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Souvenirs (Roustam)/Chapitre I

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Texte établi par Paul CottinLibrairie Paul Ollendorff (p. 1-66).
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SOUVENIRS DE ROUSTAM
MAMELOUCK DE NAPOLÉON Ier[1]

i


Ma famille. — Mon père nous quitte ; je reste avec ma mère et mes sœurs. — Guerre entre l’Arménie et la Perse. — Nous nous réfugions dans une forteresse. — Dangers courus. — Mort de ma sœur Begzada. — Nous partons rejoindre notre père. — Séparé des miens pendant le voyage, je suis vendu sept fois comme esclave. — Un marchand m’emmène à Constantinople et me vend à Sala-Bey. — Mon arrivée au Caire. — Sala-Bey m’incorpore dans ses Mameloucks. — Nous partons pour la Mecque. — À notre retour, nous trouvons l’Égypte occupée par les Français. — Nous gagnons Saint-Jean d’Acre, où Sala-Bey est assassiné par Djezzar-Pacha. — Mon retour au Caire. — Le général Bonaparte autorise le Sheik El Bekri à me prendre à son service. — Le sérail du Sheik. — Je veux épouser sa fille. — Bonaparte à Saint-Jean d’Acre. — Aboukir. — Scènes violentes avec un Mamelouck. — Intempérance d’El Bekri. — Le champagne du prince Eugène. — J’entre au service du général Bonaparte.

Il est né à Tiflis, capitale de la Géorgie, fils du sieur Roustam Honan, négociant, né le… (sic).

Deux ans après, son négoce a été transporté à Aperkan, une assez forte ville en Arménie, pays natal de son père.

Onze années après, il a été promener dans un des biens de son père, avec plusieurs de ses camarades, qui ont été attaqués par plusieurs Tartares, pour emmener avec eux dans leur pays, et sûrement pour les vendre. Plusieurs de ses camarades ont été pris par de ces brigands, et lui s’est échappé de leurs mains. Roustam a été perdu, dans cette journée-là, six heures dans les bois, sans pouvoir trouver la route pour aller rejoindre sa mère[2], qu’il aimait bien tendrement.

Au même moment, il a rencontré un bûcheron dans les bois, qui a bien voulu le conduire auprès de sa mère, qui était dans une inquiétude mortelle, et il ne manqua pas, le bûcheron, de recevoir une bonne récompense de la part de sa mère.

Le nombre de famille du sieur Roustam Honan est de deux filles et de quatre garçons : Roustam était le cadet. Son père a fait un voyage avec ses deux fils, pour son commerce, à Gandja, province de Malek-Majeloun[3]. Quelques mois après, l’empereur des Persans a déclaré la guerre contre Ibrahim-Khan, qui a été gouverneur de la province d’Arménie[4].

Voilà la cause que Roustam a perdu toute sa famille.

Depuis ce temps-là, pour les affaires d’intérêt, mon père voulait s’éloigner de Gandja, et emmener avec lui mes deux frères Avack et Seïran et moi, mais j’étais trop attaché à ma mère pour m’éloigner d’elle.

Quelques jours après, il acheta une voiture pour son voyage. Le même jour, nous étions à dîner, il nous a questionnés si nous sommes contents de faire ce voyage. Mes frères disaient que oui, moi je lui dis que non. Il m’a beaucoup questionné pourquoi je ne veux pas le suivre. Je lui dis : « Quand j’étais petit, maman m’a bien soigné ; elle m’a rendu toujours bien heureux. Comme je commence, à présent, à être grand, je désire de me tourner auprès d’elle[5], pour la consoler et la rendre heureuse, si je peux. »

Il a été fort mécontent que je voulais le quitter. Enfin, il n’a pas pu rien gagner sur moi, pour m’emmener avec lui. Il fut obligé de partir avec mes deux frères, et il me laissa tout seul dans la ville de Gandja, sans parents et sans fortune.

La ville de Gandja est une très bonne ville, et bien riche. C’est là où l’on fait le plus grand commerce de soie et de cachemire de Perse.

Trois mois après, Ibrahim-Khan a déclaré la guerre contre Malek-Majeloun où je me trouvais, dans la forteresse de Gandja. Les peuples de la ville sont obligés de rentrer dans la forteresse. Je reste jusqu’au dernier moment sans pouvoir sortir dans la forteresse. On rentrait bien, mais on ne laissait sortir personne. Un jour où les mulets de Malek-Majeloun sortaient pour chercher les provisions, je me suis fourré dans les jambes des mulets et je me suis sorti de force, de cette manière-là, sans aucun danger.

Quand j’ai été hors la porte, je rencontrai deux personnes de mon pays, et même ville. Je leur demandai si je pourrais trouver une occasion pour m’en tourner près de ma mère. Il me dit : « Oui, je connais plusieurs personnes qui vont partir à deux heures du matin pour Aperkan », où j’avais laissé ma pauvre mère et mes deux sœurs, Marianne et Begzada.

Ces deux bons messieurs me montrèrent la maison où sont les voyageurs. Je m’y suis rendu sur-le-champ ; ils m’ont très bien accueilli. Enfin, tout était convenu de partir à deux heures du matin. En attendant la nuit, j’ai été dans un jardin, à côté de la ville, pour chercher quelques légumes pour ma nourriture, car je n’avais rien à manger depuis quelques jours. J’ai aperçu, au lointain, un troupeau de moutons. J’ai été à la rencontre, pour demander un peu de lait ou de fromage. Enfin, je me suis approché du berger. Il me dit : « Que veux-tu ? — Ce que je voudrais ? Un peu de lait ou de fromage, car voilà plusieurs jours que je n’ai rien mangé ! »

Il m’a beaucoup examiné, en me demandant le nom de mon pays et celui de mes parents. Je lui dis mon nom et celui de mon père. Après, il m’a pris dans ses bras, m’a embrassé de bon cœur en me disant : « Je suis votre oncle ! Voilà quinze années que j’ai quitté le pays[6]. »

Je me trouvais, dans ce moment-là, bien heureux d’avoir trouvé un protecteur. Enfin je lui demandai quelques provisions pour mon voyage que je devais faire à deux heures du matin. Il m’a donné deux gros pains et une quantité de rôti. J’ai mis tout ça dans un sac pour rejoindre la maison où étaient mes compagnons de voyage.

Mon oncle m’a demandé si je voulais rester avec lui jusqu’à ce que je sois plus grand, et que j’irais rejoindre ma mère. Je lui dis : « Non, je vous remercie. J’ai quitté mon père et mes frères pour rejoindre ma mère. Vous voyez, bien que je ne puis rester avec vous. Je suis sûr, ma mère est bien inquiète de moi, en particulier, car j’étais son enfant gâté, beaucoup plus que les autres. » Il a bien vu que je ne voulais pas rester avec lui. Il m’embrassa. Je lui fais mes adieux, et je me suis rendu sur-le-champ au rendez-vous des voyageurs, le cœur content, en espérant voir ma mère, quelques jours après.

Enfin, nous sommes partis à l’heure désignée. Au point du jour, nous étions sur la grande montagne de Gandja. Nous voyions, au pied de la montagne, toute l’armée d’lbrahim-Khan[7] qui marchait sur Gandja. Après les marches de dix jours à pied, nous sommes arrivés à Aperkan, notre ville, où j’avais laissé ma mère et mes deux sœurs, mais je ne trouvai personne à la maison.

