérée comme une divinité ; c’est, en certains cas, un synonyme d’Aditi. Suivant les Indiens, les vents viennent de la terre, et par conséquent ils en sont comme les enfants. Le mot Prisni, au masculin, est un nom du Soleil. Je pense que Prisni, mère des vents, c’est plutôt le nuage, ou l’air chargé de nuages.
  24. Ce sont les six saisons, qu’on nomme Rilous. Les noms des six Rilous sont : le Vâsanta et le Grêchma, le Vârchica et le Sârada, l’Hêmantica et le Sêsira. En les accouplant ainsi deux par deux, on peut n’en compter que trois.
  25. Le commentaire entend ces mots des femmes qui assistent le père de famille dans les soins qu’il prend pour le sacrifice.
  26. Le mot déva signifie brillant, et ne répond pas au sens métaphysique que possède notre mot Dieu, lequel n’est pas traduit en sanscrit. Ce mot déva a plusieurs acceptions. Il s’emploie pour désigner les diverses personnifications de la substance divine se manifestant dans les éléments : en pareil cas je le traduis, avec regret, par dieu. Il se dit aussi pour distinguer les personnages remarquables dans l’ordre religieux ou dans l’ordre civil ; alors je le traduirai par déva, auquel j’ajouterai quelquefois l’épithète de mortel, lorsqu’il y aura opposition entre les dévas-dieux et les dévas-hommes. Le mot amrita (immortel) s’emploie également avec ces deux significations. Mais vous noterez que bien souvent le poëte donne le nom de Dévas à ces personnifications de cérémonies et de rites, qu’il fait agir comme des êtres réels et divins.
  27. Soma est la libation personnifiée. Ces eaux dont il est ici question se prennent quelquefois pour les différentes espèces de libations, et je pense que toutes ces invocations s’adressent aux Eaux considérées dans le sacrifice. Ainsi, au vers 17, lorsque le poëte parle des Eaux qui précèdent la naissance du Soleil (Oupasoûryé), et de celles qui l’accompagnent, il me semble qu’il désigne les libations du matin et celles de la journée. Au vers 18, les vaches désaltérées par ces Eaux, ce sont les rayons d’Agni. Dans le vers présent, il cite Soma et Agni, agents du sacrifice.
  28. L’imprécation, dans l’opinion des Indiens, est une arme terrible qui doit toujours produire son effet, même lorsqu’elle est injuste.
  29. Le mot Aditi qui se trouve dans ce vers est le nom de la déesse qui représente la nature entière, et quelquefois seulement la terre. De là on a imaginé que l’auteur de cet hymne, Sounahsépa, fils d’Adjîgaria, l’avait récité au moment où il allait être immolé aux dieux. Etre rendu à la grande Aditi pour revoir son père et sa mère, c’était être rendu à la terre pour aller dans un autre monde retrouver ses parents ; ces mots étaient en même temps un témoignage rendu à l’immortalité de l’âme. Je n’ai pas cru devoir adopter une traduction qui ne me paraît pas en harmonie avec l’ensemble de l’hymne. Le sacrifice se fait le matin, et le but de ce sacrifice, c’est d’amener heureusement le jour : l’auteur du jour, c’est le Soleil, qui révèle le ciel et la terre, appelés père et mère. Voilà ce que le poëte désire de revoir, et, à peine remis des anxiétés que donne la nuit, il demande une pleine jouissance de la nature ; c’est ce que signifie le mot Aditi, lequel se retrouve dans ce sens au dernier vers de cet hymne. On a encore voulu trouver dans ce vers le désir de Sounahsépa de recouvrer sa liberté et de revoir sa famille. J’ai aussi rejeté ce sens ; je me suis attaché à celui qui semblait ressortir de la composition tout entière. Je crois donc que être rendu à la grande Aditi, c’est rentrer en possession complète des biens que nous présente la nature au lever du soleil. Agni, qui préside au sacrifice, est le dieu qui rend ce service aux hommes.
  30. Nom du Soleil.
  31. Autre nom du Soleil.
  32. Il faut bien remarquer que l’auteur distingue le Soleil de Varouna, qui en est l’âme et le directeur.
  33. Nirriti est la divinité du mal. Pâpa dévatâ.
  34. Voilà le passage sur lequel on se fonde pour penser que cet hymne est celui que Sounahsépa récita lorsqu’il était prisonnier. Mais, en tous cas, la circonstance dont il est ici question est mentionnée comme déjà passée, et le reste de l’hymne ne semble pas avoir le but spécial qu’on lui suppose. Pour ma part, je pense que cet état de captivité de Sounahsépa, comme ailleurs l’état de cécité de certains personnages, n’est qu’une métaphore qui peint l’abattement de l’homme incapable d’agir pendant la nuit, et en quelque sorte lié ou aveuglé par les ténèbres. Le sacrifice du matin vient lui rendre sa liberté et la lumière.
