Rodogune princesse des Parthes/Acte V
ACTE V.
Scène première.
Enfin, grâces aux dieux, j’ai moins d’un ennemi :
La mort de Séleucus m’a vengée à demi.
Son ombre, en attendant Rodogune et son frère,
Peut déjà de ma part les promettre à son père :
Ils le suivront de près, et j’ai tout préparé
Pour réunir bientôt ce que j’ai séparé.
Ô toi, qui n’attends plus que la cérémonie
Pour jeter à mes pieds ma rivale punie,
Et par qui deux amants vont d’un seul coup du sort
Recevoir l’hyménée, et le trône, et la mort,
Poison, me sauras-tu rendre mon diadème ?
Le fer m’a bien servie, en feras-tu de même ?
Me seras-tu fidèle ? Et toi, que me veux-tu,
Ridicule retour d’une sotte vertu,
Tendresse dangereuse autant comme importune ?
Je ne veux point pour fils l’époux de Rodogune,
Et ne vois plus en lui les restes de mon sang
S’il m’arrache du trône et la met en mon rang[1].
Reste du sang ingrat d’un époux infidèle,
Héritier d’une flamme envers moi criminelle,
Aime mon ennemie, et péris comme lui.
Pour la faire tomber j’abattrai son appui :
Aussi bien sous mes pas c’est creuser un abîme,
Que retenir ma main sur la moitié du crime ;
Et te faisant mon roi, c’est trop me négliger,
Que te laisser sur moi père et frère à venger.
Qui se venge à demi court lui-même à sa peine :
Il faut ou condamner ou couronner sa haine[2].
Dût le peuple en fureur pour ses maîtres nouveaux,
De mon sang odieux arroser[3] leurs tombeaux,
Dût le Parthe vengeur me trouver sans défense,
Dût le ciel égaler le supplice à l’offense,
Trône, à t’abandonner je ne puis consentir :
Par un coup de tonnerre il vaut mieux en sortir ;
Il vaut mieux mériter le sort le plus étrange.
Tombe sur moi le ciel, pourvu que je me venge !
J’en recevrai le coup d’un visage remis :
Il est doux de périr après ses ennemis :
Et de quelque rigueur que le destin me traite,
Je perds moins à mourir qu’à vivre leur sujette[4].
Mais voici Laonice : il faut dissimuler
Ce que le seul effet doit bientôt révéler.
Scène II.
Viennent-ils, nos amants ?
On lit dessus leur front l’allégresse de l’âme ;
L’amour s’y fait paroître avec la majesté ;
Et suivant le vieil ordre en Syrie usité,
D’une grâce en tous deux toute auguste et royale,
Ils viennent prendre ici la coupe nuptiale,
Pour s’en aller au temple, au sortir du palais,
Par les mains du grand prêtre être unis à jamais :
C’est là qu’il les attend pour bénir l’alliance.
Le peuple tout ravi par ses vœux le devance,
Et pour eux à grands cris demande aux immortels
Tout ce qu’on leur souhaite au pied de leurs autels,
Impatient pour eux que la cérémonie
Ne commence bientôt, ne soit bientôt finie.
Les Parthes à la foule aux Syriens mêlés,
Tous nos vieux différends de leur âme exilés[5],
Font leur suite assez grosse, et d’une voix commune
Bénissent à l’envi le prince et Rodogune.
Mais je les vois déjà, Madame : c’est à vous
À commencer ici des spectacles si doux.
Scène III.
Approchez, mes enfants : car l’amour maternelle,
Madame, dans mon cœur vous tient déjà pour telle ;
Et je crois que ce nom ne vous déplaira pas.
Je le chérirai même au-delà du trépas.
Il m’est trop doux, Madame ; et tout l’heur que j’espère,
C’est de vous obéir et respecter en mère.
Et s’il faut du respect, c’est moi que vous le dois.
Ah ! si nous recevons la suprême puissance,
Ce n’est pas pour sortir de votre obéissance :
Vous régnerez ici quand nous y régnerons,
Et ce seront vos lois que nous y donnerons.
J’ose le croire ainsi ; mais prenez votre place :
Il est temps d’avancer ce qu’il faut que je fasse.
