Cours d’agriculture (Rozier)/INSTRUMENS

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 681-691).


INSTRUMENS d’agriculture & du jardinage. (Voyez le mot Outils D’agriculture, &c.)

INSTRUMENS nécessaires au pansement des animaux. Médecine Vétérinaire. On a suffisamment fait sentir la nécessité du pansement de la main, dans l’article Gale ; de sorte que le cheval, le mulet, le jumart, l’âne, le bœuf, &c. ne jouiront d’une santé parfaite, qu’autant qu’on les pansera tous les jours. Les instrumens qui servent au pansement, sont l’étrille, l’époussette, la brosse, le bouchon, la brosse longue & l’éponge, le peigne, le cure-pieds & le couteau de chaleur.

Du choix des étrilles. Celles que nombre d’éperonniers françois appellent du nom d’étrilles à la lyonnoise, semblent à tous égards mériter la préférence. Nous en donnerons une exacte description après avoir détaillé les parties que l’on doit distinguer dans l’étrille en général, &, par comparaison à celle à laquelle je m’arrête, nous indiquerons les plus usitées entre celles qui sont connues.

Les parties de l’étrille sont le coffre & ses deux rebords, le manche, sa soie empâtée & sa virole, les rangs, leurs dents & leurs empattement, le couteau de chaleur, les deux marteaux, enfin, les rivets qui lient & unissent ces diverses pièces pour en composer un tout solide.

Le coffre n’est qu’une espèce de gouttière, résultante du relèvement à l’équerre des deux extrémités d’un plan quarré, ou quarré long. Dans l’étrille à la lyonnoise, il présente un quarré long de tôle médiocrement épaisse, dont la largeur est de six à sept pouces, & la longueur de huit ou dix. Cette longueur se trouve diminuée par deux ourlets plats que fait l’ouvrier, en repliant deux fois sur elles-mêmes les deux petites extrémités de ce quarré long ; & ces ourlets larges de deux lignes, & dont l’épaisseur doit se trouver sur le dos de l’étrille, & non en dedans, sont ce que l’on nomme les bords du coffre. À l’égard des deux extrémités de ce parallélogramme bien aplani, elles forment les deux côtés égaux & opposés de ce même coffre, lorsqu’elles ont été taillées en dents, & repliées à l’équerre sur le plan de l’étrille, & ces côtés doivent avoir dix ou douze lignes de hauteur égale dans toute leur longueur.

Le manche est de buis, d’un pouce six ou dix lignes de diamètre, & long d’environ quatre à cinq pouces. Il est tourné cylindriquement, & strié dans toute la circonférence, par de petites cannelures espacées très-près les unes des autres, pour en rendre la tenue dans la main plus ferme & plus aisée, & il est ravalé à l’extrémité par laquelle la soie doit y pénétrer de cinq ou six lignes de diamètre, à l’effet d’y recevoir une virole qui en a deux ou trois de largeur, & qui n’y est posée que pour le garantir contre l’effort de cette soie, qui tend toujours à le fendre. Il est de plus placé à angle droit sur le milieu d’une des grandes extrémités, dans un plan qui feroit avec le dos du coffre, un angle de vingt à vingt-cinq degrés ; il est fixé au moyen de la patte qui le termine en une soie assez longue pour l’enfiler dans le sens de la longueur, & être rivée au-delà. Cette patte forgée avec sa soie, selon l’angle ci-dessus, & arrêtée sur le dos du coffre par cinq rivets au moins, ne sert pas moins à le fortifier qu’à l’emmancher, aussi est-elle refendue sur plat en deux lames d’égale largeur, c’est-à-dire, de cinq ou six lignes chacune qui s’étendent en demi S avec symétrie, l’une à droite, l’autre à gauche. Leur réunion d’où naît la soie, & qui doit recevoir le principal rivet, doit être longue & forte, & leur épaisseur, suffisante à deux tiers de ligne partout ailleurs, doit augmenter insensiblement en approchant du manche & se trouver de trois lignes de longueur au-moins sur quatre de largeur à la naissance de la soie qui peut être beaucoup plus mince, mais dont il est important de river exactement l’extrémité.