J’éprouvais encore bien du chagrin, mais j’ai trouvé, dans la ville, un paysan qui restait encore, car tout était rasé et les maisons étaient entièrement dévastées. Le paysan me dit : « Votre mère et vos deux sœurs sont parties depuis deux mois pour le fort de Choucha. »

Le jour était presque passé. Je me suis décidé de coucher dans notre maison, qui était toute dévastée par l’armée[8]. Même je ne pus pas me procurer un peu de paille pour me coucher là-dedans. Le lendemain, je suis parti de bon matin. J’ai laissé mes compagnons de voyage dans la ville, dans leur pauvre maison, qui ne valait plus rien, comme toutes les autres.

Entre notre ville et Choucha, il y a une petite rivière que j’avais passée plusieurs fois à gué, sans aucun danger, mais, ce jour-là, il était tombé beaucoup d’eau. Je me suis présenté tout seul à la rivière. Elle m’a paru un peu grosse, mais j’avais un grand désir de voir ma mère et mes sœurs, qui me donnait le courage de passer hardiment ce petit fleuve.

Au moment, je suis entré dans l’eau. Le courant m’a enlevé et m’a frappé contre une grosse pierre que j’ai tenue ferme, pendant une heure, sans perdre ma connaissance. Je vois arriver un voyageur avec son cheval, qui a eu la bonté de me sauver la vie et de me passer sur l’autre rive. Je me trouvais encore une fois heureux.

J’arrive à six heures du soir à Choucha, au quartier des Arméniens, où j’ai trouvé plusieurs personnes de connaissance de ma mère, qui m’ont bien reçu en me disant : « Votre mère disait à tout le monde : mon fils ne m’abandonnera jamais ! Tôt ou tard, il viendra me trouver. Je connais son bon cœur et son attachement pour moi ! » Enfin, on me conduit chez maman. Au moment où elle m’aperçoit, elle se trouve mal pendant une heure, sans pouvoir me parler un mot.

Sa connaissance a commencé. Elle m’aperçoit, elle me serre contre son cœur, en versant des larmes avec mes sœurs, en m’accablant de caresses. Maman me dit : « Oui, j’étais bien sûre que tu ne me quitterais jamais, quoique tu étais jeune et bien éloigné d’ici, et dans le pouvoir de ton père, qui m’a abandonnée, peut-être pour toujours. »

Me voilà tout à fait installé, avec ma mère, dans le fort de Choucha. Je commençais à être fort et grand. Je voulais entrer en maison pour gagner quelque chose, pour soulager l’existence de ma mère et de mes sœurs, mais ma pauvre et tendre mère n’a jamais voulu, en me disant : « Je vendrais plutôt tous mes effets pour te donner l’existence. Je ne veux pas te voir dans la servitude[9]. »

Enfin, j’ai resté à la maison en recevant les caresses les plus tendres, le matin jusqu’au soir.

Un mois après, la paix était faite, tout était bien tranquille, j’ai voulu quitter le fort de Chucha pour aller à Aperkan, notre ville. Ma mère a consenti. De mon avis, j’ai fait venir une voiture, nous avons chargé tous nos effets, et nous sommes partis le matin et arrivés, le soir, à six. Notre maison était tout à fait abîmée, comme j’ai vu, en revenant de Gandja. Nous avons fait arranger la maison comme nous avons pu.

Quelques jours après, ma jeune sœur Begzada tombe malheureusement bien malade, car nous avons malheur de la perdre en huit jour de temps, qui nous a donné beaucoup de chagrin. Elle était une des plus jolies filles de la Géorgie.

Nous étions privés de nouvelles de mon père depuis une année. Cela faisait bien du chagrin à ma mère, privée de son mari et ses deux fils aussi longtemps.

Maman a reçu, quelque temps après, une lettre de mon père par un négociant de Kasaque[10]. Ma pauvre mère était la plus heureuse des femmes d’avoir reçu des nouvelles de son mari et ses enfants. Il disait dans sa lettre, qu’il était établi un gros magasin à Kasaque, et nous pourrons aller rejoindre. Ma mère a voulu absolument aller rejoindre son mari et ses enfants. Je lui dis : « Maman, si tu veux me croire, tu ferais pas ce long voyage. Si mon père avait de bonnes attentions de te rendre heureuse, il t’aurait pas quittée aussi longtemps sans te donner de ses nouvelles. Je crois même, si nous faisons ce voyage, ce serait notre dernier malheur, car les routes sont pas sûres pour les voyageurs, même les Tartares ont arrêté plusieurs fois les voyageurs. Cela me donne beaucoup d’inquiétude. » Maman n’a pas voulu m’écouter, en me disant : « je ne fais pas ce voyage pour ton père, si tu veux, mais c’est pour mes enfants qui sont avec lui depuis si longtemps. »

Enfin j’étais obligé de céder et aller avec elle et ma sœur. Notre route était par Gandja. Comme je connaissais la route, nous avons vendu une grande partie de nos effets et j’ai conduit ma mère et ma sœur jusqu’à Gandja.

Après deux jours de marche, ma mère était bien fatiguée du voyage ; j’ai amené maman et ma sœur sur la grande place du marché de la ville.

Comme je connaissais très bien la ville, j’ai reçu de l’argent de ma mère pour aller acheter quelque chose pour notre dîner, et elle attendait toujours mon retour, mais c’est à ce moment-là que j’ai eu le malheur de perdre ma mère et ma sœur pour toujours, car j’avais un mauvais pressentiment quand nous sommes partis de notre malheureuse ville que nous aimions bien et où nous étions tranquilles. En revenant du marché pour rejoindre ma mère qui m’attendait pendant une heure, j’ai rencontré un monsieur qui m’a accosté en me disant : « Vous voilà, Roustam ! Je vous cherche depuis une heure. Votre mère est chez moi qui vous attend. » Malheureusement ce n’était pas vrai. Enfin j’ai été avec cet homme sans le connaître. Quand nous sommes arrivés chez lui, je n’ai pas vu ma mère. Je commençai à pleurer comme un malheureux que j’étais. Il me dit, le maître de la maison : « Ne craignez rien, votre mère est sortie avec votre sœur. Je vas les chercher. »

Dans cet intervalle, j’étais assis au milieu de la cour, à l’ombre des arbres[11], en attendant ma mère, qui faisait toujours mon vrai bonheur. Il était entré, à la maison, un jeune homme[12] pour dire quelque chose à deux dames qui étaient assises à côté de moi. Il m’a beaucoup regardé, en me disant si je parle Arménien ? Je lui dis que oui, même j’étais Arménien. Il me dit en même langage : « Tâchez de vous sauver d’ici, parce que on vous a amené ici pour vous vendre et vous perdre pour toujours. Vous verrez peut-être plus votre mère et sœur. » J’ai cru d’avoir reçu un coup de marteau sur ma pauvre tête. Voilà donc l’homme parti. Je restai avec ces deux mauvaises femmes. Je ne savais pas comment me sauver de cette maison-là. Il arrivait, un instant après, une femme du voisinage. Celles-ci commençaient à disputer, dans leur langage que je comprenais très-bien et je parlais comme eux. Je saisis cet heureux moment-là. J’ai pris la clef de la garde-robe ; on a cru que j’avais vraiment besoin. À côté de la garde-robe, était une porte qui donnait sur une petite cour, mais la cour était coupée par un ruisseau de deux pieds de profondeur. Enfin, au moment que j’étais à côté de la porte de la petite cour, je suis rentré et j’ai fermé la porte sur moi et j’ai traversé le petit ruisseau, et je me trouvais hors de danger et échappé des mains de ces brigands-là.

