Chimie appliquée à l’agriculture/Chapitre 09
Les élémens qui entrent dans la composition des plantes sont peu nombreux ; mais les proportions dans lesquelles ils y sont combinés établissent une si grande différence dans les produits de la végétation, qu’on a de la peine à croire qu’ils soient formés d’un aussi petit nombre de principes, uniquement variés par les proportions.
Les alimens de la plante sont l’eau, l’air et les engrais. Ces substances, absorbées par les feuilles, les fruits ou les racines, fournissent, par l’analyse, de l’acide carbonique, de l’oxigène, de l’hydrogène, du carbone, un peu d’azote et quelques principes terreux et salins : c’est avec ces matériaux que les organes de la plante composent cette variété presque infinie de produits si différens entre eux.
Dans le cours de la végétation, on voit ces produits changer successivement de nature : ce qui est d’abord acide devient doux, ce qui est tendre devient dur ; tout cela tient à des changemens continuels dans les proportions des principes constituans, et l’on est étonné de voir que l’analyse la plus rigoureuse ne présente, dans les substances dont les propriétés sont les plus opposées, que quelques centièmes en plus ou en moins dans la proportion de leurs élémens.
Lorsque la plante a accompli ou terminé ses périodes de végétation, les produits morts qu’on expose à l’action des mêmes agens, qui sont l’air, l’eau, la chaleur, prennent une marche rétrograde ; ils changent de nature et se décomposent peu-à-peu en combinant leurs principes constituans avec ceux des substances qui agissent sur eux : alors tout est soumis aux lois invariables de la chimie et de la physique ; tandis que, dans la plante vivante, la vitalité plus ou moins puissante dont elle est douée, modifie sans cesse l’action des agens externes, et produit des résultats que nous ne pouvons ni imiter ni expliquer.
Quoiqu’il convienne d’être très-réservé lorsqu’il s’agit d’établir de l’analogie entre les fonctions de deux êtres aussi différens que l’animal et le végétal, on ne peut pas ne pas apercevoir des rapprochemens sensibles dans tout ce qui a rapport à leur nutrition.
L’animal absorbe l’air par les poumons ou par des trachées répandues sur son corps ; il se nourrit aussi d’alimens solides, qui sont déposés dans l’estomac ou dans d’autres organes analogues. La plante absorbe l’air par les feuilles et les fruits, elle puise les sucs nutritifs dans la terre, à l’aide de ses racines. Dans l’animal, les sucs circulent dans toutes les parties et passent dans les divers organes, où ils sont élaborés, pour former tous les produits qui sont propres à ce règne. Dans le végétal, les sucs sont chariés dans l’écorce, l’aubier, la moëlle, le bois, les feuilles et les fruits, par des tubes et des trachées ; ils sont déposés dans des cellules hexagones, qui sont très-nombreuses dans le parenchyme de l’écorce et de l’aubier, et se répandent dans tout le corps de la plante par le moyen de vaisseaux, tubes ou trachées ; ils reçoivent des modifications particulières dans chaque organe, et y forment des composés qui varient dans chacun d’eux.
Les feuilles reçoivent la sève dans des réseaux qui sont enveloppés et recouverts par une pellicule mince ; la sève est élaborée dans ces organes, elle s’y combine avec les substances qu’elles prennent dans l’air, et les feuilles versent dans l’atmosphère l’eau excédant les besoins, ainsi que l’oxigène de l’acide carbonique dont elles ont extrait le carbone.
La sève ainsi travaillée dans les feuilles passe dans les organes du végétal, où elle reçoit de nouvelles élaborations.
Les feuilles sont, par rapport aux plantes, ce que sont les poumons par rapport à l’animal. Dans l’un et dans l’autre de ces êtres, ces organes reçoivent la sève ou le sang ; ils les mêlent avec les gaz qu’ils absorbent dans l’atmosphère, les portent ensuite dans le grand système vasculaire, et versent dans l’air, par la transpiration, l’eau et les gaz devenus inutiles ou superflus.
On trouve également dans les êtres qui composent les deux règnes une grande variété de structure : les uns ont une constitution molle, lâche, parenchymateuse ; les autres présentent des tissus plus serrés et plus durs : c’est le carbone qui prédomine dans les végétaux, et le phosphate de chaux dans les animaux. Ces deux principes, quoique très-différens, forment la base de leur charpente.
Les mêmes élémens entrent dans la composition de tous les produits, soit animaux, soit végétaux, et leur différence ne provient que des proportions entre les principes constituans.
L’analyse des principaux produits de la végétation a été faite avec un grand soin par MM. Gay-Lussac et Thénard : les résultats de ces recherches nous permettent déjà d’en déduire des conséquences sur le caractère que prennent les produits, selon que tel ou tel principe prédomine dans la composition, ou selon la nature des élémens qui se combinent.
1°. Lorsqu’une substance végétale ne contient point d’azote, et que la quantité d’oxigène est à celle d’hydrogène dans un rapport plus grand que dans l’eau, elle est acide.
2°. Lorsque l’hydrogène est par rapport à l’oxigène dans une proportion plus forte que dans l’eau, la substance est huileuse, résineuse, alcoolique ou éthérée.
3°. Lorsque la quantité d’oxigène et d’hydrogène se trouve dans le même rapport que dans l’eau, la substance est analogue au sucre, à la gomme, à la fibre, etc.
Je ne parlerai que des produits qui sont les plus communs ou les plus employés dans les arts et dans les usages domestiques. Je tâcherai, autant qu’il est possible, de suivre l’ordre que prescrit l’analogie des principes constituans.
Le mucilage paraît être, dans la plupart des végétaux, un premier degré du travail de la vitalité sur la sève : nous voyons un grand nombre de végétaux ne présenter qu’une masse de mucilage ; et les gommes qui en diffèrent si peu découlent naturellement de plusieurs arbres par l’extravasation de la sève dans les temps de la plus forte végétation.
Ce premier produit de la végétation paraît être néanmoins permanent dans tous les âges de quelques plantes : les feuilles des malvacées, la graine de lin, les lichens, les bulbes des hyacinthes en fournissent en tout temps : le mucilage paraît y être un produit constant et inhérent à leur composition.
La gomme est sous forme liquide dans le corps du végétal ; elle se solidifie par le contact de l’air, perd en partie sa transparence, change plus ou moins de couleur et devient un peu cassante. Le mucilage conserve plus long-temps sa consistance, quoiqu’il ait moins d’affinité avec l’eau.
La gomme et le mucilage sont solubles dans l’eau, d’où l’alcool et l’acide sulfurique les précipitent ; ils ne s’enflamment qu’avec une extrême difficulté ; et, dans leur état d’ignition, ils produisent peu de flamme, beaucoup de fumée, et laissent pour résidu un charbon boursoufflé.
Les gommes qui sont le plus en usage dans les arts sont la gomme arabique, la gomme adragant, la gomme du Sénégal, et la gomme rougeâtre du pays, qui découle en larmes des branches et du tronc du prunier, du cerisier, de l’abricotier, etc.
On peut employer les gommes et les mucilages comme alimens ; on prescrit en médecine le mucilage comme une nourriture douce, calmante et de facile digestion. L’emploi des gommes dans les arts est très-étendu : on s’en sert pour donner de l’apprêt, du corps et du lustre aux tissus et aux feutres ; on enduit le papier destiné à l’écriture d’une légère couche de gomme pour qu’il ne boive pas l’encre. Les gommes servent d’excipient aux couleurs qu’on applique par impression sur tous les tissus, et à plusieurs de celles qu’on emploie au pinceau ; dans les fabriques de toiles peintes, les Anglais ont remplacé la gomme arabique par le mucilage des lichens.
La pesanteur spécifique des gommes est de mille trois cent à mille quatre cent quatre-vingt-dix.
L’analyse de la gomme arabique a fourni à MM. Gay-Lussac et Thénard :
Carbone 42,23 |
Oxigène 50,84 |
Hydrogène 6,93 |
L’oxigène et l’hydrogène s’y trouvent dans les proportions nécessaires pour former l’eau.
On donne le nom d’amidon à une substance blanche, très-divisée, pulvérulente, insoluble dans l’eau froide, et formant de la colle avec l’eau bouillante ; on connaît cette même matière sous le nom de fécule, lorsqu’on la retire d’autres plantes que des céréales, telles que les pommes de terre, le glaïeul, la bryone, le marron d’Inde, l’orchis mâle, le colchique, la bardane, l’iris, la jusquiame, la patience, la renoncule, etc.
Dans plusieurs parties de l’Amérique, la fécule du manioc fournit la principale nourriture des habitans : la préparation du sagou qui provient de la moëlle des vieux palmiers, dans les îles Moluques, et celle du salep que donnent les bulbes de toutes les espèces d’orchis, prouvent de quelle importance peuvent être toutes ces fécules pour les arts, la médecine et la nourriture de l’espèce humaine et des animaux.
La fécule contenue dans toutes les plantes que je viens de nommer est saine, très-nourrissante, et peut être préparée comme aliment sous toutes sortes de formes ; mais il ne faut pas perdre de vue que, dans plusieurs de ces végétaux, elle est unie à d’autres substances qui sont ou de vrais poisons, ou des matières amères, âcres, piquantes, toutes désagréables au goût : il est donc de la plus grande importance de préparer avec soin ces fécules et de les purger de toute matière étrangère.
Heureusement la nature des substances qui sont unies à la fécule est si différente, les propriétés sont si distinctes et si prononcées, qu’on peut les séparer l’une de l’autre par des procédés dont l’exécution est aussi facile que sûre : la grande solubilité dans l’eau de tous les principes malfaisans, et leur extrême légèreté, en comparaison de la pesanteur des fécules, font que, par des lavages répétés à l’eau froide, on enlève tout ce qui est nuisible, et qu’il ne reste au fond des vases dans lesquels on fait l’opération que la fécule sans mélange.
Pour extraire la fécule, on peut employer deux procédés : dans l’un et dans l’autre il faut commencer par réduire en farine ou porter à un grand état de division la substance qui la contient.
On procède ensuite à l’extraction par le seul moyen de l’eau froide ou par la fermentation.
Le premier de ces moyens est plus simple et plus expéditif ; mais on n’obtient pas toute la fécule : le second, quoique plus long, plus dispendieux, est préféré, par cette raison, lorsqu’il s’agit de retirer l’amidon des céréales.
Pour extraire l’amidon par l’eau froide, on est forcé d’employer des méthodes différentes selon que la substance peut être réduite en farine avant d’être travaillée, ou qu’on ne peut que la broyer pour agir sur la pulpe.
Dans le premier cas, on pétrit la farine de froment avec de l’eau, on lui donne la consistance d’une pâte ferme, on la met sur un tissu serré par-dessus un cuvier, et on verse de l’eau sur la pâte, qu’on malaxe avec les mains jusqu’à ce que le liquide passe clair : l’eau entraîne la fécule, qui se dépose au fond du cuvier ; elle dissout le sucre et le principe extractif contenus dans la farine, et le gluten insoluble reste sur le filtre ; on lave le dépôt pour le purifier de toute matière étrangère et on le fait sécher.
Mais lorsqu’on ne peut pas ou qu’on ne veut pas réduire en farine les substances qui contiennent de la fécule, on les broie dans des mortiers ou sous des meules, ou bien on les râpe ; on porte la pulpe sur un tamis de crin très-serré qu’on a placé sur un cuvier, et on verse de l’eau jusqu’à ce qu’elle passe claire, ayant l’attention de remuer la pulpe sans relâche avec les mains et de l’exprimer fortement.
Lorsque les substances dont on veut retirer l’amidon sont charnues et d’un tissu lâche, spongieux, on peut se borner à les réduire en pulpe et à les exprimer à l’aide d’une presse ; le suc qu’on extrait dépose la fécule, qu’on lave avec le plus grand soin pour séparer les principes nuisibles : la fécule est d’autant plus blanche et d’un usage d’autant plus sûr, qu’elle est mieux lavée.
La fermentation est le moyen le plus généralement employé pour extraire l’amidon de la farine des céréales ; mais cette opération ne produirait que de l’alcool, si on n’avait pas l’attention d’y mêler de l’acide pour prévenir la fermentation spiritueuse.
On prépare cet acide en délayant dans un seau d’eau chaude deux livres de levain de boulanger ; deux jours après, on y ajoute quelques seaux d’eau chaude : quarante-huit heures suffisent ensuite pour que l’acide soit suffisamment développé.
Cette liqueur que les amidonniers appellent eau sûre, ne contient guère que du vinaigre, et, d’après cela, je présume qu’on pourrait employer l’acide acétique avec le même succès.
Lorsqu’on veut extraire l’amidon, on verse un seau d’eau sûre dans un tonneau défoncé par un bout, on le remplit à moitié d’eau ordinaire, et on y délaie de la farine jusqu’à ce qu’il soit plein.
On laisse macérer pendant dix jours en été, et quatorze jours en hiver ; on reconnaît que l’opération est assez avancée lorsqu’il se forme un dépôt, que la liqueur surnageante est claire, et que la surface est recouverte d’une couche d’écume ou eau grasse.
On décante l’eau et les écumes ; on verse le dépôt dans un sac de toile de crin qu’on, a placé sur un cuvier ; on y passe de l’eau jusqu’à ce qu’elle filtre sans nuance de blanc ; il ne reste plus dans le sac que le son le plus grossier, qu’on donne aux bestiaux.
