Sisyphe (trad. Souilhé)

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Sisyphe
Traduction par Joseph Souilhé.
Texte établi par Joseph SouilhéLes Belles Lettres (Œuvres complètes, tome XIII, 3e partiep. 91-107).

SISYPHE

[ou Sur la délibération.]


SOCRATE, SISYPHE
bIntroduction.

Socrate. — Nous t’avons attendu longtemps hier, Sisyphe, pour le discours de Stratonicos. Nous espérions que tu viendrais entendre avec nous ce savant homme développer tant et de si belles choses en paroles et en actes[1]. Mais quand nous avons compris que tu ne viendrais plus, nous avons été nous-mêmes écouter cet homme.

Sisyphe. — C’est, ma foi, vrai ! Mais il m’est survenu une affaire plus importante que je ne pouvais négliger. Nos magistrats tenaient conseil hier : cils ont voulu que je prisse part à leurs délibérations. Or, chez nous, Pharsaliens, la loi elle-même exige qu’on obéisse aux magistrats quand ils invitent l’un d’entre nous à délibérer avec eux.

Socrate. — Il est beau certes d’obéir à la loi, et aussi de passer aux yeux de ses concitoyens pour un bon conseiller, comme toi précisément qui es regardé comme tel parmi les Pharsaliens. Mais, Sisyphe, je ne pourrais pour le moment engager avec toi une conversation sur ce qu’on entend par bien délibérer : cela demanderait, je crois, beaucoup de temps et un long entretien. dCependant, volontiers je discuterais avec toi tout d’abord sur la délibération elle-même, sur ce qu’elle est. Pourrais-tu me dire ce qu’il faut entendre par délibérer ? Ne me dis pas ce qu’est bien ou mal délibérer, ou ce que tu nommes en quelque manière la belle délibération, mais définis simplement l’acte même de délibérer. Cela ne t’est-il pas très facile, à toi, du moins, qui es un si habile conseiller ? Mais je crains d’être bien indiscret en t’interrogeant ainsi sur ce sujet ?

Sisyphe. — Quoi ! tu ignores vraiment ce que c’est que délibérer ?


Première partie.

Socrate. — Mais oui, Sisyphe, à moins que ce ne soit pas autre chose que rendre des oracles, sans aucune science, esur ce qu’on doit faire, et improviser au petit bonheur, se faisant à soi-même des conjectures, absolument comme les gens qui jouent à pair et impair : ces derniers ignorent, en effet, s’ils ont pair ou impair dans la main, et pourtant il se trouve que leur réponse est juste[2]. 388Délibérer est souvent quelque chose de semblable : on ne sait rien sur l’objet même de la délibération et, au petit bonheur, il arrive qu’on dit la vérité. Si c’est cela, je vois ce qu’est la délibération ; si ce n’est rien de tel, j’avoue que je ne comprends pas bien.

Sisyphe. — Non, ce n’est pas la même chose que l’ignorance complète d’un sujet, mais c’est connaître une partie de la question, sans toutefois savoir encore le reste.

bSocrate. — Par Zeus, est-ce que délibérer — car je crois en quelque sorte deviner aussi ta pensée sur la bonne délibération — est pour toi quelque chose comme chercher à découvrir ce qu’on a de mieux à faire sans le savoir encore clairement, mais en en ayant en partie l’idée ? Est-ce bien là ce que tu dis ?

Sisyphe. — Parfaitement.

Socrate. — Or, ce que les hommes recherchent des choses, est-ce bien ce qu’ils connaissent, ou aussi ce qu’ils cne connaissent pas ?

Sisyphe. — Les deux.

Socrate. — En disant que « les hommes recherchent les deux, et ce qu’ils savent et ce qu’ils ne savent pas[3] », entends-tu, par exemple, que quelqu’un, au sujet de Callistratos, sait qui est Callistratos, mais ignore où il se trouve ? Est-ce là ta pensée en disant : il faut chercher les deux ?

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — Donc ce que cet homme chercherait, ce ne serait pas précisément de connaître Callistratos, dpuisqu’il le connaît ?

Sisyphe. — Évidemment non.