  35. Ces mots sont la traduction du mot Asoura, dont l’explication la plus convenable m’a paru être celle que je donne ici. On voit pour quelle raison cette épithète est attribuée au Soleil et aux autres dieux ; l’Asoura est l’être doué de force et de mouvement, et communiquant la vie dont il est animé. Les nuages ont cette propriété ; et quand le poëte les a personnifiés, les êtres, ennemis des dieux et qui les animent, ont pu être appelés Asouras. Ce mot a fini même par désigner plus souvent les adversaires des dieux, les Titans indiens. Je suppose que, plus tard, dans la composition du mot Asoura, qu’on avait perdu de vue, on a cru trouver un a privatif, et qu’on a ainsi formé le mot Soura, qui signifie Dieu.
  36. J’entends par ces mots que l’obscurité qui règne au ciel, sur la terre, dans les airs, est une triple chaîne qui lie les hommes pendant la nuit.
  37. Le mot Aditi se trouve encore ici, et on le rend par salut, sécurité. Je sais que la même expression peut avoir différentes significations ; mais je n’aime pas que cette expression, dans des circonstances analogues, se trouve interprétée différemment. J’ai donné au mot Aditi le même sens que dans le premier vers. Être à Aditi, c’est, comme en français, être tout à la nature, jouir complètement de la nature. Aditi, dans les idées indiennes, me semble être l’ensemble de la matière organisée, et animée d’un souffle divin : ce mot signifie complet, et est en opposition avec le mot diti, qui veut dire divisé, incomplet. D’Aditi naissent les Adityas, ou formes du Soleil ; de Diti, les Dêtyas, êtres malfaisants qui animent les météores célestes, et font la guerre aux Adityas et aux autres dieux. Le sens du mot Aditi, comme je l’ai dit, peut être restreint à la signification de terre ; et Aditi est alors confondu avec Prithivî. Ce même mot Aditi, au masculin, est employé pour signifier l’ensemble des offrandes, le sacrifice.
  38. C’est un treizième mois de quelques jours, ajouté pour rendre l’année lunaire égale à l’année solaire.
  39. Varouna est une forme d’Agni ; le vers 10 le représente au sein des demeures humaines, où il est le dieu sacrificateur.
  40. Voy. la note 3, 1re col. pag. 15.
  41. On pourrait aussi traduire : qu’ils viennent s’asseoir sur notre cousa comme sur celui de Manou.
  42. Agni est appelé fils de la Force, parce que c’est par la violence du mouvement qu’on l’extrait de l’aranî. Voy. not. 2, 1re col. pag. 7. Cependant cette expression est employée pour d’autres personnages qu’Agni, et je pense qu’il ne faudrait y voir qu’une manière de représenter la force au superlatif : enfant de la Force serait synonyme de très-fort, très-robuste.
  43. Voy., pour la distinction des feux, not. 4, p. 7, 1re col.
  44. Cette image bizarre s’explique par l’apparence même de la flamme. Le commentateur dit quelque chose de plus : il ajoute que le feu, par l’influence de ses flammes, détruit les ennemis du dévot, comme le cheval, par le mouvement de sa queue, donne la mort aux mouches qui le piquent.
  45. On pourrait modifier cette traduction, si l’on suivait l’idée énoncée plus haut, note 3, sur la distinction des trois offrandes. Il est possible aussi que ces trois genres d’offrandes placées dans le vase du sacrifice aient un rapport symbolique avec l’éther, l’air et la terre.
  46. Le mortier s’appelle ici ouloûkhala. Voy. lecture i, note 6, col. 1, pag. 49. La pierre dont on vient de parler est le foyer destiné au feu du sacrifice.
  47. Figure peu décente. Le Dictionnaire de M. Wilson traduit ce mot par 1o mons Veneris, 2o the hip and loins.
  48. La mère de famille se chargeait des détails du sacrifice relatifs au ménage, des fleurs, du lait, du beurre, etc. Elle entrait dans la salle, et en sortait pour donner ses ordres au dehors.
  49. Voy. lecture i, note 2, col. 1, pag. 47. Avec le bois de sami on fait une pièce cubique de cinq pouces de diamètre, qui a une petite ouverture dans la partie supérieure. On y introduit un morceau d’aswattha, que deux personnes tirent et font tourner par le moyen d’une lanière.
  50. Vanaspati veut dire arbre. Il m’a semblé qu’ici ce mot signifiait un morceau de bois, et que ce morceau de bois, c’était le pilon.
  51. Tel est le sens extraordinaire que j’ai cru devoir donner au mot hari. Il faut se rappeler qu’il est formé de hri.
  52. Je suppose que le mortier est de bois, comme le pilon ; voilà pourquoi le mot vanaspati est au duel.
  53. Ce mot n’est pas dans le texte. Il est donné par les commentateurs, qui croient, les uns, que c’est un dieu ainsi nommé, les autres, que c’est ou un ministre du sacrifice, ou le père de famille lui-même.
  54. Le Soma, pressé par le pilon dans le mortier, était jeté dans un bassin (tchamou) (lecture i, note 3, col. 2 pag. 48) ; on le versait sur un filtre, qui était une peau de vache percée.
