Rig Véda ou Livre des hymnes/Section 1/Lecture 5

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Traduction par Alexandre Langlois.
Bibliothèque Internationale Universelle (p. 80-90).

LECTURE V

HYMNE I.

À Indra, par Nodhas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Tels qu’Angiras[1], nous adressons au (dieu) fort et digne d’éloges un hymne qui puisse lui plaire. Nous chantons la gloire d’un héros qui mérite la louange et la prière du poëte.

2. Allons, offrez au grand (Indra) vos profondes adorations ; offrez au (dieu) fort vos chants harmonieux. C’est par lui que nos ancêtres, les fils d’Angiras, en récompense de leurs hymnes, ont suivi les traces de leurs vaches, et les ont retrouvées[2].

3. Dans cette recherche que faisait Indra, de concert avec les Angiras, Saramâ[3] a senti ce qui pouvait être l’aliment de son nourrisson. Vrihaspati[4] a frappé le vorace (Asoura) ; il a retrouvé les vaches, et les illustres (Angiras) en ont poussé des cris de joie.

4. C’est toi, puissant Indra, toi, digne d’être célébré par des hymnes harmonieux, qui, accompagné des sept prêtres (Angirasas) habiles à chanter sur des mesures de neuf ou dix syllabes[5], as effrayé par le bruit (de ton tonnerre) Bala, recéleur des pluies fécondes.

5. Chanté par les Angiras, (dieu) admirable ! tu as dissipé les ténèbres devant les rayons de l’aurore et du soleil ; ô Indra, tu as étendu la surface de la terre, tu as assuré le firmament.

6. Mais l’œuvre la plus belle, la plus merveilleuse de ce (maître) superbe, c’est d’avoir, d’une onde aussi douce que le miel, rempli le lit des quatre fleuves[6].

7. Cet invincible (Indra), que célèbrent nos chants, a divisé en deux parts le ciel et la terre, deux compagnons toujours renaissant ensemble. Tel que Bhaga[7] ce (dieu) magnifique en ses œuvres, du haut des airs les maintient, ces deux vénérables auteurs du monde.

8. Revêtues de formes différentes, l’une noire, l’autre brillante, la Nuit et l’Aurore se succèdent ; et, toujours jeunes, chacune à son tour, elles roulent sans cesse autour du ciel et de la terre.

9. Le (dieu) fort et magnanime se complaît en des œuvres généreuses ; il maintient la vieille amitié (qui l’unit aux hommes). Il peut, quand il le veut, remplir d’un lait nourrissant la mamelle de vaches noires ou rouges[8] et trop jeunes encore.

10. Une troupe d’immortelles sœurs, toutes habitantes du même séjour, animées du même esprit de salut et de recueillement, accomplit avec constance, en son honneur, mille et mille pratiques de piété ; et, telles que de chastes épouses, elles ornent la pompe triomphale du magnifique (Indra)[9].

11. En effet, les Prières sans cesse avides de s’unir à toi, (dieu) admirable et digne d’éloges, curieuses d’obtenir par leurs hommages le trésor (de tes bénédictions), accourent (aux sacrifices) : comme des épouses chéries s’approchent de l’époux qui les aime, les saintes Invocations, ô (maître) puissant, viennent vers toi.

12. Sous tes brillantes mains, merveilleuse (déité), les richesses ne sauraient diminuer ni périr ; ô Indra, tu es lumineux, fort et prudent. Époux de Satchî, fais-nous sentir les effets de tes œuvres.

13. L’enfant de Gotama, Nodhas, a composé pour toi, ô généreux Indra, cet hymne nouveau, pour toi qui es éternel, qui nous diriges dans la bonne voie ; toi qui attelles deux coursiers à ton char (magnifique). Que, dès le matin, notre protecteur vienne recueillir le trésor de notre prière.


HYMNE II.

À Indra, par Nodhas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Indra, tu es grand, toi qui, te montrant au jour de malheur, soutiens le ciel et la terre par tes puissantes vertus, lorsque tout dans la nature, et les plus fermes montagnes elle-mêmes, tremblent de terreur devant toi, et vacillent comme de frêles rayons.

2. Quand tu lances tes coursiers merveilleux, alors le poëte arme tes mains de la foudre ; et avec cette arme, ô invincible, ô adorable Indra, tu frappes tes ennemis, et tu renverses leurs larges villes.

3. (Dieu) vrai et triomphant, ô Indra, tu commandes aux Ribhous, tu aimes les héros, tu détruis (tes adversaires) ; c’est toi qui, dans un jour de bataille, au milieu de la mêlée, as pris le parti du jeune et brillant Coutsa[10], et as terrassé l’avare Souchna.

4. C’est ton amitié qui t’animait (pour nous), ô Indra, lorsque, lançant la foudre en maître généreux, tu frappais Vritra, et que, héros magnifique et invincible, tu faisais sur ce champ de bataille reculer les Dasyous, dont tu déchirais les membres.

5. Indra, tu ne dépenses pas ta force contre les mortels ; tu ne veux pas nuire à celui qui est ferme parmi eux. Ouvre les régions du ciel au (nuage) qui vient vers nous, et que ta foudre terrasse nos ennemis.

6. Quand tu combats pour leur donner la pluie et faire descendre sur eux l’onde bienfaisante, les hommes t’invoquent. Ô toi qui reçois nos offrandes, que ta protection soit la récompense de nos présents et de nos hommages solennels !

7. C’est ainsi, ô foudroyant Indra, que, combattant en faveur de Pouroucoutsa[11], tu as détruit sept villes. À Soudas[12], enfant de Poûrou, tu as conféré les richesses d’Anhou[13], avec autant de facilité que l’on arrache quelques tiges de cousa.

8. Héros divin, ô Indra, ô toi qui embrasses le monde, tu répands pour nous (sur la terre) les divers aliments, tels qu’une bienfaisante rosée ; et avec ces aliments tu nous donnes cette vie, qui, comme une eau (salutaire), circule partout (dans nos veines).

9. Indra, les enfants de Gotama ont composé pour toi ces hymnes que notre respect te présente. (Viens) avec tes coursiers azurés, et amène-nous une magnifique abondance. Que, dès le matin, notre protecteur vienne recueillir le trésor de notre prière.


HYMNE III.