Je me suis rendu, sur-le-champ, à l’endroit que j’avais laissé ma mère et ma sœur, mais, malheureusement, j’ai rien trouvé. J’ai demandé à tout le monde qui passait à côté de moi. Personne faisait attention de mon malheureux sort[13].

Cependant, en traversant sur un pont, j’ai rencontré un ancien ami de mon père que j’ai connu très-bien aussi. Je lui contai toutes nos peines en chemin faisant. Il me dit : « Ne craignez rien, je trouverai votre mère et je ferai punir l’homme qui vous a arrêté ! » Il m’amène chez lui et me fait bien dîner et m’amène avec lui au marché que j’avais perdu ma mère. Il me montra tout le monde qui passait et il me disait tout bas : « C’est-il lui ? » Je lui disais : « Non ! ce n’est pas lui, ce n’est pas lui ! Si vous voulez, je vous conduirai chez lui. Ce n’est pas loin d’ici. » Il me dit : « Non, ce n’est pas nécessaire, je saurai bien le trouver. » Il me mène ensuite dans une grande maison. Il me dit : « Reste ici, je vais chercher votre mère. » Je demandais pas mieux, mais le brigand venait pas. Je pleurai le matin jusqu’au soir. Le lendemain, la maîtresse de la maison me dit : « Ce monsieur qui vous a amené ne viendra plus, il ne faut pas compter sur lui. » Je lui dis : « Eh bien ! je vais aller chez lui. Je sais sa demeure. » Elle a fait fermer la grande porte pour m’empêcher de sortir.

Me voilà donc dans un étal inconsolable. Pour me consoler, elle me dit : « Je n’ai pas d’enfant, mon intention est de vous adopter pour mon fils. » Je pleurais toujours sans consentir à sa proposition. Le barbare qui ni avait amené dans cette maison m’avait vendu pour la deuxième fois. La première fois était manqué parce que je me suis sauvé, comme je viens de le marquer. Il me paraît que ma mère a su que j’étais dans cette grande maison, car elle est venue plusieurs fois avec ma sœur à la porte pour me demander[14] ; mais on a toujours refusé de la recevoir, en disant : « Il n’est pas d’enfants à la maison. » Elle retourne toujours en versant des larmes comme un torrent.

Comme je n’ai plus de moyens de sortir de cette maison-là, j’ai été obligé de consentir d’être le fils adoptif à la maîtresse de la maison, en croyant être plus libre pour sauver plus facilement et de me retourner tout à fait dans mon pays natal. Peut-être j’aurais pu trouver ma mère par les négociants qui voyagent un pays à l’autre. Je dis à la maîtresse : « Je veux bien être votre fils adoptif, en condition que vous trouverez ma mère. Nous irons, nous deux, chercher dans la ville. » Elle me dit : « Oui, ne craignez rien, je m’en charge. »

Enfin voilà la cérémonie qui commence : comme usage de pays, elle me passe dans une chemise, elle m’embrasse en me disant : « Vous voilà mon fils, je ferai voire bonheur ! »

Avec tout ça, je n’avais pas confiance en elle. Je disais moi-même : « Me voilà encore vendu pour la troisième fois ! » Je me suis pas trompé dans ma pensée.

J’ai resté à peu près deux mois chez elle[15].

Elle m’avait fait donner des jolis habits, bon lit et très-bien nourri, mais je me méfiais toujours de toutes ses bonnes attentions. Je demandai plusieurs fois pour sortir jusqu’au bout de la porte. Elle me disait : « Non, non. Demain nous sortirons ensemble. » C’était toujours la même chose. Enfin je n’ai jamais pu m’échapper. Dans tout cet intervalle-là, venaient des visites dans la journée pour man mère adoptive. Elle ne me faisait voir à personne, quand elle entendait frapper la porte. Elle me cachait dans les petites chambres, quelquefois elle se cachait avec moi. Je lui disais : « Mais pourquoi nous nous cachons, nous sommes pas malfaiteurs ? » Elle me disait : « Mais non, ce n’est pas pour ça, je ne veux pas recevoir beaucoup de monde, je veux rester avec mon fils. Elle m’a fait voir seulement un tailleur, qui m’a fait faire des habits. Quelques jours après, le mari de la bourgeoise me dit : « Nous ferons un voyage, dans quelques jours, sur le côté de la mer Kaspienne, et viendrez avec moi. » Je lui dis : « Oui », en pensant que je pourrais me sauver en chemin faisant. Malheureusement, je n’ai pas pu réussir mon désir.

Un jour, bien bonne heure, à minuit, le domestique monte dans ma chambre. Il me dit qu’il faut que je m’habille, parce que nous allons partir pour Kaspienne. Une demi-heure après, je descends dans la chambre de ma mère adoptive. Je lui fais mes adieux. Elle me disait : « Ne craignez rien, vous viendrez, dans quinze jours, avec mon mari. »

Je comptais bien me sauver, en sortant de la maison, de ne pas aller plus loin. On ouvrit une petite porte qui donne dans une cour. Première chose que j’aperçois c’était trente chevaux de selle tout sellés, bridés. On ouvrit une autre porte d’une espèce de manège qui avait dedans soixante petits enfants tous bien habillés. À ce coup d’œil, je me disais en moi-même : « Me voilà encore vendu pour la quatrième fois ! » Enfin on nous a fait monter deux sur chaque cheval. Nous voilà donc partis pour notre destination, escortés par quelques hommes armés.

Deux jours après, nous avons rencontré une grande quantité de Tartares qui nous ont arrêtés, pour nous prendre.

Tous les hommes armés se sont battus pendant une demi-heure, et on nous a capitulés en condition que tous les Arméniens seront au pouvoir des Tartares, et les Géorgiens resteront à mon vilain et brigand père adoptif, qui n’était pas trop content d’avoir perdu quinze de ses meilleurs petits enfants, et j’ai resté avec lui aussi, comme géorgien…

Trois jours après, nous sommes arrivés dans une grande ville tout-à-fait au pied du mont Caucase[16]. J’ai resté quelque temps ; tous les autres ont été vendus en peu de temps.

Depuis quelques jours, j’ai perdu de vue mon cochon qui m’avait amené dans cette ville. Il me paraît qu’il m’avait encore vendu pour la cinquième fois.

J’étais chez un brave homme qui me traitait bien. Même j’étais très-libre, je me promenais tous les jours tout seul. J’avais grande envie de me sauver, mais je ne pouvais pas, parce que j’avais le grand fleuve de Kour à passer. Je n’avais pas d’argent pour m’aider à me sauver et passer le fleuve. J’ai resté donc là trois mois dans l’hiver, toujours pleurant d’être séparé de ma tendre mère qui faisait mon bonheur.

Je savais bien que je ne resterais pas longtemps où j’étais. L’homme à qui j’appartenais était un grand marchand de soie, qui faisait quelquefois des voyages en Crimée. Il me fait donner, un jour, des bottes fourrées, une pelisse bien chaude, pour que je voyage avec lui.

Nous avons traversé la fameuse montagne de Caucase, avec grand’peine. Il faisait un froid extraordinaire. Le bourgeois avait porté deux couvertures avec lui, qui nous ont bien servi. Ce n’était pas pour nous couvrir, c’était pour couvrir la grande quantité de neige, pour marcher sur la couverture. Quand nous marchions sur une, on mettait l’autre devant nous, pour que nous nous perdions pas dans la neige et pour avoir plus de facilité de grimper sur les montagnes.