Socrate. — Mais il chercherait où il se trouve.

Sisyphe. — C’est mon avis.

Socrate. — Il ne chercherait pas non plus où il pourrait le trouver, s’il le savait, mais il le trouverait aussitôt ?

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — On ne cherche donc pas ce que l’on sait, mais ce que l’on ne sait pas, à ce qu’il paraît. Et si ce discours te semble éristique, Sisyphe, et n’avoir d’autre but que le seul plaisir de discuter, non la découverte de la vérité, vois encore de cette manière esi cela ne te semble pas être comme nous le disons : tu sais évidemment ce qui a lieu en géométrie. À propos de la diagonale, ce que les géomètres ignorent, ce n’est pas si elle est ou non diagonale, et ce n’est pas cela qu’ils essaient de trouver —, mais ils se demandent quelle est sa grandeur par rapport aux côtés des surfaces qu’elle divise. N’est-ce pas là ce qu’ils recherchent à son sujet[4] ?

Sisyphe. — Il me le semble.

Socrate. — Cela même qu’ils ignorent, n’est-il pas vrai ?

Sisyphe. — Tout à fait.

Socrate. — Et encore : tu sais que la duplication du cube est l’objet des recherches et des raisonnements des géomètres[5] ; quant au cube lui-même, ils ne recherchent pas s’il est cube ou non, mais cela, ils le savent, n’est-ce pas ?

Sisyphe. — Oui.

389Socrate. — De même à propos de l’air, Anaxagore, Empédocle et tous les autres rêveurs, comme tu le sais, recherchaient s’il est fini ou infini.

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — Mais non si l’air existe, n’est-ce pas ?

Sisyphe. — Non certes.

Socrate. — Donc tu m’accorderas qu’il en est ainsi de tout le reste : personne ne cherche jamais ce qu’il sait, mais plutôt ce qu’il ignore ?

Sisyphe. — Parfaitement,

bSocrate. — Or délibérer nous a paru consister en ceci : chercher à découvrir ce qu’on a de mieux à faire quand on doit agir ?

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — Mais cette recherche qu’est la délibération, elle porte sur les faits, n’est-ce pas ?

Sisyphe. — Absolument.

Socrate. — Donc, il nous faut voir à présent ce qui empêche les chercheurs de découvrir ce qu’ils cherchent.

Sisyphe. — C’est mon avis.

Socrate. — Pouvons-nous dire que ce soit autre chose cque l’ignorance ?

Sisyphe. — Examinons, par Zeus.

Socrate. — Oui, de notre mieux, et, comme on dit, larguons toutes les voiles et donnons toute notre voix[6]. Examine donc avec moi ceci : penses-tu qu’il soit possible à un homme de délibérer sur la musique, s’il ne connaît rien en fait de musique, ni comment il faut jouer de la cithare, ni quoi que ce soit concernant cet art ?

Sisyphe. — Certes non.

Socrate. — Et le commandement militaire, et l’art de la navigation, qu’en dis-tu ? Celui qui n’y entend rien, serait-il, à ton avis, den état de délibérer sur l’un ou l’autre de ces métiers, comment il devrait s’y prendre, de quelle manière il pourrait commander une armée ou gouverner un navire, lui qui ne sait ni commander, ni gouverner[7] ?

Sisyphe. — Nullement.

Socrate. — Ne crois-tu pas qu’il en soit ainsi pour tout ? Sur les choses qu’on ne sait pas on ne saurait ni ne pourrait délibérer dès lors qu’on les ignore.

Sisyphe. — Parfaitement.

Socrate. — Mais on peut chercher ce que l’on ignore, n’est-ce pas ?

Sisyphe. — Tout à fait.

eSocrate. — Donc chercher n’est pas la même chose que délibérer.

Sisyphe. — Comment cela ?

Socrate. — Parce que la recherche porte précisément sur ce que l’on ne sait pas, et il ne nous paraît pas possible que l’on délibère sur ce qu’on ne sait pas. N’est-ce pas là ce que nous avons dit ?

Sisyphe. — Tout à fait.

