Waverley/Chapitre XI

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Waverley ou Il y a soixante ans
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 5p. 118-127).


CHAPITRE XI.

LE BANQUET.


Le repas fut abondant et bien servi d’après les idées écossaises de cette époque, et les convives y firent honneur. Le baron mangea comme un soldat affamé ; le laird de Balmawhapple, comme un chasseur ; Bullsegg de Killancureit, comme un fermier ; Waverley comme un voyageur, et le bailli Mac Wheeble comme tous les quatre ensemble, quoique par respect, ou pour montrer qu’il était devant son maître, il fût assis sur le bord de sa chaise, à trois pieds de distance de la table, de sorte que, pour arriver à son assiette, il formait une courbe avec son épine dorsale, et que la personne qui était vis-à-vis de lui ne pouvait voir que le haut de sa perruque.

Cette posture, qui eût beaucoup sans doute gêné tout autre, n’était nullement pénible au digne bailli, lequel depuis longtemps en avait pris l’habitude, soit qu’il fût assis, soit qu’il marchât. Nul doute que, lorsqu’il marchait, cette position de son corps ne fût indécente aux yeux des personnes qui allaient derrière lui ; mais toutes ces personnes étant ses inférieurs (car M. Mac Wheeble avait soin de céder toujours le pas à ceux qui étaient au-dessus de lui), il ne s’inquiétait pas du mépris ou de la considération qu’il pouvait s’attirer de leur part. Quand il traversait la cour en se tortillant, pour aller trouver son vieux poney[1] gris, ou après en être descendu, il avait un peu l’air d’un chien de tournebroche sautant sur les deux jambes de derrière.

L’ecclésiastique non conformiste était un vieillard grave et d’une physionomie qui inspirait de l’intérêt, et paraissait être du nombre de ceux qui souffraient par conscience. Il était de ces prêtres qui abandonnèrent leur bénéfice sans en avoir été privés : aussi, quand le baron n’était pas à portée de l’entendre, le bailli se permettait quelquefois de plaisanter M. Rubrick sur l’exagération de ses scrupules. Nous sommes forcé d’avouer que quoique le bailli fût au fond du cœur partisan de la famille déchue, il avait toujours su s’accommoder aux circonstances : aussi Davie Gellatley disait-il un jour de lui, que c’était un excellent homme, ayant une conscience tout à fait tranquille, qui ne lui avait jamais fait aucun mal.

Quand le dîner fut fini, le baron proposa la santé du roi, laissant poliment à la conscience politique de ses hôtes de boire au roi de facto ou de jure. La conversation devint générale ; et bientôt après, miss Bradwardine qui avait fait les honneurs du repas avec beaucoup de grâce et de simplicité, quitta la salle à manger, ainsi que l’ecclésiastique ; le reste de la société fêtait le vin, qui méritait les éloges du propriétaire, et que l’on versait largement à la ronde ; et Waverley obtint, non sans quelque difficulté, de laisser de temps en temps reposer son verre. Enfin, lorsqu’il commença à se faire tard, le baron fit un signe particulier à M. Saunders-Saunderson (ou, comme il s’appelait plaisamment lui-même, (Alexander ab Alexandro), qui lui répondit par un mouvement de tête, sortit, revint bientôt avec une contenance grave et un sourire mystérieux et solennel, et plaça devant son maître une petite cassette de bois de chêne, garnie d’ornements de cuivre d’une forme curieuse. Le baron, prenant une petite clef, ouvrit la cassette et en tira un gobelet d’or antique et singulier qui représentait un ours rampant, que le maître de la maison considéra avec un mélange de respect, d’orgueil et de plaisir ; ce qui rappela malgré lui à Waverley le Tom Otter de Ben Jonson, avec son taureau, son cheval et son chien, noms que ce plaisant donnait spirituellement à ses principales coupes. Mais M. Bradwardine, se tournant vers lui avec un air de complaisance, le pria d’examiner ce curieux morceau du vieux temps.

« Il représente, dit-il, le cimier de notre maison, un ours, comme vous voyez, et rampant ; parce qu’un connaisseur en blason place toujours l’animal dans la position la plus noble : le cheval s’élançant, le limier courant, et une bête féroce in actu ferociori, déchirant et dévorant sa proie. Vous saurez, monsieur, que ce chef-d’œuvre nous est venu d’une manière glorieuse, du wappen brief ou concession d’armes accordée par Frédéric Barberousse, empereur d’Allemagne, à un de mes pères, Godmond Bradwardine ; c’était le cimier d’un géant danois, qu’en Terre-Sainte il tua en champ clos, par suite de quelques propos qui attaquaient la chasteté de la femme ou de la fille de l’empereur ; la tradition ne dit pas précisément laquelle ; et, comme l’a dit Virgile ;


Mutemus clypeos, Danaumque insignia nobis
Aptemus[2].


