Vingt ans de cinéma au Canada français/02

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Ministère des affaires culturelles du Québec (p. 16-18).

1955-1965 : Le cinéma


Un coup d’œil suffit pour réaliser l’étonnante vitalité de l’activité cinématographique des dix dernières années au Québec. Plusieurs éléments ont permis cet éveil :

— l’installation de l’Office national du film à Montréal, au printemps de 1956. Ce déménagement faisait de Montréal le centre de la production cinématographique canadienne et obligeait en même temps l’O. N. F. à intensifier sa production en langue française. L’équipe française allait rapidement devenir une force importante de l’O. N. F.


Administration et studios de l’Office national du film à Montréal


Août 1960 : Premier Festival international du film de Montréal.
— le travail des ciné-clubs. Fort répandus dans les maisons d’enseignements, les ciné-clubs ont connu aussi une période de grande activité dans le secteur privé durant les années 1956 à 1962. Des entreprises comme Ciné-Samedi, Le Petit Cinéma, Cinéma 16, Ciné-muet, à Montréal, Ciné-Laval, à Québec, et le Ciné-club Georges-Méliès, à Trois-Rivières, ont permis à de nombreux cinéphiles québécois des découvertes majeures.

— l’intérêt pour la critique. Durant cette décade, trois revues de cinéma parurent à Montréal : Images (1955-56), où se retrouvaient plusieurs collaborateurs de Découpages, Objectif (1960 ; 34 numéros parus à ce jour), plus jeune et plus spécialisée, et L’Écran (1961), publication du centre d’art de l’Élysée. Ces revues, malgré leur démarche parfois confuse mais vu l’intérêt qu’elles portèrent au cinéma d’ici et vu leur rôle de contestation (surtout dans le cas d’Objectif) eurent une fonction de stimulant non négligeable dans la vie cinématographique canadienne.

— la création du Festival international du film de Montréal, à l’été de 1960. Véritable fenêtre sur le monde, le Festival de Montréal eut d’abord une fonction d’information et de déblocage, avant de devenir une sorte de fête annuelle du cinéma qui se fait. Depuis l’intégration dans les cadres du F. I. F. M. du Festival du cinéma canadien, compétition nationale, la fonction de cette institution est devenue encore plus stratégique. — la création de salles d’art et d’essai. En forçant les distributeurs à importer sur les réseaux canadiens des œuvres plus difficiles et en permettant à un public de plus en plus averti de prendre rapidement connaissance du cinéma contemporain, les salles spécialisées (Élysée, Festival, Verdi, Empire, à Montréal ; Baronnet, à Trois-Rivières ; Studio 9, à Québec) ont modifié en profondeur l’image culturelle du cinéma au Québec.

— La fondation de la Cinémathèque canadienne. Récemment créée, la Cinémathèque canadienne joue déjà un rôle de premier plan dans la vie culturelle de notre milieu. Rarement a-t-on vu une institution se rendre aussi rapidement nécessaire. Grâce au sérieux et à la persévérance de ses animateurs, la Cinémathèque canadienne est déjà appelée à jouer un rôle déterminant dans la formation de nos prochaines générations de cinéastes et de critiques.

Cette énumération, bien que sommaire, fixe l’image d’un milieu vivant. C’est dans ce décor qu’allait donc choisir de s’exprimer ceux qui auront été nos premiers « auteurs de films ». Depuis la surprise des Raquetteurs (1958) et de La Femme Image (1960), jusqu’à la nouvelle surprise du Révolutionnaire (1965), le cinéma du Canada français a tenté de se donner des raisons de vivre. Ces raisons, ce sont certains titres, certains hommes qui, pour plusieurs d’entre nous, et depuis quelques années déjà, représentent le cinéma du Canada français.

Dans les pages qui suivent nous avons essayé de souligner l’apport de chacun de ceux qui ont tenté de nous donner un cinéma. Certains y ont réussi plus que d’autres : nous nous arrêterons plus longuement sur leurs films ; tous ont travaillé à une œuvre commune, et en tous nous avons essayé de reconnaître notre cinéma.