Aux Marouts, par Nodhas.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. « Allons, Nodhas, présente l’hommage d’un hymne aux Marouts, à cette troupe qui donne l’abondance et la fécondité, et qui aime nos sacrifices ». Recueilli, et les mains pieusement levées pour la sainte cérémonie, je compose des vers qui vont couler comme une onde (pure).

2. Ils naissent du ciel, ces brillants et vigoureux enfants de Roudra[14], qui sèment la vie et sont exempts du mal, tantôt purs et beaux comme des soleils, tantôt mouillés de pluie, funestes et horribles comme les mauvais génies[15].

3. Jeunes et redoutables, ils ne connaissent pas la faiblesse de la maladie ; ennemis de l’impie, ils favorisent (l’homme fidèle). Fermes comme le roc, ils ébranlent de leur souffle puissant tout ce qu’il y a de plus fort dans tous les mondes, au ciel et sur la terre.

4. Des ornements divers relèvent leur beauté ; sur leurs poitrines pendent avec grâce de brillants colliers ; sur leurs épaules se dressent leurs armes éclatantes. Ils naissent du ciel au même instant que se montre Swadhâ[16].

5. Ils donnent la richesse, et remuent le monde ; ils détruisent leurs ennemis, et produisent par leur puissance les vents et les éclairs ; les nuages du ciel sont comme une mamelle qu’ils pressent vivement, et, parcourant avec bruit les airs, ils engraissent la terre d’une eau féconde.

6. Les Marouts, riches en présents, répandent le lait céleste ; tels, dans les cérémonies sacrées, les (prêtres) versent le beurre liquide. De même que l’écuyer dresse le cheval, eux, ils apprennent au nuage à pleuvoir. C’est une nourrice intarissable qu’ils ont l’art de traire au milieu des mugissements de la foudre.

7. Magnifiques et habiles à changer de formes, vous vous parez de superbes lueurs, et vous avancez rapidement, forts, et pareils à de larges collines ; tels que des éléphants sauvages, vous renversez les forêts, quand à votre char puissant vous avez attelé des (coursiers) rougeâtres[17].

8. Ces (dieux) riches et prévoyants frémissent comme des lions. Leur beauté est celle du chevreuil. Terribles (pour un ennemi), bons (pour leur serviteur), ils poussent avec ardeur les daims[18] qui les emportent ; et, agitant leurs armes, ils s’unissent pour faire sentir (à ceux qui leur résistent) leur puissant et funeste courroux.

9. Héros pleins de vigueur, troupe amie des mortels, faites retentir, de votre voix animée par la colère, et la terre et le ciel. Et déjà, sur le siège de vos chars, ô Marouts, j’ai cru voir vos formes admirables s’élever, et briller comme l’éclair.

10. Ces (dieux) possèdent tous les biens, et habitent avec la richesse ; ils sont doués d’une force tumultueuse et d’une voix éclatante ; habiles archers, ils tiennent une flèche dans leurs mains ; héros dont la puissance est sans borne, ils semblent mordre le nuage pour en extraire (la pluie).

11. Montés sur leurs chars aux roues d’or, les Marouts amoncellent les nuages, et les poussent sur leur route comme des montagnes. Dignes de nos hommages, ils vont, ils se précipitent, abattant ce qui est solide, exerçant leur dur empire, et armés de traits resplendissants.

12. Nous invoquons ces enfants de Roudra, sages, purs, redoutables, et dispensant la pluie. Honorez, pour votre bonheur, cette famille des Marouts, forte, libérale, victorieuse, et parcourant le domaine des airs.

13. Ô Marouts, le mortel que vous protégez surpasse tous les autres en puissance ; ses coursiers ont de gras pâturages, ses gens ont la richesse ; il voit croître son opulence et la renommée de ses sacrifices.

14. Ô Marouts, donnez à nos nobles seigneurs un fils fort dans ses œuvres, difficile à vaincre dans les combats, magnifique, robuste, opulent, éclairé, et digne d’être chanté. Puissions-nous, pendant une centaine d’années, célébrer une telle famille !

15. Ô Marouts, accordez-nous une fortune qui soit stable ; que nos gens soient pleins de force, qu’ils soutiennent les attaques de nos ennemis. Que cent, que mille trésors augmentent notre richesse ! Que, dès le matin, nos protecteurs viennent recueillir le tribut de notre prière.


HYMNE IV.

À Agni, par Parasara, fils de Sacti, petit-fils de Vasichta.

(Mètre : Dwipada.)

1. Tel que le brigand qui se renferme dans sa caverne avec son bétail, (tu te caches)[19], ô (dieu), qui te joins au sacrifice et qui portes les offrandes !

2. Cependant les (Dévas), tes sages compagnons, suivent tes traces[20] ; et tous, habiles sacrificateurs, ils savent te retrouver.

3. Les Dévas poursuivent le cours des saintes cérémonies ; et bientôt (le dieu) s’est entouré de (rayons) abondants et brillants comme la lumière du ciel.

4. Les ondes (sacrées)[21] augmentent sa force ; leur (doux) breuvage fait grandir cet heureux nourrisson, né au giron du sacrifice.

5. Tel qu’une agréable végétation, que la terre étendue, que la colline chargée de fruits, que l’eau salutaire ;

6. Tel que le coursier débarrassé de ses liens, que la mer impétueuse, tel est Agni. Qui donc peut le maîtriser ?

7. Agni est pour les ondes comme un frère pour ses sœurs ; de même qu’un roi dévore les riches, de même il dévore les bois,

8. Quand, excité par le vent, il se jette sur la forêt et déchire la chevelure de la terre.

9. Tel que le cygne qui plonge, il souffle au milieu des ondes[22]. Éveillé dès l’aurore, il avertit les hommes que l’heure de l’œuvre sainte est arrivée.

10. Ainsi que l’excellent soma[23], il naît du sacrifice. De même que l’animal au sein de sa mère, (il est faible d’abord) ; bientôt il se développe, et porte au loin ses splendeurs.


HYMNE V.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Dwipada.)

1. Tel qu’un trésor richement varié, un soleil resplendissant, un souffle vital, un fils dévoué ;

2. Tel qu’un coursier docile, tel est (Agni) ; pur et brillant, il s’attache au bois comme la tendre génisse à la mamelle de sa mère.

3. Tel qu’une maison agréable, il renferme notre bonheur ; tel que la moisson que (le soleil) a mûrie, il doit conquérir (l’amour) des hommes.

