Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6835

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 207-208).
6835. — À MADAME LA MARQUISE DE FLORIAN.
Le 11 avril.

Famille aimable, je vous embrasse tous. J’aimerais mieux assurément être Picard que Suisse ; et, pour comble de désagrément, il faudra qu’au mois de mai je quitte la Suisse pour la Souabe[1]. Il est comique que le bien d’un Parisien soit en Souabe ; mais la chose est ainsi. La destinée est une drôle de chose. Je ne dois ni ne veux mourir avant d’avoir mis ordre à mes affaires.

La destinée des Scythes est à peu près comme la mienne : ce sont des orages suivis d’un beau jour. Ne regrettez point Paris quand vous serez à Hornoy, il n’y a plus à Paris que l’opéra-comique et le singe de Nicolet[2].

Je vois que les deux magistrats[3] resteront à Paris. Je prie le Grand Turc de me dire pourquoi le baron de Tott[4] est à Neuchâtel ; il me semble qu’il n’y a nul rapport entre Neuchâtel et Constantinople.

Quand M. d’Hornoy rencontrera par hasard mon boiteux de procureur, je le prie de vouloir bien l’engager à recommander au marquis de Lézeau de marcher droit.

Vous trouverez du blé en Picardie ; nous en manquons au pays de Gex : il faudra faire une transmigration à Babylone. On ne sait plus où se fourrer pour être bien. Je sais qu’il faut s’accommoder de tout ; mais cela n’est pas aussi aisé qu’on dirait bien.

Je finis, comme j’ai commencé, par vous embrasser du meilleur de mon cœur.

  1. Dans le Wurtemberg.
  2. Ce singe est le sujet d’une chanson de Boufflers ; voyez lettre 6795.
  3. Mignot et d’Hornoy, ses neveu et petit-neveu.
  4. À qui est adressée la lettre 6854.