Les deux parois verticales du coffre & quatre lames de fer, également espacées & posées de champ sur son fond parallèlement aux deux parois, composent ce que nous avons nommé les rangs. Trois de ces lames sont, ainsi que celles qui font partie du coffre, dentées supérieurement, & ajustées de manière que toutes leurs dents toucheroient en même-temps par leurs pointes au point sur lequel on reposeroit l’étrille. Celle qui ne l’est point & qui constitue le troisième rang, à compter dès le manche, est proprement ce que nous disons être le couteau de chaleur ; son tranchant bien dressé ne doit pas atteindre au plan sur lequel sont les dents, mais il faut qu’il en approche également ; & conséquemment un intervalle égal à leur profondeur d’une ligne du plus ou moins, suffit à cet effet. Chacun de ces rangs est fixé par deux rivets qui traversent le coffre, & deux empattemens qui ont été tirés de leurs angles inférieurs par le secours de la forge. Ces empattement sont ronds, ils ont six à sept lignes de diamètre, & nous les comptons dans la longueur des lames, qui de l’un à l’autre bout est la même que celle du coffre. Il est bon d’observer que ces quatre lames ainsi appliquées, doivent être forgées de façon que quand leurs empattemens sont bien assis, il y ait un espace d’environ deux lignes entre leur bord inférieur & le fond du coffre, pour laisser un libre passage à la crasse & à la poussière que le palefrenier tire du poil du cheval ou du bœuf, &c. dont il cherche à dégager & à nettoyer son étrille, en frappant sur le pavé, ou contre quelqu’autre corps dur.

C’est pour garantir ses rebords & ses carènes des impressions de ces coups, que l’on place à ses deux petits côtés, entre les deux rangs les plus distans du manche, un morceau de fer tiré sur quarré, de quatre ou cinq lignes, long de trois ou quatre pouces, refendu selon sa longueur jusqu’à cinq lignes près d’une de ses extrémités, en deux lames d’une égale épaisseur, & assez séparée pour recevoir & pour admettre celle du coffre à son rebord. Ces morceaux de fer forment les marteaux ; la lame supérieure en est coupée & raccourcie pour qu’elle ne recouvre que ce même rebord, l’autre est couchée entre les deux rangs & fermement unie au coffre par deux ou trois rivets. Les angles de ces marteaux sont abattus & arrondis comme toutes les carènes de l’instrument sans exception, afin de parer à tout ce qui pourroit blesser l’animal en l’étrillant. Par cette même raison, les dents qui représentent le sommet d’un triangle isocèle assez alongé, ne sont pas assez aiguës jusqu’au point de piquer ; nulle d’entr’elles ne s’élève au-dessus des autres. Leur longueur doit être proportionnée à la sensibilité de l’animal auquel l’étrille est destinée ; elles doivent, en passant au travers du poil, atteindre la peau, mais non la déchirer. La lime à tiers-point dont on se sert pour les former, doit aussi être tenue par l’ouvrier très-couchée sur le plat des lames, afin que leurs côtés & leur fond, dans l’intervalle qui les sépare, présentent un tranchant tel que celui du couteau de chaleur, c’est-à-dire, un tranchant fin & droit, sans être affilé ou en état de couper, & elles seront espacées de pointe à pointe d’une ligne tout au plus.

Toute paille, barbe, fausse ou mauvaise rivure, faux-joint ou dent fendue, capable d’accrocher les crins ou le poil du cheval ou du mulet, sont des défectuosités nuisibles & qui tendent à donner atteinte au plus bel ornement de ces animaux.

Entre les espèces d’étrilles les plus usitées, il en est dans lesquelles on compte sept rangs, le couteau de chaleur en coupant le milieu. Les rebords en sont les ronds, le dos du coffre voûté, & les rangs élevés sur leurs empattement, jusqu’à laisser six ou sept lignes d’espace entr’eux & le fond du coffre. Leurs marteaux n’ont pas deux lignes de grosseur & de saillie, ils sont placés entre le deuxième & le troisième rang, la patte du manche est enfin refendue en trois lames dont les deux latérales ne peuvent être considérées que comme une sorte d’enjolivement.

