Soixante ans de souvenirs/II/7

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Hetzel (p. 93-116).


CHAPITRE VII

VICTOR SCHŒLCHER


Un jour pendant le siège de Paris, j’allai chez le général Trochu, que j’avais l’honneur de voir quelque-fois, et je lui dis : « Général, si vous avez besoin en dehors de l’armée, pour une mission périlleuse, pour une tentative désespérée, d’un homme qui ne vous marchande ni sa vie, ni sa fortune, ni son temps, qui soit également prêt pour un dévouement d’une heure ou un dévouement d’un mois, et qui vous remerciera de le faire tuer, si sa mort est utile au pays, j’ai votre affaire. ― Ah ! vous connaissez un homme de cette trempe-là ! me répondit en souriant le général. ― Oui, général, je le connais, et j’en réponds. ― Eh bien, je m’en souviendrai. » Cet homme c’était Victor Schœlcher.

D’ordinaire, les personnages vivants ne prennent pas place dans des souvenirs comme ceux-ci, mais mon amitié fraternelle avec Schœlcher date de si loin, et peut se rompre si vite par la mort, que je ne me consolerais pas de m’en aller de ce monde, avant de dire ce que je sais de lui, et ce que je sens pour lui. Je lui dois beaucoup ; on ne vit pas impunément en longue intimité avec une âme comme celle-là, sans compter que cet homme si aimé des uns, et si haï des autres, béni par des populations entières comme un sauveur, maudit par un parti comme un monstre, constitue certainement une des personnalités les plus originales et les plus curieuses de notre temps.

Je ne puis penser, sans en rire, que Schœlcher a débuté dans la vie par être commis voyageur, et marchand de porcelaines. Son père, fondateur d’un beau magasin, au coin de la rue Grange-Batelière, eut l’idée bizarre, le connaissant, de l’envoyer à vingt ans au Mexique, avec une pacotille. Schœlcher placier ! Schœlcher attendant dans une antichambre ! Schœlcher déballant ses marchandises et enguirlandant ses clients !… Il se serait fait tuer cent fois plutôt que de se résigner à un tel rôle. Aussi, revint-il au bout de dix-huit mois, avec une immense cargaison de bibelots, de costumes, de curiosités de toutes sortes, ayant perdu ses cheveux par le Danghié, ayant appris l’espagnol avec les Mexicains, et surtout avec les Mexicaines, connaissant à fond le pays qu’il avait parcouru à cheval, mais quant à la pacotille, il eût été bien embarrassé d’en donner des nouvelles, l’ayant laissée faire ses affaires elle-même, c’est-à-dire l’ayant envoyée à toutes les adresses indiquées, sans plus s’en occuper que d’une lettre qu’on s’est chargé de remettre par complaisance. Comment, après cette expérience, eut-on l’idée, à la mort de son père, de lui donner dans la succession, le magasin en partage ? Rien de plus simple. Son frère, officier du génie, ne pouvait pas le prendre. On le passa à Schœlcher, qui l’accepta parce que c’était une mauvaise affaire. Oh ! le singulier marchand, le singulier fabricant, et la singulière boutique ! Il ne lui manquait que quatre choses pour son état : il ne savait ni vendre, ni acheter, ni administrer, ni fabriquer. Entendons-nous. Il fabriquait très bien ; il fabriquait trop bien. Avec son goût passionné et charmant pour tout ce qui est objet d’art, il inventait des modèles exquis de coupes, de vases, de corbeilles, d’assiettes, et il mettait un soin merveilleux à les faire exécuter… Seulement le prix de revient était tel, que le prix de vente devenait impossible. Il faisait sauter de surprise tous les clients qui se mettaient à marchander. Les malheureux ! Schœlcher n’admettait pas qu’on pût marchander avec lui. C’était lui faire une injure. Une dame ayant insisté avec toute la grâce câline et tenace des femmes du monde, pour une réduction, Schœlcher la regarde fixement, et d’un ton froid et calme, lui dit : « Pardon, madame, vous me prenez donc pour un malhonnête homme ? » La dame rougit et ne revint pas. Ce n’est pas précisément ainsi qu’on achalande une boutique.

On ferait un volume avec ses excentricités de marchand. Un matin, entra dans son magasin un de ses confrères du passage de l’Opéra, avec lequel il avait je ne sais quelle affaire. Le marchand le traitant en égal, s’emporte, et se permet quelques paroles un peu vives. « Monsieur, lui dit Schœlcher, je vous ferai observer que vous n’êtes pas poli. » Encouragé par cette douceur de ton, le marchand continue, sur quoi Schœlcher lui applique un vigoureux soufflet, et le marchand ayant voulu se jeter sur lui, Schœlcher le repousse du pied, l’envoie rouler au fond du magasin, puis, se retournant vers son garçon, lui dit sans s’émouvoir : « Ramassez monsieur. » Cette histoire nous mit tous en gaieté. « Mais, mon ami, lui disais-je, vous n’avez nulle idée de ce qu’on appelle transitions. Que diable ! on prépare les choses, on avertit les gens. Il n’y avait aucune connexion entre ce soufflet et votre phrase. ― Comment ! me répond Schœlcher tranquillement, ma phrase était : « Monsieur, vous n’êtes pas poli. » Que pouvais-je lui dire de plus fort ? »