  55. Voy. lecture i, note 1, col. 2, pag. 45.
  56. Satchîvas est traduit ordinairement par puissant ou par sage. Mais comme on dit que Satchî est l’épouse d’Indra, et que les prières sont les épouses des dieux, je donnerais volontiers à Satchî le sens de prières : car satcha veut dire parler. Cependant j’expliquerais aussi ce mot par sagesse, reconnaissant la sagesse pour l’épouse d’Indra, comme Métis est celle de Jupiter.
  57. Le commentaire, en nous disant que ces deux personnages sont les messagères d’Yama ou de la mort, ne donne pas d’autres détails.
  58. Les deux Aswins représentent les deux crépuscules, ou plutôt le jour et la nuit. Leur char, c’est le ciel dont une partie est éclairée, et l’autre plongée dans l’obscurité. Il en résulte que le poëte dit qu’une des roues de ce char (une des deux surfaces célestes) est dans une région inaccessible, et l’autre dans notre atmosphère.
  59. Voy. lecture i, note 1, col. 2, pag. 1.
  60. Des deux pièces de l’aranî naît le feu, ce sont là les deux mères qu’on donne à Agni.
  61. Dans la nomenclature des cinq éléments, l’air est avant le feu. Je n’ai donc pu admettre le sens donné par le commentateur. Le Vent (Mâtariswan) aperçoit le feu naissant ; il vient de son souffle l’exciter, et augmenter sa force.
  62. Les anciens livres représentent Manou comme un homme pieux et ami des sacrifices. Voy. lecture i, note 2, col. 1, pag. 8. Le sacrifice du matin, auquel préside Agni, amène la naissance du Soleil, lequel éclaire et révèle le ciel à l’homme.
  63. Pouroûravas, petit-fils de Manou, est renommé, dans l’antique histoire de l’Inde, pour avoir organisé le culte du feu et pour avoir inventé l’aranî.
  64. Allusion à l’opération par laquelle on tire le feu de l’aranî.
  65. Le commentateur explique ce passage en représentant le feu âhavanîya porté à l’orient, et ensuite le feu garhapatya établi à l’occident.
  66. Il est ici question, suivant le commentateur, des bipèdes et des quadrupèdes. Ne serait-ce pas plutôt la nourriture solide et la nourriture liquide ?
  67. Comme au vers 4 de cet hymne, ce sont les deux pièces de l’aranî. On peut entendre qu’Agni brille entre le ciel et la terre, considérés comme père et mère du monde.
  68. Tout ce passage fait allusion à une légende dont les détails me sont inconnus. Il paraîtrait qu’Agni, incarné dans la famille d’Angiras, était devenu le prêtre protecteur de Manou et de ses descendants. Ilâ, fille de Manou et mère de Pouroûravas, l’eut à son service. Sous Nahoucha, petit-fils d’Ilâ, ce même Angiras exerça l’autorité et commanda les armées ; c’est l’opinion du commentateur, qui donne le mot sénâpati pour synonyme de vispati. Remarquez que le nom d’Ilâ, fille de Manou, est aussi le nom de la prière dans le sacrifice, et que la légende, sous ce rapport, pourrait bien être une allégorie ; car cette incarnation d’Agni n’est autre chose que sa naissance dans le sacrifice.
  69. Cet hymne est l’ouvrage d’Hiranyastoûpa, fils d’Angiras, et par conséquent d’Agni incarné dans cette famille.
  70. Allusion aux quatre points principaux de l’horizon, vers lesquels le feu lance à la fois ses clartés.
  71. Dans ces anciens temps on immolait quelquefois une vache, pour complaire aux hôtes que l’on recevait le jour d’un sacrifice solennel ; de là vient qu’un hôte se nommait Goghna. Nous verrons plus loin le sacrifice du cheval. Le commentateur indique un autre sens ; il ne s’agirait pas d’une victime vivante, pasou, mais d’une offrande, d’un présent fait à une personne vivante, par exemple, aux prêtres assistants.
  72. Soit à cause de sa générosité, soit à cause de son bonheur.
  73. Yayâti est le cinquième roi de la race lunaire.
  74. Ces grands exploits d’Indra sont des allégories toutes physiques. Ahi, c’est le nuage se développant comme un serpent ; Vritra c’est le nuage obscur qui voile le soleil, âvaraca.
  75. Voy. lecture i, note 5, col. 1, page 48.
  76. Les tricadrous sont, à ce qu’il paraît, trois sacrifices ; les jours où ils arrivent sont appelés tricadrouca, autrement âbhiplâvica. Le commentaire parle de ces trois sacrifices, qui se nommeraient djyotih, gôh, ayouh ; mais il ne donne pas d’autres détails. Le mot cadrou semblerait indiquer des cérémonies faites pendant un temps noir et couvert.
  77. Nom d’Indra, dispensateur des richesses.
  78. Le poëte donne à la mère de Vritra le nom de Dânou, comme qui dirait Donatrix. Je n’ose pas caractériser cet être allégorique. Serait-ce la vapeur dont se forme le nuage ?
  79. Voy. lecture i, note 7, col. 1, page 44. Ce mot Pani doit avoir le sens d’avare.
  80. C’est le nombre ordinaire par lequel on désigne en général les fleuves : tels le Gange et autres, dit le commentaire.
  81. Nombre défini pour un nombre indéfini.