4. Tel que le poëte qui chante (les dieux), il est béni par les mortels ; tel que le coursier chéri, il apporte (à la terre) sa nourriture.

5. Entouré d’un éclat incomparable, il accomplit sans relâche son œuvre sainte ; il est dans le foyer, semblable à une épouse fidèle dans sa maison : il embellit tout ;

6. Et quand il allume ses flammes variées, il brille comme le soleil dans le monde, comme un char doré dans les batailles.

7. Il répand la terreur de même que l’armée qu’on lance (au combat), de même que la flèche de l’archer garnie d’une pointe étincelante.

8. Jumeau du passé, jumeau de l’avenir, il est le fiancé des filles et l’époux des femmes.

9. Comme les vaches vont vers l’étable, nous, le matin et le soir[24], nous venons vers lui dès l’instant qu’il brille.

10. Ainsi qu’une onde impétueuse, le voilà qui pousse ses vagues (enflammées), et ses rayons s’élèvent vers la voûte du ciel.


HYMNE VI.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Dwipada.)

1. Né sur le bûcher, ami des mortels, (Agni) chérit le père de famille qui ordonne le sacrifice[25], comme un roi chérit l’homme fort.

2. Tel qu’un protecteur vertueux, tel qu’un prêtre vénérable, il est notre patron, notre sacrificateur, le porteur de nos offrandes.

3. Dans sa main il tient toutes les richesses, et quand il se renferme dans sa retraite[26], les Dévas commencent à trembler.

4. Les prêtres alors le découvrent, (les prêtres) dévoués à la prière, et chantant les hymnes que le cœur inspire.

5. Semblable à (l’astre) voyageur[27] il soutient l’air et la terre ; encouragé par les invocations pieuses, il affermit le ciel.

6. Agni, jouis des diverses offrandes qui te sont présentées ; toi qui es la vie de tous les êtres, quitte chaque jour pour nous ta retraite.

7. Celui qui sait le tirer de sa retraite, et qui le ramène au foyer du sacrifice,

8. (Agni) le comble de biens, ainsi que ceux qui l’honorent par leurs saintes pratiques.

9. Il enveloppe (de sa flamme) les ramées, et attaque avec force le corps même des branches (qui sont comme) ses mères[28].

10. Sage soutien de tous les êtres, il habite le séjour des ondes (sacrées), où tes (hommes) religieux lui ont préparé avec soin une espèce de demeure.


HYMNE VII.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Dwipada.)

1. (Agni), animé par nos libations, s’élève vers le ciel, où il porte (nos offrandes) ; il éclaire la nuit, (il illumine) tous les êtres, animés et inanimés ;

2. Et, Déva incomparable parmi les Dévas, il les surpasse tous par sa grandeur.

3. Ô dieu, dès l’instant que tu viens à la vie du sein de (la branche) aride, tous aussitôt s’appliquent à l’œuvre sainte ;

4. Tous par leurs hymnes célèbrent ta divine essence, et honorent l’immortel auteur du sacrifice.

5. Pour l’auteur du sacrifice est notre hymne, pour lui notre offrande. Il est la vie de tous, et tous s’unissent pour l’œuvre (sacrée).

6. Favorise de ton attention, comble de tes bienfaits ceux qui t’honorent par leurs présents ou par leurs prières.

7. Sacrificateur placé près des enfants de Manou, tu es le maître de la richesse.

8. Tes (serviteurs) demandent que tu répandes dans leurs corps une semence de vie. Qu’ils sentent, à leur ferme assurance, (que leurs vœux sont exaucés).

9. Tels que des fils dociles à l’ordre de leur père, ils viennent avec empressement honorer Agni d’un culte pieux.

10. (Agni) donne la fertilité et ouvre les portes de l’opulence ; (le dieu) qui triomphe de tout[29] a décoré d’étoiles la voûte céleste.


HYMNE VIII.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Dwipada.)

1. Agni répand des clartés non moins vives que les clartés de (l’astre) qui éclipse l’aurore ; tel que le flambeau céleste, il remplit (de lumières) et la terre et le ciel.

2. Tu nais, et de ta splendeur tu embrasses déjà toute la nature. Tu es le fils des Dévas, et tu deviendras leur père[30].

3. Agni, bon et prudent, veut connaître la douceur de nos libations ; elles sont pour lui comme le lait de nos vaches.

4. Tel qu’un homme bienfaisant parmi le peuple, dont le secours est réclamé dans le besoin, il siège au milieu de nous, il est la joie de nos foyers.

5. Il est, dans nos demeures, agréable comme un enfant nouveau-né, comme un coursier chéri. Qu’il soit le bienfaiteur du peuple !

6. Quand j’appelle tout ce peuple[31], ainsi réuni avec mes compagnons, qu’Agni reçoive tous les honneurs divins.

7. Personne ne peut troubler nos cérémonies, ô (Agni), lorsqu’à de tels ministres de ton culte tu donnes un tel père de famille.

8. Si ton sacrifice se trouvait interrompu, tu saurais bien, avec tes serviteurs, mettre en fuite les criminels.

9. Que (Agni) répande donc ses clartés, non moins vives que les clartés de l’astre) qui éclipse l’aurore ; qu’il fasse briller ses formes éclatantes, et qu’il protège son (serviteur).

10. Mais voilà ses (rayons) porteurs de (nos offrandes), qui s’ouvrent d’eux-mêmes les portes, et s’élèvent tous vers la voûte du ciel.


HYMNE IX.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Dwipada.)

1. Puissions-nous posséder l’abondance ! Que, propice à nos vœux, le brillant Agni obtienne tous les honneurs !

2. Lui qui connaît les divines pratiques, lui qui aime à naître au milieu des enfants de Manou !

3. Lui, qui naît au sein des ondes sacrées, dans le bûcher (du sacrifice), parmi les (offrandes) solides et liquides[32] !

4. Lui qui, sur la montagne[33] ou dans l’intérieur de nos foyers, est comme le patron du peuple, immortel et bienveillant !

5. Agni, ami des libations qu’amènent les crépuscules[34], donne ses trésors à celui qui le célèbre par ses hymnes.

6. (Dieu) sage et prévoyant, conserve toutes les créatures, la race des Dévas et les mortels !