Enfin, il y avait un troisième obstacle à sa prospérité commerciale. Tout magasin suppose un comptoir ; tout comptoir suppose un marchand assis derrière et vendant. Or l’amour-propre de Schœlcher se révoltait à l’idée de s’asseoir à un comptoir. Scrupule absurde avec ses principes républicains, mais il avait vingt-huit ans, et il n’était pas encore parvenu à transformer sa vanité en orgueil. Il imagina donc de remplacer ce comptoir par un petit cabinet vitré, placé au fond du magasin, d’où il pouvait voir sans être vu, et paraître au moment nécessaire. Par malheur, ce cabinet, à partir de quatre heures, servait de lieu de rendez-vous à ses amis de la presse. C’était comme un parloir de journal. On venait là apporter des nouvelles, discuter peinture et musique, attaquer les députés, proposer la mise en accusation de quelque ministre, ébaucher çà et là quelque petit plan de conspiration républicaine et, à l’occasion, passer au crible les acheteurs et les acheteuses. Celles-ci jetaient un regard inquiet du côté de ce cabinet, d’où partaient tant d’éclats de rire, et s’en allaient en disant : « Quel singulier magasin de porcelaines ! » Le résultat fut, on le devine, une liquidation très honorable, mais où Schœlcher laissa une cinquantaine de mille francs de son héritage.

Heureusement pour lui, il lui restait, de son voyage en Amérique, quelque chose qui pouvait le consoler de sa pacotille perdue et même de sa fortune amoindrie. Il n’avait pas seulement visité le Mexique, il avait passé à la Havane et aux États-Unis. Là, lui apparut, pour la première fois, l’esclavage. A cette vue, jaillirent comme par explosion, des plus intimes profondeurs de son être, toutes ses vertus naturelles, la haine de l’injustice, la passion pour la liberté, la sympathie pour tout ce qui souffre. L’âme de Wilberforce s’éveilla en lui, et quand il revint en France, il rapportait un trésor d’indignation, qui était un trésor de charité. Sa vie avait un but, son âme un principe. Il était parti commis voyageur, il revint abolitionniste.


I[modifier]

M. de Pressensé a dit de Schœlcher : C’est un athée qui fait croire en Dieu. Le mot est charmant et profond. Il peint d’un trait le grand côté et le côté faible de cet homme particulier.

Pétri de contradictions, il est à la fois démocrate et aristocrate : démocrate d’idées, aristocrate de manière. Passionné pour Robespierre, et passionné contre la peine de mort. Ennemi de la république autoritaire, et jacobin. Adversaire acharné du christianisme, et honorant dans la croix un des plus purs symboles de cette terre. Regrettant de ne pas être né prince, pour pouvoir renoncer à son titre. Sybarite de goûts, cénobite d’habitudes. Dinant d’un plat de carottes, mais dans de la vaisselle d’argent. Violent en dedans jusqu’à la fureur, calme au dehors jusqu’à l’impassibilité. On accuse souvent Schœlcher de viser à la singularité. Rien de plus injuste. Il est naturellement singulier ; il ne fait rien comme personne… de naissance. En veut-on la preuve ? L’unité d’une vie en démontre la sincérité. La vérité seule, est une. Qui ment se dément. Or, ce que Schœlcher est aujourd’hui, il l’a toujours été. Depuis cinquante-quatre ans que je le connais, il n’a pas plus changé d’opinions que de costume. Depuis cinquante-quatre ans, il a la même redingote noire boutonnée jusqu’en haut, le même collet rabattu sur le même col de satin noir, les mêmes manchettes, le même chapeau à larges bords, la même canne surmontée d’une pomme niellée, et le même parapluie surmonté d’une tête antique en bronze, comme il a les mêmes idées politiques, les mêmes idées de morale, les mêmes goûts d’art. Son appartement est son portrait. Tout ce qui sert à son usage est inventé par lui : ses pelles, ses pincettes, ses boutons de porte, ses garnitures de cheminée, ses meubles, sont faits sur modèles fournis par lui et exécutés pour lui. Il a imaginé de petits instruments pour manger les asperges sans les toucher, et cueillir les feuilles d’artichaut sans se salir les doigts. Sur sa table de nuit, se voit un pupitre en acier qui, grâce à un ingénieux déploiement de branches entrecroisées, lui apporte son livre dans son lit, devant ses yeux, sans qu’il ait la peine de tourner la tête ; ce que voyant, un de ses plus chers amis, le marquis de Parny (car il a des marquis pour amis, ce farouche radical), lui disant : « Victor, il manque quelque chose à votre pupitre, vous devriez lui apprendre à aller chercher les volumes dans la bibliothèque. »