Au bout de deux à trois jours, on décante l’eau surnageant le dépôt qui s’est formé dans le cuvier, et on en garde une partie, pour servir d’eau sûre dans les opérations subséquentes.
Pour avoir de bel amidon, on lave à grande eau et on brasse avec soin le dépôt ; deux à trois jours après on jette l’eau des lavages.
Le dépôt qui s’est formé présente trois couches dont la qualité est très-différente : la première est principalement composée de débris de son ; on l’enlève pour en nourrir les bestiaux ou engraisser des cochons.
La deuxième couche est généralement formée d’une partie amilacée mêlée de quelques matières étrangères, qu’on en sépare par des lavages. Le produit de cette couche est alors connu sous le nom d’amidon commun.
La troisième couche contient l’amidon le plus pur et le plus pesant : mais, pour lui donner toutes les qualités qu’il peut acquérir, il faut encore le laver, et filtrer l’eau qui le tient en suspension à travers des tamis de soie, afin de le purger de toute matière étrangère : avec ces précautions, on obtient de l’amidon qui est propre à tous les usages.
Dès que l’amidon est bien lavé, on le met dans des paniers garnis de toile, pour en séparer la première eau ; on le divise ensuite en pains, et on termine la dessiccation en l’exposant au grand air sur des lattes.
Avant de le livrer au commerce, on ratisse la surface des pains qui s’est un peu colorée, et on achève de les sécher au soleil ou à l’étuve.
L’usage de l’amidon ou des fécules est très-étendu : l’amidon délayé dans l’eau chaude prend la consistance d’une gelée, et forme la colle.
La colle colorée par l’azur est connue sous le nom d’empois, et sert à donner au linge fin le lustre, la roideur et un coup d’œil agréable.
L’amidon est encore employé à poudrer les cheveux.
Toutes les fécules forment une excellente nourriture, et font la base du premier de nos alimens.
L’amidon traité par l’acide sulfurique se convertit en sucre, et peut subir en cet état la fermentation alcoolique : depuis quelques années, on a formé, en France, de très-grands établissemens où la fécule de pomme de terre, traitée de cette manière, alimente de nombreuses distilleries.
L’amidon projeté sur un fer rouge brûle sans laisser presque aucun résidu.
MM. Gay-Lussac et Thénard ont trouvé que cent parties d’amidon contenaient :
Carbone 43,55 |
Oxigène 49,68 |
Hydrogène 6,77 |
On voit que l’oxigène et l’hydrogène y sont dans les proportions convenables pour former de l’eau, comme dans les gommes, qui se rapprochent beaucoup de l’amidon par quelques propriétés et leurs usages.
On appelle sucre une substance extraite de quelques végétaux, douce et agréable au goût, de couleur blanche, et susceptible de subir la fermentation alcoolique lorsqu’on la dissout dans l’eau, à laquelle on ajoute un peu de levain fermenté.
Les substances qui peuvent éprouver la même fermentation et par les mêmes moyens, contiennent toutes plus ou moins de sucre.
L’art peut donner lui-même cette propriété à plusieurs autres produits de la végétation, en faisant varier, par des procédés chimiques, les proportions de leurs principes constituans, et en les rapprochant par ce moyen de celles du sucre : c’est ainsi qu’on dispose l’amidon et la fibre végétale à subir la fermentation spiritueuse.
Nous pouvons appeler sucrées toutes les substances qui jouissent de la même propriété que le sucre, celle de former de l’alcool par la fermentation.
On connaît aujourd’hui trois espèces de sucre tien distinctes et bien caractérisées.
La première et la plus importante est celle qui cristallise, et à laquelle on a donné la dénomination générique de sucre. Elle est fournie par la canne à sucre et par la betterave, la carotte, le navet, la châtaigne, l’érable, etc.
Les sucres qui proviennent de ces diverses plantes sont rigoureusement de même nature, et ne diffèrent en aucune manière lorsqu’on les a ramenés, par le raffinage, au même degré de pureté ; le goût, la cristallisation, la couleur, la pesanteur sont absolument identiques ; et l’on peut défier l’homme le plus habitué à juger ces produits ou à les consommer, de les distinguer l’un de l’autre.
La seconde espèce de sucre est celle qu’on extrait du moût rapproché du raisin : celle-ci se présente constamment sous la forme d’une poudre blanche dans laquelle on n’aperçoit aucune trace de cristallisation : ce sucre est très-soluble dans l’eau ; il produit l’effet du sucre de la première espèce ; pourvu qu’on l’emploie à une dose double, il peut le remplacer dans tous ses usages.
Dans les temps où le sucre d’Amérique était rare en France et excessivement cher, on a fabriqué une énorme quantité de sucre de raisin qu’on vendait à bas prix.
La troisième espèce de sucre est celle que fournissent presque tous les fruits : non-seulement celle-ci ne cristallise pas, mais on n’a pas pu jusqu’ici l’amener à prendre une forme solide. En concentrant les sucs de ces fruits, on obtient des sirops qui peuvent remplacer le sucre dans plusieurs usages, et former une grande ressource comme alimens.
Par ce moyen, on réunit le double avantage de réduire en un petit volume ces substances nutritives, et de les préserver de la décomposition. On produit le même effet en les concentrant à l’état de gelée ou d’extrait. Les sucs sucrés qui ne sont pas convertis en sirop peuvent former, par leur fermentation, une boisson alcoolique aussi utile que saine et agréable pour une grande partie de la population.
Les substances que la chimie nous a appris à convertir en sucre, n’ont pu fournir jusqu’ici que celui, de la seconde espèce ; mais il est très-propre à donner de l’alcool par la fermentation.
La pesanteur spécifique du sucre cristallisé est de 1,6 d’après Fahrenheit. Il se dissout dans un poids d’eau égal au sien à dix degrés ; il n’est pas sensiblement soluble dans l’alcool rectifié.
Le sucre contient 42,47 pour cent de carbone ; l’hydrogène et l’oxigène s’y trouvent, comme dans les gommes et les fécules, dans les proportions qui constituent l’eau.
Dans le chapitre où je traiterai du sucre de betterave, j’aurai l’occasion de donner de plus grands développemens à cette importante matière.
Quoique la cire ne puisse s’extraire en quantité considérable que des baies du mirica cerifera, elle n’en existe pas moins dans la plupart des plantes ; les feuilles de plusieurs arbres en contiennent. Il s’en forme également par la décomposition des sucs de quelques racines ; car lorsque les premières opérations qu’on exécute sur le jus de betterave pour en tirer le sucre, n’ont pas été bien conduites, du moment que le sirop concentré est mis en ébullition pour terminer la cuite, il se développe à la surface une écume gluante, épaisse, blanchâtre, qui, enlevée avec l’écumoir et mise à sécher, a tous les caractères de la cire. Elle est insoluble dans l’eau et l’alcool, elle brûle comme la cire, en a la consistance, et n’en diffère sous aucun rapport. C’est cette matière qui s’attache aux parois des chaudières pendant l’ébullition, lorsque les sirops sont épaissis au-dessus du trente-cinquième degré du pèse-liqueur de Baumé : c’est elle qui détermine la combustion de la cuite et ne permet plus de la porter au degré convenable pour obtenir une bonne cristallisation. On ne saurait apporter trop de soins dans les opérations qui précèdent, pour prévenir cette dégénération, qui seule a occasionné la chute de presque tous les établissemens de sucre de betteraves qui s’étaient formés en 1810.
La presque totalité de la cire qui est employée dans les arts et dans les usages domestiques est préparée, par les abeilles, qui en construisent les cellules de leurs ruches.
La cire produite par les abeilles se trouve en lames ou plaques sous les écailles qui recouvrent l’abdomen de l’insecte. Il paraît que c’est une transsudation qui s’épaissit, et que l’abeille détache par le frottement pour en former ses alvéoles.
Pour blanchir la cire, on la verse liquide sur la surface d’un cylindre, en partie immergé dans l’eau, et auquel on imprime un mouvement de rotation très-rapide. La cire, qui coule continuellement sur la surface mouillée du cylindre, se fige en rubans très-minces, qu’on expose au soleil, sur des toiles, pendant quelque temps, pour qu’elle acquière une blancheur éclatante.
Dans l’élaboration de la cire, les abeilles ne paraissent lui donner aucun caractère animal : ce produit est absolument de la même nature que celui qui est fourni directement par quelques végétaux.
Les guêpes forment aussi des cellules qui leur servent aux mêmes usages que celles des abeilles ; mais leur tissu est ligneux et uniquement formé par des parcelles de la partie fibreuse des végétaux, qu’elles lient entre elles par un gluten animal.
D’après l’analyse qu’en ont faite MM. Gay-Lussac et Thénard, cent parties de cire sont composées de :
Carbone 81,784 |
Oxigène 5,544 |
Hydrogène 12,672 |
La propriété qu’a la cire de brûler sans que la flamme répande ni odeur ni fumée, en a fait adopter généralement l’usage pour éclairer les appartemens du riche ; le suif et les huiles communes ont été constamment l’apanage du pauvre, jusqu’à ces derniers temps où la physique et la chimie se sont réunies pour perfectionner l’éclairage par le moyen de l’huile.
Les huiles sont des corps gras, onctueux, plus ou moins fluides, insolubles dans l’eau, formant des savons avec les alcalis, brûlant et s’évaporant à divers degrés de chaleur : c’est sur-tout cette dernière propriété qui établit entre elles une grande différence, d’après laquelle on les a distinguées en huiles fixes et en huiles volatiles[1].
Les huiles fixes sont contenues dans les graines et les fruits, d’où on les retire par expression.
La première qu’on extrait est la plus pure, on la distingue par le nom d’huile vierge ; celle qui suit est de plus en plus altérée par le mélange d’autres principes contenus dans le fruit soumis à la pression.
C’est sur-tout le mucilage, plus ou moins abondant dans les graines, qui, par son mélange avec l’huile, en altère la pureté.
Après avoir retiré toute l’huile qu’on peut extraire par l’effort de la presse, on est dans l’usage d’humecter le marc avec de l’eau bouillante, pour le soumettre à une plus forte pression ; mais cette huile entraîne avec elle une grande quantité de mucilage, et on ne l’emploie généralement que dans les ateliers.
Il est des pays où l’on entasse les fruits pour en faciliter la fermentation, avant de les soumettre à la pression. Dans ce cas, l’extraction de l’huile en devient plus facile ; la quantité de produit est plus considérable, mais la qualité en est moindre. On obtient de semblables résultats en broyant préalablement les fruits.
Il ne faut pas cependant condamner ces méthodes comme vicieuses, parce que la grande consommation de l’huile se fait dans les savonneries, teintureries, ateliers de draperies, etc., et cette qualité d’huile y est recherchée et préférée à l’huilé fine. Les savans peuvent bien condamner les procédés employés pour extraire les huiles, et en prescrire de nouveaux, d’après lesquels on les obtiendra plus pures et de meilleur goût ; mais la grande consommation des huiles se fait dans les fabriques, où les huiles fines remplacent imparfaitement les huiles grossières. Ainsi, en perfectionnant leur fabrication, on en restreindrait les usages. Sans doute lorsqu’il s’agit de préparer l’huile pour nos usages domestiques, il faut tâcher de l’obtenir la plus pure qu’il est possible ; mais lorsqu’on la destine aux procédés de l’industrie, par exemple à la fabrication du savon, il est avantageux qu’elle soit en combinaison avec une portion de mucilage. Le grand art du fabricant consiste toujours à approprier ses produits aux besoins et au goût du consommateur.
Lorsque le mucilage est tellement abondant dans une graine huileuse, que l’expression n’en retirerait qu’une combinaison pâteuse d’huile et de mucilage, on torréfie la graine, on dessèche le mucilage pour lui enlever toute fluidité, et alors l’huile coule pure. C’est ainsi qu’on opère sur les graines de lin, de pavot, de jusquiame, etc.
Presque toutes les huiles sont colorées, et conservent plus ou moins des principes qui leur étaient unis dans le fruit. Ces principes, qui leur sont étrangers, nuisent à quelques-uns de leurs effets, et on s’est long-temps occupé de trouver le moyen de les en dépouiller.
Le seul séjour prolongé de l’huile dans de grands vases de terre cuite, exposés dans un lieu frais, la clarifie jusqu’à un certain point. Il se forme un dépôt, et l’huile en est plus limpide, plus pure et meilleure.
Si l’on met de l’huile dans un vase, et qu’on l’expose au soleil, la couleur disparaîtra peu-à-peu.
Pour rendre l’huile de colza plus propre à l’éclairage, on met environ un pour cent d’acide sulfurique dans une grande terrine, on y verse promptement l’huile qu’on veut clarifier, et on agite avec soin le mélange ; l’huile devient verte ; et il se forme, par le repos, sur les parois et dans le fond du vase, un dépôt noirâtre, qui est principalement composé de carbone ; on renouvelle l’opération après quelques jours, si l’huile n’a pas acquis la limpidité convenable. Avant de l’employer, il faut la laisser en repos pendant quelque temps. Il paraît que, dans cette opération, l’acide brûle le mucilage et le précipite.
Plus les huiles fixes contiennent de mucilage, plustôt elles rancissent.