Après les mauvais passages, nous avons encore marché deux jours pour arriver dans la capitale du mont Caucase, qui s’appelle Lesghistan[17].

Le prince qui gouverne cette province s’appelle Iléraelius : le pays, quoique très-montagneux, est un bon pays. On fait des grands commerces de soie et de cachemire, comme à Gandja.

Les moutons du pays sont très-bons aussi et bien gros : un seul pèse quatre-vingts livres, même plus ; il a aussi de beaux chevaux. Les Tartares tirent tous leurs beaux chevaux dans ce pays-là, même les Turcs d’Anapa.

Le marchand avec lequel j’étais voulait aller en Tartarie le plus tôt possible, mais il m’est arrivé une maladie, il était obligé de retarder son voyage jusqu’à ce que je sois rétabli, mais ça durait près de deux mois. C’est une maladie qui m’a fait bien souffrir. Une seule fois que je suis allé me promener dans les montagnes, à mon retour à la maison, j’avais bien froid, je me suis approché auprès du feu que j’avais croisé mes jambes et, assis par terre comme tout le monde, il se trouvait un grand chaudron sur le feu, de l’eau étant bien chaude. Quelqu’un remue le feu : voilà donc le chaudron renversé sur mes deux jambes !

J’ai souffert comme un malheureux, mes jambes sont venues grosses comme un tonneau. Deux mois après, j’étais tout-à-fait guéri de cet accident[18].

Enfin nous sommes partis pour Alexandria, la ville de Tartarie, et, trois jours après, nous sommes arrivés dans cette ville. Quelques jours après notre arrivée, j’ai demandé au marchand que j’appartenais, la permission pour aller promener, et j’ai eu la permission.

Au moment que je quittais la porte, j’ai rencontré une petite demoiselle de mon âge, treize ans, native de mon pays et même ville. Elle était prise par les Tartares, deux mois avant moi.

Enfin je m’empressai de lui donner des nouvelles de ses parents. Elle me dit : « Votre sœur Marie est ici ; si vous voulez, je vous conduirai chez son maître. » Je demandais pas mieux d’y aller partager toutes mes peines avec elle. Enfin elle me conduit jusqu’à sa porte. Je rentre à la maison pour demander ma sœur. Elle m’aperçoit. Elle saute à mon cou. Elle avait du courage plus que moi, car je pleurais si fort que je ne pouvais pas lui parler ni demander des nouvelles de ma pauvre mère que j’avais laissée à Gandja.

Elle me consola du mieux qu’elle put, en me disant que maman était esclave chez un Arménien qui était établi dans la ville, comme un grand négociant, et il a acheté maman et lui a donné sa liberté en lui disant qu’elle pourra aller dans son pays si elle veut. Maman, étant seule, n’a pas pu entreprendre le voyage, et elle vivait dans cette maison comme un ami jusqu’à ce que les communications soient libres pour qu’elle retourne dans son pays.

J’étais bien heureux d’apprendre que ma mère n’était pas loin de moi, car, de Alexandria à Kizliar[19], n’avait que vingt lieues. J’ai demandé au marchand que j’appartenais la permission d’aller voir ma mère : il n’a jamais voulu.

Après ça, j’ai fait plusieurs démarches auprès des négociants de mon pays pour qu’ils m’achètent et me gardent jusqu’à ce que nous écrivions à mon père pour qu’il vienne nous chercher, mais, malheureusement, personne a voulu nous rendre ce service-là, en me disant : « On veut vous vendre trop cher, sans cela je vous achèterais[20]. »

J’étais désolé de ne pas pouvoir embrasser ma pauvre mère encore pour la dernière fois, car je suis parti pour Constantinople, quelques jours après, à Kizliar, avec un marchand de petits enfants, venant de Constantinople, qui m’a acheté, pour la sixième fois depuis que j’ai quitté mon pays. J’ai bien prié mon nouveau marchand pour qu’il achète ma sœur pour amener avec moi à Constantinople, pour que nous contions nos peines l’un à l’autre. Il n’a pas voulu non plus. Enfin j’étais tout-à-fait désolé. Je pleurais le matin jusqu’au soir. Ma pauvre sœur, elle m’a caressé bien tendrement en me disant : « Donne-moi un peu de tes cheveux. Je les ferai remettre à notre bonne mère » (pour lui bien assurer que j’étais vivant). J’ai été bien caressé pendant quinze jours. Elle prend les ciseaux et coupe une grande quantité de mes cheveux, en versant des torrents de larmes sur ma tête, en disant : « Mon cher Roustam, dans tout pays où tu iras, il faut pas négliger de m’écrire ; tu vois bien que nous n’avons plus d’autre consolation que de le chérir et penser nuit et jour à toi. Si papa vient dans ce pays ici, nous l’enverrons à Constantinople, pour te chercher. » Et elle a pris l’adresse du marchand que j’appartenais, demeurant à Constantinople, pour donner à mon père. Même, elle m’a promis de m’écrire, mais, depuis cette époque-là, je n’ai reçu aucune lettre de mes parents, ni leurs nouvelles.

Je ne savais pas l’époque de notre départ de Kizliar. Ma pauvre sœur ne savait pas non plus, mais nous sommes partis, quelques jours après, dans la mer, pour Anapa. C’est le premier port de mer et frontière de la Turquie.

Après trois jours de marche, en passant par la frontière de Turquie et Mingrélie, nous sommes arrivés sur une grande montagne, à une demi-lieue de la ville d’Anapa.

Quand j’ai aperçu, pour la première fois, la mer Noire, je pleurai beaucoup en disant : « Je vais traverser cette grande mer, je vais être privé, pour toujours, de ma malheureuse famille et de ma patrie ! »

Je voyais les vaisseaux marchands en rade, qui nous attendaient. Enfin nous sommes arrivés, le soir, dans la ville. Le lendemain, nous sommes embarqués pour Constantinople. Après deux jours de traversée, je suis arrivé au passage des Dardanelles. Après, on nous a fait attendre quelques jours[21] à l′entrée des Dardanelles. Après, on nous a fait aller à Constantinople.

J′étais logé à côté de Sainte-Sophie. C′est la plus grande et plus riche des cathédrales de l′univers.

Cette cathédrale a été bâtie par les Arméniens, mais les Turcs s’en sont emparés.

J’ai resté à Constantinople six mois. Il était arrivé, de l’Égypte, à Constantinople, un marchand appartenant à Sala-Bey, pour m’acheter. C’est la dernière fois et la septième fois que j’étais vendu, depuis mon malheur.

Quelques jours après, on m’a embarqué sur un vaisseau de marchand, au passage Dardanelles, et nous sommes partis pour Alexandrie, premier port de mer d’Égypte.

Après huit jours de traversée, nous sommes arrivés à Alexandrie. On nous a laissés dans la ville pendant deux jours, pour nous reposer. Après ça, on nous a embarqués sur des petits bateaux, que l’on appelle caïques, pour aller d’Alexandrie au grand Caire, où était Sala-Bey.

Nous avons passé par le passage bien dangereux où le Nil rentre dans la mer Noire (sic), où les deux fleuves se cognent l′un contre l′autre ; les grosses vagues sautent aussi haut que les maisons. Enfin, nous sommes passés sans danger.

Rien de joli comme le voyage d′Alexandrie au Grand Caire. On trouve, tout au long du Nil, les cannes à sucre plantées, les dattiers, les grenadiers.

