Analyse du Kandjour/Le Dulva/05

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Csoma de Körös
Traduction par Léon Feer.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Tome 2p. 184-188).
VOLUME V — (Cha)

Le commencement du cinquième volume, du folio 1 à 30, contient le traité sur l’émancipation (sk. Pratimoxa-Sûtra, tib. So-sor-thar-pahi-Mdo).

contenu du traité sur l’émancipation[1]

Adoration à celui qui sait tout, ou salutation au Buddha. — Éloge et importance de ce Sûtra. — Bénédictions diverses qui naissent de la pratique de la morale. — Célébration de la confession (Gso-sbyong) à chaque nouvelle et chaque pleine lune. — Répétition des règles ou préceptes établis faites par le chef des prêtres (ou quelque autre officiant). — Exhortation aux prêtres à s’examiner eux-mêmes et à confesser à haute voix leurs péchés, s’il en ont commis. — Abrégé ou résumé de la doctrine bouddhique, contenu dans le Çloka suivant :

Ne vous abandonnez pas au vice ; pratiquez parfaitement la vertu ;
Subjuguez complètement toutes vos pensées ; telle est la doctrine du Buddha.

སྡིག་པ་ཅི་ཡང་མི་བྱསྟེ ། Sdig-pa ci yang mi bya ste
དགེ་བ་ཕུན་སུམ་ཙོགས་པར་བྱ ། Dge-va phun-sum-ts’ogs-par bya
རང་གི་སེམས་ནི་ཡོངས་སུ་གདུལ ། Rang-gi sems ni yongs-sa gdul
འ​དི་ནི་སངས་རྒྱས་བསྟན་པ་ཡིན ། Hdi-ni sangs-rgyas bstan-pa yin[2]


Au folio 30, la foi bouddhique est recommandée dans deux Çlokas (vol. V, folio 30) dont le sens est :

Levez-vous, commencez une vie nouvelle ;

Tournez-vous vers la religion du Buddha.

Triomphez de l’armée du seigneur de la mort (les passions) qui est comme l’éléphant dans cette demeure de boue (le corps) ; — ou bien : rendez-vous maître de vos passions comme un éléphant subjugue tout ce qui se trouve sous ses pieds, dans un lac fangeux ;

Quiconque a mené une vie pure ou chaste, conformément aux préceptes de ce Dulva, sera affranchi de la transmigration, et mettra un terme à toutes ses misères[3].

༄༄།།བརྩམ་པརབྱཞང་འཔྱུང་བརྱ་བྱ །། སངས་སྱས་བསྟན་ལ་འཇུག་བར་བྱ །
འདན་བུའི་གྱིམ་ན་གྰང་ཆེན་བུཞེན །། འཆི་བདག་སྡེ་ནིགཞོམ་པར་བྱ །
གར་ཞིག་རབ་ཏུ་པག་ཡོད་པར །། ཆོས་འདུལ་འད་ལ་སྤྱོད་གྱུར་པ །
སྐྱེ་བའི་འཁོར་བ་རབ་སྤངས་ནས ། སྔུག་བསྔའ་ཐ་མར་བྱེད་པར་འགྱུར །།[4]

Après quoi vient l’assertion que le Pratimoxa-sûtra a été recommandé par chacun des sept derniers Buddhas, qui sont appelés ici les sept « champions » bouddhiques (tib. Dpah-vo ; sk. Vira, « champion ou héros »). Les noms de ces sept buddhas sont ainsi reproduits en tibétain au trente-troisième folio :

1. Rnam par Gzigs. 4. Hkhor-va Hjig. 6. Hod-srung.
2. Gtsug-tor-can 5. Gser-thub. 7. Câkya-thub-pa.
3. Thams-cad-skyob.

Ils répondent au sanscrit :

1. Vipaçyi. 4. Kakutsanda. 6. Kâçyapa.
2. Sikhi 5. Kanakamuni. 7. Çâkyamuni.
3. Viçvâbhu.

Tout le reste de ces 5 volumes (Ca), et les suivants depuis le folio 30 jusqu’à la fin du 8e (Ña), renferment « l’explication de la discipline religieuse » (sk. Vinaya-vibhanga, ou mieux Vibhâga ; tib. Hdul-va-rnam-par-hbyed-pa).

Dans ces quatre volumes, il y a un certain nombre de récits d’actions immorales commises par quelques-uns des religieux, disciples de Çâkya. En général la connaissance du crime se répand parmi le peuple, qui blâme la conduite des prêtres. Çâkya est ensuite informé du fait. Le coupable est cité devant l’assemblée ; il confesse sa faute. Çâkya le réprimande, puis explique l’immoralité de l’acte, fait une loi à ce sujet et déclare que quiconque la violera sera traité comme un transgresseur.

Les histoires sont de peu d’importance en général, et quelques-unes trop indécentes pour être rapportées ici.

Les deux cent cinquante-trois règles que les prêtres (Dge-slong) doivent observer strictement sont de cinq espèces. — En d’autres termes, il y a cinq classes de péchés ou de manquements contre lesquels il a été pris des dispositions au moyen desdites règles.

1. Il y en a dont la violation entraîne l’expulsion de l’ordre. Telles sont les lois ou règles contre l’adultère ou, en général, contre la fornication ; — le vol ou le détournement ; — le meurtre ou la destruction de la vie animale ; — l’action de livrer (ou de vendre) une doctrine humaine comme si elle était une révélation divine.

2. Ceux qui violent la seconde classe de préceptes sont déchus de la prêtrise ou dégradés. Ces crimes sont par exemple, l’émission spermatique ; les gestes indécents ; les discours immodestes ; l’action de causer des divisions parmi les prêtres ; le blâme de l’état séculier, etc.