Peuple qui m’écoutez, Parthes et Syriens,
Sujets du roi, son frère, ou qui fûtes les miens[7],
Voici de mes deux fils celui qu’un droit d’aînesse
Élève dans le trône, et donne à la Princesse.
Je lui rends cet État que j’ai sauvé pour lui :
Je cesse de régner, il commence aujourd’hui.
Qu’on ne me traite plus ici de souveraine :
Voici votre roi, peuple, et voilà votre reine[8].
Vivez pour les servir, respectez-les tous deux,
Aimez-les, et mourez, s’il est besoin, pour eux.
Oronte, vous voyez avec quelle franchise
Je leur rends ce pouvoir dont je me suis démise :
Prêtez les yeux au reste, et voyez les effets
Suivre de point en point les traités de la paix.
Votre sincérité s’y fait assez paroître,
Madame, et j’en ferai récit au Roi mon maître.
L’hymen est maintenant notre plus cher souci.
L’usage veut, mon fils, qu’on le commence ici :
Recevez de ma main la coupe nuptiale,
Pour être après unis sous la foi conjugale ;
Puisse-t-elle être un gage, envers votre moitié,
De votre amour ensemble et de mon amitié !
Ciel ! que ne dois-je point aux bontés d’une mère ?
Le temps presse, et votre heur d’autant plus se diffère.
Madame, hâtons donc ces glorieux moments :
Voici l’heureux essai de nos contentements.
Mais si mon frère étoit le témoin de ma joie…
Ce sont des déplaisirs qu’il fait bien d’épargner ;
Et sa douleur secrète a droit de l’éloigner.
Il m’avoit assuré qu’il la verroit sans peine.
Mais n’importe, achevons.
Scène IV.
Ah ! Seigneur !
Quelle est votre insolence ?
Ah ! Madame.
Parlez.
Souffrez pour un moment que mes sens rappelés[9]…
Qu’est-il donc arrivé ?
Le prince votre frère…
Quoi ? se voudroit-il rendre à mon bonheur contraire ?
L’ayant cherché longtemps afin de divertir
L’ennui que de sa perte il pouvoit ressentir,
Je l’ai trouvé, Seigneur, au bout de cette allée,
Où la clarté du ciel semble toujours voilée.
Sur un lit de gazon, de foiblesse étendu,
Il sembloit déplorer ce qu’il avoit perdu[10] :
Son âme à ce penser paraissoit attachée ;
Sa tête sur un bras languissamment penchée,
Immobile et rêveur, en malheureux amant…
Enfin, que faisoit-il ? achevez promptement.
D’une profonde plaie en l’estomac ouverte,
Son sang à gros bouillons sur cette couche verte…
Il est mort ?
Oui, Madame.
[11],
Qui m’enviez le bien que je m’étois promis !
Voilà le coup fatal que je craignois dans l’âme,
Voilà le désespoir où l’a réduit sa flamme.
Pour vivre en vous perdant il avoit trop d’amour[12],
Madame, et de sa main il s’est privé du jour[13].
Madame, il a parlé : sa main est innocente.
La tienne est donc coupable, et ta rage insolente,
Par une lâcheté qu’on ne peut égaler,
L’ayant assassiné, le fait encor parler !
Timagène, souffrez la douleur d’une mère,
Et les premiers soupçons d’une aveugle colère[14].
Comme ce coup fatal n’a point d’autres témoins,
J’en ferois autant qu’elle, à vous connoître moins.
Mais que vous a-t-il dit ? achevez, je vous prie.
Surpris d’un tel spectacle, à l’instant je m’écrie ;
Et soudain, à mes cris, ce prince, en soupirant,
Avec assez de peine entr’ouvre un œil mourant ;
Et ce reste égaré de lumière incertaine[15]
Lui peignant son cher frère au lieu de Timagène,
Rempli de votre idée, il m’adresse pour vous
Ces mots où l’amitié règne sur le courroux :
« Une main qui nous fut bien chère
Venge ainsi le refus d’un coup trop inhumain.
Régnez, et surtout, mon cher frère,
Gardez-vous de la même main.