« Quant à la coupe, capitaine Waverley, elle fut faite d’après l’ordre de saint Duthac, abbé d’Aberbrothock, pour reconnaître le service que lui avait rendu un autre baron de la maison de Bradwardine en défendant vaillamment les droits du monastère contre quelques nobles qui voulaient les usurper. On l’appelle avec raison l’ours béni de Bradwardine (quoique le vieux docteur Doubleit l’ait plaisamment nommée la grande-ourse), et elle passait, dans les bons temps de notre sainte religion, pour avoir certaines vertus mystérieuses et surnaturelles. Je ne donne pas dans de semblables anilia[3], mais il est certain que cette coupe fut toujours regardée comme le morceau le plus précieux de l’héritage paternel de notre famille. On ne s’est jamais servi de cette coupe que dans les jours de grande fête, et c’en est une grande pour moi que de recevoir dans ma maison l’héritier de sir Éverard. Je porte donc ce toast à la prospérité de l’ancienne, puissante et très-honorée famille de Waverley. »

Pendant cette longue harangue, le baron avait eu soin de décacheter et de verser dans son verre, qui tenait presque une pinte d’Angleterre[4] une bouteille de vin de Bordeaux. Après l’avoir remise au sommelier, en lui recommandant de ne pas la remuer, il avala respectueusement tout le contenu de l’ours béni de Bradwardine.

Édouard fut épouvanté de voir l’ours faire le tour de la table, et ne put s’empêcher de penser avec inquiétude à la devise : Gare l’ours ! Mais voyant qu’aucun des convives ne se faisait scrupule de lui rendre l’honneur extraordinaire que lui avait rendu le baron, et qu’un refus de sa part pouvait être très-mal reçu, il se résigna à subir ce dernier acte de tyrannie, et à quitter ensuite la table, s’il était possible ; et, se fiant à la force de sa constitution, il vida comme tout le monde l’ours béni, et supporta mieux cette libation qu’il ne s’y était attendu. Les autres convives, qui avaient employé leur temps beaucoup plus activement, commencèrent à donner des signes du changement qui s’opérait en eux ;

« Le bon vin fit son bon office[5]. »

Le froid de l’étiquette et l’orgueil de la naissance s’évanouirent devant l’influence de l’heureuse constellation, et les titres cérémonieux que les trois dignitaires s’étaient adressés jusque-là se changèrent dans les abréviations familières de Tully, Bailli et Killie. Quand l’ours eut fait plusieurs fois le tour de la table, ces deux derniers, après s’être parlé bas, proposèrent (à la grande satisfaction d’Édouard) le coup de grâce. La chose eut lieu après quelques retards, et Waverley en conclut que les orgies de Bacchus étaient finies pour ce soir. Jamais il ne s’était plus complètement trompé.