Nous sommes arrivés, le même jour, à Rachide[22], à la moitié de chemin du Caire.

Le lendemain, on nous a envoyé des bons chevaux de selle arabes, pour nous amener au Grand Caire.

Nous étions douze jeunes gens, destinés pour Sala-Bey, et nous sommes montés tous à cheval et arrivés le soir à Boulak, à une demi-lieue du Caire, et nous avons dîné là, et on nous a fait chercher à onze heures du soir pour nous faire rentrer dans la ville[23]. Le lendemain, on nous présentait au Bey, qui nous a bien reçus. Il m’a beaucoup questionné en langue géorgique, que je parlais peu, parce que j’avais quitté mon pays trop jeune. Il me demanda dans quel pays je suis né, si je suis de Tiflis en Géorgie. Je lui dis que oui. Je lui dis le nom de mon père, qu’il connaissait très-bien, parce que lui-même est géorgien. Il a beaucoup voyagé en Arménie.

On préfère, pour être bons Mameloucks, les Géorgiens et les Mingréliens, je ne sais pas pourquoi, car les Arméniens sont encore plus braves que les autres nations. Dans cette époque-là, j’avais quinze ans.

Après ça, le Bey il me dit : « Allez vous reposer. On vous fera des habits, et je vous ferai donner un bon cheval, et j’aurai soin de vous comme de mes compatriotes, et je donnerai de vos nouvelles à vos parents. » Je ne sais pas si c’est, vrai, car je ne reçus aucune nouvelle depuis que je suis quitté ma sœur à Kizliar en Tartarie. Je quitte le Bey pour aller dans ma chambre que l’on m’avait désignée. En traversant dans un grand corridor que j’ai rencontré beaucoup de Mameloucks vieux et jeunes, j’ai reconnu un jeune homme de quinze ans, de mon âge. Il était né dans la ville où j’étais, il était mon camarade, mais il était perdu deux ans avant moi.

Je voyais, tous les jours, sa mère et son père pleurer après lui. Exprès, je me suis approché de lui, je demande s’il me connaît. Il me dit non. Je lui dis : « Mais tu t’appelles Mangasar, tu es né à Aperkan ! Comment ! tu me connais pas ? J’étais ton camarade, je m’appelle Roustam ! » Il me dit : « Ma foi oui ! » Il me sauta au cou. Nous renouvelons notre amitié, et je lui donne des nouvelles de son père et sa mère.

J’étais très-heureux d’avoir trouvé un camarade. Nous racontions nos peines l’un et l’autre, pour nous distraire un peu.

Six jours après mon arrivée, il vient dans ma chambre un barbier avec un Cachef (colonel) de Sala-Bey, pour me baptiser, comme à la mode du pays. C’était pour me faire la circoncision. Il m’en expliquait la cause en me disant : « C’est par ordre de Sala-Bey, » et, pour être bon Mamelouck, il faut que je sois circoncis.

Voilà le barbier qui commence la cérémonie malgré moi.

Dix jours après, j’étais tout à fait rétabli. Quelques jours après, j’ai reçu le cheval que l’on m’a promis à mon arrivée au Grand Caire.

Pendant deux mois, j’ai fait aucun service que d’apprendre à monter à cheval et à apprendre à lancer la lance. Après les deux mois, j’ai voyagé avec les corps des Mameloucks, dans la province d’Égypte.

Après ce dernier voyage, j’ai resté au Grand Caire pendant deux minces sans faire aucun voyage.

Toute l’Égypte était gouvernée par vingt-quatre Beys : le Mourad-Bey était le premier et Ibrahim le second. Les vingt-quatre Beys faisaient, chacun à leur tour, un voyage à la Mecque, pour l’usage de la religion.

Le tour de Sala-Bey est venu. J’ai fait le voyage de la Mecque avec lui. J’ai vu aussi le tombeau de Mahomet[24].

À notre retour de la Mecque, nous sommes arrivés jusqu’à trente lieues du Caire.

Sala-Bey apprit que les Français sont entrés au Grand Caire. Mourad-Bey a donné une grande bataille à Guiza[25], même l’avait malheureusement perdue.

Une grande partie des Mameloucks était noyée, dont mille en traversant à la nage avec leurs chevaux.

Après ça, Sala-Bey a décidé à retourner auprès de Djezzar-Pacha, à Saint-Jean d’Acre, parce qu’il n’avait pas assez de forces pour donner une bataille[26].

Djezzar-Pacha avait trouvé fort mauvais de n’avoir pas donné une affaire contre les Français, avant de quitter le pays.

Quand nous sommes arrivés dans la ville, le Sala-Bey a rendu une visite à Djezzar-Pacha, aussitôt son entrée en ville.

Le Sala-Bey étant dans le salon avec Djezzar-Pacha, on avait ordonné pour faire prendre du café. On a fait mettre, dans le café, du poison, et on présente à notre malheureux Bey. Il prend son café : une demi-heure après, il était mort. Nous étions tous désolés de cette perte. Le Djezzar-Pacha voulait tous nous garder avec lui, mais personne a voulu rester. Il y a eu beaucoup qui se sont sauvés pour aller dans leur pays, et d’autres pour la Mecque, et moi j’ai pris mon domestique avec moi. Je suis parti pour le Grand Caire, parce que j’avais beaucoup de connaissances dans la ville, alors je ne craignais rien. Après avoir quitté la ville de Saint-Jean-d’Acre, j’ai quitté mon habit de Mamelouck et j’ai pris un de mon domestique. Enfin, j’étais habillé comme lui. J’ai été obligé de vendre mon cheval et mes armes, et j’ai donné une somme d’argent à mon domestique pour qu’il dise rien à personne, quand nous serons arrivés au Grand Claire. Il m’a donné sa parole qu’il me servira toujours, et personne ne saura rien, et je suis bien tranquille. Enfin, nous avons pris chacun un âne et nous avons voyagé jusqu’au Grand Caire.

Comme ça, nous sommes rentrés dans la ville très-facilement, parce que nous étions costumés en paysans.

Je voyais tous les jours, dans la ville, beaucoup de troupes françaises et beaux et vieux grenadiers, à grandes moustaches, qui faisaient la garnison de la ville, et les dragons occupent Boulak, à une lieue de la ville.

J’ai resté à peu près un mois dans la ville, sans occuper aucune maison. J’avais peur qu’on me fasse connaître et qu’on me mette en prison comme prisonnier. Je mangeais et je me couchais dans la rue, avec mon domestique qui ne me quittait jamais.

À force de dépenser, j’avais guère de l’argent. J’ai appris que le sheik El Bekri[27] avait une grande place dans le civil, c’est-à-dire pour la religion.

J’ai beaucoup connu ce grand personnage-là, dans la maison de Sala-Bey. Je me suis présenté chez lui pour lui demander un emploi, mais son portier ou domestique me refusait toujours la porte, en me disant : « Le sheik El Bekri n’est pas visible, même on ne donne pas les audiences aux paysans. » Enfin, je me suis forcé de leur dire mon nom et à qui j’appartenais autrefois.

Après ces démarches, le sheik m’a fait dire qu’il me recevra demain. Je me suis rendu chez lui, le jour désigné. Il m’a très bien reçu, en me disant : « Je vous garderai bien à mon service et vous monterez à cheval avec moi, mais il faut la permission du général Bonaparte, général en chef. » Dans ce moment-là, j’avais bien peur qu’il me fasse prendre par les Français, parce que je connaissais pas encore leur manière de vivre et leur religion. Cependant mon domestique courait tous les jours dans le monde, et il me disait que les Français sont bonnes gens et sont de la religion chrétienne.