Mais voici un trait qui fait de lui un collectionneur absolument à part. Sa bibliothèque est admirable, elle contient plus de douze mille livres de choix. Aux livres, il a ajouté une multitude de curiosités, de costumes, de bronzes. Pendant ses vingt ans d’exil à Londres, il a réuni une collection complète des œuvres de Haendel, et enfin il a ramassé, acheté un ensemble de neuf mille gravures, par neuf mille graveurs différents ! Eh bien, toutes ces richesses ont disparu de chez lui. Comment ? par un vol ? par un incendie ? Non. Par sa volonté. Tous ces objets d’art acquis avec tant de peine, classés avec tant de soin, regardés sans cesse avec tant de joie, il s’en est dépouillé lui-même ; il les a donnés, non pas légués, donnés de son vivant : il a envoyé ses livres à la Martinique, ses collections à la Guadeloupe, ses gravures à l’école des Beaux-Arts, les chefs-d’œuvre de Haendel au Conservatoire. Pourquoi ? Pour fonder un commencement de bibliothèque dans une colonie, un commencement de musée dans l’autre, pour fournir un sujet d’étude aux artistes, sacrifiant ses goûts les plus chers au désir d’être utile, et portant ainsi dans la passion si souvent égoïste du collectionneur, cet oubli de soi, et ce dévouement aux autres qui fait l’honneur de son rôle d’abolitionniste.

Je ne prendrai que trois faits pour caractériser ce rôle. Schœlcher, encore jeune homme, fut admis dans la société pour l’abolition, qui comptait parmi ses membres les noms les plus illustres, Lamartine, M. de Broglie, Arago. Un jour, arrive à la séance une masse énorme de documents très intéressants, très importants, mais dont le volume effraya tous les membres présents. « Il y a là, dit le Président, du travail pour plusieurs mois, et pour plusieurs travailleurs. Il faut prendre des auxiliaires. ― Pourquoi ? dit Schœlcher avec tranquillité, je puis faire cette besogne, tout seul. » On accepta avec une reconnaissance, mêlée d’un peu de doute. Un mois après, Schœlcher reparaissait devant le comité, ayant tout lu, tout compulsé, tout élucidé, prêt à lire son rapport. Ce fut un mouvement unanime de surprise, et d’admiration. Lamartine, se levant, alla à lui, et lui tendant la main… « Monsieur, lui dit-il, nous ne vous remercions pas, Dieu seul peut récompenser de tels dévouements. ― Dieu ? Monsieur, répondit froidement Schœlcher, je n’y crois pas. »

A la sympathie succéda aussitôt un sentiment de malaise, et de désapprobation. Lamartine ne retira pas sa main, mais il ne l’avança pas davantage. Schœlcher comprit cette froideur, et certes en souffrit, car il est très sensible à l’approbation des hommes qu’il estime. Pourquoi donc sa réponse ? Était-ce bravade, désir de produire de l’effet ? Non. Il obéissait à son absolu besoin de sincérité : il disait ce qui était, parce que cela était. Il faisait cet aveu, non seulement quoiqu’il pût lui nuire, mais parce qu’il pouvait lui nuire. Certaines âmes, hautes et hautaines, ont de ces raffinements de vaillantise, qui ne vont pas sans un assez grand fond d’orgueil, mais pour lesquels on éprouve quelque indulgence, en y sentant la crainte d’usurper l’estime par le silence. Nous reviendrons du reste sur son athéisme. Voici le second fait.

Vers 1849, les colons, irrités et inquiets de voir s’élever contre eux un grand mouvement d’opinion, répétaient sans cesse que les abolitionnistes n’étaient abolitionnistes que par ignorance ; qu’on n’accusait les colonies que parce qu’on ne les connaissait pas ; que la bonté des planteurs adoucissait tellement le sort des esclaves, que si le mal de l’esclavage subsistait encore, ses maux ne subsistaient plus. « Enfin, ajoutaient-ils, qu’ils viennent, qu’ils viennent, et qu’ils jugent ! ― Eh bien, dit Schœlcher, j’irai. » Partir à ce moment, c’était compromettre sa fortune engagée dans une opération difficile et périlleuse. Il part. Il arrive à la Martinique. Qu’y trouve-t-il en débarquant ? Un cartel. Il l’accepte. On le retire. Libre alors, il emploie quatorze mois à la visite minutieuse des principales habitations, et après cette longue enquête, il revint en proie aux sentiments les plus contradictoires ; il avait dans les mains mille preuves des douleurs des esclaves, mais il avait aussi le cœur rempli des témoignages de cordialité, d’humanité, de générosité de la plupart des planteurs. Alors sortit de sa bouche, ce cri d’irrésistible éloquence : « Il faut détruire l’esclavage, non seulement pour les esclaves, mais pour les maîtres ! Car s’il torture les uns, il détrave les autres ! Car s’il condamne les noirs à souffrir, il condamne les blancs à les faire souffrir ! Car le fouet, les coups, la privation des affections de famille, sont la conséquence fatale, inévitable de la servitude ! Car les bons sont forcés d’être méchants ; car enfin, il en est de ce fléau comme de certaines plaies incurables et hideuses du corps humain, qu’on ne peut ni soigner, ni guérir, et où le seul remède est l’ablation. »