Comme les convives avaient laissé leurs chevaux à la petite auberge ou Change-house, comme on dit dans le pays, le baron ne pouvait, sans manquer à la politesse, ne pas les reconduire jusqu’au bout de l’avenue ; et, soit par le même motif ou pour respirer l’air frais d’une soirée d’été, dont il croyait avoir besoin après un repas aussi échauffant, Waverley les accompagna. Mais quand ils arrivèrent chez la mère Macleary, les lairds de Balmawhapple et de Killancureit déclarèrent qu’ils désiraient témoigner au seigneur de Tully-Veolan leur gratitude pour la manière dont il les avait reçus, et qu’ils espéraient que le noble baron et son hôte, le capitaine Waverley, voudraient bien boire avec eux ce qu’ils appelèrent, en termes du pays, deoch an doruis, le coup de l’étrier, en l’honneur de la poutre du toit du baron[6]. Il faut remarquer que le bailli, sachant par expérience que la fête du jour, dont jusque-là son maître avait supporté les frais, pourrait se terminer en partie à son compte, était monté sur son poney gris à éparvins ; et, animé à la fois par la gaieté qui lui venait du vin et la crainte de se trouver forcé de payer son écot, il avait dépassé le village sur sa monture qui allait au demi-galop, le trot lui étant interdit par son infirmité. Les autres entrèrent dans la Change-house, suivis d’Édouard qui se soumettait, son hôte lui ayant dit tout bas que s’il n’acceptait pas, il se mettait en contravention à la règle des joyeux festins, leges conviviales[7]. La veuve Macleary semblait s’attendre à cette visite, suite ordinaire non-seulement des festins de Tully-Veolan, mais même de ceux de presque tous les manoirs d’Écosse, il y a soixante ans. Les convives témoignaient par là leur gratitude à leur hôte pour sa bonne réception, faisaient aller sa Change-house, honoraient le lieu où l’on abritait leurs chevaux, et se dédommageaient de la contrainte imposée par une hospitalité seigneuriale, en passant ce que Falstaff appelle les douceurs de la nuit, dans la joyeuse licence d’une taverne. La mère Macleary qui, comme nous l’avons dit, attendait ces hôtes de distinction, avait balayé sa maison pour la première fois de la quinzaine ; elle entretenait le feu de tourbe que demandait l’humidité de sa cahute, même au fort de l’été ; elle avait nettoyé sa table de bois de sapin, et l’avait mise d’à-plomb au moyen d’un morceau de tourbe placé sous un des pieds ; elle avait accommodé le mieux possible cinq ou six tabourets de forme grossière aux inégalités de son plancher de terre ; elle avait de plus mis son bonnet blanc, son mantelet et son plaid écarlate, et attendait gravement l’arrivée de la société, avec espoir d’honneur et de profit. Quand les hôtes de la mère Macleary furent assis sous les soliveaux enfumés de son unique appartement, tapissé d’épaisses toiles d’araignées, d’après les ordres du laird de Balmawhapple, elle parut avec un énorme pot d’étain, contenant au moins trois quarts de mesure anglaise, appelé familièrement une poule huppée, et qui, dans le langage de l’hôtesse, en avait par-dessus les bords d’un excellent vin de Bordeaux que l’on venait de tirer à la barique. Il était aisé de prévoir que le peu de raison qu’avait épargné l’ours serait bientôt enlevé par la poule. La confusion qui s’établit aussitôt permit à Édouard de suivre la résolution qu’il avait prise de ne pas boire à la coupe joyeuse qui circulait autour de la table. Les autres commençaient à parler tous ensemble, et avec une langue épaisse ; chacun d’eux ne songeait qu’à ce qu’il disait, et ne prenait pas garde à la conversation de son voisin.

Le baron de Bradwardine chantait des chansons à boire françaises, et citait du latin ; Killancureit parlait, avec un imperturbable sang-froid, d’engrais de terres, de moutons d’un ou deux ans, de jeunes bœufs et d’actes du parlement pour autoriser des chemins, tandis que Balmawhapple, d’une voix plus haute, vantait son cheval, ses faucons et son lévrier Whistler. Au milieu de ce bruit, le baron demanda plusieurs fois le silence ; et quand enfin la politesse se fit assez entendre pour qu’il l’obtînt, il se hâta de réclamer l’attention pour une ariette militaire, chanson favorite du maréchal duc de Berwick ; et imitant, autant qu’il le pouvait, les manières et l’accent d’un mousquetaire français, il commença aussitôt :


« Mon cœur volage, dit-elle,
N’est pas pour vous, garçon ;
Mais pour un homme de guerre
Qui a barbe au menton,
Lon, lon, laridon ;


« Qui porte chapeau à plume,
Soulier à rouge talon ;
Qui joue de la flûte,
Aussi du violon,
Lon, lon, laridon[8]. »


Balmawhapple, qui ne pouvait y tenir plus long-temps, proposa d’une voix forte une chanson diablement bonne, selon son expression, composée par Gibby Gaethroughw’it, le joueur de cornemuse de Cupar, et, sans perdre un instant, il leur jeta le couplet suivant :


« De Glenbarchan j’ai suivi la colline ;
De Kilibraid j’ai franchi le désert ;
Plus d’une fois j’ai couru, j’ai souffert,
Pour chatouiller d’une balle assassine
La queue et la plume d’hermine
Du faisan à ma vue offert. »


Le baron, dont la voix se noyait dans les bruyants accents de Balmawhapple, renonça à la lutte ; mais il fredonnait toujours lon, lon, laridon, et regardait avec dédain l’heureux rival qui lui enlevait l’attention de la compagnie, tandis que celui-ci continuait :


« Lorsque l’oiseau s’élève d’un buisson,
Je l’ajuste et le frappe à l’aine ;
Et quand je rentre à la maison,
Ma gibecière est toujours pleine. »