Je commençais un peu à être tranquille, parce que je suis aussi chrétien, comme eux.

Enfin le sheik El Bekri m’a fait monter dans son sérail, en me disant : « Restez-là, jusqu’à ce que je demande la permission au général en chef. »

Me voilà donc dans le sérail avec cinq femmes qui appartenaient au sheik. Elles m’ont apporté beaucoup de sorbets et félére[28] c’est-à-dire des pâtisseries et limonade, mais j’avais le cœur gros, je n’acceptai rien. Je me voyais au milieu de ces dames, avec une seule chemise bleue sur mon corps.

J’ai été obligé de pleurer auprès de ces dames. Toutes ces bonnes personnes pleuraient aussi de mon sort, en me consolant le mieux qu’elles pouvaient.

Le même jour, le sheik El Bekri monta à cheval et alla chez le général en chef et lui demanda la permission de me garder avec lui ; il lui a donné cette permission, en lui demandant si j’étais bien âgé et si j’étais un bon sujet. Le Sheik lui a répondu que oui : « Je réponds de lui, c’est un bon sujet, il est âgé de quinze ans et demi. Il appartenait, autrefois, à Sala-Bey, qui a été empoisonné par Djezzar-Pacha, à Saint-Jean-d’Acre. »

Après ça, le général en chef lui dit : « Si le Mourad-Bey veut être bien raisonnable, je lui donnerai la permission de venir, avec tous ses Mameloucks, au Grand Caire[29]. »

Après quelques heures, je vois arriver le sheik El Bekri. Il me dit : « Vous êtes à mon service. Le général en chef m’a donné la permission. » Et il fait venir, sur-le-champ, un tailleur, et il me fait des habits à la Mamelouck, comme j’étais autrefois.

Toutes ces bonnes dames, elles me font demander, aussitôt, dans le sérail, elles m’ont embrassé, et elles m’ont félicité que je restais dans la maison, et elles m’ont prié que je leur fasse demander ce que j’aurais besoin, et elles m’ont fait présent de plusieurs mouchoirs brodés en or et jolie bourse pour mettre de l’argent, idem brodée en or. Ce que je trouvais bien joli, c’est la fille du sheik El Bekri, jolie comme les amours, âgée de onze ans et demi.

J’ai resté dans cette maison-là à peu près trois mois. Dans cet intervalle-là, le sheik avait ramassé, dans la ville, environ vingt-cinq Mameloucks, qui étaient isolés ou cachés dans les maisons. Comme j’étais le plus âgé et plus ancien, il m’a nommé leur chef et leur faire apprendre à monter à cheval.

Il me paraît que les dames que j’ai vues dans le sérail, qui m’ont si bien reçu, ont bien engagé sheik El Bekri pour me faire marier avec sa fille que je connus dans le sérail et âgée de douze ans. Enfin, tout était convenu et d’accord pour mon mariage, même le général en chef Bonaparte était prévenu de mon mariage avec la fille du sheik.

J’avais gagné pas mal d’argent chez le sheik. Il vouait bien souvent à la maison les Sheik-El-Balad, c’est-à-dire les chefs des villages, qui apportaient à leur maître les contributions qu’ils devaient payer tous les ans, et sheik El Bekri leur faisait présent, à chacun, d’un manteau et d’un cachemire. Moi, étant chef des Mameloucks, c’était à moi à leur donner les manteaux et les cachemires. Il me venait, quelquefois, trois et quatre cents francs et j’économisais toujours pour envoyer à ma mère ; mais je n’ai jamais pu en trouver l’occasion.

Je montais, tous les jours, à cheval, avec le sheik, qui dînait bien souvent avec le général en chef, et c’est là où on tenait les conseils de la ville et de l’armée.

Le général en chef partit, avec une grande partie de son armée, pour prendre Saint-Jean-d’Acre. À son arrivée au pied de la ville, il fait monter à l’assaut plusieurs fois, même jusqu’au dernier mur, même il avait plusieurs grenadiers qui avaient pénétré dans la ville, mais, malheureusement, il ne put pas roussir, à cause des munitions. Il retourna au Grand Caire[30].

Après son arrivée, il s’habillait quelque-fois en habit turc, et il disait qu’il ne retournerait plus en France, qu’il se ferait circoncire à la manière turque, et il se ferait roi d’Égypte.

Tout le monde était bien content de ça : on avait beaucoup confiance en lui, mais c’était pour mieux tromper les Turcs. Dix à douze jours après, on vient nous apprendre qu’une armée de Turcs va débarquer à Aboukir. Le général en chef est parti, sur-le-champ, avec le général Murat, pour commander l’armée qui était occupée dans la province d’Alexandrie. Dans cet intervalle, le sheik El Bekri prit un nouveau Mamelouck, beaucoup plus âgé que moi. On lui avait donné le commandement de tous les Mameloucks qu’avait le sheik. C’est lui-même qui lui avait donné ça, sans me prévenir, même lui avait promis sa fille en mariage, ce qui était convenu pour moi, car tout était prêt pour ça.

Je défendais tous les jours, aux jeunes Mameloucks, de courir dans les rues, même dans la cour, par ordre du sheik. Un jour, je descendais jusqu’au pied de l’escalier, voilà le nouveau Mamelouck qui vient pour me faire monter dans ma chambre, malgré moi, en me disant qu’il était mon chef ; mais je ne voulais pas lui obéir. Je lui dis : « Oui, je moule, mais vous allez venir avec moi ! »

l’avais, à la maison, deux jeunes Mameloucks qui m’aimaient comme leur frère. Quand nous étions dans ma chambre, j’ai commencé de lui dire : « Quel ordre avez-vous reçu pour me commander ? » Il me dit : « Je n’ai pas de comptes à vous rendre ! » Et nous avons commencé la dispute. Je suis sauté sur lui, pour le taper, mais il était beaucoup plus grand que moi. Mais les deux Mameloucks que j’avais avec moi se sont levés tous deux, et nous sommes tombés tous les trois sur lui, et nous l’avons fait tomber à terre. Je lui en ai donné tant que sa figure était enflée. Il finit de descendre au pied de l’escalier et resta là.

Dans ce moment-là, le sheik était dans le sérail, mais j’avais grand peur que le sheik me fit donner des coups de bâton, d’avoir battu mon camarade.

