Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7434

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 211-212).

génie que dans Cinna et dans les pièces de Racine, et je fais plus de cas d’Armide et du quatrième acte de Roland que de tous nos livres de prose.

Montesquieu, dans ses Lettres persanes, se tue à rabaisser les poètes. Il voulait renverser un trône où il sentait qu’il ne pouvait s’asseoir. Il insulte violemment, dans ses lettres, l’Académie, dans laquelle il sollicita depuis une place. Il est vrai qu’il avait quelquefois beaucoup d’imagination dans l’expression ; c’est, à mon sens, son principal mérite. Il est ridicule de faire le goguenard dans un livre de jurisprudence universelle. Je ne peux souffrir qu’on soit plaisant si hors de propos ; ensuite chacun a son avis : le mien est de vous aimer et de vous estimer toujours[1].

7434. — À M. L’ABBÉ BOUDOT.
À Ferney, par Genève, 28 décembre.

Je vous remercie, monsieur, des instructions que vous avez bien voulu me donner[2] ; si j’étais aussi savant que vous, M. le président Hénault serait bientôt vengé.

Heureusement l’ouvrage du marquis de B…[3] n’a point passé à Paris, il n’est connu que dans les provinces et dans les pays étrangers ; mais il ne fera jamais de tort à l’Abrègè chronologique, dont vous avez vérifié toutes les dates.

L’abbé de La Bletterie a beau vouloir jeter du ridicule sur cette exactitude si estimable[4], le ridicule est d’oser la mépriser ; mon devoir est de vous estimer ; c’est un devoir que je remplis dans toute son étendue.

J’ai l’honneur d’être avec bien de la reconnaissance, monsieur, votre très-humble, etc.

  1. Voyez la Correspondance de Grimm, etc., édition Tourn eux, tome VIII, page 267.
  2. Voyez lettre 7415.
  3. Bélestat ; voyez lettres 7358, 7359 et 7447.
  4. Voyez lettre 7430.