Socrate. — Par conséquent, vous autres, hier, vous avez cherché à découvrir ce qu’il y avait de mieux pour la cité, mais vous ne le saviez pas. Si vous l’aviez su, vous ne l’auriez plus cherché, pas plus que nous ne cherchons quoi que ce soit que nous savons déjà. N’est-il pas vrai ?

Sisyphe. — En effet.

Socrate. — Que faut-il faire, d’après toi, Sisyphe, quand on ne sait pas, chercher ou apprendre ?

Sisyphe. — Apprendre, par Zeus.

390Socrate. — Tu as raison. Mais pourquoi penses-tu qu’il faille apprendre plutôt que chercher ? Parce qu’on trouvera plus facilement et plus vite en apprenant de ceux qui savent qu’en cherchant soi-même lorsqu’on ignore, ou pour une autre raison ?

Sisyphe. — Pour celle-là même.

Socrate. — Mais pourquoi alors, vous autres, hier, au lieu de délibérer sur ce que vous ignoriez et de chercher ce qu’il y a de mieux à réaliser dans la cité, n’avez-vous pas appris de gens compétents bcomment vous pourriez réaliser ce qu’il y a de mieux pour la cité ? En vérité, vous me semblez avoir passé toute la journée d’hier à improviser et à vaticiner sur des questions que vous ne connaissiez pas, au lieu d’apprendre, les magistrats de la ville, et toi avec eux. Tu diras peut-être que je m’amuse avec toi, que tout cela est pure dialectique et que je n’ai pas voulu te faire une démonstration sérieuse.


cDeuxième partie.

Mais, par Zeus, examine maintenant ceci sérieu­sement, Sisyphe. Si on accorde que la délibération est quelque chose, et non, comme nous le pensions tout à l’heure, une pure ignorance[8], ou une conjecture, ou une improvisation, pour me servir seulement de ce mot plus relevé au lieu d’un autre, crois-tu que les uns soient supérieurs aux autres dans l’art de délibérer et de bien conseiller, comme dans toutes les autres sciences, les uns diffèrent des autres, dcharpentiers, médecins, joueurs de flûte, et en général tous les gens de métier qui diffèrent entre eux. Et de même que ceux-ci dans leurs arts, penses-tu que dans la délibération, les uns soient supérieurs aux autres ?

Sisyphe. — Parfaitement.

Socrate. — Dis-moi donc : tous, n’est-il pas vrai, et ceux qui sont bons dans l’art de délibérer, et ceux qui y sont mauvais, délibèrent sur des choses futures ?

Sisyphe. — Tout à fait.

Socrate. — N’est-il pas vrai que les choses futures ne sont pas encore ?

Sisyphe. — Elles ne sont certainement pas.

Socrate. — Car si elles étaient, elles ne seraient plus à venir, emais elles seraient présentes déjà. N’est-ce pas ?

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — Donc, si elles ne sont pas encore, elles ne sont point nées, puisqu’elles ne sont pas.

Sisyphe. — Non, en effet.

Socrate. — Et si elles ne sont point nées, elles ne peuvent donc encore avoir aucune nature propre.

Sisyphe. — Forcément aucune.

Socrate. — Alors, tous ceux qui délibèrent, bien ou mal, ne délibèrent-ils pas sur des choses qui ne sont pas, qui n’ont pas été, qui n’ont aucune nature, puisqu’ils délibèrent sur des choses futures ?

Sisyphe. — Il le paraît bien.

Socrate. — Te semble-t-il à toi, qu’il soit possible de trouver, bien ou mal, ce qui n’est pas ?

Sisyphe. — Que veux-tu dire ?

Socrate. — Je vais t’expliquer ma pensée. Écoute.

391Comment, entre plusieurs archers, reconnaîtrais-tu ceux qui sont habiles et ceux qui sont maladroits ? N’est-ce pas facile à distinguer ? Sans doute, tu leur ferais viser un but, n’est-ce pas[9] ?

Sisyphe. — Certainement.

Socrate. — Et c’est celui qui a atteint le plus souvent le but que tu proclamerais vainqueur ?

Sisyphe. — Parfaitement.

