Recalme ton lustre, ô Paris !
Cesse tes pleurs et tes orages,
Ton roy, ton vrai soleil, te rend les adventages
Qui t’ont donné le prix1.
Perdant les rays de sa lumière,
Car des bords du Levant jusqu’à l’autre barrière
Il n’est rien tel que luy.
Un roy si comblé de merveille,
Ny pour régir ton cours une vertu pareille
Ne luyra désormais.
L’amour et la recognoissance,
La valeur et l’honneur avecques la prudence,
Ornent sa Majesté.
De qui tu fus la bien-aymée,
Un phœnix qui renaist de la cendre animée
D’un père tant chery.
Du frein de la guerre homicide,
Et te fit (se baignant dans les gloires d’Alcide)
Ton bon-heur recouvrer.
Que tes ennuys gaignent la fuitte,
Et que maints doux plaisirs d’une meilleure suitte
Relogent dans ton cœur.
R’aquèrent leur grace et leurs charmes,
Que tes yeux languissants tesmoignent, pour des larmes,
Des ris de toutes parts.
Où la tempeste fait ombrage,
Comme devant remette, en brisant son nuage,
Ses premières couleurs.
Que mesmes l’estranger admire,
Puis que ton grand soleil heureusement aspire
À te donner confort.
Il n’est chose qui n’embellisse
Ores que le printemps dans les campagnes glisse
Mille diversitez.
Transissoit de neige couverte,
Des-ombrage son teint, reprend sa robbe verte,
Et l’air redevient pur.
Dans le sein des molles prairies,
De parfums odorans, comme de pierreries
Largement parsemé.
Leurs chansonnettes apparient ;
Les ruisselets d’argent aux zephires marient
Les concerts de leurs eaux.
Les vives escences du monde,
Voltige en s’esbatant d’une aisle vagabonde,
Faisant tout r’ajeunir.
Que la nuict range sur nos testes,
Les Gemeaux, qui sur l’onde accroissent les tempestes,
Ont leur règne tous deux.
T’honore d’une ame benigne,
Que luy veux-tu donner, ô Paris ! qui soit digne
De luy comme de toy ?
Mois gaillard, où d’accoustumance
On fait present d’un may2, quand il reprend naissance
Par un mouvement doux.
Quel arbre ou quelle fleur d’eslite,
Si les plus excellents ont voué leur merite
À sa digne vertu ?
Et pour une tierce couronne
Maint tortis de laurier pleinement environne
Ses temples3 et son front.
Le beau lys en son armoirie,
Et sa lèvre, imitant une jeune prairie,
De la rose se peint.
Qu’ailleurs s’anime leur victoire ;
Ils manquent pour un roy si renommé de gloire,
En de si nouveaux ans.
D’une vraye recognoissance,
Est l’arbre de l’amour et de l’obeissance,
À qui rien ne deffaut.
Que le devoir a mis en estre,
Et la fidelité que l’on void apparoistre
En l’esclat de ton nom.
En qui tant de bien se descouvre,
Porte luy maintenant jusqu’au chasteau du Louvre
Sur l’aisle de mes vers.
1. À la fin d’avril 1620, Louis XIII s’étoit mis en route pour aller jusqu’à Tours se réconcilier avec sa mère. À peine étoit-il à Orléans, que Luynes, qui le conduisoit, changea de pensée et le ramena brusquement à Paris ; de là ce compliment poétique. Le départ avoit du reste soulevé bien des plaintes. V. notre édition des Caquets de l’Accouchée, p. 57, note 2.
2. C’étoit en effet l’usage, mais il commençoit à se perdre alors. Au XVe siècle, personne n’y manquoit, pas un amant surtout. On lit dans le Sermon joyeux auquel est contenu tous les maux que l’homme a en mariage, nouvellement composé à Paris :
Quand vient le premier jour de may
À son huys fault planter le may,
Et le premier jour de l’année
Faut-il qu’elle soit estrennée.
Cette coutume galante avoit fait créer le joli verbe émayoler, qui se trouve dans ces vers de Froissard :
Pour ce vous veux, Madame, émayoler,
En lieu de may, d’un loyal cœur que j’ay.
3. Pour tempes. V. plus haut, p. 15.