Cette parole si terrible produisit une impression profonde. Les livres de Schœlcher portèrent la conviction dans les consciences les plus rebelles, et tout autre que lui se fût trouvé satisfait d’un tel résultat. Mais il est de la race des apôtres qui ne se satisfont jamais, et qui ne savent pas dans leur mission ce que c’est qu’un temps d’arrêt. Il repartit donc pour une nouvelle expédition ; il avait défendu les nègres, il voulut réhabiliter les noirs. La race elle-même devint sa cliente. Il résolut de rechercher les traces de sa valeur intellectuelle et morale, sur le sol même qu’elle habite, dans sa patrie, et, en 1847, il partit pour le Sénégal. Cette fois, ce n’était plus sa fortune, c’était sa vie même qu’il exposait. Frappé, sous ce climat torride, d’une de ces maladies cruelles qui brisent le corps et l’âme, il poursuivit sa route au milieu des plus dures souffrances. Il ne raccourcit pas d’un jour son voyage d’explorateur et revint à Paris, épuisé, méconnaissable, vieilli de dix ans. Mais Dieu, qu’il nie, l’ingrat ! l’attendait là, pour se venger de lui, comme Il se venge, comme Lamartine lui avait prédit qu’Il se vengerait, par la plus belle récompense qui puisse couronner une belle vie !

Schœlcher arriva à Paris le 3 mars 1848, quelques jours après la proclamation de la République. A peine débarqué, il reçoit d’Arago, ministre de la Marine, une lettre lui disant : « Venez… J’ai besoin de vous. » Il y court. Arago le nomme sous-secrétaire d’État aux colonies, et quelques jours après, paraissait à l’Officiel, préparé par Schœlcher, contresigné par Schœlcher, le décret qui abolissait immédiatement l’esclavage dans toutes les colonies françaises. Quand il vint m’annoncer cette nouvelle, je lui répondis avec calme (il m’a plus d’une fois rappelé ce mot) : « Eh bien, mon cher ami, vous voilà immortel. »

Ce triomphe n’alla pas pour lui sans de cruelles amertumes. Tout le parti colonial poussa un cri terrible d’indignation et de fureur. L’abolition immédiate et absolue fut déclarée une œuvre de spoliation et de ruine ; Schœlcher fut dénoncé comme un apôtre de massacre et de vol. Je n’entrerai pas dans la question de savoir si l’abolition graduelle était préférable, si elle était possible. Mon incompétence me le défend. Mais ce que je puis attester, c’est que quelques jours avant la publication du décret, un délégué des colonies, un des hommes les plus considérables et les plus considérés du parti colonial, traversa la rue Vivienne où je passais, et venant à moi, me dit ces paroles textuelles : « Vous êtes lié avec M. Schœlcher, eh bien, dites-lui qu’il faut prononcer l’abolition immédiatement, sans réserve, sans un jour de retard ; sinon, les colonies seront mises à feu et à sang. »

Malheureusement tout le parti n’eut pas cet esprit d’équité. Les attaques les plus violentes se multiplièrent contre Schœlcher. Un jour même, parut, signée d’un représentant comme lui, une brochure si agressive qu’un duel s’ensuivit. Schœlcher y montra ce que sa politesse a de formaliste, et son courage, de chevaleresque. L’arme choisie fut le pistolet à vingt-cinq pas ; le lieu de rencontre, Madrid au Bois de Boulogne. Sur le terrain, on s’en rapporta au sort pour décider qui tirerait le premier. Le sort favorisa Schœlcher. On lui remit l’arme. Mais au moment de viser son adversaire, il se souvint sans doute de Fontenoy, et soulevant son chapeau, fit un salut à son ennemi. Cette petite cérémonie donna juste le temps aux gendarmes d’arriver, de confisquer les armes, d’arrêter le combat, et de renvoyer les deux combattants à la séance de la Chambre. Un nouveau rendez-vous fut pris pour l’après-midi, à trois heures, au bois de Vincennes. A l’arrivée sur le terrain, il se produisit un incident bien caractéristique. Les deux adversaires demandèrent, en même temps, que le tirage au sort du matin ne comptât pas. « Vous vous f… de nous avec vos façons d’anciens preux ! s’écria le témoin de Schœlcher, le colonel Charras. Le tirage de ce matin compte, puisqu’il n’a pas eu son effet. » Les deux adversaires prirent leurs places ; M P… s’effaça le plus qu’il pouvait, et selon l’usage, tint son pistolet droit contra sa tempe. La balle de Schœlcher lui enleva un bout du parement de sa manche, un bout de son collet, et se perdit on ne sut pas où. C’était au tour de Schœlcher de supporter le feu. Il se retourna, se mit de face et croisant ses deux bras sur sa poitrine, regarda tranquillement son adversaire. « Diable ! dit tout bas à Charras le général Regnault de Saint-Jean d’Angely, témoin de M. P… C’est un bon b… » La balle n’atteignit pas Schœlcher, mais le général déclara qu’un coup ayant porté, les conditions du combat étaient remplies. On se sépare. M. P… avait pris, le matin, sur le conseil d’un de ses amis, la précaution fort sage de s’envelopper le cou d’une large et longue cravate de soie molle. Rentré chez lui, il ôte sa cravate, et la balle de Schœlcher tombe à ses pieds. Un peu effrayé, il regarde son cou, et il voit une forte contusion à ce qu’on appelle la pomme d’Adam. Sa cravate l’avait sauvé. Le lendemain, Schœlcher, toujours courtois, envoya prendre de ses nouvelles. M. P… ne répondit que par sa carte. Jamais les passions créoles ne désarmèrent devant le signataire du décret d’abolition.