Les huiles fixes sont très-peu siccatives ; mais il en est qui, combinées avec des oxides métalliques, acquièrent cette propriété, ce qui étend singulièrement leurs usages ; car dès-lors on peut les employer comme vernis, pour en recouvrir les corps qu’on veut garantir de l’eau et de l’air, et comme excipient des couleurs, pour les appliquer, au pinceau, sur la toile, le bois et les métaux : les huiles de lin, de noix et d’œillet, jouissent principalement de cette propriété. Celle de lin, qui est la plus employée, portée à la chaleur de l’ébullition, peut dissoudre le quart de son poids de l’oxide de plomb connu dans le commerce sous le nom de litharge. Elle brunit à mesure que la dissolution s’opère, elle se fige par le refroidissement lorsqu’elle est saturée d’oxide, et il faut la liquéfier par la chaleur, du moment qu’on veut l’employer. L’huile de fin saturée d’oxide, appliquée au pinceau sur un corps quelconque, se fige promptement, et forme une couche impénétrable à l’eau, très-flexible sans être gluante, et ayant beaucoup d’analogie avec la gomme élastique.
Si on forme un mastic avec cette huile ainsi préparée et avec les débris ou cassons broyés de porcelaine, ou d’une poterie de grès bien cuite, on peut s’en servir avec un grand succès pour mastiquer les joints des pierres sur les terrasses, dans les cuviers et dans les bassins : lorsqu’on veut former ce mastic, on fait chauffer l’huile siccative, qu’on incorpore avec le ciment bien pulvérisé, à l’aide de la truelle, et on l’applique chaud : en cet état, il pénètre dans la pierre de l’épaisseur de demi-ligne ; il sèche, durcit aisément, et ne se gerce jamais.
Lorsque l’huile de lin est destinée a servir d’excipient aux couleurs, il suffit de la rendre siccative, par un vingtième ou au plus un dixième de litharge.
La consommation des huiles fixes est immense, par rapport aux usages nombreux auxquels on les fait servir : elles font la base des savons mous et des savons durs, selon qu’on les combine avec la potasse ou la soude ; elles forment la principale préparation qu’on donne au coton, pour pouvoir y fixer, de la manière la plus solide, les couleurs de la garance ; on les emploie dans tous les ateliers de la filature et du cardage des laines, pour faciliter les opérations : c’est par le moyen de l’huile qu’on adoucit et rend plus régulier le jeu des mécaniques, et qu’on modère et ralentit l’action destructive des frottemens ; c’est encore par elle qu’on préserve les métaux de la rouille.
La plus grande consommation des huiles fixes a lieu pour l’éclairage ; mais comme elles répandent toutes en brûlant une fumée plus ou moins épaisse, et une lumière peu vive, on en avait restreint l’usage et préféré la cire, jusqu’au moment où, Argant, en faisant passer un courant d’air très-rapide au milieu des mèches circulaires surmontées d’un cylindre de verre, a trouvé le moyen de brûler la fumée et de rendre la lumière plus vive et plus brillante.
Les produits de la combustion des huiles fixes sont de l’eau et de l’acide carbonique ; ce qui annonce que leurs principes constituans sont le carbone, l’oxigène et l’hydrogène, que MM. Thénard et Gay-Lussac y ont trouvés dans les proportions suivantes :
Carbone 77,213 pour cent. |
Oxigène 9,427 |
Hydrogène 15,360 |
Les huiles volatiles (ou huiles essentielles) se volatilisent plus aisément que les huiles fixes, s’enflamment à un moindre degré de chaleur, se dissolvent dans l’alcool, exhalent une forte odeur qui sert à les distinguer entre elles, et impriment sur la langue une saveur vive, âcre et brûlante.
Les huiles volatiles n’appartiennent point exclusivement aux mêmes produits de la végétation : elles sont quelquefois distribuées dans toute la plante, comme dans l’angélique de Bohême, souvent dans les feuilles et les tiges, comme dans la mélisse, la menthe et l’absinthe ; l’aunée, l’iris de Florence, la benoîte, contiennent leur huile dans la racine ; le thym, le romarin, le serpolet, dans les feuilles et le bouton de la fleur ; la lavande le thym, le romarin, le serpolet, dans les feuilles et le bouton de la fleur ; la lavande et la rose dans le calice ; la camomille, le citronnier, l’oranger, dans la fleur, sur-tout dans les pétales et l’écorce du fruit des deux derniers ; l’anis et le fenouil ont leur huile dans des vésicules rangées sur des lignes saillantes qu’on aperçoit sur l’écorce.
Les huiles volatiles varient par la couleur, la consistance et la pesanteur ; il en est qui sont plus pesantes que l’eau, telles que celles de sassafras et de girofle ; il en est qui sont constamment à l’état concret, à la température ordinaire de l’atmosphère, telles que celles de rose, de persil, etc.
Pour extraire les huiles volatiles on emploie deux méthodes, l’expression et la distillation.
Lorsque l’huile est enfermée dans des vésicules saillantes, comme dans les écorces de citron ou de bergamote, il suffit de replier ces écorces sur elles-mêmes, pour rompre ces cellules et en faire jaillir l’huile. On peut déchirer ces écorces avec une râpe, en recevoir la pulpe dans un vase, et séparer l’huile du parenchyme, par une légère pression ou par quelques jours de repos. La pulpe se sépare d’elle-même et se précipite, l’huile seule surnage.
Lorsqu’on râpe ces écorces avec un morceau de sucre, l’huile se combine avec lui, et forme un oleo-saccharum très-propre à aromatiser des liqueurs.
À l’exception de celles dont je viens de parler, toutes les huiles volatiles sont extraites par la distillation : à cet effet, on met la plante dans la chaudière de l’alambic, on y verse de l’eau jusqu’à ce qu’elle en soit recouverte, et on porte à l’ébullition ; l’huile s’évapore avec l’eau, se condense avec elle dans le serpentin, et elles coulent ensemble dans le récipient ; l’huile surnage, et on la sépare de l’eau, qui reste laiteuse : cette eau est employée de préférence pour de nouvelles distillations. On emploie ordinairement un récipient à goulot étroit, dans lequel l’huile se ramasse ; tandis que l’eau s’échappe par un tuyau latéral placé à quelques pouces plus bas que l’orifice.
Dans le midi de l’Europe, où l’on prépare en grand quelques huiles volatiles, les distillateurs établissent leurs appareils portatifs en plein air, et dans les lieux qui leur présentent une ample récolte de plantes aromatiques ; ils transportent ailleurs leur petit atelier dès qu’ils ont épuisé toutes celles qui étaient autour d’eux.
Les huiles volatiles sont sur-tout employées à composer des parfums ; on les fait même servir souvent à cet usage sans les mélanger avec d’autres substances.
Ces huiles servent encore à composer des vernis, par la propriété qu’elles ont de dissoudre des couleurs, et de s’évaporer dès qu’on les a appliquées.
La résine est très-commune dans le règne végétal ; mais c’est sur-tout des arbres qui constituent le genre nombreux des pins, sapins, etc., qu’on l’extrait ; la sève que contiennent ces arbres n’est presque que de la résine, et on les a appelés arbres résineux, par rapport à l’abondance de cette substance.
Lorsque la chaleur commence à ramollir la sève, et à lui imprimer du mouvement, il suffit de pratiquer des entailles au bas du tronc de l’arbre, de manière à pénétrer sous l’écorce et à entamer l’aubier, pour déterminer l’écoulement de la résine au-dehors. C’est sur-tout dans le parenchyme de l’aubier et de l’écorce qu’elle est la plus abondante. On rafraîchit et l’on agrandit la plaie de quinze en quinze jours.
La résine cesse de couler du moment que le retour des froids la fige dans les cellules.
Un arbre sain et bien venu peut fournir douze à quinze livres de résine par an.
Lorsque les arbres sont morts, ou qu’on les a coupés, on extrait la résine qu’ils contiennent par un autre procédé : on rejette les jeunes branches et l’écorce, et on réduit le bois en copeaux ou en petits morceaux qu’on réunit en tas ; on recouvre la surface de manière à ne laisser qu’une ouverture au sommet ; le feu qu’on allume dans la partie supérieure, suffit pour fondre la résine, qui coule vers la partie inférieure, et se rend, par des canaux, dans des vases qui la reçoivent.
Cette résine est noire ; elle est mêlée d’une grande quantité d’acide pyroligneux et d’huile volatile. On la connaît dans le commerce sous le nom de goudron[2].
Les qualités du goudron varient selon les soins qu’on a apportés à son extraction.
Lorsque la chaleur est trop forte, on laisse évaporer l’huile volatile, et le goudron est sec et cassant ; il se gerce dès qu’on l’a employé, et rend les corps qu’on enduit peu souples et peu ductiles.
Le goudron de nos climats méridionaux avait tous ces défauts, et les arsenaux de la marine étaient forcés de ne s’approvisionner que de celui du nord de l’Europe ; mais aujourd’hui on a perfectionné les fourneaux d’après les procédés de M. Darracq, de manière que toute l’huile volatile se condense, et que le goudron en est plus onctueux, plus gras et très-propre à tous les usages ; la marine l’emploie à l’égal des meilleurs goudrons du Nord.
Les résines sont très-solubles dans l’alcool et insolubles dans l’eau.
Elles se liquéfient à une faible chaleur, y s’enflamment aisément, et répandent beaucoup de fumée par la combustion. Dans plusieurs de nos montagnes, le paysan n’éclaire son sombre manoir qu’en brûlant le bois dur des arbres résineux.
La solubilité des résines dans l’alcool en a fait la base des vernis à l’esprit de vin. Le dissolvant qui s’évapore lorsqu’on a appliqué le vernis, laisse une couche de résine, qui garantit les corps de l’action de l’air et de l’eau, et leur donne de l’éclat, du luisant, et de belles couleurs qu’on peut varier à l’infini.
La fumée des résines, condensée et recueillie dans des chambres tendues de toile ou de papier, forme le noir de fumée, dont l’emploi est commun dans la peinture, la teinture, l’imprimerie et la composition des vernis.
D’après les expériences de MM. Thénard et Gay-Lussac, cent parties de résine commune contiennent :
Carbone 75,944 |
Oxigène 13,337 |
Hydrogène 10,719 |
La fibre végétale forme la charpente de toutes les parties solides du végétal.
On peut la mettre à nu par l’action répétée de l’eau et de l’alcool, aidée de la chaleur, et par une longue macération dans l’eau, ou par la distillation. Par le premier moyen, on dissout les sucs qui sont logés dans les intervalles des fibres ; par le second, on les décompose par la fermentation ; le troisième est le moins parfait, attendu qu’on n’extrait que les principes qui peuvent être volatilisés par le feu, et que le carbone de tous les corps reste uni à celui de la fibre, décomposée elle-même, qui conserve sa forme.
La fibre, ramenée à son état de pureté par l’une ou l’autre des deux premières opérations, donne une flamme jaune en brûlant ; elle est insoluble dans l’eau et l’alcool, et jouit d’une grande flexibilité. La fibre est presque pure dans quelques parties des végétaux, telles que les filamens qui enveloppent plusieurs graines, avec lesquels on fait des tissus lorsqu’ils sont souples et longs.
L’industrie a tiré un grand parti de la fibre végétale, en séparant, par des procédés ingénieux et simples, toutes les substances qui pourraient en faciliter la putréfaction ou en diminuer la flexibilité : ainsi, en faisant macérer, dans l’eau les tiges du lin, du chanvre, du genêt, de l’ortie et les feuilles de l’agave, on en extrait les sucs par la dissolution et la fermentation, et il ne reste que la fibre flexible, avec laquelle on fait les tissus de toile, les fils à coudre et les cordages, qui sont d’un si grand usage dans la société.
Il paraît aujourd’hui qu’on s’est mépris lorsqu’on a cru qu’en assouplissant ces tiges par des machines, on pouvait se dispenser de les faire rouir dans l’eau. La mécanique en détache bien réellement une partie des sucs concrets, mais il en reste de très-adhérens à la fibre, qu’on ne peut enlever que par la macération dans l’eau, et qui, s’ils existaient dans les tissus, nuiraient à leurs usages et en entraîneraient la détérioration.
La finesse de la fibre végétale n’est pas la même dans toutes les tiges dont je viens de parler, celles du fin sont les plus fines et les plus déliées ; on en compose les toiles les plus précieuses, telles que les batistes et les linons ; celles du chanvre occupent le second rang et sont d’un usage plus général. On fait des toiles grossières avec les pousses annuelles du genêt, et l’on fabrique des cordages avec les feuilles de l’agavé.
À mesure que les tissus formés avec la fibre végétale s’usent, cette fibre devient plus molle et plus souple ; elle perd de sa consistance et de sa ténacité ; et lorsqu’elle est parvenue à cet état, on réunit la force mécanique, qui divise et déchire, à l’action putréfiante des liquides, qui rompt la cohésion entre les parties : on forme par ce moyen une pâte liquide, où toutes les molécules sont distinctes et séparées, sans liaison entre elles, nageant isolément dans l’eau ; mais pouvant se réunir et se rattacher fortement l’une à l’autre, lorsqu’on enlève l’eau qui les sépare et les désunit : c’est là ce qui s’exécute par une suite d’opérations qui constituent l’art du fabricant de papier.
Lorsqu’on a ainsi réduit les chiffons en bouillie, on la coule sur un crible qui laisse passer l’eau et retient une légère couche de la pâte : celle-ci prend déjà quelque consistance et en acquiert une plus forte par la dessiccation. Chaque couche forme alors une feuille, qui n’a besoin que d’être lissée et collée pour servir à l’écriture.