7. Agni, qui a pour ceinture le sacrifice lui-même, est fortifié par les libations que lui apportent les Aurores et les Nuits, (déesses) aux formes si différentes, et par les offrandes liquides et solides.

8. Nous l’avons invoqué, ce sacrificateur heureusement placé près de nous, cet agent de toutes les œuvres saintes.

9. Puissions-nous, par toi, devenir célèbres ! puissions-nous obtenir l’opulence et le bonheur !

10. Les hommes te vénèrent avec empressement ; qu’ils reçoivent de toi la richesse, comme (on reçoit) l’héritage d’un vieux père !

11. Mais, dans les combats, brille (et deviens redoutable) autant que l’usurier avide, que l’archer courageux, que le guerrier terrible qui conduit un char[35] !…


HYMNE X.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Tendrement attachées à un (dieu) qui les paye d’une égale tendresse, de pieuses sœurs[36], habitantes d’un même séjour, vénèrent (Agni) comme des épouses vénèrent un époux adoré : de même les vaches (lumineuses) rendent hommage à l’Aurore, qui, (par degré) sombre et rougeâtre, se pare à son lever des couleurs les plus variées.

2. Nos pères, les Angiras, ont, par leurs chants et par l’harmonie de leurs hymnes, brisé la force du vorace (Asoura) ; ils nous ont découvert les voies du vaste ciel ; nous leur devons le jour, la lumière, le feu, les vaches célestes[37].

3. Ils ont recueilli le brillant (Agni) ; ils ont amassé pour lui un trésor d’offrandes. Puis, chargées de diverses parties de l’œuvre sainte, de vénérables sœurs[38], attentives, modestes, sont venues, en présence des Dévas, accroître par leurs hommages la force du nouveau-né.

4. Aussitôt que le souffle de Mâtariswan a excité (Agni), dans tous les foyers (le dieu) s’élève et brille. (Le prêtre), suivant l’exemple de Bhrigou[39], et agissant (avec les dieux) comme un prince à l’égard d’un prince plus puissant, engage Agni à lui servir de messager.

5. Quand (le prêtre) verse le liquide (consacré) en l’honneur de celui qui est grand, secourable et brillant, alors l’ennemi (du jour), qui le voit, s’enfuit ; aussitôt le dieu, comme un archer, superbe, lui décoche une flèche étincelante, et lance sa lumière jusque sur (l’Aurore) sa fille.

6. Agni, toi qui brilles entre le ciel et la terre[40], augmente la fortune de celui qui, chaque jour, allume ton brasier et t’offre les libations que tu aimes, il est sûr du triomphe, celui dont tu montes le char et dont tu presses (les coursiers).

7. Toutes les offrandes vont à Agni, comme les sept[41] fleuves à l’Océan. Nos familles sentent l’indigence qui les presse. Par ta sage entremise, que notre vœu soit connu des dieux.

8. La force que nos offrandes ont donnée à ce (dieu) roi des hommes, produit une pure semence (de lumière) jetée au sein du ciel. Qu’ainsi soit engendré et sacré par Agni un prince royal, fort, irréprochable et généreux[42] !

9. Le soleil, qui, rapide comme la pensée[43], traverse toujours seul les routes (célestes), est le maître de la richesse ; Mitra et Varouna, ces deux rois aux belles mains[44] gardent la douce ambroisie des vaches (célestes).

10. Agni, ne brise pas le traité d’amitié conclu avec nos pères. Tu connais (nos besoins), car tu es sage. La vieillesse est comme un nuage qui pèse sur moi et défigure mon corps. Préviens cette ennemie, et souviens-toi de moi.


HYMNE XI.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Trichtoubh.)

1 . « (Poëte), commence un hymne en l’honneur d’un (dieu) sage et éternel. Agni tient dans sa main tous les biens qui conviennent à l’homme. Agni est le maître de la richesse et l’auteur d’œuvres immortelles. »

2. (Agni), tel qu’un nourrisson chéri, était près de nous[45]. Cependant tous les Dévas[46] le cherchaient avec constance, sans le trouver. Fatigués, privés de leur char[47], et prodigues de prières, ils ne s’arrêtèrent qu’en le voyant briller sur son siège.

3. Agni, ces (Dévas) purs comme toi, après l’avoir honoré d’une triple libation[48] de beurre consacré, ont partagé eux-mêmes les honneurs du sacrifice, et ils ont sanctifié leurs corps, se montrant dignes de leur naissance[49].

4. (Ces Dévas) honorables, impatients de voir se développer et le ciel et la terre, commencent des (chants) que doivent comprendre les enfants de Roudra. Et bientôt cette (troupe) mortelle (des Marouts cherchant) avec Indra, a trouvé Agni siégeant sur son brillant foyer.

5. En le voyant, (les Dévas) viennent avec leurs épouses[50] s’asseoir près de lui, et adorer celui qui est adorable. Leurs corps étaient épuisés par le travail ; le coup d’œil d’un ami les a ranimés.

6. Vingt et une fois[51] ces (Dévas), dignes de nos hommages, prononcent en ton honneur de mystérieuses invocations ; et vingt et une fois, compagnons de ta joie, ils les accompagnent de libations. Accueille nos offrandes et solides et liquides.

7. Ô Agni, toi qui connais les besoins des mortels, accorde-leur toujours ce qui doit adoucir les maux de la vie ! Toi qui connais aussi parfaitement les routes que suivent les dieux, sois pour eux un messager infatigable, et porte-leur nos offrandes.

8. (Par toi) les sept fleuves[52], sensibles à nos peines, (coulent) du ciel (sur la terre.) (Par toi les Angiras)[53], habiles dans les sacrifices, ont connu les portes de la fortune, et Saramâ a découvert le cachot où étaient renfermées les vaches (célestes), trésor de la race humaine.

9. La (noble) mère (des Adityas), la grande Aditi[54], apparaît avec majesté, escortée de ses fils, de ces généreux enfants qui s’élèvent, ouvrant la voie à l’immortalité, et assurant la marche de (l’astre) voyageur.

10. Cependant (les prêtres) ont nourri de leurs trésors les clartés d’Agni, pour qu’elles attirent les regards des immortels. Les (flammes) rougeâtres courent et s’élancent comme des ondes déchaînées. Agni, les (dieux) sont avertis.


HYMNE XII.