3. La troisième classe comprend trente fautes, par exemple, — l’action de prendre ou porter plus de vêtements qu’il n’est permis ; — celle de négliger le port des vêtements religieux, ou de les déposer à telle ou telle place, etc. ; — celle d’employer pour étoffes des matières prohibées etc.

4. Dans la 4e classe on compte quatre-vingt-dix fautes.

5. Les fautes ou péchés de la 5e classe sont de nature à être confessés. Outre ces règles, il y a un grand nombre d’instructions, concernant la décence de la tenue et du costume, — l’attitude ou la posture du corps, — la manière de manger et de boire ; — celle de se tenir en donnant aux autres l’instruction religieuse.

Feuilles 30 à 32. — Éloge de la discipline religieuse en général (versifié).

Feuilles 33 à 74. — Plusieurs histoires de fornication ou d’adultère. Adultère commis par le prêtre Bzang-byin. — Çâkya est informé du fait ; le coupable est appelé, réprimandé, expulsé. — Il est établi comme loi que désormais tout coupable d’adultère sera expulsé. — On trouvera (feuille 33 à 40) tous les détails de cette histoire avec les termes dans lesquels Çâkya a réprimandé le coupable.

Feuilles 74 et suivantes. — Détournements et vols. — Anecdotes. — Espèces et variétés de vols. — Divers exemples de tromperie, de tours et de fraudes pour éviter de payer les droits à la douane.

Feuille 105. — Ici encore se trouvent plusieurs exemples des moyens employés par les marchands pour frauder à la douane, en mettant dans les sacs des moines quelques-uns de leurs objets précieux.

Feuilles 155-166. — Conséquences de la cupidité et du vol. — Histoire fabuleuse de l’origine du mal dans le monde.

Feuilles 162-239. — Plusieurs histoires de suicide et d’empoisonnement parmi les prêtres, ou de moyens employés par plusieurs pour se tuer ou s’ôter la vie, par suite du chagrin ou du désespoir ressenti en entendant parler des divers genres de misères ou de calamités de l’existence. Çâkya défend qu’on discoure sur les misères de la vie au point d’amener par là les autres au désespoir[5].

Feuilles 270-274. — Prétendue connaissance surnaturelle attribuée à la communication ou à l’inspiration de quelque divinité. Termes employés pour blâmer ceux qui ont de semblables prétentions.

Feuille 306. — Plusieurs femmes appartenant à des familles respectables de Çravâsti, visitent les vihars (colléges et salles) dans un jardin voisin de cette ville, sous la conduite du prêtre Char-ka[6], qui leur donne des explications sur les vihars et les salles, avec des détails biographiques. Il a une tenue inconvenante. Histoire de plusieurs actes immoraux qui font perdre à un prêtre son caractère ou son rang, et le font déchoir de la dignité de prêtre. — Sur l’action de causer des dissensions parmi les prêtres.

Il y a ainsi dans ce volume, 439 feuilles dont les 30 premières sont occupées par le Traité sur l’Émancipation, en deux livres et 700 çlokas. Le reste du volume contient les premiers livres de l’explication de la discipline religieuse[7].

  1. Ce règlement commun à tous les bouddhistes existe en pali et en chinois. Le texte pali énumère seulement 227 règles. — La Société Asiatique de Londres a publié, en 1862, dans son Journal (vol.  XIX) les traductions anglaises du Pratimoxa chinois (par Beal) et du Pratimoxi pâli (par Gogerly). Le Pratimoci tibétain n’a pas été traduit et n’est connu que par l’analyse de Csoma. Le texte sanscrit est inconnu et probablement perdu. (L. F.)
  2. Cette stance dont le texte sanscrit est bien connu se trouve quelquefois à la fin des textes bouddhiques sanskrits du Népal, à la suite de la formule Ye dharmâ, etc. (Voir ci-dessus p. 25 note.) — Elle est fréquemment répétée. (L. F.)
  3. Ces deux Çlokas sont aussi répétés très souvent ; Burnouf les a étudiés et traduits de nouveau d’après le texte sanscrit maintenant fort connu ; il a en même temps redressé la traduction de Csoma (Voir les appendices au Lotus de la bonne Loi.) (L. F.)
  4. Voici la transcription de ces deux Çlokas :

    brtsam-par bya-j̈ing hbyung-var bya | Sangs-rgyas bstan-la hjug-par bya |
    Hdam-buhi gyim-na glang-chen bjin | Hchi blag sde ni gj̈om-par bya |
    Gang-j̈ig rab-tu bag-yod-par | Chos hdul hdi la spyod gyur-pa |
    Skye-vahi hkhor-va rab spings-nas | Sdug-bsngal tha-nar byed-pa hgyur |

  5. Voir une histoire semblable dans le dictionnaire d’Ainsworth au mot Hegesius dans l’Index nom. prop. « Hégésias, philosophe de Cyrène, qui décrivait les misères de la vie avec tant d’éloquence que plusieurs se tuèrent eux-mêmes pour en être affranchis ; à cause de quoi Ptolémée lui ordonna de ne plus discourir sur ce sujet ». (Note de Csoma)
  6. Voir ci dessus volume III feuille 239 (page 46). (L. F.) 
  7. Le reste du volume et même les volumes suivants peuvent être considérés comme un développement, un commentaire du « Traité sur l’émancipation », c’est-à-dire du Pratimoxa. C’est une question non résolue de savoir si le Pratimoxa est un texte dont les écrits qui viennent ensuite sont le commentaire, ou s’il est un résumé, une nomenclature des transgressions diverses exposées dans les divers cas ou Espèces qui font l’objet des récits placés à sa suite. (L. F.)