Quoique le fabricant de papier n’emploie que des chiffons pourris, il retrouve dans ses produits la même inégalité de finesse que j’ai déjà fait observer en parlant de la fabrication des tissus : c’est avec les chiffons de toile de lin qu’il fait le plus beau papier, et avec les débris des cordages qu’il fabrique le plus grossier.
Le charbon ne contient guère que les principes constituans de la fibre végétale, les autres élémens en ont été séparés par l’action de la chaleur.
Comme le carbone forme la base de la fibre, je ne crois pas pouvoir me dispenser de parler ici du charbon : d’ailleurs ses usages sont si étendus, que ce produit doit trouver sa place naturellement dans un ouvrage de la nature de celui que je publie.
Les végétaux dont la combustion est la plus intense et la plus durable sont ceux dont les fibres sont les plus serrées et les plus sèches ; leur flamme est moins développée, mais la chaleur est plus forte, et la qualité supérieure du charbon qui se forme les fait préférer pour le chauffage domestique et dans plusieurs opérations des arts.
Dans quelques ateliers, où l’on est forcé d’appliquer la chaleur à des produits qui, par leur réunion, présentent un grand volume, comme dans les fabriques de poterie et de porcelaine, dans les fours à chaux, etc., on préfère alors le menu bois bien sec, qui donne beaucoup de flamme et laisse moins de charbon pour résidu.
Les végétaux où les fibres longitudinales prédominent et sont disposées en faisceaux compactes et serrés, réunissent toutes les qualités désirables pour la combustion ; mais elle est beaucoup plus imparfaite lorsque la fibre n’a pas acquis sa densité et qu’elle est encore imprégnée de sucs nutritifs, que lorsqu’elle est durcie par l’âge et a passé à l’état de bois.
Le terrain, l’exposition, le climat, les saisons modifient encore singulièrement la fibre dans les végétaux de même espèce.
Les végétaux de même nature élevés dans un sol sec et aride ont la texture plus compacte, plus dure que ceux qui sont nourris dans un terrain humide et gras ; leurs produits sont plus parfumés, les huiles volatiles plus abondantes ; leur tissu est plus difficile à décomposer, la combustion et la chaleur qu’ils développent sont plus intenses. Personne n’ignore que les bois exposés au midi brûlent mieux que ceux qui sont exposés au nord, qu’ils ont le tissu plus dur, et qu’ils résistent plus long-temps à l’action destructive de l’air et de l’eau lorsqu’on les a coupés. Cette observation avait été faite par Pline sur les bois des Apennins.
Les plantes du midi cultivées dans le nord y perdent leur parfum, et les végétaux insipides du Groënland acquièrent de la saveur et de l’odeur dans les jardins du midi de l’Europe.
Au printemps, les arbres sont imprégnés de sucs ; on n’en extrait que du mucilage : en automne, on y trouve des huiles, de l’amidon, du sucre, etc. Le docteur Plot avait observé, en 1692, que les arbres coupés en sève étaient dévorés par les vers, qu’ils se déjetaient en séchant et duraient peu. Jules-César s’était déjà convaincu de cette vérité en faisant construire des vaisseaux avec du bois coupé au printemps ; et Vitruve conseille de n’abattre les arbres qu’à la fin de l’hiver : Quia acris hyberni vis comprimit et consolidat arbores.
La fibre végétale, brûlée à l’air libre, donne une flamme jaune, et il se dégage de l’eau et de l’acide carbonique ; distillée dans des vaisseaux clos, elle laisse du charbon pour résidu : c’est par ce procédé que l’on convertit le bois en charbon pour l’approprier à plusieurs usages.
La méthode la plus généralement employée pour charbonner le bois, consiste à couper les branches et les jeunes pieds des arbres sur une longueur d’environ trois pieds, sur deux pouces de diamètre ; on dispose ces bûches sur le sol parallèlement entre elles, et où les élève, en formant une demi-sphère, à la hauteur de six à huit pieds ; on revêt ensuite la surface d’une couche de terre ou de mottes de gazon, et on met le feu au tas à l’aide d’une ouverture ou cheminée qu’on a pratiquée dans le centre. Toute la masse s’échauffe en peu de temps ; l’eau, l’acide et l’huile s’évaporent en fumée ; et lorsque la fumée cesse et que le bois est réduit partout à l’état d’un corps noir et sonore quand on le frappe avec un corps dur, on démonte l’appareil.
Ce procédé est vicieux en ce qu’on brûle une partie du bois qu’on veut charbonner ; il est encore vicieux, parce qu’il exige une grande habitude pour charbonner également toute la masse.
Les bois rendent en charbon vingt ou trente pour cent de leur poids, selon leur nature et la manière dont l’opération a été conduite.
Le charbon diffère en qualité d’après celle du bois qui le produit : il est pesant, dur et très-sonore lorsque la fibre du bois est très-compacte, c’est le meilleur de tous ; la chaleur qu’il développe est vive, forte, et sa combustion, quoique ardente, dure longtemps : le charbon du chêne vert du midi tient au feu au moins deux fois plus que celui du chêne blanc du nord de la France, et ses effets, par la chaleur qu’il produit, sont dans une plus forte proportion.
Les bois légers, poreux, tels que les bois blancs, donnent un charbon léger, tendre et spongieux qui se réduit facilement en poussière et se consume en peu de temps dans nos foyers ; néanmoins, ce charbon a son emploi, et on le prépare pour la fabrication de la poudre par le procédé suivant.
On creuse une fosse carrée dans un terrain sec d’environ quatre pieds de profondeur, sur cinq à six de largeur ; on rassemble tout autour les jeunes branches de bourdaine, de peuplier, de noisetier ou de saule, dont on a séparé les pousses de l’année et les feuilles ; on échauffe la fosse avec du menu bois : lorsqu’on juge la chaleur suffisante, on y jette le bois qu’on veut charbonner, et on remplit la fosse peu-à-peu : dès que la carbonisation est à son terme, on recouvre la fosse avec une couverture de laine mouillée.
Ce charbon, plus léger, plus inflammable, susceptible d’une pulvérisation plus prompte et plus parfaite que celle des bois durs, entre dans la composition de la poudre : M. Proust, qui a fait de nombreuses expériences pour déterminer l’espèce de végétal qui fournissait le charbon le plus propre à cette fabrication, a trouvé que celui des chenevottes du chanvre était préférable à tous les autres.
On a perfectionné de nos jours les procédés de carbonisation en opérant dans des appareils parfaitement clos : à cet effet, on construit en bonne maçonnerie un bâtiment carré de dix-huit à vingt-cinq pieds de diamètre, on le termine par une voûte, et on revêt tout l’intérieur d’un contre-mur en briques. On distribue des cylindres de fonte dans la capacité, de manière que l’une de leurs deux ouvertures communique au dehors, tandis que l’autre porte la fumée dans les cheminées latérales. On chauffe l’intérieur de ces cylindres dès que le bâtiment est chargé du bois qu’on veut carboniser. La vapeur qui se dégage du bois qu’on distille est reçue dans des tuyaux de tôle placés au sommet, qui la portent dans des cuviers, où elle arrive condensée.
On varie beaucoup la forme et les dimensions des appareils de carbonisation à vaisseaux clos ; mais de tous ceux que j’ai eu occasion de voir, le plus parfait me paraît être celui que je viens de décrire.
Ces appareils réunissent plusieurs avantages, qui font plus que compenser les frais d’établissement : le premier de tous, c’est de donner une plus grande quantité de charbon que par les procédés ordinaires ; le second, de produire constamment un charbon bien fait et bien net ; le troisième, de fournir une grande quantité d’acide pyroligneux, qu’on peut vendre dix à douze francs la barrique, et qui, épuré et clarifié, peut remplacer le vinaigre dans tous ses nombreux usages.
Outre l’emploi très-étendu qu’on fait du charbon, soit dans les ateliers de l’industrie, soit dans nos foyers domestiques, on lui a reconnu encore la propriété de détruire la plupart des odeurs puantes, et d’empêcher ou de ralentir la putréfaction : on l’emploie aujourd’hui pour filtrer les eaux, les clarifier et leur enlever la mauvaise odeur qu’elles exhalent dans quelques cas ; on charbonne l’intérieur des futailles d’après le procédé de M. Berthollet, et l’on prévient l’altération et le mauvais goût qu’y contracte l’eau lorsqu’elle y séjourne long-temps. Je ne doute pas qu’on ne produisît le même effet pour le vin, qui très-souvent prend un goût de fût dans les tonneaux et devient impotable.
L’analyse du bois de chêne et de celui de hêtre a donné à MM. Gay-Lussac et Thénard les résultats suivans :
Cent parties bois de chêne,
Carbone 52,53 |
Oxigène 41,78 |
Hydrogène 5,69 |
Cent parties bois de hêtre,
Carbone 51,45 |
Oxigène 42,73 |
Hydrogène 5,82 |
Le gluten et l’albumine sont des substances que l’on trouve parmi les produits du règne végétal, et qui ont toutes les propriétés des matières animales : elles produisent abondamment de l’ammoniaque par la distillation et la putréfaction.
On ne doit pas confondre l’albumine avec le gluten ; quoique se rapprochant par quelques propriétés qui leur sont communes, ces substances diffèrent essentiellement entre elles.
L’albumine est un fluide insipide, soluble dans l’eau froide, d’où l’alcool, les acides et le tannin la précipitent ; mais la propriété la plus caractéristique qu’elle possède, c’est celle de se coaguler à la chaleur de quarante-cinq à cinquante degrés du thermomètre centigrade.
Proust, Clark, Fourcroy et Vauquelin ont successivement prouvé l’existence de l’albumine dans le suc et les fruits de plusieurs végétaux.
Le blanc d’œuf est de l’albumine pure : les différentes parties des animaux en contiennent presque toutes ; le sang est une de celles qui en fournissent le plus.
Indépendamment de la propriété qu’a l’albumine de servir d’aliment, elle est employée dans les arts à beaucoup d’usages ; on s’en sert sur-tout pour clarifier les dissolutions : à cet effet, on la délaie dans l’eau, et on la mêle avec ces dissolutions. Lorsque la chaleur est portée à trente-cinq ou quarante degrés, on agite le mélange pour répartir également dans toute la masse les molécules de l’albumine ; elles se coagulent par les progrès de la chaleur, se saisissent de toutes les parties insolubles qui troublent ou salissent le bain, et s’élèvent à la surface, où elles forment une couche d’écume, qui durcit par le refroidissement, et qu’on enlève avec l’écumoire ; on filtre alors la liqueur pour en ôter tout ce qui a pu y rester en suspension.
Le suc du fruit de l’hibiscus esculentus contient une si grande quantité d’albumine, qu’on l’emploie, à la Dominique, pour clarifier le vesou ; à la Martinique et à la Guadeloupe, on a fait servir au même usage l’écorce de l’orme pyramidal.
Comme l’albumine sèche facilement et couvre d’un vernis luisant et bien uni tous les corps sur lesquels on l’applique en couches très-minces, on s’en sert pour lustrer les tableaux, les boiseries, etc.
En s’emparant de l’eau de l’albumine du blanc d’œuf, par une petite-quantité de chaux vive réduite en poudre, et imbibant de ce mélange des lanières de linge, on forme un excellent lut qu’on peut appliquer sur les joints des vases distillatoires, afin d’éviter toute déperdition de gaz et de vapeurs.
On préfère les blancs d’œufs pour tous ces usages, parce que l’albumine en est plus pure.
L’analyse des blancs d’œufs a fourni à MM. Gay-Lussac et Thénard les résultats suivans :
Cent, albumine du blanc d’œuf,
Carbone 52,883 |
Oxigène 23,872 |
Hydrogène 7,540 |
Azote 15,705 |
Le gluten paraît être plus répandu dans le règne végétal que l’albumine ; on l’extrait des glands, des châtaignes, des marrons, des pommes des coings, du froment, de l’orge, du seigle, des pois, des fèves, des feuilles du chou, du cresson, de la ciguë, de là bourrache, du safran, des baies de sureau, du suc de raisin, etc.
Mais le grain de froment est celui de tous ces produits qui contient le plus de gluten, et c’est de cette substance qu’on le retire ordinairement.
Pour extraire le gluten, on pétrit la farine de froment avec de l’eau, et on malaxe cette pâte, au courant d’eau d’un robinet, jusqu’à ce que ce liquide coule clair au-dessous : l’amidon, le sucre et tous les autres principes que l’eau peut entraîner ou dissoudre, se séparent successivement, et il ne reste dans les mains qu’une substance molle, élastique, gluante, ductile, tenace, légèrement transparente, se collant aux doigts dès qu’elle a perdu son humidité, et exhalant une odeur analogue à celle de la liqueur séminale : c’est cette matière qu’on a appelée gluten on principe végéto-animal.
Le gluten est insipide, il brunit à l’air et se putréfie comme les substances animales ; l’alcool ne peut pas le dissoudre et l’eau l’attaque légèrement ; la combustion et la distillation en dégagent les mêmes produits que ceux que fournissent les matières animales.
Le gluten et l’amidon forment la presque totalité de la composition du blé : M. Davy nous a donné les résultats suivans, d’après l’analyse du blé de différens pays.
Cent parties blé d’automne d’une excellente qualité,
Amidon 77 |
Gluten 19 |
Cent, blé du printemps,
Amidon 70 |
Gluten 24 |
Cent, blé de Barbarie,
Amidon 74 |
Gluten 23 |
Cent, blé de Sicile,
Amidon 75 |
Gluten 21 |
Les blés des pays méridionaux contiennent plus de gluten que ceux du nord, et les blés durs en fournissent plus que les blés tendres provenant des mêmes pays.