À Agni, par Parasara.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Abondant comme le trésor amassé par un père, prudent comme le commandement du sage, aimable comme l’hôte qui se plaît dans nos foyers, (Agni), tel qu’un sacrificateur, fait fructifier la maison de l’homme pieux.

2. Semblable au divin Savitri, il connaît la vérité ; par sa force il protège tous nos sacrifices. Comblé de nos louanges, il mérite d’être honoré comme la forme la plus pure, comme l’âme la plus vivifiante.

3. Tel que le dieu qui embrasse tout, tel qu’un roi ami de ses sujets, il protège la terre. Ses serviteurs ressemblent à des fils élevés dans la même maison, et qu’une épouse vertueuse, aimée de son époux, (chérit également).

4. Ô Agni, les prêtres, te choisissant une demeure sûre, te font perpétuellement briller dans ton foyer, et t’adressent leurs hommages ; dans ce foyer ils déposent leurs nombreuses offrandes. Ô toi qui es la vie de tous, deviens (pour nous) un trésor de richesses.

5. Ô Agni, que nos princes obtiennent (par toi) la fortune, et, maîtres généreux du sacrifice, jouissent de tous les agréments de la vie ! Que, dans les combats, nous nous emparions des trésors de l’ennemi, disposés à partager avec les dieux le fruit glorieux (de la victoire) !

6. Les vaches (célestes), brillant des feux du sacrifice, montrent avec bonheur leurs mamelles remplies de lait ; et, de l’extrémité de l’horizon, jalouses de mériter sa faveur, les ondes viennent couler au sein du nuage (qu’elles grossissent).

7. Les (Dévas) aussi, dignes de nos hommages, ont voulu te complaire, ô brillant Agni ! ils ont dans ton sein versé leurs libations ; ils ont (pour les sacrifices) fait la nuit et l’aurore d’apparences différentes, et les ont distinguées par la couleur noire et la couleur rouge.

8. Ô Agni, donne-nous la grandeur et la richesse, comme tu le fais pour ceux des mortels que tu favorises ! Tu couvres le monde entier comme d’une ombre protectrice, et tu remplis le ciel, la terre et l’air.

9. Ô Agni, que par ton secours nos coursiers, nos soldats, nos chefs, triomphent des coursiers, des soldats, des chefs (ennemis) ! que, possesseurs de la fortune de leurs pères, nos enfants, comme nous, maîtres généreux du sacrifice, vivent cent hivers !

10. Prudent Agni, que ces chants te soient agréables, qu’ils charment ton esprit et ton cœur ! Puissions-nous avoir assez de force pour porter le doux poids de tes opulentes faveurs, et posséder des richesses que notre reconnaissance partage avec les dieux !


HYMNE XIII.

À Agni, par Gotama, fils de Raghougana.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Offrons le sacrifice, et prononçons la prière en l’honneur d’Agni, qui nous entend de loin,

2. Et qui, premier gardien des biens de son serviteur, les protège au milieu des luttes sanglantes.

3. Aussi, que le peuple s’écrie : « Agni est né pour être vainqueur de Vritra, et s’emparer de ses trésors dans tous les combats. »

4. (L’homme) dont tu honores la maison en devenant son messager, dont tu transportes les holocaustes, dont tu embellis le sacrifice,

5. Ô Angiras[55], ô fils de la Force, est renommé parmi le peuple, qui vante ses offrandes, son heureuse destinée, et la beauté de ses lits de cousa.

6. Amène ici les dieux, ô brillant (Agni), et fais-leur agréer et nos louanges et nos holocaustes !

7. Ô Agni, quand tu pars pour accomplir ton message, on n’entend jamais le bruit de ton char, ni de tes coursiers.

8. Aidé par toi, ton serviteur, ô Agni, du dernier rang s’est élevé au premier ; il possède l’abondance et la gloire.

9. Car, ô divin Agni, tu donnes, à celui qui honore les dieux, la splendeur, l’opulence, et la force d’une nombreuse famille.


HYMNE XIV.

À Agni, par Gotama.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Daigne écouter ces longs hymnes qui font le plaisir des dieux, et que ta bouche reçoive nos holocaustes.

2. Ô Agni, le plus grand des Angiras, le plus sage (d’entre les dieux), nous voulons t’adresser une prière qui te soit chère et agréable.

3. Parmi les mortels, ô Agni, quel est ton ami ? Quel est celui qui se recommande par ses sacrifices ? Qui es-tu, et en quel endroit es-tu retiré ?

4. Ô Agni, tu es le parent des mortels, tu es leur ami chéri ; tu es un compagnon digne des hommages de tes compagnons.

5. Honore pour nous Mitra et Varouna, honore les autres dieux par un large sacrifice. Ô Agni, viens occuper le foyer qui t’est préparé.


HYMNE XV.

À Agni, par Gotama.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Ô Agni, par quel moyen peut-on parvenir à charmer ton âme ? Quel hymne est capable de te plaire ? Quel homme, par ses sacrifices, peut ajouter à ta grandeur ? Quel hommage devons-nous t’adresser ?

2. Viens, Agni sacrificateur ; prends ici ta place ; sois pour nous un guide heureux et sûr. Que le ciel et la terre, qui remplissent tout, te conservent ! Que par toi le sacrifice s’accomplisse pour le plus grand bonheur des dieux !

3. Ô Agni, brûle tous les Rakchasas ; protège nos sacrifices ! Amène ici (Indra), maître des libations ; qu’il vienne avec ses deux coursiers azurés. À ce (patron) généreux nous offrons l’hospitalité.

4. Ô (dieu) qui dans ta bouche portes (nos offrandes), je t’adresse un hymne qui (sans doute) produira son fruit. Prends place avec les (autres) dieux ; remplis ici les fonctions de prêtre et de sacrificateur, et reçois aussi nos hommages. Exauce nos vœux, toi qui es le maître et le père des richesses.

5. On t’a vu (jadis) sous la forme d’un prêtre, enfant de Manou[56], et sage au milieu des sages, offrir des sacrifices aux dieux. De même aujourd’hui, ô pontife plein de vérité, ô Agni, épuise en leur honneur la coupe sacrée !


HYMNE XVI.

À Agni, par Gotama.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Quel sacrifice pouvons-nous faire à Agni ? Quel chant peut être agréable à ce dieu brillant, qui, juste, immortel (placé) parmi les mortels, sacrificateur et prêtre suprême, vient ici pour honorer les dieux ?