C’est… » La Parque à ce mot lui coupe la parole ;
Sa lumière s’éteint, et son âme s’envole ;
Et moi, tout effrayé d’un si tragique sort,
J’accours pour vous en faire un funeste rapport.
Rapport vraiment funeste, et sort vraiment tragique,
Qui va changer en pleurs l’allégresse publique !
Ô frère, plus aimé que la clarté du jour,
Ô rival, aussi cher que m’étoit mon amour,
Je te perds, et je trouve en ma douleur extrême[16]
Un malheur dans ta mort plus grand que ta mort même.
Oh ! de ses derniers mots fatale obscurité !
En quel gouffre d’horreurs m’as-tu précipité ?
Quand j’y pense chercher la main qui l’assassine,
Je m’impute à forfait tout ce que j’imagine ;
Mais aux marques enfin que tu m’en viens donner,
Fatale obscurité, qui dois-je en soupçonner ?
« Une main qui nous fut bien chère ! »
Madame, est-ce la vôtre, ou celle de ma mère ?
Vous vouliez toutes deux un coup trop inhumain ;
Nous vous avons tous deux refusé notre main :
Qui de vous s’est vengée ? est-ce l’une, est-ce l’autre,
Qui fait agir la sienne au refus de la nôtre ?
Est-ce vous qu’en coupable il me faut regarder ?
Est-ce vous désormais dont je me dois garder ?
Quoi ? vous me soupçonnez ?
Quoi ? je vous suis suspecte ?
Je suis amant et fils, je vous aime et respecte ;
Mais quoi que sur mon cœur puissent des noms si doux,
À ces marques enfin je ne connois que vous.
As-tu bien entendu ? dis-tu vrai, Timagène ?
Avant qu’en soupçonner la Princesse ou la Reine[17],
Je mourrois mille fois ; mais enfin mon récit
Contient, sans rien de plus, ce que le Prince a dit[18].
D’un et d’autre côté l’action est si noire
Que n’en pouvant douter, je n’ose encor la croire.
Ô quiconque des deux avez versé son sang,
Ne vous préparez plus à me percer le flanc !
Nous avons mal servi vos haines mutuelles,
Aux jours l’une de l’autre également cruelles ;
Mais si j’ai refusé ce détestable emploi,
Je veux bien vous servir toutes deux contre moi :
Qui que vous soyez donc, recevez une vie
Que déjà vos fureurs m’ont à demi ravie[19].
Ah ! Seigneur, arrêtez !
Seigneur, que faites-vous ?
Je sers ou l’une ou l’autre, et je préviens ses coups.
Vivez, régnez heureux.
Et montrez-moi la main qu’il faut que je redoute[20],
Qui pour m’assassiner ose me secourir,
Et me sauve de moi pour me faire périr.
Puis-je vivre et traîner cette gêne éternelle[21],
Confondre l’innocente avec la criminelle,
Vivre et ne pouvoir plus vous voir sans m’alarmer,
Vous craindre toutes deux, toutes deux vous aimer ?
Vivre avec ce tourment, c’est mourir à toute heure,
Et que mon déplaisir, par un coup généreux,
Épargne un parricide à l’une de vous deux.
Puisque le même jour que ma main vous couronne,
Je perds un de mes fils, et l’autre me soupçonne ;
Qu’au milieu de mes pleurs, qu’il devroit essuyer,
Son peu d’amour me force à me justifier ;
Si vous n’en pouvez mieux consoler une mère
Qu’en la traitant d’égale avec une étrangère,
Je vous dirai, Seigneur (car ce n’est plus à moi
À nommer autrement et mon juge et mon roi),
Que vous voyez l’effet de cette vieille haine
Qu’en dépit de la paix me garde l’inhumaine,
Qu’en son cœur du passé soutient le souvenir,
Et que j’avois raison de vouloir prévenir.
Elle a soif de mon sang, elle a voulu l’épandre :
J’ai prévu d’assez loin ce que j’en viens d’apprendre ;
Mais je vous ai laissé désarmer mon courroux.
Sur la foi de ses pleurs je n’ai rien craint de vous,
Madame ; mais, ô Dieux ! quelle rage est la vôtre !