II[modifier]

Schœlcher a eu dans sa vie deux objets d’ardente passion : l’émancipation des esclaves et la République. Je l’appelle en riant, un républicain de droit divin. Son opinion politique, en effet, n’est pas un principe, c’est un dogme. Il ne lui suffit pas que la France soit glorieuse, riche, heureuse, il la lui faut républicaine. Toute autre forme de gouvernement lui semble une usurpation. C’est un ultra. Il vota cependant pour le retour de Louis-Napoléon, par horreur pour l’exil. Mais le jour où le Prince Président prêta serment de fidélité à la République, il me dit, tout songeur : « Mon cher ami, je crois que nous avons commis une faute. La tribune fait toujours peur la première fois qu’on y monte ; or, quand, avec son accent tudesque, il nous a lu sa profession de foi… je le regardais bien avec ma lorgnette, son papier n’a pas tremblé dans sa main. Nous n’aurons pas aussi bon marché de cet homme-là que nous le croyons. »

On sait sa conduite le jour du coup d’État. Il courut au faubourg Saint-Antoine pour engager les ouvriers à se soulever. « Pour qui ? lui répondirent-ils, pour l’Assemblée ? Elle nous a enlevé le suffrage universel. Contre le Président ? Il nous l’a rendu. Nous ne bougerons pas. » A ce moment arrivent les troupes. Schœlcher se place au plein milieu de la chaussée, les bras croisés, comme devant le pistolet de M. P…, et revêtu de son écharpe de représentant. Les troupes approchent par pelotons. Le premier peloton était commandé par un sous-lieutenant. Schœlcher va à lui, lui montre son écharpe, et d’une voix toute vibrante d’émotion, il le supplie, pour son propre honneur, de ne pas s’insurger contre le pouvoir légal. « C’est un crime qu’on vous fait commettre là ! Nous sommes la loi ! Ce prince n’est qu’un usurpateur et un traître ! Vous ne pouvez pas soutenir un traître. ― Laissez-moi ! Retirez-vous, lui répond l’officier, à la fois embarrassé, touché et irrité… Retirez-vous, je ne vous connais pas. J’ai ma consigne. Laissez-moi ! ― Non ! répond Schœlcher, faites-moi tuer par vos soldats, si vous le voulez, mais je reste là. ― Allez-vous-en, » répond l’officier. Et les soldats passent sans le toucher. Un second peloton arrive : même scène, même supplications, même refus, même marche en avant ; mais, cette fois, un coup de baïonnette lui enlève un morceau du pan de sa redingote. Deux heures après, il entrait chez moi, pâle, ses vêtements déchirés, et se jetant dans un fauteuil, cachant sa tête dans ses deux mains, il me dit d’une voix entrecoupée par les larmes : « La République est perdue ! » Il était chez moi depuis deux heures, quand le quartier commença à se remplir d’agents de police qui bourdonnaient autour de la maison, comme des frelons autour d’une ruche. « Mon cher ami, dis-je à Schœlcher, si vous restez ici, on viendra vous arrêter cette nuit, il faut aller coucher ailleurs. ― Mais où ? ― J’ai mon idée. »