2. Appelez en ces lieux, par vos invocations, celui qui, dans les sacrifices, est un pontife heureux et juste. Quand Agni daigne venir en faveur d’un mortel, alors qu’il avertisse les dieux, et qu’il accomplisse avec bonté le sacrifice.

3. (Agni) est un ami véritable, puissant et redoutable ; il sait opérer des merveilles. Le peuple qui accourt pour honorer les dieux l’invoque le premier dans les sacrifices, et le proclame (le dieu) admirable.

4. Le plus grand parmi les chefs du sacrifice, Agni est aussi le fléau de nos ennemis. Qu’il vienne recevoir, pour prix de sa protection, nos chants et nos offrandes. Voilà que des hommes, riches et puissants, ont disposé les mets sacrés, et demandent que tes louanges soient célébrées.

5. Le juste et opulent Agni a été chanté par les sages enfants de Gotama[57]. Qu’il leur donne à son tour et la force et l’abondance. (Voyez-vous) sa forme qui s’embellit ? C’est qu’il se plaît à nos hommages.


HYMNE XVII.

À Agni, par Gotama.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Ô (dieu) riche et prévoyant, nous, enfants de Gotama, par nos chants et nos pures libations nous t’honorons.

2. Gotama, avide de tes dons, te célèbre par ses hymnes ; par nos pures libations nous t’honorons.

3. Comme (autrefois) les Angiras, nous t’invoquons, toi surtout qui donnes la richesse ; par de pures libations nous t’honorons.

4. Toi qui contribues surtout à la mort de Vritra, toi qui mets en fuite les Dasyous, par de pures libations nous t’honorons.

5. Nous, enfants de Rahoûgana[58] nous avons en l’honneur d’Agni chanté un hymne aussi agréable que le miel ; par de pures libations nous t’honorons.


HYMNE XVIII.

À Agni,[59] par Gotama.

(Mètres : Trichtoubh, Ouchnib et Gâyatrî.)

1. Dans l’espace des airs, Ahi[60] vole avec rapidité ; il déploie sa chevelure dorée, et agite (le nuage) avec la violence du vent. Alors se trouvent voilées les Aurores fécondes, entourées d’un pur éclat, et pareilles à de laborieuses ménagères.

2. Les feux ailés (d’Agni) viennent heurter la nue, qui, noire et chargée de pluie, a résonné. Ils se mêlent à ces ondes, qui, en s’ouvrant, semblent heureusement sourire. Elles tombent, et cependant le tonnerre gronde au ciel.

3. Quand (le prêtre) fortifiant (Agni) avec le lait des libations, l’a ensuite, par les voies les plus droites du sacrifice, conduit (au ciel)[61], Aryaman, Mitra, Varouna qui parcourt (le monde), touchent la surface du (nuage) placé au-dessous d’eux, et lui percent le sein.

4. Ô Agni, fils de la Force, tu es le maître de ces aliments que nous donne la vache. Toi qui connais tous les biens, accorde-nous l’abondance.

5. Agni, tu es resplendissant et sage ; tu es notre refuge. Tu mérites d’être célébré par nos hymnes. Toi qui es la source du bonheur, brille pour nous de tes plus beaux rayons.

6. Ô Agni, que ta flamme se pare de tout son éclat le soir, le jour et le matin ! (Dieu) à la langue effilée, consume les Rakchasas.

7. Ô Agni, pour prix de nos hymnes accorde-nous ta protection, toi qui mérites d’être loué dans toutes nos prières !

8. Ô Agni, donne-nous une fortune solide et digne d’envie, telle que tous les efforts (de nos ennemis) ne puissent la renverser !

9. Ô Agni, accorde-nous, avec la sagesse, une opulence qui nous procure tous les plaisirs de la vie, et nous rende l’existence agréable !

10. Gotama, toi qui aspires au bonheur, offre à cet Agni, dont la flamme est effilée, nos hymnes et nos chants pieux.

11. Ô Agni, qu’il périsse celui qui cherche à nous nuire soit de près, soit de loin ; et augmente notre prospérité.

12. Agni a mille yeux[62] ; (divinité) prudente, il écarte les Rakchasas ; sacrificateur, il honore (les dieux), digne lui-même d’être honoré !


HYMNE XIX.

À Indra, par Gotama.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Le soma enivrant est préparé, et le prêtre y ajoute l’harmonie de ses chants. (Dieu) puissant qui portes la foudre, tu as avec vigueur chassé Ahi des plaines (célestes), consacrant ainsi ta royauté.

2. Nos joyeuses libations, versées en ton honneur et portées sur les ailes de l’épervier (poétique)[63], ont enivré ton cœur. Fort de ces offrandes, (dieu) armé de la foudre, au milieu des ondes (célestes), tu as avec vigueur frappé Vritra, consacrant ainsi ta royauté.

3. Viens, approche, et triomphe ; car ton arme est invincible. Indra, ta force est véritablement virile ! Frappe Vritra, et par la victoire délivre les ondes, consacrant ainsi ta royauté.

4. Ô Indra, de la terre au ciel, tu es vainqueur de Vritra. Envoie-nous ces ondes que poussent les Marouts, et qui sont une source de vie, consacrant ainsi ta royauté.

5. Vritra s’agite ; Indra courroucé accourt, et de sa foudre lui heurte le front, invitant les ondes à couler, et consacrant ainsi sa royauté.

6. Indra, heureux de nos hommages, a heurté le front de Vritra de sa foudre, armée de cent pointes. Il désire ouvrir à ses amis le chemin de l’abondance, consacrant ainsi sa royauté.

7. Foudroyant Indra, toi qui portes le tonnerre, tu possèdes une force indomptable. Mais tu sais aussi employer la magie, et quand le magicien (Vritra) se cachait sous la forme d’un cerf[64], tu l’as frappé, consacrant ainsi ta royauté.

8. Les éclats de ta foudre sont allés (rouvrir les sources) des quatre-vingt-dix fleuves[65]. Ô Indra, ta vigueur est immense ; tu déploies la force de tes bras, consacrant ainsi ta royauté.

9. Des milliers (d’adorateurs) se réunissent pour honorer Indra. En voilà vingt[66] (surtout) qui célèbrent sa gloire ; des centaines (de riches) chantent ses louanges. L’œuvre sainte est préparée en l’honneur du dieu qui sait consacrer sa royauté.