Plus les blés sont riches en gluten, plus la fermentation panaire est parfaite.
Les pâtes d’Italie se fabriquent de préférence avec les blés durs de la Crimée ; ceux du Nord ne sont pas aussi propres à cette fabrication.
Parmi les graines des différentes espèces de céréales, celles qui donnent le meilleur pain, et celles dont la pâte lève ou fermente le mieux sont celles qui contiennent le plus de gluten. On peut les ranger dans l’ordre suivant :
1°. Froment qui possède en gluten de dix-huit à vingt pour cent de son poids.
2°. Orge de cinq à huit pour cent.
3°. Seigle de demi à un pour cent.
4°. Avoine de demi à deux pour cent.
Lorsque l’altération des grains ou des farines en a détruit le gluten, le pain qui en provient est mauvais et nuisible à la santé. Les grains et les farines ainsi altérés ne peuvent et ne doivent plus être employés que dans les fabriques d’amidon.
Les farines dépourvues ou peu riches en gluten, avec lesquelles on veut néanmoins faire du pain, tournent à l’aigre par la fermentation ; la pâte ne se gonfle point, et le pain est acide, lourd, indigeste.
Il y a des substances très-nutritives, telles que les pois, les pommes de terre et les fèves, où l’amidon est combiné avec les mucilages, au lieu de l’être avec le gluten, comme dans les céréales : ces substances, réduites en farine, ne peuvent pas seules former du pain ; mais on les mêle avec le froment, pour augmenter le produit en pain dans les années de disette. Ce pain composé n’est pas aussi bien fermenté que s’il était de froment pur ; mais il est sain et bon au goût : il se conserve même frais plus long-temps.
Le tannin tannant abonde dans les végétaux.
Le tannin est d’un jaune brun, il est très-astringent et se dissout dans l’eau et l’alcool avec facilité ; mais la propriété la plus caractéristique du tannin, c’est celle de se combiner avec la gélatine, lorsqu’on mêle sa dissolution avec celle de cette substance. Il précipite en noir le fer de toutes ses dissolutions, et forme la base de la composition de l’encre à écrire et de la plupart des couleurs noires qu’on porte sur les étoffes.
Il est difficile de se procurer le tannin à son plus grand degré de pureté ; on n’y parvient que par des opérations délicates, dont l’exécution suppose l’habitude des travaux chimiques ; mais il n’est pas nécessaire de le purger de toutes les matières étrangères auxquelles il est uni, pour l’employer utilement aux divers usages auxquels on l’a consacré : la grande affinité qu’il a avec la gélatine fait que celle-ci se combine avec lui, jusqu’à ce que les substances qui le contiennent en soient épuisées : c’est de cette manière qu’on a déterminé les proportions du tannin dans les différentes écorces de bois qui servent à convertir les peaux en cuirs.
Le tannin est sur-tout employé à tanner les peaux ; et parmi les écorces, celle du chêne est généralement préférée ; on met l’écorce broyée et les peaux, par couches alternatives, dans une fosse ; on humecte d’abord légèrement les couches de tan pour que l’action du tannin soit plus prompte. À mesure que le tannin se combine avec la gélatine de la peau, la couleur de celle-ci change, elle devient d’un brun jaunâtre et opaque ; la consistance augmente, et peu-à-peu ce changement s’opère dans toute l’épaisseur de la peau.
Dés ce moment la peau est transformée en cuir ; ce n’est plus qu’une combinaison de gélatine et de tannin. Cette nouvelle combinaison a de la consistance, elle est imputrescible, on peut la couper au couteau par tranches-vives, et l’employer à un grand nombre d’usages.
Le meilleur cuir est celui qui s’est formé lentement et qu’on a laissé séjourner dans la fosse le plus long-temps : dans ce cas, la combinaison s’est faite peu-à-peu, et elle en est plus intime et plus parfaite que lorsqu’on dissout le tannin dans l’eau et qu’on y plonge les peaux. Par ce dernier moyen, on peut bien opérer le tannage de la plus forte peau en quelques jours, mais la qualité du cuir n’est pas la même.
Cependant, depuis que M. Séguin nous a fait connaître que l’art de tanner ne consistait qu’à combiner le tannin avec la gélatine qui forme la presque totalité de la composition de la peau, les procédés du tannage ont été singulièrement perfectionnés : on emploie le jus de tan qui a servi, mais qui n’est pas encore épuisé, pour humecter l’écorce dans les fosses ; on accélère l’opération sans nuire aux résultats, et on fait en trois ou quatre mois ce qu’on aurait à peine obtenu en dix-huit d’une poudre d’écorce presque sèche.
Les peaux sèches augmentent en général du tiers de leur poids par le tannage.
Les cuirs diffèrent en couleur, selon l’espèce de corps tannant qu’on a employée.
Le tannin a une grande affinité avec les principes colorans, auxquels, dans beaucoup de cas, il sert de mordant en teinture : il ne doit donc pas paraître étonnant qu’il les fixe sur le cuir d’une manière solide.
J’ai déjà fait observer que lorsque les proportions de l’oxigène, par rapport à l’hydrogène, dépassaient celles qui sont nécessaires pour former de l’eau, le composé végétal prenait un caractère acide ; on doit donc être peu surpris de voir les acides aussi abondans dans les produits de la végétation.
La quantité d’acide végétal varie dans les diverses époques de la végétation, et d’après les circonstances qui influent sur le développement de la plante. Les végétaux exposés à l’ombre ou qui croissent par des temps couverts, froids et pluvieux, ne transpirent point par les feuilles le gaz oxigène, dont la lumière solaire peut seule favoriser l’émission : l’acide carbonique qui est absorbé s’accumule dans les organes, et dès-lors les produits de la végétation prennent un caractère acide. La plupart des fruits qui ne sont pas parvenus à leur maturité sont aigres ; mais, dans ce cas, l’acidité provient, sur-tout, en grande partie, de ce que les progrès de la maturation n’ont pas encore développé le mucilage doux et le sucre qui enveloppent l’acide et en corrigent la saveur désagréable.
Les acides végétaux les plus répandus sont, l’acide oxalique, le citrique, le tartarique, le benzoïque, le gallique, l’acétique, le malique, le prussique, etc.
L’analyse des végétaux a présenté bien plus grand nombre d’acides ; mais comme ils n’appartiennent qu’à quelques plantes et que leurs usages sont encore ou inconnus ou très-bornés, je ne crois pas devoir en faire ici l’énumération.
Plusieurs de ces acides cristallisent, et on peut en ramener quelques-uns à l’état concret, du moment qu’on les a séparés des principes avec lesquels ils sont unis dans la plante. Le vinaigre ou acide acétique cristallise lui-même lorsqu’il est très-concentré. M. Mollerat le prépare en cristaux transparens comme la glace.
1°. L’acide oxalique cristallise en prismes à quatre pans, et c’est sous cette forme qu’on le répand dans le commerce.
Cet acide a été trouvé à nu par M. Deyeux dans les poils des pois chiches. On l’extrait aussi de la liqueur exprimée de la même plante ; il en existe dans les tiges d’oseille et dans tous les rumex.
On le fabrique par l’action de l’acide nitrique sur plusieurs substances végétales et animales, sur-tout sur le sucre.
L’acide oxalique est soluble dans l’eau et l’alcool : l’eau à la température de douze degrés en dissout moitié de son poids, et l’eau bouillante, poids égal ; l’alcool, cinquante-six pour cent.
Les propriétés caractéristiques de cet acide sont d’enlever la chaux aux autres acides, et de former avec elle un sel insoluble : il a en outre une grande affinité avec les oxides métalliques, sur-tout avec ceux du fer ; c’est sur ces propriétés qu’on a établi les usages auxquels on le fait servir dans les arts.
Lorsqu’on veut s’assurer si une eau tient des sels calcaires en dissolution, on y verse de l’acide oxalique ; la liqueur devient trouble s’il en existe, et il se forme un dépôt, qui n’est que de l’oxalate de chaux. L’action est plus prompte lorsque, au lieu d’employer l’acide pur, on se sert de l’oxalate d’ammoniaque, parce qu’alors la décomposition est facilitée par l’échange des principes constituans des sels.
La propriété qu’a l’acide oxalique de dissoudre facilement l’oxide de fer, lui a fait trouver une heureuse application dans la teinture et sur-tout dans l’impression des toiles de coton. On couvre toute la toile du mordant de fer, et on l’enlève à volonté de dessus certaines parties, à l’aidé de cet acide gommé : par ce moyen, la couleur ne prend d’une manière solide que sur les seules parties dont le mordant n’a pas été détruit. Ce procédé est infiniment plus simple pour ménager des réserves sur quelques points de la toile, que celui qui consistait auparavant à appliquer le mordant à la planche, et à réserver les parties qu’on ne voulait pas couvrir de couleur fixe.
L’acide oxalique est celui de tous qui est le plus propre à enlever complétement les taches d’encre : il suffit d’en mettre un peu sur la tache et de l’humecter avec une goutte d’eau ; le seul frottement à la main et le lavage à l’eau n’en laissent pas exister la moindre trace.
L’analyse de l’acide oxalique a fourni à MM. Gay-Lussac et Thénard du carbone, de l’oxigène et de l’hydrogène dans les proportions suivantes :
Cent parties acide oxalique,
Carbone 26,566 |
Oxigène 70,689 |
Hydrogène 2,745 |
2°. On peut extraire l’acide tartarique du jus de mûres, du suc du raisin exprimé, de la pulpe de groseilles, etc.
Cet acide existe presque par-tout dans les végétaux en combinaison avec la potasse, avec laquelle il forme un sel peu soluble ; c’est pour cela qu’il se précipite facilement des liqueurs qui le contiennent, sur-tout lorsqu’elles ont fermenté. Les couches de tartre qui se déposent sur les parois des tonneaux sont une combinaison d’acide tartarique, de potasse et d’extractif.
En brûlant le tartre et la lie du vin, on a un résidu alcalin, grisâtre et léger, qu’on connaît dans le commerce sous la dénomination de cendres gravelées ; ce produit a ses usages spéciaux dans les arts.
En faisant dissoudre le tartre dans de l’eau où l’on a délayé de l’argile blanche, et évaporant avec soin la dissolution filtrée jusqu’à cristallisation, on en sépare l’extractif, qui se précipite et reste en partie en dissolution dans les eaux-mères ; les cristaux qu’on obtient sont une combinaison de potasse avec excès d’acide tartarique ; ces cristaux, exposés à l’air sur des toiles, y prennent un beau blanc, et sont connus dans le commerce, où il s’en fait une assez grande consommation, sous le nom de crême de tartre.
On peut extraire l’acide tartarique de cette dernière combinaison par le procédé suivant, que nous devons au célèbre Schéele : on dissout la crême de tartre dans l’eau bouillante, on sature la dissolution avec la craie ; il se fait un précipité, qui n’est que la combinaison de la chaux avec l’acide. On sépare ce précipité, sur lequel on verse de l’acide sulfurique dans la proportion du tiers du poids de la crême de tartre qu’on a employée ; on fait digérer ce mélange à une douce chaleur pendant dix à douze heures ; l’acide sulfurique s’empare de la chaux et forme un dépôt insoluble, tandis que l’acide tartarique, devenu libre, surnage : alors on délaie le tout avec de l’eau froide ; on filtre et on évapore la liqueur jusqu’à consistance de sirop ; l’acide tartarique se précipite à l’état concret. Lorsque l’évaporation se fait lentement et qu’on laisse reposer le sirop, cet acide cristallise en octaèdres allongés ; si, par des dissolutions, filtrations et évaporations répétées, on purifie ces cristaux ; ils deviennent très-blancs, et présentent la forme de prismes tétraèdres terminés par des pyramides à quatre faces très-allongées.
L’acide tartarique est composé de
Carbone 24,050 |
Oxigène 69,321 |
Hydrogène 6,629 |
3°. L’acide malique est un de ceux qu’on trouve le plus généralement répandus dans le règne végétal ; il diffère essentiellement des deux dont je viens de parler, en ce qu’il est constamment à l’état liquide, et qu’il forme avec la chaux un sel soluble dans l’eau.
Pour extraire l’acide malique, on sature le suc de pomme par la potasse, on décompose le sel qui s’est formé par l’acétate de plomb ; il se fait un précipité qu’on lave avec soin, et on y verse de l’acide sulfurique affaibli, jusqu’à ce que la liqueur prenne une saveur acide sans mélange de doux : on filtre pour séparer l’acide malique du sulfate de plomb, qui est insoluble. Schéele, qui nous a fait connaître cet acide, a fait de nombreuses recherches pour en constater l’existence dans beaucoup de végétaux.
Les fruits qui contiennent le plus d’acide malique sont les pommes, l’épine-vinette, le prunier, le verjus. Les fruits rouges en fournissent moins, mais on le trouve en plus ou moins grande quantité dans presque tous les produits de la végétation.
Cet acide existe naturellement dans le vin ; il est moins abondant dans ceux du midi que dans ceux du nord ; il domine dans cette boisson lorsque le raisin n’a pas mûri ou que le mout a mal fermenté ; les raisins blancs en contiennent moins que les rouges, et je crois qu’on doit rapporter à cette différence la supériorité des eaux-de-vie qui proviennent des premiers. Les eaux-de-vie faites avec des vins où cet acide abonde rougissent le papier bleu et sont de mauvaise qualité.