Quand je vous donne un fils, vous assassinez l’autre,
Et m’enviez soudain l’unique et foible appui
Qu’une mère opprimée eût pu trouver en lui !
Quand vous m’accablerez, où sera mon refuge ?
Si je m’en plains au Roi, vous possédez mon juge ;
Et s’il m’ose écouter, peut-être, hélas ! en vain
Il voudra se garder de cette même main.
Enfin je suis leur mère, et vous leur ennemie ;
J’ai recherché leur gloire, et vous leur infamie ;
Et si je n’eusse aimé ces fils que vous m’ôtez,
Votre abord en ces lieux les eût déshérités.
C’est à lui maintenant, en cette concurrence,
À régler ses soupçons sur cette différence,
À voir de qui des deux il doit se défier,
Si vous n’avez un charme à vous justifier.
Ne peut s’imaginer qu’elle soit soupçonnée ;
Et n’ayant rien prévu d’un attentat si grand,
Qui l’en veut accuser sans peine la surprend.
Je ne m’étonne point de voir que votre haine
Pour me faire coupable a quitté Timagène.
Au moindre jour ouvert de tout jeter sur moi,
Son récit s’est trouvé digne de votre foi.
Vous l’accusiez pourtant, quand votre âme alarmée
Craignoit qu’en expirant ce fils vous eût nommée ;
Mais de ses derniers mots voyant le sens douteux,
Vous avez pris soudain le crime entre nous deux.
Certes, si vous voulez passer pour véritable
Que l’une de nous deux de sa mort soit coupable,
Je veux bien par respect ne vous imputer rien ;
Mais votre bras au crime est plus fait que le mien ;
Et qui sur un époux fit son apprentissage
A bien pu sur un fils achever son ouvrage.
Je ne dénierai point, puisque vous les savez,
De justes sentiments dans mon âme élevés :
Vous demandiez[22] mon sang, j’ai demandé le vôtre :
Le Roi sait quels motifs ont poussé l’une et l’autre ;
Comme par sa prudence il a tout adouci,
Il vous connoît peut-être, et me connoît aussi.
Seigneur, c’est un moyen de vous être bien chère
Que pour don nuptial vous immoler un frère :
On fait plus ; on m’impute un coup si plein d’horreur,
Pour me faire un passage à vous percer le cœur.
Où fuirois-je de vous après tant de furie,
Madame, et que feroit toute votre Syrie,
Où seule, et sans appui contre mes attentats,
Je verrois… ? Mais, Seigneur, vous ne m’écoutez pas !
Non, je n’écoute rien ; et dans la mort d’un frère,
Je ne veux point juger entre vous et ma mère :
Assassinez un fils, massacrez un époux,
Je ne veux me garder ni d’elle ni de vous[23].
Suivons aveuglément ma triste destinée ;
Pour m’exposer à tout achevons l’hyménée.
Cher frère, c’est pour moi le chemin du trépas :
La main qui t’a percé ne m’épargnera pas ;
Je cherche à te rejoindre, et non à m’en défendre,
Et lui veux bien donner tout lieu de me surprendre :
Heureux si sa fureur, qui me prive de toi,
Se fait bientôt connoître en achevant sur moi,
Et si du ciel trop lent à la réduire en poudre,
Son crime redoublé peut arracher la foudre !
Donnez-moi…
Quoi ! Seigneur !
Donnez.
Cette coupe est suspecte, elle vient de la Reine[24] ;
Craignez de toutes deux quelque secrète haine.
Qui m’épargnoit tantôt ose enfin m’accuser !
De toutes deux, Madame, il doit tout refuser.
Je n’accuse personne, et vous tiens innocente ;
Mais il en faut sur l’heure une preuve évidente :
Je veux bien à mon tour subir les mêmes lois.
On ne peut craindre trop pour le salut des rois.
Donnez donc cette preuve ; et pour toute réplique,
Faites faire un essai par quelque domestique.
Je le ferai moi-même. Eh bien ! redoutez-vous
Quelque sinistre effet encor de mon courroux ?
J’ai souffert cet outrage avecque patience.