Socrate. — Mais si aucun but ne leur était proposé, et que chacun tirât comme il voudrait, te serait-il possible de discerner ceux qui tirent bien ou mal ?

bSisyphe. — D’aucune manière.

Socrate. — Eh bien ! pour discerner aussi ceux qui délibèrent bien ou mal, alors qu’ils ignorent sur quoi portent leur délibération, ne te trouverais-tu pas dans l’embarras ?

Sisyphe. — Parfaitement.

Socrate. — Et s’ils délibèrent sur des choses futures, ils délibèrent sur ce qui n’est pas ?

Sisyphe. — Tout à fait.

Socrate. — Et n’est-il pas impossible à qui que ce soit, de trouver ce qui n’est pas ? Dis-moi, te semble-t-il, à toi, qu’on puisse trouver cce qui n’est pas ?

Sisyphe. — En aucune manière.

Socrate. — Donc, puisqu’il n’y a pas moyen d’atteindre ce qui n’est pas, personne, non plus, délibérant sur ce qui n’est pas, ne pourrait atteindre son objet ? car le futur est dans la catégorie des choses qui ne sont pas, n’est-il pas vrai ?

Sisyphe. — Il me le semble.

Socrate. — Par conséquent, ne pouvant même pas atteindre les choses futures, aucun homme ne saurait plus être ni bon ni mauvais conseiller ?

Sisyphe. — Il ne le paraît pas.

Socrate. — Et nul ne sera meilleur ou pire conseiller l’un que l’autre, puisque nul n’est ni plus apte ni moins apte à atteindre dce qui n’est pas.

Sisyphe. — En effet.

Socrate. — De quelle norme se servent donc les hommes pour déclarer certains d’entre eux bons ou mauvais conseillers ? N’y a-t-il pas là matière à de nouvelles réflexions, Sisyphe ?