Un de mes plus chers amis, le docteur L…, alors encore jeune homme, vivait fort retiré avec sa mère, dans la rue Papillon, faubourg Poissonnière. J’arrive chez lui. « Voulez-vous donner asile à M. Schœlcher cette nuit ? ― Vous tombez bien, me répond-il en riant. Ma mère est une bonapartiste enragée. Elle trouve le coup d’État la plus belle chose du monde, et elle exècre tout ce qui porte le nom de républicain. Enfin nous allons essayer. » Nous entrons chez la vieille dame. « Eh bien, ma mère, voilà notre ami M. Legouvé, qui vient nous donner des nouvelles. ― Ah ! le cher Prince va bien ? ― Oh ! lui… Il ne va pas mal !… mais ce sont les représentants… ― Tu veux dire les députés ? ― Ils sont poursuivis, traqués !… ― Tant mieux ! Pourvu qu’on les prenne tous… ― Que veux-tu qu’on en fasse ? ― Qu’on les fusille, ces misérables. Pas de grâce ! ― Pourtant, ma mère, il y a parmi eux de braves gens… ― Lesquels donc ? ― Tiens, par exemple, M. Schœlcher. ― Oh ! parlons-en de celui-là ! C’est un des pires ! Il paraît qu’il a fait massacrer des milliers de blancs dans les colonies. Je ne suis pas méchante ! Mais si je le tenais, il passerait un mauvais quart d’heure. ― Eh bien, maman, dit L… nettement, il sera ici dans deux heures. ― Hein ? ― Il vient te demander asile. ― Quoi ? ― Il compte sur nous pour le recueillir, le sauver. ― Sur moi ! ― La police le poursuit, et si tu lui fermes ta porte, il est perdu. » Alors, éclata dans le cœur de cette excellente vieille femme, car il n’y en a pas de meilleure, la lutte la plus étrange, la plus comique entre son humanité et ses opinions politiques. Elle marchait tout éperdue dans la chambre. Elle parlait à mots entrecoupés. « Me voilà bien !… » s’écriait-elle. Puis se retournant vers son fils : « Tu avais bien besoin de me mettre cette affaire-là sur le dos, toi ! ― Enfin, maman, c’est fait. J’ai promis. Il va venir, faut-il le renvoyer ? ― Le renvoyer ? le renvoyer ? Un homme qu’on poursuit, comme si c’était possible !… Mais où veux-tu que je le couche ? Je n’ai que trois lits : le mien, le tien, et celui de la bonne. ― Oh ! madame, repris-je, il passera très bien la nuit sur un fauteuil. ― Sur un fauteuil ! Sur un fauteuil ! Un homme qu’on pourchasse depuis ce matin. Il doit être épuisé, cet homme. Car on m’a dit… reprend-elle avec un mouvement de colère, qu’il s’est battu au faubourg Saint-Antoine. Oh ! le scélérat : » Puis, tout en maugréant : « Il faut cependant le coucher. On lui fera un lit dans le salon. J’ai trois matelas. Je peux bien lui en donner un. ― Non ! maman, c’est moi. ― Tu lui en donneras un aussi, il lui faut bien deux matelas, à cet homme… Oh ! bon Dieu ! Qu’est-ce qui m’aurait dit que je ferais un lit pour ce Schœlcher !… Enfin, puisque nous y sommes. Marie, avez-vous du bouillon ? ― Oui, Madame. ― Eh bien, vous ferez un potage à dix heures, pour un monsieur… qui… enfin ! Vous ferez un potage ! » Et la voilà qui ordonne le souper, qui commence son déménagement, grommelant, interpellant son fils, aidant sa bonne, et refaisant sans s’en douter, la charmante scène de la Case de l’oncle Tom, où un sénateur cache le soir celui qu’il avait condamné le matin.