Pardonnez-lui, Madame, un peu de défiance :
Comme vous l’accusez, elle fait son effort
À rejeter sur vous l’horreur de cette mort ;
Et soit amour pour moi, soit adresse pour elle,
Ce soin la fait paroître un peu moins criminelle.
Pour moi, qui ne vois rien, dans le trouble où je suis,
Qu’un gouffre de malheurs, qu’un abîme d’ennuis,
Attendant qu’en plein jour ces vérités paroissent,
J’en laisse la vengeance aux Dieux qui les connoissent.
Et vais sans plus tarder…
Déjà tout égarés[25], troubles et furieux,
Cette affreuse sueur qui court sur son visage,
Cette gorge qui s’enfle. Ah ! bons Dieux ! quelle rage !
Pour vous perdre après elle, elle a voulu périr !
N’importe : elle est ma mère, il faut la secourir.
Va, tu me veux en vain rappeler à la vie ;
Ma haine est trop fidèle, et m’a trop bien servie :
Elle a paru trop tôt pour te perdre avec moi ;
C’est le seul déplaisir qu’en mourant je reçoi ;
Mais j’ai cette douceur, dedans cette disgrâce,
De ne voir point régner ma rivale en ma place[27].
Règne : de crime en crime enfin te voilà roi.
Je t’ai défait d’un père, et d’un frère, et de moi :
Puisse le ciel tous deux vous prendre pour victimes,
Et laisser choir sur vous les peines de mes crimes !
Puissiez-vous ne trouver dedans votre union
Qu’horreur, que jalousie, et que confusion !
Et pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble,
Puisse naître de vous un fils qui me ressemble[28] !
Ah ! vivez, pour changer cette haine en amour !
Je maudirois les dieux s’ils me rendoient le jour.
Qu’on m’emporte d’ici : je me meurs, Laonice.
Si tu veux m’obliger par un dernier service,
Après les vains efforts de mes inimitiés,
Sauve-moi de l’affront de tomber à leurs pieds.
Dans les justes rigueurs d’un sort si déplorable[29],
Seigneur, le juste ciel vous est bien favorable :
Il vous a préservé, sur le point de périr,
Du danger le plus grand que vous puissiez courir :
Et par un digne effet de ses faveurs puissantes,
La coupable est punie et vos mains innocentes.
Oronte, je ne sais, dans son funeste sort,
Qui m’afflige le plus, ou sa vie, ou sa mort ;
L’une et l’autre a pour moi des malheurs sans exemple :
Plaignez mon infortune. Et vous, allez au temple
Y changer l’allégresse en un deuil sans pareil,
La pompe nuptiale en funèbre appareil ;
Et nous verrons après, par d’autres sacrifices,
Si les Dieux voudront être à nos vœux plus propices.
- ↑ Var. S’il m’arrache du trône et la met à mon rang. (1647-56)
- ↑ Var. [Il faut ou condamner ou couronner sa haine :]
Cette sorte de plaie est trop longue à saigner,
Pour en vivre impunie, à moins que de régner.
Régnons donc, aux dépens de l’une et l’autre vie ;
Et dût être leur mort de ma perte suivie,
[Dût le peuple en fureur pour ses maîtres nouveaux (a).] (1647-56)
(a) Dût le peuple en fureur pour ces maîtres nouveaux. (1655)
- ↑ Les éditions antérieures à 1660 donnent toutes arrouser.
- ↑ Var. Mourir est toujours moins que vivre leur sujette. (1647-56)
- ↑ Var. Tous ces vieux différends de leur âme exilés. (1647-56)
- ↑ L’édition de 1692 substitue pendant à cependant : voyez plus haut, p. 187, note 5.
- ↑ Var. Sujets du Roi son frère, et qui fûtes les miens. (1647-56)
- ↑ Var. Voici votre roi, peuple, et voici votre reine, (1647-63)
- ↑ Var. Je ne puis : la douleur a tous mes sens troublés.
antioch. Quoi ? qu’est-il arrivé ? [timag. Le Prince votre frère…]
antioch. Se voudroit-il bien rendre à mon bonheur contraire ? (1647-56) - ↑ Var. Il sembloit soupirer ce qu’il avoit perdu. (1647-56)
- ↑ Var. [Il est mort ? tim. Oui, Madame.] ant. Ah ! mon frère ! cl. Ah ! mon fils !
rodog. Ah ! funeste hyménée ! cléop. Ah ! destins ennemis !