Après avoir vainement tenté de se rappeler le second couplet, il recommença le premier ; et, dans la chaleur de son triomphe, il déclara qu’il y avait plus de sens dans ce qu’il venait de chanter que dans toutes les chansons de France et même du comté de Fife. Le baron, pour toute réponse, prit longuement une prise de tabac, et le regarda avec l’expression d’un mépris souverain ; mais la noble alliance de l’ours et de la poule avait affranchi le jeune laird du respect qu’il avait ordinairement pour Bradwardine. Il déclara que le vin de Bordeaux était froid et sans saveur, et demanda en vociférant le brandy[9]. On l’apporta aussitôt, et le démon de la politique devint sans doute jaloux de cette harmonie flamande, où il ne se mêlait pas une seule note de colère ; car, animé par la liqueur, le laird de Balmawhapple, s’inquiétant peu des regards et des gestes par lesquels le baron de Bradwardine, par égard pour Édouard, cherchait à l’empêcher d’entrer dans une discussion politique, avec des poumons de Stentor, porta le toast : « Au petit gentilhomme habillé de velours noir, qui a rendu un si grand service en 1702, et puisse le cheval blanc lui casser le cou sur une butte de sa façon ! »

Édouard n’avait pas en ce moment assez sa tête à lui pour se rappeler que le roi Guillaume était mort d’une chute qu’il avait faite, dit-on, lorsque son cheval broncha sur une taupinière ; il se sentait toutefois disposé à se formaliser d’un toast qui, d’après le regard que lui lança Balmawhapple, lui semblait une attaque injurieuse au gouvernement qu’il servait. Mais le baron de Bradwardine le prévint en s’emparant de la querelle. — « Monsieur, dit-il au laird, quels que soient mes principes à cet égard, tanquam privatus, je ne puis souffrir que vous blessiez en rien les sentiments de l’honorable gentilhomme que j’ai reçu chez moi. Si vous n’avez, monsieur, aucune considération pour les lois de l’honnêteté, respectez du moins le serment militaire, le sacramentum militare, qui attache tout officier au drapeau sous lequel il s’est enrôlé ; lisez Tite-Live, voyez ce qu’il dit des soldats romains qui furent assez malheureux pour oublier leur serment de légionnaire : exuere sacramentum. Mais vous ne connaissez pas plus l’histoire ancienne que la politesse moderne. »

« Je ne suis pas aussi ignorant que vous le dites, répondit Balmawhapple. Je sais fort bien que vous voulez parler de la sainte ligue et du Covenant ; mais si tous les whigs de l’enfer avaient pris le… »

Le baron et Édouard l’interrompirent ; le premier s’écriait : — « Taisez-vous, monsieur ! non-seulement vous prouvez votre ignorance, mais encore vous injuriez votre pays natal devant un étranger et un Anglais ! » Et Waverley, pendant ce temps, suppliait M. Bradwardine de lui permettre de demander raison d’un outrage qui lui était personnel ; mais le baron, échauffé par le vin, la colère et le dédain, ne voulut rien écouter. — « Non, capitaine Waverley, lui dit-il ; vous êtes partout ailleurs sui juris, c’est-à-dire émancipé, ayant droit de vous défendre vous-même ; mais dans mon domaine, dans cette pauvre baronnie de Bradwardine et sous ce toit qui est quasi mien, étant loué à un tenancier qui ne l’habite qu’autant qu’il me plaira, je suis pour vous in loco parentis, et tenu de vous conserver sain et sauf. Quant à vous, Falconer de Balmawhapple, je pense que vous ne vous écarterez plus de la voie de la politesse. — « Et je vous dis, moi, monsieur Cosme Comyne Bradwardine de Bradwardine et de Tuily-Veolan, répondit effrontément le chasseur, que je traiterai comme un coq de bruyère quiconque refusera de porter mon toast, que ce soit un Anglais, un whig tondu avec sa cocarde noire, ou un homme qui abandonne ses amis pour ramper devant les rats de Hanovre. »

Au même instant les rapières furent tirées de part et d’autre et plusieurs bottes rapidement échangées. Balmawhapple était jeune, vigoureux et leste ; mais le baron, qui maniait son épée avec beaucoup plus d’adresse, eût sans doute, comme sir Coby Belek, largement saigné son antagoniste, s’il n’eût pas été sous l’influence de la grande-ourse.

