« Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/720 » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
ThomasBot (discussion | contributions)
m Phe: split
 
Zoé (discussion | contributions)
 
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page non corrigée
+
Page corrigée

Dernière version du 30 janvier 2018 à 14:59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Monsieur le maréchal, combien gagnerai-je à votre mort ? » M. le maréchal lui répondit : « Sire, je ne sais pas ce que votre majesté y gagnera, mais le feu roi aurait cru y perdre. » C’est tout ; mais il est évident que le duc de Luynes est aussi content de Villars que mécontent de Louis XV. Plus tard, il se contiendra moins. En 1742, un jour que le roi avait passé devant de braves officiers revenus de l’armée, « les uns avec des béquilles, les autres avec un bras de moins, » et qu’il n’avait pas trouvé un mot à leur dire : « Le roi ne paraît pas, écrit-il, aussi sensible qu’on le désirerait aux aventures malheureuses arrivées en le servant. » Louis XIV, à qui il avait eu « l’honneur de faire sa cour pendant cinq ans » dans sa jeunesse, était le point de comparaison qui lui venait naturellement à l’esprit pour apprécier Louis XV. « Le feu roi, en pareil cas, se conduisait différemment, » telle est une des formes les plus acerbes de sa critique. Et cependant l’appareil théâtral de l’ancienne cour ne lui faisait pas illusion. Il aimait le vrai, et le recherchait auprès de ceux qui avaient assez approché Louis XIV pour l’avoir vu sans auréole. C’est lui qui nous a conservé dans ses mémoires les plus curieux exemples de ces étranges infractions aux bienséances que l’on découvre parfois lorsqu’on pénètre derrière la scène où les grands acteurs de Versailles fascinaient le public par la divine majesté de leur attitude. « Mme la duchesse mère (la duchesse douairière de Bourbon, fille naturelle de Louis XIV) me contait à Marly, il y a quelques jours, que, dans les soupers du feu roi avec les princesses et les dames à Marly, il arrivait quelquefois que le roi, qui était fort adroit, se divertissait à jeter des boules de pain aux dames et permettait qu’elles lui en jetassent toutes. M. de Lassay, qui était fort jeune et n’avait encore jamais vu ces soupers, m’a dit qu’il fut d’un étonnement extrême de voir jeter des boules de pain au roi ; non-seulement des boules, mais on se jetait des pommes, des oranges. On prétend que Mlle de Viantais, fille d’honneur de Mme la princesse de Conti, fille du roi, à qui le roi avait fait un peu de mal en lui jetant une boule, lui jeta une salade tout assaisonnée. »

Cela est déjà de la grosse joie bien bourgeoise ; mais voici, qui est pis, le ton de galanterie du demi-monde. « En écrivant les circonstances de ce qui se passe chaque jour dans ce pays-ci, je n’ai pas cru devoir négliger de rapporter quelques faits de la cour de Louis XIV lorsque je les ai appris. On m’en contait un il y a quelques jours sur Mme la duchesse de Bourgogne… Étant dans la galerie de Versailles, et passant pour aller à la chapelle, elle aperçut dans le nombre des courtisans M. de La Fare, père de M. le marquis de La Fare d’aujourd’hui, qui la regardait avec grande attention et parlait tout bas à un de ses amis. Elle appela aussitôt celui