[Voilà le coup fatal que je craignois dans l’âme.] (1647-56) - ↑ Certains exemplaires de l’édition de 1647 in-4o portent ici en marge : à Rodogune.
- ↑ Var. Et de sa propre main il s’est privé du jour. (1647-56)
- ↑ Qui cherche à qui se prendre en sa juste colère.
Vous avez vu sa mort, et sans autres témoins. (1647-56) - ↑ Var. Puis, arrêtant sur moi ce reste de lumière,
Au lieu de Timagène, il croit voir son cher frère ;
Et plein de votre idée, il m’adresse pour vous. (1647-56) - ↑ Var. Je te perds, mais je trouve en ma douleur extrême. (1652-56)
- ↑ Var. Avant qu’en soupçonner ou Madame ou la Reine. (1647-56)
- ↑ Var. Contient, Seigneur, sans plus, ce que le Prince a dit. (1647-56)
- ↑ Après ce vers, l’édition de 1692 ajoute ce jeu de scène, que Voltaire
donne aussi dans la sienne : Il tire son épée et veut se tuer. - ↑ Var. Et me montrez la main qu’il faut que je redoute. (1647-66)
- ↑ Var. Puis-je vivre et traîner le soupçon qui m’accable,
Confondre l’innocente avecque la coupable. (1647-56) - ↑ L’édition de 1682 porte : « Vous demandez, » pour : « Vous demandiez. »
- ↑ Var. Je ne me veux garder ni de vous, ni de vous. (1647-68)
- ↑ Var. Cette coupe est suspecte, elle vient de la sienne ;
Ne prenez rien, Seigneur, d’elle, ni de la mienne.
cléopatre, à Rodogune. Qui m’épargnoit tantôt m’accuse à cette fois !
rodogune, à Cléopatre. On ne peut craindre assez pour le salut des rois.
Pour ôter tout soupçon d’une noire pratique,
[Faites faire un essai par quelque domestique.] (1647-56) - ↑ Il y a tous égarés dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille ; tout égarés dans celle de 1692.
- ↑ Les mots : ou à quelque autre, ont été supprimés dans l’édition de 1692.
- ↑ Var. [De ne voir point régner ma rivale en ma place.]
Je n’aimois que le trône, et de son droit douteux
J’espérois faire un don fatal à tous les deux,
Détruire l’un par l’autre, et régner en Syrie
Plutôt par vos fureurs que par ma barbarie.
Ton frère, avecque toi trop fortement uni (a),
Ne m’a point écoutée, et je l’en ai puni.
J’ai cru par ce poison en faire autant du reste ;
Mais sa force, trop prompte, à moi seule est funeste (b).
[Règne : de crime en crime enfin te voilà roi.] (1647-60)
(a) Ton rival, avec toi trop fortement uni. (1660)
(b) Voltaire donne ces huit vers dans son édition, et oubliant, je ne sais comment, qu’ils se trouvent dans les premières impressions, jusqu’en 1660, il dit dans une note (1764) : « Ces vers ne se trouvent aujourd’hui dans aucune édition connue. Corneille les supprima avec grande raison. Une femme empoisonnée et mourante n’a pas le temps d’entrer dans ces détails ; et une femme aussi forcenée que Cléopatre ne rend point compte ainsi à ses ennemis. Les comédiens de Paris ont rétabli ces vers, pour avoir le mérite de réciter quelques vers que personne ne connoissoit. La singularité les a plus déterminés que le goût. Ils se donnent trop la licence de supprimer et d’allonger des morceaux qu’on doit laisser comme ils étoient. » - ↑ Corneille paraît se rappeler ici un passage de la Médée de Sénèque dont
il n’avait pas profité en traitant ce sujet :
Quoque non aliud queam
Pejus precari, liberos similes patri
Similesque matri.
(Acte I, scène i, vers 23-25.) - ↑ Var. Encor dans les rigueurs d’un sort si déplorable. (1647-56)