Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6220

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 169-170).

6220. — À M.  DAMILAVILLE.
6 janvier.

Vous m’avez recommandé, monsieur, de vous envoyer les petites brochures innocentes qui paraissent à Neuchâtel et à Genève : en voici[1] une que je vous dépêche. Il serait à souhaiter que nous ne nous occupassions que de ces gaietés amusantes ; mais nos tracasseries, toutes frivoles qu’elles sont, nous attristent. M. de Voltaire, votre ami, a fait longtemps ce qu’il a pu pour les apaiser ; mais il nous a dit qu’il ne lui convenait plus de s’en mêler, quand nous avions un résident qui est un homme aussi sage qu’aimable. Nous aurons bientôt la médiation et la comédie ; ce qui raccommodera tout.

Le petit chapitre intitulé du czar Pierre et de J.-J. Rousseau[2] est fait à l’occasion d’une impertinence de Jean-Jacques, qui a dit dans son Contrat social[3] que Pierre Ier n’avait point de génie, et que l’empire russe serait bientôt conquis infailliblement.

Le Dialogue sur les Anciens et les Modernes[4] est une visite de Tullia, fille de Cicéron, à une marquise française. Tullia sort de la tragédie de Catilina, et est tout étonnée du rôle qu’on y fait jouer à son père. Elle est d’ailleurs fort contente de notre musique, de nos danses, et de tous les arts de nouvelle invention ; et elle trouve que les Français ont beaucoup d’esprit, quoiqu’ils n’aient pas de Cicéron.

J’ai écrit à M.  Fauche[5]. Voilà, monsieur, les seules choses dont je puisse vous rendre compte pour le présent.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Boursier[6].

  1. La troisième partie des Nouveaux Mélanges, dont il est parlé page 85.
  2. Ce qui forme aujourd’hui la première section de l’article Pierre le Grand et J.-J. Rousseau dans le Dictionnaire philosophique (voyez tome XX, page 218) faisait partie du troisième volume des Nouveaux Mélanges.
  3. Livre II, chapitre viii.
  4. Voyez tome XXV, page 451.
  5. Libraire du Neuchâtel, en Suisse, de la négligence duquel Voltaire se plaint encore dans ses lettres 6232 et 6246.
  6. C’était un des noms que prenait Voltaire, pour dérouter ses ennemis ; voyez une note sur la lettre 6031, tome XLIII, page 365. Boursier était un prêtre janséniste auquel il a donné un article dans son Siècle de Louis XIV ; voyez tome XIV, page 46.

    — Quant à M.  Boursier, prétendu citoyen de Genève et commerçant, demeurant dans les Rues-Basses, je le crois propre frère de M.  l’abbé Bazin, de M. Covelle, de Beaudinet, de M.  le proposant Théro, et d’une foule d’autres braves gens. Si vous savez bien votre catéchisme indien, vous devez dire au bout des doigts les quarante-huit métamorphoses de Visnou. Je crois que celles du patriarche sont plus nombreuses. (Note de Grimm.)