Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5984

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 526-527).

5984. — À M. DAMILAVILLE.
10 avril.

Vous guérirez sûrement, mon cher frère, car voilà la troisième lettre d’Esculape. Je vous prie, au nom de tous les frères, d’avoir grand soin de votre santé : c’est vous qui tenez l’étendard auquel nous nous rallions ; c’est vous qui êtes le lien des philosophes. Il est venu chez moi un jeune petit avocat général de Grenoble[1] qui ne ressemble point du tout aux Omer ; il a pris quelques leçons des d’Alembert et des Diderot : c’est un bon enfant et une bonne recrue.

Frère d’Argental doit actuellement avoir reçu tous ses paquets. Je crois par conséquent qu’il peut vous lâcher encore quelques pistolets à tirer contre l’inf… M. de La Haye vous a sans doute remis son petit paquet[2]. On tâchera de vous fournir de petites provisions, toutes les fois qu’on pourra se servir d’un honnête voyageur.

Voici les deux feuillets signés Sirven[3]. J’ignore toujours si le parlement de Toulouse osera faire des remontrances. Je ne suis pas plus content que vous des ménagements qu’on a gardés en réhabilitant les Calas, et je suis affligé de voir tant de délais aux grâces que le roi doit leur accorder. Ce n’est pas assez d’être justifié, il faut être dédommagé ; et si le roi ne paye pas, il faut bien que ce soit David[4] qui paye.

Je suppose qu’à présent vous avez la sentence et l’arrêt contre Sirven, et qu’il ne manque plus rien à Élie pour être deux fois en un an le protecteur de l’innocence opprimée.

L’ouvrage dont vous me parlez à la fin de votre lettre du premier d’avril est aussi détestable que vous le dites, et ce n’est pas un poisson d’avril que vous me donnez. Je ne crois pas qu’il y ait deux avis sur cela parmi les connaisseurs ; mais vous sentez bien qu’il ne m’appartient pas de dire mon avis. On dit qu’il y a des préjugés qu’il faut respecter, et celui-là est respectable pour moi[5].

Ne pourrais-je savoir le nom du théologien dénonciateur à qui nous sommes redevables de la plus jolie réfutation qu’on ait faite[6] ? Et la Destruction, qu’en dirons-nous ? Est-elle arrivée ? est-elle en sûreté ?

Gabriel ne m’a point fait voir les dernières épreuves de cette Destruction ; il est un peu négligent. Il m’assure que, malgré les tracasseries de Genève, qui l’occupent beaucoup, il sera encore plus occupé de la tracasserie du théologien.

Embrassez pour moi les frères. Je vous salue tous dans le saint amour de la vérité. Ècr. l’inf…

  1. Joseph-Michel-Antoine Servan, avocat général au parlement de Grenoble, né en 1737, mort le 4 novembre 1807. (B.)
  2. Voyez lettre 5970.
  3. Voyez aussi lettre 5970.
  4. Le capiloul ; voyez tome XXV, page 21.
  5. Il s’agit probablement de la tragédie du Siége de Calais, par de Belloy.
  6. Les Observations, dont nous avons donné le titre page 525.