Je cours porter cette bonne nouvelle chez moi. A huit heures et demie, nous arrivons chez Mme L…, qui nous reçut à merveille ; mais, à dix heures et demie, il fallut partir, la police était à nos trousses. Nous voilà donc, Schœlcher et moi, dans la rue, en pleine nuit, sans savoir où aller. L’idée me vient de l’emmener au Jardin des Plantes, chez les dames Geoffroy Saint-Hilaire, qui lui donnèrent asile pour quelques heures seulement, n’étant pas sûres de leurs domestiques, et le confièrent le lendemain à un de leurs plus anciens amis, professeur au Jardin des Plantes, M. Serres. Schœlcher n’y resta qu’un ou deux jours, et ce temps, il l’employa à écrire à tous ses amis républicains, des plans de révolte, de conspiration, de descente dans la rue, en recommandant bien à son hôte de les faire parvenir à leur adresse. Ce que voyant, M. Serres, avec son calme dit : « Voilà un monsieur qui est atteint de cette espèce de monomanie qu’on appelle scribomanie », et il jeta toutes les lettres au feu. Enfin le troisième jour, deux jeunes ecclésiastiques, MM. Blanc, qui dirigeaient une pension de jeunes gens dans le faubourg Saint-Jacques, au fond d’une impasse, le reçurent, le logèrent et le cachèrent une quinzaine de jours. Ce fut pour nous quinze jours de mortelles angoisses. Le ministre du Commerce, M. Lefebvre-Duruflé, me fit dire par un ami : « Si M. Legouvé sait où est M. Schœlcher, qu’il le fasse partir au plus tôt, car s’il est pris, les passions coloniales sont tellement ameutées contre lui, que le Prince même, s’il le voulait, ne pourrait pas le sauver ; on le fusillerait. » Enfin le 22 décembre, nous apprîmes qu’il partait le soir, par le chemin de fer de Lyon, avec le plus jeune des frères Blanc, sous un costume de prêtre. Le voilà dans la gare de Lyon avec sa soutane, les yeux cachés sous des lunettes bleues, et fort enfoncé dans la lecture de son bréviaire. L’inquiétude le prend en voyant rôder autour de lui un petit homme qui a l’air de l’observer, et qui tout à coup s’approche et lui dit tout bas : « Courage » ! C’était M. Coste, le directeur de l’ancien journal le Temps. A peine les portes ouvertes, il court s’installer avec son compagnon de voyage dans un coupé. Un gendarme y monte après eux. C’est peut-être un agent ? Non. Il ne va que jusqu’à Melun. Mais de Paris à Melun, des soupçons peuvent lui venir. Comment les détourner ? L’abbé Blanc imagine alors de laisser tomber un papier dans la rainure d’une des fenêtres ; il se désespère de l’avoir perdu, et les voilà tous deux occupés à tâcher de repêcher ce papier. Le brave gendarme, touché de leur peine, se met de la partie. Il y emploie même son sabre, et la lame plonge, replonge dans l’interstice, tant et si bien qu’ils arrivent à Melun sans que rien les ait trahis. Repartis pour Besançon, ils se dirigent vers la Belgique, à travers les montagnes du Jura, recevant l’hospitalité dans quelques communautés religieuses, à titre d’ecclésiastiques en voyage. Une nuit ils logèrent chez une directrice de poste, qui le lendemain matin suppliait Schœlcher de lui donner sa bénédiction, à quoi le saint homme lui répond humblement qu’il n’est pas en état de grâce, et enfin, après tous les périls d’une traversée à pied au milieu des neiges de décembre, ils arrivent à Bruxelles épuisés de fatigue et glacés. Schœlcher n’avait pour tout vêtement que sa soutane ; ce qui fit dire à notre domestique à nous : « Oh ! ce pauvre M. Schœlcher, il parait que là-bas, à Bruxelles, il a bien froid avec sa sultane. »

Le reste de sa vie, on le connaît. Ses vingt ans d’exil sont écrits dans ses œuvres. Ce qu’il fut pendant le siège de Paris, ce qu’il fut au plateau d’Avron, comme commandant de l’artillerie, ce qu’il fut après le 18 Mars, comme aide de camp de l’amiral Saisset, ce qu’il fut pendant la Commune, comme prisonnier de Raoul Rigault, ce qu’il a été depuis seize ans au Parlement, qu’on le demande à ses amis, à ses compagnons de danger, à ses collègues. Sa position au Sénat a quelque chose de tout personnel. Il y a conquis, un à un, tous les degrés de la sympathie. Il y est considéré, estimé, honoré, aimé. L’affection qu’il inspire à ses collègues s’étend jusqu’à ses singularités. Elles plaisent, elles amusent. On en rit avec lui. Jamais Schœlcher n’a juré. Jamais Schœlcher n’ employé une expression triviale, un mot vulgaire. Il parle comme il mange. Il a toujours peur de se salir le bout des lèvres comme le bout des doigts. Ses amis du Sénat s’en égayent parfois, et lancent dans la conversation, des termes et des plaisanteries plus ou moins orthodoxes, pour faire sursauter Schœlcher, et le voir prendre ses airs d’hermine effarouchée. Gambetta, de l’Assemblée nationale, ne s’en faisait pas faute, et un jour, il lui en dit une si forte, que Schœlcher, levant les bras avec indignation, s’en alla en s’écriant : « C’est affreux ! Gambetta, c’est affreux ! » Et l’autre de rire aux éclats.

Ses excès de délicatesse ne font pas seulement sourire, ils touchent souvent. J’ai conté à un sénateur un trait de lui qui a fait le tour du Sénat. Dans sa jeunesse, il revenait un jour de Belgique avec sa mère. La vieille dame avait acheté de fort belles dentelles à Malines. Arrivés à la frontière, Schœlcher lui dit : « N’oubliez pas, ma mère, de déclarer vos dentelles à la douane. ― Par exemple ! il me faudrait payer des droits énormes. ― Mais ces droits, vous les devez. ― Je les dois, à qui ? Pourquoi ? ― Parce qu’il y a, ma mère, une loi sur l’importation qui frappe d’un impôt… ― Est-ce que c’est moi qui l’ai faite, cette loi ? Est-ce qu’on m’a demandé mon avis pour la faire ? Je la trouve absurde, inique, oppressive ; et je ne comprends pas, qu’un libéral comme vous, approuve une pareille loi. Je m’y soustrais.― Mais c’est de la contrebande, ma mère, et la contrebande est une fraude. ― Assez ! répond-elle, vous n’avez pas, j’imagine, la prétention de m’apprendre ce que j’ai à faire. » Il se tut, mais quand, à l’inspection des bagages, le douanier lui demanda s’il avait quelque chose à déclarer, « Oui, Monsieur, répondit-il avec calme. Madame a des dentelles qui doivent, je crois, payer entrée. » La stupéfaction et la colère de sa mère, on les comprend. Pourtant, il lui fallut céder. A mesure qu’elle déroulait ses bandes de malines, et tout en payant les droits, elle lui lançait des regards irrités, et de sourdes paroles de reproche, qui se changèrent bientôt, dans son cœur maternel, en murmures d’orgueil. Quelle est la femme qui ne serait pas fière d’avoir pour fils, un si honnête homme ?