Jusqu’ici l’acide malique n’a reçu aucun usage dans les arts.
4°. Les oranges et sur-tout les citrons contiennent beaucoup d’acide citrique : le prunellier à fruits velus, le groseillier rouge, l’alisier, le cerisier, le fraisier, le framboisier en fournissent aussi ; cet acide y existe avec le malique à-peu-près dans des proportions égales.
Le procédé que Schéele nous a fait connaître pour extraire l’acide citrique et l’obtenir en cristaux, est celui que nous employons encore : on sature l’acide par la chaux ; on décompose le sel insoluble qui s’est formé par l’acide sulfurique étendu d’eau ; on filtre, on évapore, et l’on obtient des cristaux d’acide, qui, purifiés par des dissolutions, filtrations et évaporations répétées, présentent des prismes rhomboïdaux, dont les plans inclinés sont terminés de part et d’autre par un sommet à quatre faces trapézoïdales.
Dans les pays où le citronnier croît abondamment, comme dans la Sicile, on exprime le suc des fruits et on le sature de chaux ; on envoie ensuite le citrate dans les lieux de consommation, où se termine l’opération par l’extraction de l’acide : la grande quantité de mucilage que contient le suc de citron, ne permettrait pas de le conserver long-temps, ni de le transporter au loin, sans qu’il subît des altérations qui le dénatureraient.
On commence à presser les citrons en novembre et on finit en mars ; la quantité de suc qu’on extrait est d’autant plus grande que le fruit est plus mûr. On met le suc dans des tonneaux, et on l’expédie en cet état, ou bien on le vend, sur les lieux, à des particuliers, qui en forment du citrate de chaux, pour prévenir la décomposition qu’il éprouve presque toujours lorsqu’on l’exporte en nature.
On emploie à-peu-près un vingtième de carbonate de chaux pour saturer un poids donné de suc de citron. On lave avec soin le citrate, on le fait sécher et on l’expédie pour sa destination.
Il ne s’agit plus que d’en extraire l’acide citrique, et on y procède de la manière suivante :
On verse de l’acide sulfurique, étendu de six à sept fois son poids d’eau, sur le citrate ; on agite le mélange à mesure qu’on met l’acide ; lorsque la décomposition est complète, l’acide citrique surnage le dépôt insoluble de sulfate de chaux qui s’est formé ; on filtre, on lave le dépôt, et on réunit les eaux de lavage à l’acide pour procéder à l’évaporation dans des bassines d’étain.
L’évaporation peut s’opérer à gros bouillons dans le commencement ; mais à mesure que le liquide s’épaissit, il convient de la ralentir ; on porte jusqu’à consistance de sirop, et on retire alors de dessus le feu pour laisser cristalliser.
Après avoir enlevé les cristaux, on ajoute aux eaux-mères dix à douze fois leur volume d’eau, et on les traite comme si c’était du suc de citron.
Les cristaux d’acide citrique ont besoin d’être purifiés par des dissolutions, des filtrations et des cristallisations répétées.
Lorsque les opérations sont bien conduites, le suc de citron donne environ un septième de son poids en citrate de chaux, et un treizième d’acide citrique en cristaux.
L’acide citrique est très-soluble dans l’eau. Il peut remplacer avec avantage le suc de citron dans nos usages domestiques et dans les arts, parce qu’il est plus concentré, et purgé du mucilage qui altère les propriétés du suc et le rend putrescible.
On peut remplacer le vinaigre par cet acide pour assaisonner beaucoup d’alimens ; il est plus agréable, à cause de la partie aromatique qu’il contient.
Délayé dans l’eau à petite dose, l’acide citrique forme une boisson très-saine : quarante grains (deux grammes) de cet acide dissous dans une pinte d’eau et édulcorés avec le sucre, composent une limonade fort agréable.
Cet acide forme une précieuse ressource pour les voyages sur mer, et pendant les chaleurs brûlantes de l’été, où il importe d’user de boissons rafraîchissantes et antiputrides.
L’acide citrique a aussi des usages particuliers dans les arts : comme l’acide oxalique, il est employé à former des réserves dans les toiles d’impression ; comme lui, on le fait servir à enlever les taches d’encre et de rouille.
Lorsqu’on a dissous le principe colorant du carthame par les alcalis, on le précipite par l’acide citrique, et on fait, par ce moyen, sur la soie, les nacaras, les ponceaux et les roses fins. Ce principe colorant, porté de la même manière sur une terre blanche onctueuse, constitue le rouge végétal ou le fard.
Les principes qui constituent l’acide citrique s’y trouvent dans les proportions suivantes :
Cent parties acide citrique,
Carbone 33,811 |
Hydrogène 6,330 |
Oxigène 59,859 |
5°. L’acide acétique existe tout formé dans la sève des végétaux. La propriété qu’il a de former des sels très-solubles avec les terres et les alcalis, suffit pour le faire distinguer de tous les autres acides du même règne.
Lorsqu’on distille une plante ou un produit quelconque de la végétation, non-seulement on extrait tout l’acide acétique qui y existe en nature ; mais, par la décomposition des substances et la désunion de leurs principes constituans, à l’aide du feu, on en forme encore une grande quantité. La fumée qui s’échappe de nos foyers, n’est elle-même qu’un mélange confus d’eau, d’acide acétique, d’huile, d’acide carbonique et de carbone.
Ce produit acide de la combustion et de la distillation a été connu de tout temps, mais on était loin de penser qu’il fût identique avec le vinaigre : on l’appelait acide pyroligneux.
La nouvelle méthode de carboniser le bois à vaisseaux clos, a fourni un moyen facile de se procurer une énorme quantité de cet acide.
La carbonisation du bois par distillation le présente d’abord combiné avec de l’huile, qui le colore en brun noir, et lui donne une odeur empyreumatique fort désagréable ; mais on a eu bientôt trouvé le moyen de le débarrasser de toute substance étrangère, et de le ramener à un degré de pureté parfaite ; il ne s’agit que de saturer l’acide par la chaux ou un alcali, de carboniser ensuite l’huile, en exposant le nouveau sel qui en est imprégné à une chaleur suffisante, et de décomposer ensuite par l’acide sulfurique ; on peut arriver au même résultat en décomposant l’acétate de chaux par un sulfate alcalin : il y a alors échange de bases, et l’acétate traité par l’acide sulfurique fournit un acide très-pur[3].
L’acide extrait de cette manière a de grands avantages sur le vinaigre que fournit l’acétification des liqueurs fermentées : il est distillé et conséquemment exempt de toute matière étrangère ; on le verse dans le commerce à un plus haut degré de concentration, ce qui le rend plus actif, et lui fait produire des effets, dans les arts, qu’on obtient difficilement avec le vinaigre de vin.
Jusqu’à ces derniers temps, tout l’acide acétique qui servait à nos usages domestiques, ou qui était employé à de nombreuses opérations dans les ateliers de l’industrie, provenait de la dégénération ou décomposition des boissons fermentées, telles que le vin, la bière, le cidre, le poiré, etc. Toutes ces liqueurs, plus ou moins spiritueuses ou alcooliques, tiennent en dissolution une portion de mucilage, qui tend continuellement à leur faire subir une fermentation acéteuse.
Pour prévenir l’acétification du vin, on le conserve dans des futailles bien bouchées et placées dans un lieu frais, où la température ne varie pas sensiblement ; on le clarine pour lui enlever la portion de mucilage qui sert de levain à la fermentation acide ; on le tient à l’abri des secousses, pour ne pas rejeter dans la masse du liquide la portion de mucilage qui s’est précipitée.
Lorsque le vin a subi une bonne fermentation, et que tout le mucilage a été décomposé ou précipité, il n’est plus susceptible de tourner à l’aigre. J’ai tenu pendant tout un été, sur une terrasse, à l’ardeur du soleil des bouteilles débouchées remplies de vin rouge du midi : le seul changement qui s’est opéré, c’est que le vin s’est décoloré complétement, et que le principe colorant s’est précipité en pellicules ou membranes qui nageaient dans la liqueur. Vers la fin du mois d’août, j’ai versé dans deux de ces bouteilles, et à parties égales, le suc de deux pommes, et au bout de vingt jours la liqueur n’était que du vinaigre.
Les soins qu’on prend pour conserver le vin sans altération, indiquent ceux qu’il faut employer pour le convertir en vinaigre : tout se borne à l’exposer au contact de l’air et à une chaleur de dix-huit à vingt degrés ; on y ajoute un ferment végétal lorsqu’il n’en contient plus, et on l’enferme dans des futailles dont les parois sont imprégnées d’acide acétique ou de lie aigrie.
Je n’entreprendrai pas d’énumérer les nombreux usages auxquels est employé le vinaigre sur nos tables et dans nos cuisines. Son emploi dans les arts est au moins aussi étendu et aussi varié : on le distille sur des plantes aromatiques pour le parfumer ; on lui fait dissoudre le fer, le cuivre, le plomb et l’alumine, pour former des mordans dans la teinture ou des couleurs pour la peinture.
MM. Gay-Lussac et Thénard ont trouvé dans l’acide acétique le carbone, l’oxigène et l’hydrogène dans les proportions suivantes :
Cent parties acide acétique,
Carbone 50,224 |
Hydrogène 5,629 |
Oxigène 44,147 |
6°. La distillation des feuilles de laurier, des noyaux de pèche et des amandes amères, produit un acide qui forme, avec les dissolutions qui contiennent du fer et un peu d’alcali, un précipité bleu verdâtre, cet acide a la plus grande analogie avec celui qu’on extrait des substances animales et que l’on combine avec le fer pour composer le bleu de Prusse.
M. Gay-Lussac, qui a fait un très-beau travail sur l’acide prussique, a prouvé qu’il était formé de carbone, d’azote et d’hydrogène combinés dans les proportions suivantes :
Cent parties acide prussique,
Carbone 44,39 |
Azote 51,71 |
Hydrogène 3,00 |
Les deux premiers élémens de cette composition forment un radical que notre illustre auteur appelle cyanogène. Sa combinaison avec l’hydrogène constitue l’acide prussique ou hydro-cyanique.
Il n’existe aucune trace d’oxigène dans cet acide, et ce n’est pas le seul exemple de ce genre que la chimie nous offre aujourd’hui.
Cet acide combiné avec le fer forme cette éclatante composition qu’on connaît sous le nom de bleu de Prusse, et dont l’emploi est si précieux pour la teinture et pour la peinture. M. Raymond a trouvé le moyen de fixer cette couleur sur la soie, avec un tel succès, que l’usage de l’indigo a presque disparu de nos ateliers de Lyon ; son fils l’a appliquée sur la laine avec le même succès.
Le règne végétal fournit beaucoup d’autres acides, tels que le benzoïque, le gallique, le mucique, le kinique, etc. ; mais comme ils sont moins répandus et que leurs usages sont très-bornés, je me dispenserai d’en traiter avec détail.
La potasse se trouve en plus ou moins grande quantité dans tous les végétaux, et la soude existe généralement dans les plantes qui croissent près de la mer ou dans des sols imprégnés de sel marin.
Pour extraire plus commodément la potasse, on brûle les plantes, on lessive les cendres, et on rapproche la dissolution dans des chaudières de fer jusqu’à siccité : ce premier produit est connu sous le nom de salin, et a son emploi dans les arts ; il est coloré ; mais en le calcinant dans des fourneaux à réverbère, on le blanchit, et il est alors connu sous le nom de potasse.
Comme les usages du salin et de la potasse sont très-étendus dans les arts, et qu’il est peu de localités où l’on ne puisse les fabriquer avec avantage, j’ai toujours pensé qu’un agriculteur pourrait facilement lier cette industrie à l’industrie agricole, et augmenter ainsi le produit de ses terres. J’entrerai dans quelques détails sur cette fabrication.
Toutes les plantes ne donnent pas la même quantité de cendres, et le même poids de cendres ne fournit pas la même quantité de potasse. On pourra en juger par les tableaux suivans ; dressés d’après les expériences de MM. les régisseurs généraux des poudres et salpêtres en 1779, et d’après celles de MM. Kirwan, Pertuis et Vauquelin.
Noms des végétaux |
Quantité de végét. brûl. |
Produit en cendres. |
Poids de l’eau de lessivage. |
Produits en salin. |
Couleur du salin. |
Buis |
800 liv. | 23 liv. | 216 liv. | 1 liv. 12 onc. 6 gr. | Mine de plomb. |
Chêne |
915 | 12 | 124 | 1 | 6 4Gris de lin. |
Hêtre |
887 | 5 | 66 | 1 | 4 6Café au lait. |
Charme |
981 | 11 | 216 | 1 | 3 5Blanc grisâtre. |
Orme |
1028 | 12 | 124 | 1 | 6 4Gris vineux. |
Tremble |
648 | 8 | 120 | 0 | 7 6Noir foncé. |
Sapin |
730 | 2 | 80 | 0 | 7 0Noir peu foncé. |
Sarment |
800 | 27 | 276 | 4 | 10 4Gris blanc. |
Tournesol |
200 | 20 | 333 | 4 | 0 0Blanc de lait jaunât. |
Blé de Turquie |
440 | 39 | 612 | 7 | 12 1Couleur cendrée. |
Le salin obtenu dans ces opérations a dû perdre par la calcination pour être converti en potasse, vingt-cinq à trente pour cent.