Les deux jeunes Mameloucks me dirent : « Ne craignez rien, nous dirons au sheik que vous avez pas le tort, que c’est le nouveau Mamelouck qui a voulu commander et disputer avec Roustam, qui méritait pas (de châtiment). »

Sur les quatre heures après-midi, le sheik descend du sérail et rentre dans son salon, et me demande du café et sa pipe, que je lui ai présentée. Tous les Mameloucks sont venus dans le salon pour se tenir tout debout au-devant du sheik El Bekri, comme usage du pays. Voilà le sheik qui me demande où il est le nouveau Mamelouck. Je lui dis : « Il est en bas ». Je l’ai envoyé chercher par un Mamelouck. Il rentre dans le salon. Le sheik aperçoit sur sa figure qu’il a été battu, car ses yeux et sa figure étaient enflés des coups que je lui avais donnés. Comme j’étais le plus grand, le sheik me demande pourquoi il a du chagrin, qui l’a battu. Je lui réponds :

« C’est moi, parce qu’il n’était pas sage : il voulait aller dans les rues et voulait me commander. »

Voilà donc le sheik se mit en colère contre moi, en me disant que j’étais un mauvais sujet d’avoir battu mon camarade de cette manière-là, que si je le mettais trop en colère, il me ferait prendre par les Français, et que je mérite de recevoir des coups de bâton sur le talon de mes pieds. Par exemple, j’avais bien peur de toutes les menaces qu’il me faisait. Je lui demande la permission de lui expliquer la cause que j’ai battu le nouveau Mamelouck. Il me dit : « Oui, parle, et dis-moi la vérité, sans cela je vous punirai sévèrement, et pour te donner en exemple. » Je lui dis : « Oui, je ne vous cacherai rien, je vous dirai la vérité. C’est vous qui avez caché tout à mon égard : jusqu’à présent vous m’avez nommé, pour commander les vingt-cinq Mameloucks qui sont à votre service. Même je comptais, un jour, être heureux en épousant votre fille. Vous m’en avez donné la parole. Même, le général en chef était prévenu pour ça, et je me trouve, à présent, commandé par un nouveau et mauvais sujet Mamelouck, et vous avez promis votre fille à lui, sans me prévenir pour que je puisse obéir à ceux qui ont reçu l’ordre pour me commander, et je lui obéirai jamais sans ordres. Voilà tous les Mameloucks qui sont présents, il faut leur demander si j’ai tort, si j’ai manqué à mon service. »

Il me dit : « Eh bien ! C’est lui que j’ai nommé chef. C’est mon intention et tout le monde lui obéira. Si vous n’êtes pas content, je vous ferai prendre par les Français ! »

Moi j’avais toujours peur que ce cochon-là me donne des coups de bâton.

Je lui dis : « Je les sais, à présent, vos ordres. Je vous jure, je lui obéirai. »

Heureusement, tout ça s’est bien terminé, sans les coups de bâton. J’ai appris, par une négresse de sérail, que la première femme du sheik El Bekri était bien fâchée de tout ce changement-là et sa fille pleurait toujours, que son père avait changé le mariage qui devait se faire avec moi, mais son père voulait Abraham.

Quelques jours après, j’appris que le général en chef a donné une grande bataille à côté d’Aboukir, et les Turcs ont été prisonniers ou tués. Le général Murat avait monté à l’assaut dans le vaisseau du pacha qui commandait l’armée turque et s’était battu avec lui, et lui a donné un coup de sabre qui coupa deux doigts et le prit prisonnier.

Donc, le général en chef était de retour au Grand Caire, disant toujours qu’il va rester tout-à-fait, et qu’il se ferait nommer roi d’Égypte. Tout le monde avait beaucoup confiance en lui.

À son arrivée, il donnait des grands dîners bien souvent à tous les grands personnages de la ville. Le sheik El Bekri, pour faire plaisir au général, il buvait toujours du vin dans un gobelet d’argent, pour que l’on voie pas. Il était si bien accoutumé au vin, qu’il faisait venir, tous les jours, deux bouteilles, une de vin et l’autre d’eau-de-vie, et mêlait tout ensemble, et buvait tous les soirs, et se soûlait comme un vrai ivrogne. Je voyais, tous les jours de sa vie, la même chose.

Un jour, j’ai accompagné le sheik pour aller dîner chez le général Bonaparte[31] ; tout le monde était à table ; je traversai un petit salon où j’ai trouvé monsieur Eugène[32] et deux autres personnes à table ; ils m’ont présenté un bon verre de vin de Champagne, en me disant : « Bois, ça te fera pas du mal, c’est du bon de France ! » J’ai bu, et je le trouvais très-bon. Ils m’ont forcé absolument boire un second verre.

Après le dîner, je monte à cheval avec le sheik pour retourner à la maison : il n’y avait que la place à traverser. El Bekri avait vingt-cinq Mameloucks. J’avais une gaîté extraordinaire, par le vin de Champagne. Je faisais danser mon cheval à côté du sheik, comme un fou.

Voilà donc le sheik qui aperçoit ma gaîté. Quand nous sommes arrivés à la maison, il me fait demander en particulier pour me parler. Je me suis rendu dans le petit salon où il buvait tous les soirs et se soûlait ; il n’avait pas même la force de monter dans le sérail : il me dit : « Tu as bu du vin, aujourd’hui, chez le général ? » Je lui dis : « Non, j’ai bu du bon de France ; c’est monsieur Eugène qui m’a donné deux verres. » Il me dit que j’étais un ivrogne : il me menaça de me faire donner des coups de bâton à mes pieds. Mais je n’avais pas perdu la tête ; je lui dis : « Si vous avez le malheur de me punir de cette manière-là, je dirai à tout le monde que vous faites venir, tous les jours, du vin et de l’eau-de-vie et que vous vous soûlez tous les soirs, et si vous me faites pas taper sur mes pieds, je dirai rien, je vous jure ma parole d’honneur. »

Il me paraît qu’il avait peur des menaces que je lui avais faites, et finit par me dire qu’il me pardonnait pour cette fois ; que, s’il m’arrivait une autre fois, il me ferait punir.

Tout ça se passait pour le mieux, mais j’étais toujours mécontent de l’injustice que l’on m’avait faite.

Il paraît que le général en chef avait l’intention de partir pour la France. Il fait demander, par monsieur Elias[33], son interprète, deux Mameloucks, pour son service. M. Elias s’est présenté, un jour, chez le sheik El Bekri, pour prendre deux : le sheik lui a donné deux. M. Elias me dit si je veux, il me ferait entrer chez le général, en me disant : « Les Français sont des braves gens, et sont tous chrétiens. » Je lui dis : « Oui, je demande pas mieux, car vous savez bien que je suis pas heureux chez le sheik. » J’avais conté toutes les injustices que l’on m’avait faites.

Voilà M. Elias parti avec deux Mameloucks, et il me laisse à la maison, en me disant : « N’aie pas d’inquiétude ; je penserai à vous. » J’étais presque sûr d’y entrer, parce que je le connaissais depuis longtemps chez Sala-Bey.

Quand Elias fut arrivé, avec les deux Mameloucks, chez le général, un de ces jeunes Mameloucks, quand il aperçut le général, se mit à pleurer, parce qu’il avait peur de lui, quoique il n’était pas méchant.

Le général dit à Elias : « Je ne veux pas garder les personnes avec moi malgré leur gré ; voilà un enfant qui pleure, il faut le ramener chez le sheik, et vous demanderez un autre de bonne volonté. » Elias dit au général : « Si vous voulez me donner une lettre pour le sheik, peut-être nous pourrions avoir le gros Mamelouck qui monte à cheval tous les jours avec lui ; c’est un bon sujet, il est géorgien. » Le général lui donna une lettre pour le sheik, pour m’avoir à son service.

Le même jour, je vois arriver monsieur Elias avec une lettre pour le sheik. En passant à côté de moi, il me dit : « Ne craignez rien, je viens pour vous chercher. » Et il rentre dans le salon où était le sheik, lui remet la lettre du général, qui me faisait demander. Dans ce moment-là, j’étais dans ma chambre, exprès pour qu’on me fasse demander. Ça n’a pas manqué.