10. Indra a brisé la force de Vritra ; sa vigueur a vaincu la vigueur (de l’ennemi) ; sa puissance est grande, et, en frappant Vritra, il nous donne (la pluie), consacrant ainsi sa royauté.

11. Le ciel et la terre, témoins de ton courroux, ont frémi de crainte quand, escorté des Marouts, ô foudroyant Indra, tu attaquais Vritra avec vigueur, consacrant ainsi ta royauté.

12. Vritra, par son bruit, par ses mouvements, ne put effrayer Indra ; il se trouva pressé par la foudre de fer, armée de mille pointes, (du dieu) consacrant ainsi sa royauté.

13. De ta foudre tu combattais la foudre de Vritra ; et quand tu cherchais à terrasser Ahi, ta force, ô Indra, éclatait dans le ciel, consacrant ainsi ta royauté.

14. (Dieu) qui portes la foudre, au bruit que tu causes, les êtres, animés et inanimés, sont tous émus ; Twachtri lui-même[67], effrayé de ta colère, tremble, ô Indra, en te voyant consacrer ainsi ta royauté.

15. Nous ne pouvons suivre sa marche rapide : quel autre pourrait le surpasser en puissance ? Les Dévas ont conféré la vigueur, la force et la splendeur suprême à cet Indra qui consacre ainsi sa royauté. 16. Atharwan[68], ami de Manou, et Dadhyantch[69] ont jadis établi une cérémonie (que nous renouvelons aujourd’hui). Que de pieuses libations et des hymnes aient lieu en l’honneur de cet Indra, qui sait ainsi consacrer sa royauté.