M. Kirwan, en opérant sur mille livres de chacun des végétaux qu’il a essayés a obtenu les résultats suivans :
Nom du végétal. |
Produit en cendres. |
Produit en alcali. |
Tiges de maïs |
88,00 | 17,05 |
Le grand soleil |
57,02 | 20,00 |
Sarment de vigne |
34,00 | 5,05 |
Buis |
29,00 | 2,26 |
Saule |
28,00 | 2,85 |
Orme |
23,05 | 3,09 |
Chêne |
13,05 | 1,05 |
Tremble |
12,02 | 0,74 |
Hêtre |
5,08 | 1,27 |
Sapin |
3,04 | 0,45 |
Fougère en août |
36,46 | 4,25 |
Absinthe |
97,44 | 73,00 |
Fumeterre |
219,00 | 79,00 |
Orme |
39 | potasse. |
Chêne |
15 | |
Hêtre |
12 | |
Vigne |
55 | |
Peuplier |
7 | |
Charbon |
53 | |
Fougère |
62 | |
Charbon de vache |
196 | |
Absinthe |
730 | |
Vesces |
275 | |
Fèves |
200 | |
Fumeterre |
790 |
Lorsqu’on brûle les plantes pour en extraire la potasse, il faut choisir celles qui en contiennent le plus : les herbes, les feuilles, les tiges des haricots, des pois, des melons, des courges, des choux, des artichaux, des pommes de terre, du maïs, du phytolacca, sont très-riches en alcali. On fait sécher toutes ces plantes et on les brûle pour en lessiver la cendre.
L’opération du lessivage est très-simple : on remplit un cuvier de cendres, on y verse de l’eau jusqu’à ce qu’elle surnage, on laisse reposer pendant quelques heures et on coule par la chantepleure qui est placée au bas du cuvier.
Cette eau de lessive doit marquer dix à douze degrés au pèse-liqueur de Baumé.
La cendre n’est pas épuisée de son alcali par un premier lessivage, et on y passe de l’eau fraîche jusqu’à ce qu’elle ne contienne plus rien de soluble. Les eaux de lessivage peu chargées sont versées sur des cendres neuves pour y acquérir le degré convenable.
Les cendres lessivées forment un excellent engrais pour les prés humides et les terres glaiseuses : on les emploie encore avec avantage à la fabrication du verre noir.
Le lessivage peut s’opérer plus promptement avec de l’eau chaude ; mais je dois me borner ici à indiquer les moyens les plus simples et ceux qui exigent le moins d’appareils.
Les eaux de lessive contiennent la potasse en dissolution ; on l’extrait par l’évaporation du liquide.
On peut commencer à évaporer dans une chaudière de cuivre, dans laquelle on fait couler un filet d’eau de lessive pour remplacer celle qui s’évaporent lorsque la liqueur a pris la consistance du miel, on la verse dans une chaudière de fer de fonte, où se termine l’opération.
Comme la matière qui s’épaissit et se boursouffle s’attache aux parois, oh a soin de remuer et d’agiter avec des spatules de fer.
Du moment que la matière prend à l’air une consistance solide et qu’elle s’y fige, on la coule dans des barils et on la verse dans le commerce sous le nom de salin.
Tout est simple dans cette opération et on en exécute de bien plus difficiles dans nos campagnes. L’agriculteur peut s’approprier cette branche d’industrie presque sans frais, et sans qu’il soit détourné de ses autres occupations, ni qu’il interrompe le cours ordinaire de ses travaux : aux jours perdus pour l’agriculture et dans la morte saison, on peut ramasser les bruyères, les genêts, les ajoncs, les fougères, les ronces, les chardons, les orties et réserver le lessivage des cendres pour l’hiver.
Je ne propose point à l’habitant de la campagne de terminer l’opération par calciner le salin et le convertir en potasse, parce qu’il faudrait construire un fourneau à réverbère, ce qui pourrait l’effrayer en le rejetant hors de ses habitudes et de sa marche naturelle. Ce salin a déjà de nombreux usages dans les arts. Si cette fabrication devenait domestique, il se formerait bientôt des établissemens pour convertir le salin en potasse et en étendre l’emploi.
Le salin et la potasse contiennent tous les sols solubles qui se trouvaient dans les cendres, ce qui établit de grandes différences dans leur qualité. M. Vauquelin, qui a analysé les diverses potasses du commerce, a obtenu les résultats suivans :
Son analyse a été faite sur mille cent douze parties de chaque espèce.
Potasse. | Quantité réelle d’alcali. | Sulfate de potasse. | Muriate de potasse. | Résidu insoluble. | Acide carbon. et eau. |
De Russie |
772 | 65 | 5 | 56 | 234 |
D’Amérique |
857 | 154 | 20 | 2 | 129 |
Perlasse |
754 | 80 | 4 | 6 | 308 |
De Dantzick |
603 | 152 | 14 | 79 | 304 |
Des Vosges |
444 | 148 | 10 | 34 | 304 |
Le salin et la potasse ont de nombreux usages dans les arts ; ils forment la base des savons mous, de la composition du verre blanc, des opérations de buanderies, des blanchisseries, etc. On les emploie en abondance dans les teintures, les fontes métalliques, la fabrication du salpêtre et de l’alun ; il existe peu d’ateliers où il ne s’en consomme plus ou moins.
La soude existe dans presque toutes les plantes qui croissent sur un sol imprégné de sel marin, mais elles n’en fournissent pas toutes la même quantité, ni de la même pureté.
En Espagne, on cultive la barille (salsola vermiculata, Linné), pour en extraire la soude d’Alicante, qui est une des plus estimées dans le commerce ; dans presque tous les autres pays riverains de la mer ou des étangs salés, on brûle les plantes salées qui croissent sur les bords pour en retirer cette substance. Ces soudes sont plus ou moins chargées d’alcali, selon les plantes qui les fournissent ; ce qui établit une différence dans les noms, les prix et les usages.
Pour brûler les plantes marines on les récolte du moment que la végétation est terminée, et on les laisse sécher : on creuse une fosse dans la terre, large de quatre pieds et profonde de trois ; on échauffe cette fosse en y brûlant du menu bois, et on y jette ensuite peu-à-peu les plantes salées ; on entretient la combustion pendant sept à huit jours ; la cendre entre en fusion dans la fosse et reste en cet état jusqu’à la fin de l’opération ; on laisse refroidir, et on divise ensuite ce bloc de soude en gros morceaux pour la livrer au commerce.
J’ai constamment observé que lorsque cette masse de soude bouillonne dans la fosse, il s’échappe, de la surface, des jets de flamme, qui ne paraissent dus qu’à la combustion de quelques parcelles de sodium. La ressemblance parfaite des deux flammes m’a frappé lorsque j’ai vu brûler ce métal pour la première fois.
Les plantes qu’on brûle le plus communément sur les bords de la Méditerranée et de l’Océan, sont le salicornia europea, le salsola tragus, le statice limonium, le triplex portulacoïdes, le salsola kali, le wareck, etc. Les soudes qui en proviennent sont de médiocre qualité ; la plus riche en alcali est celle du salicor, il en est qui n’en contiennent pas sensiblement : celles-ci abondent en muriate et en sulfate de soude, mêlés et fortement frittés avec la chaux, la silice, l’alumine et la magnésie : ces soudes, quoique faibles, ont néanmoins leurs usages dans les arts ; on les emploie dans les verreries où, à l’aide de la chaux qu’elles contiennent et du charbon qu’on fait entrer dans la composition du verre, on décompose le sulfate qui s’y trouve ; la soude que contient ce sel étant mise à nu, détermine la fusion des substances terreuses.
Lorsque les soudes contiennent dix à quinze pour cent d’alcali, on s’en sert pour former les lessives faibles dans les savonneries.
Indépendamment des soudes qu’on extrait par la combustion des plantes marines, la chimie nous a fourni le moyen d’en approvisionner le commerce par la décomposition du muriate de soude ou sel marin : on convertit ce sel en sulfate à l’aide de l’acide sulfurique, et on décompose ensuite ce dernier sel dans des fourneaux de réverbère, en y mêlant du charbon et de la craie.
Les soudes du commerce ne sont jamais pures, elles contiennent tout au plus trente à quarante pour cent d’alcali ; mais, par la dissolution et l’évaporation, on parvient à les obtenir en cristaux octaëdres, à base rhomboïdale, composés d’alcali et d’acide carbonique.
Pour donner à la soude toute l’énergie dont elle a besoin, il faut en séparer l’acide carbonique, qui lui est constamment uni et qui en affaiblit les propriétés ; on y parvient aisément en la mêlant avec la chaux vive, qui a une grande affinité avec cet acide. Les lessives qui proviennent de ce mélange sont caustiques ; elles impriment sur la langue une saveur brûlante ; la soude y est pure et elle agit plus efficacement et plus promptement sur les corps avec lesquels on la combine : cette préparation est indispensable lorsqu’on emploie la soude pour dissoudre l’huile dans la fabrication des savons durs ; elle est inutile toutes les fois qu’on la combine, par une grande chaleur, avec les corps terreux comme dans les verreries.
M. Davy a découvert que la soude et la potasse étaient des oxides métalliques ou des métaux brûlés ; et M. Berzelius à prouvé que lorsque ces deux alcalis étaient purs, la potasse était composée de 17 d’oxigène et 85 de potassium, et que la soude résultait de 74,42 de sodium, et 25,58 d’oxigène.
12°. Indépendamment des substances dont je viens de parler, les plantes contiennent des sels, des terres et quelques oxides métalliques, qu’on n’extrait ni pour nos besoins domestiques ni pour l’usage de l’industrie manufacturière ; mais leur existence y est si constante, leurs proportions si peu variées dans les mêmes espèces de végétaux, leur place est tellement marquée dans les différentes parties qui composent le végétal, qu’on est forcé de les regarder comme appartenant essentiellement à la végétation, dont ces sels et ces terres forment un des attributs, et non comme introduits accidentellement et sans but dans les organes.
Les sels qu’on trouve le plus communément dans les végétaux sont le sulfate de potasse, le sel commun, les phosphates de chaux et le nitrate de potasse ; le sulfate et le muriate de soude n’existent en quantité que dans les plantes marines.
Des quatre terres qu’on extrait par l’incinération, la silice est la plus abondamment répandue ; après celle-ci, la chaux ; ensuite la magnésie et puis l’alumine.
On y trouve une petite quantité d’oxide de fer et quelquefois de légères traces de celui de manganèse.
