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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7782

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 558).
7782. — À M. HENNIN.
16 février.

Ne l’avais-je pas toujours bien dit, monsieur, que vous êtes le plus aimable homme du monde ? Je vois plus que jamais la bonté de votre cœur ; le mien vous remercie bien tendrement.

Il se peut très-bien faire qu’il y ait des lettres de mon ami Wagnière entre les mains des assassins[1]. Mais je ne crois pas qu’il y en ait de moi. Je me souviens très-bien que, lorsque vous arrivâtes dans le séjour de la discorde, et quelques mois après, les natifs s’adressèrent à moi, et que je les renvoyai à vous, comme de raison.

Lorsqu’on parla de bâtir Versoy, dix-huit natifs vinrent m’apporter leurs signatures, et s’engagèrent à y bâtir des maisons. J’envoyai leurs propositions à M. le duc de Choiseul, et je leur dis de s’adresser à vous uniquement.

Voilà la seule correspondance que j’ai eue avec eux.

Auzière, d’ailleurs, est un philosophe qui a une petite bibliothèque composée de livres suspects, hérétiques, sentant l’hérésie, remplis de propositions malsonnantes, et offensant les oreilles chastes. Il sera sans doute brûlé comme Servet avec ses livres.

Sérieusement je crains pour cet homme. Comme il est le premier qui ait voulu se retirer à Versoy, il mérite la protection de M. le duc de Choiseul. Je suis persuadé qu’il trouvera très-bon que vous le favorisiez autant qu’il pourra être en vous, sans vous compromettre.

J’ai vu Genève pendant quatre ou cinq ans une ville très-agréable. Les choses sont bien changées. Je ne crois pas que rien doive vous empêcher de causer avec Mme Denis, qui vous fait les plus tendres compliments.

En vous remerciant mille fois.

  1. Voltaire désigne ainsi les habitants de Genève, à cause des meurtres commis dans cette ville ; voyez lettres 7780, 7790, 7792.