  1. Voy. page 41, col. 2, note 1.
  2. Voy. page 44, col. 1, note 7.
  3. Voy. ibid. Saramâ est la prière ; et son nourrisson, c’est le sacrifice, c’est l’offrande.
  4. Voy. ibid.
  5. Dans ce vers se trouvent deux mots dont le sens est assez problématique : dasagwa et navagwa (voy. lecture iii, note 5). Il paraît que ce sont deux espèces de prêtres Angirasas, dont les uns faisaient des sacrifices pendant neuf mois, et les autres pendant dix mois. Une autre explication, que j’ai préférée, distingue ces Angirasas en deux classes, dont l’une chante sur des mesures de neuf syllabes, les autres sur des mesures de dix syllabes. (Les mètres Vrihatî et Pankti ont quatre padas, composés, dans le Vrihatî de neuf, dans le Pankti de dix syllabes.) Ces prêtres, dans l’exercice de leurs fonctions, seraient au nombre de sept, nombre sacré, comme nous l’avons déjà vu (voy. lecture iv, note 69, et alib.). Peut-être aussi ces sept prêtres ne sont-ils qu’une personnification des sept espèces de mètres ou tchhandas sur lesquels se composent les hymnes.
  6. C’est le Gange et les autres, dit simplement le commentateur. C’est l’explication qu’il donnait aussi lorsqu’il était question des sept rivières (voy. page 61, col. 1, note 3). Nous ne pouvons dire s’il est ici question de quatre fleuves principaux de l’Inde, ou de ces quatre fleuves qu’une mythologie plus moderne fait sortir du Mânasarowara.
  7. Un des noms du soleil.
  8. Allusion aux nuages qui grossissent peu à peu et se chargent d’une pluie bienfaisante.
  9. Je pense qu’il est question dans cette strophe des prières et des invocations qui forment l’ensemble du culte adressé à Indra : on sait que les prières sont considérées comme les épouses des dieux, et précisément cette strophe fait allusion à cette opinion. Le vers suivant semble devoir confirmer ce sens.
  10. Voy. page 62, col. 2, note 2.
  11. Prince, fils de Mândhâtri, de la dynastie solaire.
  12. Voy. page 71, col. 1, note 1.
  13. Nom d’un Asoura, suivant le commentateur.
  14. Ils sont appelés Asouras.
  15. Ces mauvais génies portent le nom de Satwânas. Ils appartiennent à la classe des Bhoûtas.
  16. J’ai pensé que l’auteur désignait ici l’offrande personnifiée, épouse d’Agni. Les vents semblent attendre que le sacrificateur les appelle à venir prendre part aux libations. Ce sont eux qui excitent le feu. C’est Mâtariswan qui l’apporte à Manou.
  17. Le poëte désigne ainsi ces nuages rougeâtres qui annoncent le vent.
  18. Je ferai remarquer que le mot prichati signifie à la fois daim et goutte de pluie.
  19. Le commentaire dit que le dieu se cache dans l’Aswattha (aswatthagouhâ), bois dont est formé l’aranî.
  20. Le mot pada contenu dans ce vers est amphibologique ; il s’explique par pied dans ses deux significations, membre du corps humain et membre de vers.
  21. C’est-à-dire les libations.
  22. Je crois que c’est une allusion au bruit que fait le feu recevant les libations.
  23. Dieu de la libation.
  24. Il y a ici deux mots, tcharath et vasatî, qui, suivant le commentaire, sont des invocations faites aux crépuscules. Je suppose que vasatî est celle du soir, quand on va rentrer à la maison, et tcharath celle du matin, quand on se lève pour marcher et mettre les troupeaux en mouvement.
  25. Srouchti me semble être le père de famille qui dispose le sacrifice, et qu’il faut distinguer du prêtre qui dirige les cérémonies. Voy. page 53, col. 1, note 1.
  26. Le texte emploie le mot gouhâ, pour désigner la retraite d’Agni au sein de l’aranî. Voy. page 82, col. 2, note 1.
  27. J’ai pris adja dans le sens de voyageur.
  28. Avec les branches d’arbre qui forment le bûcher, le feu est nourri, et le poëte appelle ces branches les mères d’Agni. Cependant le mot prasoûh, traduit par l’idée de mère, peut ne signifier que branches.
  29. Traduction du mot damoûnas, épithète d’Agni.
  30. Agni est produit par les prêtres, et il devient pour eux un protecteur paternel.
  31. Suivant le commentateur, le mot visah a un sens plus étendu, et se rapporte au peuple des prières appelées au sacrifice.
  32. Ce sens est peut-être hasardé, je le crois juste : les choses mobiles et immobiles.
  33. Je suppose que l’auteur fait ici allusion à la coutume où l’on pouvait être de faire les sacrifices sur une colline.
  34. Soir et matin, c’est-à-dire aux moments où la nuit commence et finit, le sacrifice a lieu. C’est dans cette circonstance que j’ai cherché le sens de kchapâvân, nocte prœditus.
  35. Il paraît que cet hymne n’est pas achevé : il manque un vers.
  36. Il est ici question des Prières, peut-être de ces Ritchas, filles d’Angiras. Ces Ritchas doivent être les prières composées par Angiras, et, par conséquent, le poëte pourrait les appeler les sœurs des descendants de ce même Angiras.
  37. Voy. page 44, col. 1, note 7.
  38. Les sœurs, dont cette strophe fait mention, me semblent représenter les diverses espèces d’offrandes. J’avoue que le sens de ce vers, considéré matériellement, pourrait se rapporter aux parentes du père de famille, chargées de pourvoir aux besoins du sacrifice.
  39. Voy. page 78, col. 2, note 6.
  40. Ces mots sont la traduction de l’épithète dwibarhâh, qui s’entend d’une chose placée entre deux objets, utrimque stipatus. On l’emploie de même pour Indra ou pour l’air, placés entre le ciel et la terre.
  41. Voy. page 51, col. 1, note 3.
  42. Le lecteur a compris que ce prince, né de la semence d’Agni, c’est le soleil.
  43. Le soleil, dit-on, en un demi-clin d’œil, parcourt 2,202 yodjanas (page 72, col. 1, note 4.)
  44. C’est-à-dire aux beaux rayons.
  45. Hors du sacrifice, Agni est caché dans l’aranî.
  46. Sans doute les Angirasas.
  47. Le sacrifice est comparé à un char que construisent les prêtres en l’honneur d’un dieu. Il semble donc, avant que le feu ait été allumé, que les sacrificateurs soient à pied, padavyah : car tel est le mot du texte. On peut supposer aussi que les prêtres sont ainsi appelés, des padas ou pieds qui composent les hymnes.
  48. J’ai cru remarquer que le mot sarad devait quelquefois signifier libation : la libation, en effet, a un point de comparaison avec la pluie d’automne.
  49. Il m’a semblé que ces Dévas, Angirasas ou autres, étaient des personnifications des pratiques et des cérémonies qui accompagnent le sacrifice. Nous les voyons rechercher Agni, le trouver au sein de l’aranî, le placer sur le foyer, et l’arroser de libations. Donnez un corps à ces rites divers, et vous verrez, suivant l’imagination du poëte, agir des personnages que vous appellerez Dévas, Angirasas, s’ils allument le feu, et Marouts, s’ils le soufflent.
  50. Ce sont les invocations qui accompagnent chacune des cérémonies.
  51. Ce nombre est mystérieux (voy. lecture iv, note 2, col. 1, page 78) ; c’est trois fois la quantité de rayons attribués au feu ; on compose aussi de vingt et une bûches le foyer du sacrifice. Voy. lecture ii, note 2, col. 2, page 51.
  52. Voy. page 61, col. 1, note 3. Les sources de ces fleuves sont au ciel.
  53. Voy. page 44, col. 1, note 7.
  54. Voy. page 54, col. 1, note 3, et page 55, col. 1, note 4.
  55. Voy. page 41, col. 2, note 1 ; page 50, col. 2, note 3.
  56. Le poëte fait allusion à la légende d’Angiras.
  57. Voy. page 79, col. 1, note 1.
  58. Je pense que ce mot Rahoûgana est le même que Raghougana. Raghougana est présenté par le commentateur comme le père de Gotama, auteur de cet hymne ; ce Gotama était le pourohita des rois Gourou et Srindjaya.
  59. Cet hymne, en partie, célèbre Agni, surnommé Vêdyouta, c’est-à-dire cette forme du dieu répandue dans l’air, allumant la foudre et l’éclair, et pénétrant dans toute la nature et dans nos corps même, pour y porter la chaleur vitale. C’est peut-être le même que Twachtri, le dieu qui modèle les formes et les anime.
  60. Ahi est la personnification du nuage, et surtout du nuage orageux.
  61. Il faut savoir que les prêtres, après avoir établi Agni dans son foyer terrestre, travaillent ensuite à le transporter dans le soleil, qui va briller à l’horizon.
  62. Le poëte donne à Agni l’épithète de Sahasrâkcha (millioculus), que les Pourânas prodiguent pour Indra. Les yeux d’Agni, dit le commentateur, ce sont ses flammes.
  63. Le texte porte le mot Syéna, qui est le nom de l’épervier, et en même temps le nom d’un mètre poétique. Le commentaire indique ce sens en représentant le soma comme porté sur les ailes de la Gâyatrî. Sans cette indication du commentateur, j’aurais entendu que le soma est porté vers Indra par Agni, qui a la rapidité de l’épervier.
  64. Allusion aux formes variées et légères que prennent les nuages apportés par le vent.
  65. Nombre indéfini ; ailleurs c’est 99. Voy. p. 61, col. 1, note 4.
  66. Le commentateur dit que ces vingt personnes sont les seize ministres du sacrifice, le maître de maison et sa femme, le Sadasya ou maître des cérémonies, et le Samitri, chargé de l’aranî.
  67. Voy. p. 48, col. 1, note 5.
  68. Nom d’un Richi, auquel on a attribué un quatrième Véda. Le mot Manou, employé ici, est dans le sens d’humanité.
  69. Ce sage est sans doute celui qu’on nomme aussi Dadhîtcha ou Dadhîtchi. La forme pure de ce mot est Dadhyantch, le nominatif Dadhyan, le génitif Dadhîtchas. Les os de ce Richi servirent d’armes contre Vritra. Ce passage nous met sur la voie de l’explication à donner à la légende de Dadhyantch. Ces armes formées de ses os, ce sont les prières, Ouktâni, employées dans les sacrifices pour obtenir la pluie, ou, suivant le langage mythologique, la victoire sur Vritra. Il est à remarquer que le mot asthi, qui signifie os, a pour racine le mot asa, qui signifie lancer, et peut, par conséquent, être synonyme du mot trait. Le commentaire dit que Dadhyantch était fils d’Atharvan ; il l’appelle Atharvana. Nous retrouverons ce mot dans la lecture suivante.