Dans l’ouvrage si précieux sur la végétation que nous a donné M. Th. de Saussure, il a publié le résultat de ses recherches analytiques pour déterminer la quantité de cendres, de sels, de terres et d’oxides métalliques que fournit le même poids d’un grand nombre de végétaux, j’en place ici les résultats :
NOMS DES PLANTES. | Cendres contenues dans 1000 parties de plantes vertes. | Cendres contenues dans 1000 parties de plantes sèches. | Eau de végétation dans 1000 parties de plante verte. | Sels solubles dans l’eau. | Phosphates terreux. | Carbonates terreux. | Silice. | Oxide métallique. | Déficit. |
1. Feuilles de chênes (quercus robur.) du 10 mai |
13 | 53 | 745 | 47 | 24 | 0,12 | 3 | 0,64 | 25,24 |
2. Les mêmes du 27 septembre |
24 | 55 | 549 | 17 | 18,25 | 23 | 14,5 | 1,75 | 25,5 |
3. Tiges ou branches écorcées de jeunes chênes, du 10 mai |
» | 4 | » | 26 | 28,5 | 18,25 | 0,12 | 1 | 32,58 |
4. Écorces des branches précédentes |
» | 60 | » | 7 | 4,5 | 63,25 | 0,25 | 1,75 | 22,75 |
5. Bois de chêne séparé de l’aubier |
» | 2 | » | 38,6 | 4,5 | 32 | 2 | 2,25 | 20,65 |
6. Aubier du bois de chêne précédent |
» | 4 | » | 32 | 24 | 11 | 7,5 | 2 | 23,5 |
7. Écorces des troncs de chênes précédens |
» | 60 | » | 7 | 3 | 66 | 1,5 | 2 | 21,5 |
8. Liber de l’écorce précédente |
» | 73 | » | 7 | 3,75 | 65 | 0,5 | 1 | 22,75 |
9. Extrait du bois de chêne précédent |
» | 61 | » | 51 | » » | » » | » » | » » | » » |
10. Terreau de bois de chêne |
» | 41 | » | 24 | 10,5 | 10 | 32 | 14 | 8,5 |
11. Extrait du précédent terreau de bois de chêne |
» | 111 | » | 66 | » » | » » | » » | » » | » » |
12. Feuilles de peuplier (populus nigra), du 26 mai |
23 | 66 | 652 | 36 | 13 | 29 | 5 | 1,25 | 15,75 |
13. Feuilles de peuplier (populus nigra), du 12 septembre |
41 | 93 | 565 | 26 | 7 | 36 | 11,5 | 1,5 | 18 |
14. Troncs écorcés des peupliers précédens, du 12 septembre |
» | 8 | » | 26 | 16,75 | 27 | 3,3 | 1,5 | 24,5 |
15. Écorces des troncs précédens |
» | 72 | » | 6 | 5,3 | 60 | 4 | 1,5 | 23,2 |
16. Feuilles de noisetier (coryllus avellana), du 1er mai |
» | 61 | » | 26 | 23,3 | 22 | 2,5 | 1,5 | 24,7 |
17. Les mêmes, lavées à froid avec de l’eau distillée |
» | 57 | » | 8,2 | 19,5 | 44,1 | 4 | 2 | 22,5 |
18. Feuilles de noisetier, du 22 juin |
28 | 62 | 655 | 22,7 | 14 | 29 | 11,3 | 1,5 | 21,5 |
19. Les mêmes, du 20 septembre |
31 | 70 | 557 | 11 | 12 | 36 | 22 | 2 | 17 |
20. Branches écorcées du noisetier précédent, du 1er mai |
» | 5 | » | 24,5 | 35 | 8 | 0,25 | 0,12 | 32,2 |
21. Écorces de branches précédentes |
» | 62 | » | 12,5 | 5,5 | 54 | 0,25 | 1,75 | 26 |
22. Bois de mûrier, dit d’Espagne (morus nigra), séparé de l’aubier, novembre |
» | 7 | » | 21 | 2,25 | 56 | 0,12 | 0,25 | 20,38 |
23. Aubier du mûrier précédent |
» | 13 | » | 26 | 27,25 | 24 | 1 | 0,25 | 21,5 |
24. Écorce du mûrier précédent |
» | 89 | » | 7 | 8,5 | 45 | 15,25 | 1,12 | 23,13 |
25. Liber de l’écorce précédente |
» | 88 | » | 10 | 16,5 | 48 | 0,12 | 1 | 24,38 |
26. Bois de charme (carpinus betulus), séparé de l’aubier, novembre |
4 | 6 | 346 | 22 | 23 | 26 | 0,12 | 2,25 | 26,63 |
27. Aubier du charme précédent |
4 | 7 | 390 | 18 | 36 | 15 | 1 | 1 | 29 |
28. Ecorce du charme précédent |
88 | 137 | 346 | 4,5 | 4,5 | 59 | 1,5 | 0,12 | 30,88 |
29. Troncs, branches effeuillées du marronnier (œsculus hyppocastanum), du 10 mai |
» | 35 | » | 9,5 | » » | » » | » » | » » | » » |
30. Feuilles de marronnier, du 10 mai |
16 | 72 | 782 | 50 | » » | » » | » » | » » | » » |
31. Les mêmes, du 23 juillet |
29 | 84 | 652 | 24 | » » | » » | » » | » » | » » |
32. Les mêmes, du 27 septembre |
31 | 86 | 636 | 13,5 | » » | » » | » » | » » | » » |
33. Fleurs du marronnier précédent |
9 | 71 | 873 | 50 | » » | » » | » » | » » | » » |
34. Fruits en maturité du même marronnier, 5 octobre |
12 | 34 | 647 | 75 | 10,5 | » » | 0,75 | 0,5 | 13,25 |
35. Plantes de pois (pisum sativum) en fleurs |
» | 95 | » | 49,8 | 17,25 | 6 | 2,3 | 1 | 24,65 |
36. les mêmes, portant leur graine en maturité |
» | 81 | » | 34,25 | 22 | 14 | 11 | 2,5 | 17,25 |
37. Plantes de fèves de marais (vicia faba), avant la floraison, du 23 mai |
16 | 150 | 895 | 55,5 | 14,5 | 3,5 | 1,5 | 0,5 | 24,50 |
38. Les mêmes, pendant la floraison, du 23 juin |
20 | 122 | 876 | 55,5 | 13,5 | 4,12 | 1,5 | 0,5 | 24,38 |
39. Les mêmes, portant leur graine en maturité, du 23 juillet |
» | 66 | » | 50 | 17,75 | 4 | 1,75 | 0,5 | 26 |
40. Les mêmes, séparées des graines en maturité |
» | 115 | » | 42 | 5,75 | 36 | 1,75 | 1 | 12,9 |
41. Graines des plantes précédentes |
» | 33 | » | 69,28 | 27,92 | » » | » » | 0,5 | 2,3 |
42. Plantes de fèves en fleurs, crues en eau distillée, et provenues des graines précédentes |
» | 39 | » | 60,1 | 30 | » » | » » | 0,5 | 9,4 |
43. Verge d’or (solidago vulgaris), avant la floraison, du 1er mai |
» | 92 | » | 67,5 | 10,75 | 1,5 | 1,5 | 0,75 | 18,25 |
44. Les mêmes, prêtes à fleurir, du 15 juillet |
» | 57 | » | 59 | 8,5 | 9,25 | 1,5 | 0,75 | 21 |
45. Les mêmes, portant leurs graines en maturité, du 20 septembre |
» | 50 | » | 48 | 11 | 17,25 | 3,5 | 1,5 | 18,75 |
46. Plante de tournesol (helianthus annus), du 23 juin, un mois avant la floraison |
» | 147 | » | 63 | 6,7 | 11,56 | 1,5 | 0,12 | 16,67 |
47. Les mêmes, commençant à fleurir, du 23 juillet |
13 | 137 | 877 | 61 | 6 | 12,5 | 1,5 | 0,12 | 18,78 |
48. Les mêmes, du 20 septembre, portant leurs graines en maturité |
23 | 93 | 753 | 51,5 | 22,5 | 4 | 3,75 | 0,5 | 17,75 |
49. Plantes de froment (triticum satioum) en fleurs |
» | » | » | 43,25 | 12,75 | 0,25 | 32 | 0,5 | 12,25 |
50. les mêmes, portant leurs graines en maturité |
» | » | » | 11 | 15 | 0,25 | 54 | 1 | 18,75 |
51. Les mêmes, un mois avant leur floraison |
» | 79 | » | 60 | 11,5 | 0,25 | 12,5 | 0,25 | 15,5 |
52. Les mêmes, en fleurs, du 14 juin |
16 | 54 | 699 | 41 | 10,75 | 0,25 | 26 | 0,5 | 21,5 |
53. Les mêmes, du 28 juillet, portant leurs graines en maturité |
» | 33 | » | 10 | 11,75 | 0,25 | 51 | 0,75 | 23 |
54. Paille du froment précédent, séparée des graines |
» | 43 | » | 22,5 | 6,2 | 1 | 61,5 | 1 | 78 |
55. Graines choisies du froment précédent |
» | 13 | » | 47,15 | 44,5 | » » | 0,5 | 0,25 | 7,6 |
56. Son |
» | 52 | » | 4,16 | 46,5 | » » | 0,5 | 0,25 | 8,6 |
57. Plantes de maïs (zea maïs), du 23 juin, un mois avant la floraison |
» | 122 | » | 69 | 5,75 | 0,25 | 7,5 | 0,25 | 17 |
58. Les mêmes, en fleurs, du 23 juillet |
» | 81 | » | 69 | 6 | 0,25 | 7,5 | 0,25 | 17 |
59. Les mêmes, portant leur graine en maturité |
» | 46 | » | » » | » » | » » | » » | » » | » » |
60. Tiges du maïs précédent, séparées de leurs épis en maturité |
» | 84 | » | 72,45 | 5 | 1 | 18 | 0,5 | 3,5 |
61. Épis des tiges précédentes |
» | 16 | » | » » | » » | » » | » » | » » | » » |
62. Graines du maïs précédent |
» | 10 | » | 62 | 36 | » » | 1 | 0,12 | 0,88 |
63. Paille d’orge (hordeum vulgare), séparée de ses graines en maturité |
» | 42 | » | 20 | 7,75 | 12,5 | 57 | 0,5 | 2,25 |
64. Graines d’orge de la paille précédente |
» | 18 | » | 29 | 32,5 | » » | 35,5 | 0,25 | 2,8 |
65. Graine d’orge |
» | » | » | 22 | 22 | » » | 21 | 0,12 | 29,88 |
66. Avoine |
» | 31 | » | 1 | 24 | » » | 60 | 0,25 | 14,75 |
67. Feuilles de rosage (rhododendrum ferrugineum), crues sur le Jura, montagne calcaire, du 20 juin |
» | 30 | » | 23 | 14 | 43,25 | 0,75 | 3,25 | 15,63 |
68. Les mêmes, crues sur le Breven, montagne granitique, du 27 juin |
» | 25 | » | 21,1 | 16,75 | 16,75 | 2 | 5,77 | 31,52 |
69. Tiges et branches de rosage, crues sur le Jura, du 20 juin |
» | 8 | » | 22,5 | 10 | 39 | 0,5 | 5,4 | 22,48 |
70. Tiges de rosage, crues sur le Breven, du 27 juin |
» | 8 | » | 24 | 11,5 | 29 | 1 | 11 | 24,5 |
71. Feuilles de pin (pinus abies), crues sur le Jura, du 20 juin |
» | 29 | » | 16 | 12,27 | 43,5 | 2,5 | 1,6 | 24,13 |
72. Les mêmes, crus sur le Breven, du 27 juin |
» | 29 | » | 15 | 12 | 29 | 19 | 5,5 | 19,5 |
73. Branches de pin, dépouillées de feuilles, du 20 juin |
» | 15 | » | 15 | » » | » » | » » | » » | » » |
74. Airelle (vaccinium myrtillus), crue sur le Jura, du 29 août |
» | 26 | » | 17 | 18 | 42 | 1,5 | 3,12 | 19,38 |
75. Les mêmes, crues sur le Breven, 20 août |
» | 22 | » | 24 | 22 | 22 | 5 | 9,5 | 17,5 |
- ↑ Je ne changerai pas la dénomination générique d’huile, par laquelle on désigne depuis long-temps deux substances si différentes entre elles ; mais je dois faire observer que les qualités qui leur sont communes ne suffisent pas pour les faire confondre sous le même nom, et qu’elles présentent tant de différence sous tous les rapports, qu’on eût dû en former deux sortes de produits, désignés par des noms spéciaux.
1°. Les huiles fixes sont insolubles dans l’alcool, les huiles volatiles ne le sont pas.
2°. Les huiles fixes n’ont en général ni odeur ni saveur ; les huiles volatiles sont âcres, caustiques et très-odorantes.
3°. La propriété de brûler, commune aux deux sortes d’huiles appartient à toutes les substances végétales proprement dites.
4°. Les huiles fixes ne sont fournies à nos usages que par les graines et les fruits ; on peut extraire plusieurs huiles volatiles de toutes les parties du végétal.
5°. Les huiles fixes sont, pour la plupart, employées comme aliment ; les huiles volatiles ne servent que dans les arts.
6°. L’huile fixe ne s’évapore qu’à un haut degré de chaleur ; les huiles volatiles se dissipent dans l’air à la température de l’atmosphère et s’exhalent en entier.
7°. La propriété qu’ont les huiles de former des savons n’est pas exclusive, puisque beaucoup d’autres substances animales et végétales en jouissent.
Ainsi, ce qu’on appelle huiles volatiles n’est qu’un arome liquide ou concret, et c’est dans la classe des arômes qu’il eût fallu les ranger.
- ↑ On peut voir dans ma Chimie appliquée aux arts, volume ii, page 425 à 445, la description des procédés employés pour extraire les résines et former toutes les préparations résineuses connues dans le commerce.
- ↑ On distille le bois dans une grande cornue dont le fond est en fonte et les parois en tôle forte ; lorsqu’on l’a chargée de bois, on la recouvre d’un couvercle qu’on y lute soigneusement avec l’argile.
On emploie du bois très-sec et d’égale épaisseur.
Chaque cornue contient deux voies de bois.
L’ouverture ou la cheminée par où s’échappe la vapeur est placée à quelques pouces du fond de la chaudière ou cornue.
L’acide est porté par des tuyaux de cuivre dans un bassin où l’eau se renouvelle continuellement. L’acide et le goudron coulent par un robinet dans un vase clos.
Le gaz inflammable continue à parcourir les tuyaux de cuivre qui vont se rendre dans le foyer pour chauffer la chaudière et continuer la carbonisation.
La carbonisation dure cinq heures, et le refroidissement est complet après sept.
L’acide dans cet état est propre à former les pyrolignites de fer ; mais il est encore impur.
Pour le purifier, on le porte dans une chaudière, où on le sature à froid avec la craie. On écume le goudron qui monte à la sur lace. Alors on le porte dans une autre chaudière, où on le met en ébullition ; on continue à saturer. On ajoute ensuite du sulfate de soude. Il y a production de sulfate de chaux qui se précipite et d’acétate de soude qui reste en dissolution. On décante la liqueur, qu’on évapore à pellicule ; on la verse alors dans des cuviers de bois, où elle se prend en masse par le refroidissement.
On fait éprouver la fusion aqueuse cette masse en la chauffant dans une chaudière en fonte ; on laisse évaporer toute l’eau, on pousse la fusion ignée, et alors on la fait couler dans des carrés, où elle se solidifie. Dans cet état, elle est noire, mais elle se dissout aisément dans l’eau chaude. Cette solution, bien filtrée et évaporée, donne des cristaux d’acétate de soude, qui ne retiennent presque plus rien d’empyreumatique. On les dissout dans l’eau, on les décompose par l’acide sulfurique et l’on obtient du sulfate de soude, qui cristallise, et de l’acide acétique, qui n’a besoin que d’être distillé pour être pur : il marque alors huit à dix degrés à l’aréomètre de Beaumé.
Pour l’obtenir à l’état de cristaux, il suffit de le combiner avec la chaux et de décomposer par l’acide sulfurique ce sel légèrement calciné. Le sulfate de chaux prend presque toute l’eau qui reste à l’acétate.
Les eaux-mères des premières opérations, évaporées jusqu’à siccité et mêlées avec le goudron, servent de combustible. Les cendres, passées au fourneau de réverbère et puis lessivées, donnent de beau sous-carbonate de soude.