De tels caractères comptent dans une assemblée. Un jour cependant, une parole, sortie de sa bouche, rencontra une vive désapprobation au Sénat. Dans une discussion dont je ne me rappelle pas nettement le sujet, mais où il était question des croyances religieuses, Schœlcher se leva, dompta la peur la plus forte, je dirais presque la seule peur qu’il connaisse, la peur de la tribune, et déclara hautement qu’il était athée. Ce fut une impression générale de surprise et de peine. Là encore, il y eut surtout de sa part le besoin de réclamer les droits de la liberté de conscience, mais son tort, selon moi, n’en était pas moins réel. On ne doit pas scandaliser, sauf pour remplir un devoir. Je le lui dis franchement, à quoi il me répondit : « Mais, enfin, mon cher ami, puisque c’est la vérité ! ― Eh bien, répliquai-je vivement, non ! Ce n’est pas la vérité ! Non ! vous n’êtes pas athée ! Non ! vous n’êtes pas matérialiste ! ― Eh ! que suis-je donc ? reprit-il un peu étonné. ― Vous êtes le plus grand spiritualiste que je connaisse. » Là-dessus il se récrie, et la bataille commence. « Voyons, mon cher ami, lui dis-je, raisonnons. N’est-ce pas un acte du spiritualisme le plus absolu, que d’obéir aveuglément à ce qui n’a ni corps, ni forme, ni substance, ni étendue, à ce qui n’occupe aucune place, ni dans l’espace, ni dans le temps ? ― Sans doute. ― C’est précisément ce que vous faites. ― Moi ? ― Vous ! N’est-il pas vrai que la vérité, la liberté, l’humanité, la justice, sont les souveraines maîtresses de votre vie ? N’êtes-vous pas prêt à sacrifier tout pour elles ? ― Je l’espère. ― Dites-moi donc, je vous prie, comment est-ce fait, la justice ? Quelle forme cela a-t-il, la vérité ? Où cela loge-t-il, la charité ? Sous quel sens cela tombe-t-il, la liberté ? Est-ce solide ? fluide ? aérien ? Vous nous reprochez d’adorer un Être immatériel… Mais vous, vous en adorez cinq ou six plus immatériels que les nôtres ! Au moins, nous, déistes, nous avons eu besoin, pour rendre hommage à l’objet de notre culte, d’en faire un être vivant… Nous lui prêtons une voix pour nous parler, des oreilles pour nous entendre, nous nous prosternons à ses pieds, nous nous remettons entre ses mains, nous nous inclinons devant lui comme devant un ami qui nous console, un conseiller qui nous guide, un juge qui nous punit ou nous récompense… Vous, il ne vous faut même pas ce semblant de matière ; vous brisez ce que vous appelez une idole, et vous en ramassez les fragments pour les adorer. Vous reconnaissez les attributs de l’Être que vous ne reconnaissez pas ; bien plus, vous prétendez en imposer le culte aux autres ; vous fondez la société sur ce culte ; vous déclarez les hommes méprisables ou estimables, dignes de récompense ou de châtiment, selon qu’ils acceptent ou n’acceptent pas, comme suprêmes régulatrices de leur conduite, ces insaisissables, ces impalpables, ces silencieuses déesses de l’abstraction. Et vous vous croyez matérialiste ! Et vous croyez que votre dévouement perpétuel aux autres, votre perpétuel oubli de vous-même, votre souci incessant du développement moral et intellectuel de toutes les classes, vous croyez que tout cela est fait de la même étoffe, et finira de la même façon que le tapis de votre table ou le bois de votre commode ! Vous croyez que tant de sentiments affectueux et dévoués (j’en pourrais dire long sur ce chapitre si je voulais) sont composés d’azote ou d’oxygène, et se dissoudront, à votre mort, en molécules et en atomes. Oh ! cher contradicteur de vous-même, comme je me moquerai de vous à ce sujet dans un autre monde,… car j’en suis bien fâché pour vos théories, mon cher ami, mais il faut en prendre votre parti, nous nous reverrons.