Édouard se précipita pour se jeter entre les combattants ; mais il fut arrêté au passage par le corps du laird de Killancureit étendu sur le plancher. On ne sait pas bien par quel hasard il se trouvait dans cette posture en un moment aussi critique : quelques personnes pensèrent qu’il avait voulu se cacher sous la table ; lui, prétendit qu’il avait glissé en voulant s’emparer d’un tabouret dans l’intention d’en abattre Balmavvhapple, pour éviter un malheur. Quoi qu’il en soit, le sang eût certainement coulé, si personne n’eût été plus prompt que lui ou Waverley à apporter secours : mais le cliquetis des armes, bruit qu’elle connaissait fort bien, frappa l’oreille de la mère Macleary tandis qu’elle était tranquillement au delà du halian ou mur de terre de l’habitation, comptant de tête le montant de la dépense des convives, quoiqu’elle regardât le livre de Boston, intitulé The Crook of the lot.

Elle accourut aussitôt, en s’écriant vivement : — « Quoi ! vos honneurs veulent-ils s’égorger ici, pour mettre en discrédit l’honnête maison d’une pauvre veuve, quand vous avez toute la plaine devant vous pour vous y battre ? » et en parlant ainsi elle jeta avec beaucoup de dextérité son plaid sur les épées des combattants. Les domestiques, qui heureusement n’avaient point trop bu, accoururent aussi, et séparèrent les adversaires enragés, avec l’aide d’Édouard et de Killancureit. Ce dernier emmena Balmawhapple, injuriant, maudissant, menaçant tous les whigs, presbytériens et fanatiques d’Écosse et d’Angleterre, depuis John-o’-Groat’s jusqu’à Laud’s-End, et le plaça non sans peine sur son cheval.

Notre héros et Saunder Saunderson ramenèrent dans sa demeure le baron de Bradwardine, qui ne laissa point Waverley le quitter qu’il ne lui eût fait une longue et savante apologie des événements de la soirée, où Édouard comprit seulement qu’il était question des Centaures et des Lapithes.


  1. Espèce particulière de petit cheval anglais. a. m.
  2. Changeons nos boucliers, et adaptons à nos personnes les insignes des Grecs. a. m.
  3. Vieilleries. a. m.
  4. Une pinte d’Angleterre tient une demi-bouteille de France. a. m.
  5. Madoc, poëme de Southey. a. m.
  6. Je puis rappeler, dit Walter Scott, dont nous traduisons la note, que l’usage du coup de létrier avait encore lieu dans la jeunesse de l’auteur. Les convives, après avoir pris congé de leur hôte, finissaient souvent la soirée au clachan du village au fond d’une taverne. L’hôte les accompagnait toujours pour prendre le coup de l’étrier, qui se prolongeait souvent fort avant dans la nuit.
    Quand le maître d’une auberge offrait à ses hôtes deoch an doruis, c’est-à-dire la boisson de la porte ou le coup de l’étrier, le bu n’était pas porté en compte ; c’est d’après cette coutume qu’un savant bailli de la ville de Forfar prononça un jugement très-profond.
    A…, femme qui tenait auberge à Forfar, avait brassé un picotin de drèche et avait mis le liquide à refroidir en dehors ; la vache de B…. voisin de A…, vint à passer, et trouvant la boisson de bonne apparence, la goûta et l’avala en entier. Quand A… vint pour prendre sa liqueur, elle trouva le vase vide, et à la marche et au regard de la vache, elle devina aisément ce qui s’était passé. Elle commença par tomber à coups de bâton sur la vache, dont les beuglements attirèrent son maître ; il fit des reproches à sa violente voisine, et celle-ci lui répondit en lui demandant la valeur de l’ale que sa bête avait bue. B… refusa de payer, et il fut appelé à comparaître devant le bailli ; ce magistrat écoula patiemment la plainte, et demanda à la plaignante si la vache avait bu couchée un debout. La plaignante répondit qu’elle n’avait pas vu commettre le délit, mais qu’elle pensait que la vache avait avalé l’ale debout sur ses pieds, ajoutant que si elle avait été auprès, elle lui eût fait faire un autre usage de ses jambes. Le bailli alors prononça solennellement que ce que la vache avait bu devait être considéré comme deoch an doruis, le coup de l’étrier, pour lequel on ne pouvait rien réclamer sans violer l’ancienne hospitalité écossaise. a. m.
  7. Lois du repas. a. m.
  8. Ces vers sont ainsi rapportés dans l’original a. m.
  9. Eau-de-vie. a. m.