  1. Pour l’expression, assez étrange ici, καὶ λόγῳ καὶ ἔργῳ, Pavlu renvoie à Ménon, 86 c. Dans ce passage, Socrate affirme avec énergie le devoir pour tout homme de chercher la vérité et il conclut : « cela, j’oserais le soutenir contre tous, autant que j’en serais capable, par mes discours et par mes actions (καὶ λόγῳ καὶ ἔργῳ) ». Il ne faut pas oublier, en effet, que le Ménon est une des principales sources du Sisyphe. — On pourrait suggérer une autre hypothèse. Si Stratonicos est vraiment le musicien dont parlent souvent les auteurs anciens (Cf. la notice, p. 60), il a pu développer un thème sur son art et l’illustrer par des exemples pratiques.
  2. Le jeu de « pair ou impair » était très populaire chez les Grecs. Le joueur cachait dans sa main un certain nombre d’objets (fèves, noix, amandes ou osselets), et le partenaire devait dire s’ils se trouvent en nombre pair ou impair. Cf. la mise en scène du Lysis (206 e) qui fait assister à ce jeu joué par les enfants dans la palestre. Parfois les noix ou les osselets étaient remplacés par des pièces d’or ou d’argent, que gagnait celui qui avait su deviner (Aristophane, Plut. 816 et scholie ad hunc locum). À ce jeu populaire l’auteur du dialogue compare la délibération qui ne serait pas autre chose, elle aussi, qu’une devinette, et telle sera, en fait, la conclusion de la première partie.
  3. Le verbe ἐπίστασθαι, comme le verbe μανθάνειν, prêtait à toute sorte d’équivoques et les discours éristiques devaient surtout leur succès à ces confusions de mots qui aboutissaient à des conclusions ridicules. On pourra trouver quelques spécimens de ces véritables calembours dans le dialogue platonicien Euthydème. « Rechercher ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas » peut se dire, par exemple, du même individu que, d’une part, l’on connaît et dont on ignore, d’autre part, l’arrivée ou le lieu d’habitation. Aristote, dans ses Réfutations des raisonnements sophistiques, apprend à se dégager de ces propositions captieuses. Il apporte un exemple semblable à celui de Callistratos : ὥστ’ οὐκ εἰ οἶδα τὸν Κορίσκον, ἀγνοῶ δὲ τόν προσιόντα, τὸν αὐτὸν οἶδα καὶ ἀγνοῶ… τὸν οὗν προσιόντα οὐκ εἰδότες, τὸν δέ Κορίσκον εἰδότες, ταὐτὸ μὲν εἰδέναι καὶ ἀγνοεῖν φασιν, ἀλλ' οὐ κατὰ ταὐτό (24, 179 b, 2, 9).
  4. Ce problème du rapport numérique entre la diagonale et le côté du carré a de bonne heure préoccupé les géomètres grecs. Pythagore avait déjà démontré que les deux ne sont pas commensurables ; il avait constaté que la racine carrée de 2 est irrationnelle, mais n’avait pas poussé plus loin ses recherches. La théorie des incommensurables fit plus tard de grands progrès, grâce aux travaux de Théodore de Cyrène et de Théétète (cf. G. Milhaud, Les Philosophes géomètres de la Grèce, p. 159-164).
  5. Ce problème également, appelé aussi problème de Délos, parce que, suivant la légende, Apollon aurait exprimé le désir de voir doubler son temple de Délos, était très discuté : il s’agit de construire sur un cube dont les côtés sont donnés, un second cube double du précédent (Cf. Milhaud, op. cit., p. 170. Voir Plutarque, de gen. Socr. 7).
  6. Cf. des expressions analogues dans Euthydème, 293 a : πᾶσαν ἤδη φωνὴν ἠφίειν… ; République V, 475 a : …καὶ πάσης φωνὰς ἀφίετε… ; Protagoras, 338 a : …μήτ' αὖ Πρωταγόραν πάντα κάλων ἐκτείναντα, οὐρίᾳ ἐφέντα, φεύγειν εἰς τὸ πέλαγος τῶς λόγων…
  7. Un thème du même genre est développé dans Alcibiade I, 106 et 107 d, mais les différences sont notables entre ce passage et le texte de Sisyphe. Platon ne dit pas, en effet, que, pour délibérer, il faille savoir. C’est le rôle des conseillers de posséder la science qu’ils doivent communiquer aux délibérants. Quand on cherche la lumière sur une question, on s’adresse aux gens compétents. Contrairement à l’auteur du dialogue apocryphe, Platon aurait assimilé la délibération à la recherche. On ne peut nier cependant que plusieurs expressions, intercalées dans Alcibiade I au milieu du développement, ne rappellent certaines propositions du Sisyphe : v. g. celle-ci : quand on ne sait pas, il faut chercher ou apprendre (comparer Sisyphe 389, e, 14 et Alcibiade I, 106 d, 8) ; ce que tu sais, déclare Socrate à Alcibiade, tu l’as appris d’autrui, ou tu l’as trouvé par toi-même. Le Socrate pseudo-platonicien pense que l’on trouve plus facilement et plus vite en apprenant d’autrui, qu’en cherchant par soi-même. De telles assertions sont, du reste, très opposées à l’esprit de Platon, en particulier à la doctrine exposée dans le Ménon (cf. la notice, p. 62, 63).
  8. La leçon des manuscrits (ἐπιστήμη) est inintelligible ici, à moins de modifier le mot qui précède (ὅπερ), comme suggère Pavlu, et d’écrire οὐδενός. Peut-être, néanmoins, la conjecture de Susemihl est préférable. Le terme ἀνεπιστημοσύνη a déjà été employé par l’auteur (389 c) : ce qui empêche de découvrir ce que l’on cherche, c’est l’ignorance, et voilà pourquoi délibérer ne s’identifie pas avec chercher (389 e). Donc, pour vous qui ne saviez pas, la délibération n’était pas autre chose qu’une ignorance, ou une conjecture… etc…
  9. On trouve fréquemment chez Platon cette comparaison de l’archer (v. g. Républ. V, 452 e, 519 c ; Théétète, 194 a ; Lois IV, 705 e, 717 a ; XI, 934 b…). Mais c’est là une comparaison banale et qui a dû être fréquemment utilisée par les rhéteurs. Voir aussi : Aristote, Eth. Nicom. Α, 1094 a, 23.