On vient me dire que le sheik me demande. Je me suis rendu auprès de lui : il fait la lecture de la lettre. Je lui dis exprès : « Je ne veux pas aller avec les Français, je désire rester toujours avec vous. » Il me dit : « Mon ami, ça ne se peut ; le général en chef vous demande ; s’il veut même demander mon fils, je ne pourrais pas lui refuser. »

De mon côté, j’étais bien content de quitter sa maison, car je me trouvais pas heureux de toutes les injustices que l’on m’avait faites pour un nouveau Mamelouck qui ne savait rien faire, même ni monter à cheval. J’ai dit au sheik exprès que je ne veux pas aller avec les Français : « Je suis bien plus heureux à votre service, j’irais bien pour vous faire plaisir, mais plus tard vous me ferez sortir de chez le général ? » Il me dit : « Oui, je vous abandonnerai pas, et vous viendrez me voir tous les jours. » Après ça, je lui embrasse sa main, comme usage du pays, et je lui fais mes adieux. Mon domestique, qui était toujours avec moi, je lui fais seller mon cheval, et j’ai fait mes adieux à tous mes camarades. Surtout les deux Mameloucks que je regardais comme mes frères se sont mis à pleurer comme des malheureux, de voir le dernier moment de me quitter pour toujours.

Entré au service du général en chef Bonaparte le… (sic), monsieur Elias m’amène chez le général, qui me reçut dans son salon. Première chose qu’il me fait, il me tire les oreilles, il me dit si je sais monter à cheval, je lui dis oui. Il me demande aussi si je sais donner des coups de sabre. Je lui dis : « Oui, même j’ai sabré plusieurs fois les Arabes. » Je lui ai montré la blessure que j’ai reçue sur ma main. Il me dit : « C’est très-bien ; comment tu t’appelles ? » Je lui dis : « Ijahia ». Me dit : « Mais c’est un nom turc, mais le nom que tu portais en Géorgie ? » Je lui dis : « Je m’appelle Roustam. — Je ne veux pas que tu portes le nom turc ; je veux que tu portes ton nom de Roustam. »

Après sa rentrée dans sa chambre, il m’apporte un sabre damassé, sur la poignée six gros diamants, et une paire de pistolets garnie en or. Il me dit : « Tiens, voilà pour toi ! Je te le donne, et j’aurai soin de toi. »

Il me fait entrer dans une chambre remplie de papiers, il me fait emporter tout dans son cabinet. Je servis son dîner, le même jour, à huit heures du soir. Après dîner, il demanda sa voiture pour aller promener alentour de la ville. Il fait demander monsieur Lavigne, son piqueur, pour me faire donner un bon cheval arabe et une belle selle turque, et nous avons été promener, que j’étais placé à côté de sa portière.

Le soir même, il me dit : « Voilà ma chambre à coucher ; je veux que tu couches à ma porte, et tu laisseras entrer personne, je compte sur toi ! » Je lui dis, par monsieur Élias, qui était à côté de moi : « Je me trouve heureux d’avoir sa confiance, et je mourrais plutôt que de quitter ma porte et laisser entrer du monde dans la chambre. Vous pourrez compter sur moi. »

Le lendemain, j’ai resté à sa toilette, avec son valet de chambre, nommé Hébert[34]. Mon intention était de faire entrer avec moi les deux Mameloucks que j’aimais tant, qui étaient restés chez le sheik El Bekri, mais malheureusement nous sommes partis trop précipitamment[35] pour la France.

  1. Le titre de ces Souvenirs porte, dans le texte original : La vie privée de sier (sic) R.-R., jusqu’à 1814. Le manuscrit est, pour la plus grande partie, autographe. Nous signalerons les pages écrites sous la dictée de Roustam.
  2. Son nom était Boudchi-Vari ; elle était de Tiflis. (Note du ms).

    Cette note est, ainsi que les suivantes du manuscrit, d’une autre main que celle de Roustam.

  3. Malek-Majeloun, gouverneur de Gandja, forteresse dépendant de la Perse. (Note du ms.)

    Cette ville de Gandja, ou Iélisavetpol, appartient aujourd’hui à la Russie. À 170 kilomètres au sud-est de Titlis.

  4. À Choucha, forteresse, capitale de la province de Karabagh (Note du ms.).

    Choucha, qui fait partie du gouvernement d’Iélisavetpol, est située sur un affluent du fleuve Kour.

  5. Alors elle était à Choucha, dans la forteresse, pour sa sûreté (Note du ms.).
  6. L’Arménie (Note du ms.).
  7. Ibrahim-Khan, gouverneur de Choucha (guerre entre l’Arménie et les Persans). Note du ms.
  8. Artakan, qui allait contre Ibrahim-Khan. (Note du ms.).
  9. À sept ans (Note du ms.).
  10. À trente lieues de Gandja, entre Tiflis et le Caucase (Note du ms.).

    Il s’agit probablement de Ksarka, au nord de Tiflis, sur le fleuve Kour.

  11. Il m’a fait donner un verre de bière (Note du ms.).
  12. Commissionnaire (Note du ms.).
  13. J’étais resté une heure absent (Note du ms.).
  14. Je tiens ces détails de ma sœur (Note du ms.).
  15. Mon père adoptif, trompeur, me faisait donner le signalement de ma mère (Note du ms.).
  16. Giarra {Note du ms.).
  17. Le Lesghistan, ou pays des lesghis, peuple nomade du Caucase oriental, très répandu dans le Daghestan.
  18. À Giarra (Note du ms.).
  19. Ville de la province de Térek (Russie méridionale), sur le Térek, et à 55 kilomètres de la mer Caspienne.
  20. 1.800 francs (Note du ms.).
  21. Quarantaine (Note du ms.)
  22. Rachide, nom égyptien de Rosette.
  23. Les Français n’étaient pas encore en Égypte (Note du ms.).
  24. Le voyage a duré deux mois. Cinq cents Mameloucks et leurs femmes avec eux sur des chameaux (Note du ms.).
  25. (Gizeh). Bataille des Pyramides (Note du ms.).
  26. Parce que le Grand Caire était occupé par les Français. Il avait avec lui huit cents Mameloucks (Note du ms.).
  27. Sheik El Bekri, chef du civil. Espion de Bonaparte, très dévoué. C’était pour cela qu’il avait des Mameloucks (Note du ms.).
  28. Gâteaux (Note du ms.).
  29. Il était avec ses Mameloucks, dans le désert (Note du ms.).
  30. Je vis pour la première fois Bonaparte quand il revint de Saint-Jean-d’Acres. El Bekri va au-devant de lui avec ses Mameloucks. Tous les grands personnages avec nous. Cheval noir magnifique, tout équipé à la Mamelouck. Effet de la première vue : couvert de poussière, haletant. Bottes à retroussis. Culottes banches casimir. Habit de général. Visage basané. Cheveux poudrés longs et la queue. Pas de favoris (Note du ms.).
  31. Je l’ai vu chez El Bekri. Je servais avec mes camarades : Potage. Riz cuit dans bouillon de poulet. Porcelaine de Chine. Pour Bonaparte, une timbale d’argent. On fit venir du vin de Chambertin. Les Turcs boivent à même la bouteille. Vu passer la bouteille, en disant : « Fellah, à vous ! » L’empereur et son état-major accroupi à la mamelouck, sur un double coussin (Note du ms.).
  32. Eugène de Beauharnais. Roustam écrit Ugène.
  33. Elias Massad, lieutenant de la seconde compagnie des Syriens, formée en l’an VIII par le général Bonaparte.
  34. Hébert, plus tard concierge à Rambouillet, avec pension de 1.200 livres sur la cassette particulière, outre ses gages.
  35. Je suis resté six jours avec lui (Note du ms.).