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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7862

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 56).
7862. — À M. HENNIN.
24 avril.

Ce qui fait que je n’ai point répondu à mon très-aimable résident, c’est que j’étais mort. Nous avons tous été malades d’un catarrhe qui ne vaut rien du tout pour les gens de soixante-dix-sept ans et demi.

La prospérité du hameau de Ferney m’a ressuscité. J’ai actuellement une quarantaine d’ouvriers employés à enseigner à l’Europe quelle heure il est. Mais je suis bien indigné que M. le duc et Mme la duchesse de Choiseul n’aient point répondu à la lettre la plus importante et la plus ridicule que je pusse jamais leur écrire[1].

M. l’abbé Terray continue à faire des siennes ; il continue à me ruiner, il m’écrase sans en rien savoir. Il faut avouer qu’il me met en grande compagnie. Vous savez le conte de l’homme qui criait au voleur quand il passait ; cela est fort plaisant, mais cela ne rend l’argent à personne.

Si vous voulez que je vous dise des nouvelles, je n’en sais point d’autres, sinon que le roi de Prusse me mande qu’il protège vivement les jésuites auprès du pape, et qu’il compte sur la canonisation de saint Voltaire et de saint Frédéric. Il me place le premier comme le plus ancien, mais non comme le plus digne.

Pendant ce temps-là, Catherine suit toujours sa pointe, comme dit élégamment le Père Daniel ; mais elle n’a point l’ambition de sa canonisation, comme le roi de Prusse.

Mme Denis vous fait mille tendres compliments.

  1. La lettre 7851.