Il est évident, 1°. que le septième rang n’est bon qu’à augmenter inutilement le poids & le volume de cet instrument ; 2°. l’espace entre le fond & les rangs est non-seulement excessif, puisque, quand il seroit d’une seule ligne, cette ligne suffiroit pour empêcher l’adhésion de la crasse & pour en faciliter l’expulsion, mais il est encore réellement préjudiciable, parce que les rangs peuvent être d’autant plus facilement couchés & détruits, que les tiges de leurs empattement sont plus longues ; 3°. les marteaux étant aussi minces & aussi courts, ne méritent pas ce nom ; 4°. situés entre le second & le troisième rang, ils ne sauroient, par leur position & par leur saillie, garantir les rebords & les carnes ; 5°. ces rebords n’ont nul avantage sur les rebords plats & n’exigent que plus de temps de la part de l’ouvrier ; enfin, la patte ne contribuant pas à fortifier le coffre, ne remplit qu’une partie de sa destination.

Nous trouvons dans les étrilles qui sont du plus fréquent usage à Paris, une grande partie de ces défauts. Il semble que les ouvriers qui construisent cet instrument, soit-disant anglois, & par cela seul sans doute préféré, s’attachent uniquement à mettre à profit des lames de fer très-minces dont ils ne peuvent tirer des empattement à peu près solides, qu’aux dépens des parties dentées. Ces lames ou ces parties n’occupent qu’environ la moitié de la longueur du coffre ; les empattemens qui les attachent par les deux bouts ayant de chaque côté un quart de cette longueur totale : ainsi, au moyen de la brièveté des rangs, le palefrenier n’embrasse à la fois qu’une très-petite partie de la surface des poils, & il se voit obligé de multiplier les allées & les venues, la longueur des rangs tirés du coffre même, ne suffisant pas pour détacher la crasse qu’il s’agit d’enlever. Il n’est ici qu’un marteau tiré du rang du milieu, c’est-à-dire, du couteau de chaleur, & par conséquent très-mal situé ; il est tellement affamé, qu’à peine peut-il résister à quelques coups ; d’ailleurs la construction totale est d’autant plus mauvaise qu’elle ne présente qu’aspérités & fausses rivures. Quant au manche, il seroit à souhaiter qu’il fût adapté aux étrilles à la lyonnoise, la forme en est également ronde, mais au lieu de simples stries dans son milieu, il est renflé dans le lieu que le creux de la main saisit, & terminé par un bout fort élargi qui remplissant l’espace qui est entre le pouce & l’index de la main qui en est armée comme elle doit l’être, empêche que l’étrille ne glisse, & demande à cette main moins d’effort pour la tenir. Du reste nous désirerions encore que ce même manche fût relevé jusqu’au point d’éviter le frottement des doigts du palefrenier dans l’action d’étriller l’animal.

Il est encore d’autres étrilles dans lesquelles les rangs sont seulement dentés jusqu’à la moitié de leur longueur, tandis que dans l’autre moitié ils représentent un couteau de chaleur opposé dans chaque rang, & répondant à la moitié dentée de l’autre. Communément l’ouvrier forme les rangs droits sur leurs bords supérieurs & inférieurs ; ces rangs formés droits, il en taille en dents la moitié, mais soit par ignorance, soit par paresse ou par intérêt, il s’épargne le temps & la peine de ravaler le tranchant, & dès lors l’appui du couteau sur le poil s’oppose à ce que les dents parviennent à la peau. Je conviens qu’un ouvrier plus intelligent, ou de meilleure foi peut, en ravalant les tranchans, obvier à cette défectuosité. Cette pratique néanmoins ne m’offre aucune raison de préférence sur la méthode que je conseille ; car elle sera toujours plus compliquée, & d’ailleurs l’expérience démontre qu’un couteau de chaleur coupant toute la longueur de l’étrille, n’est pas moins efficace que les six moitiés qui entrent dans cette dernière construction.

Au surplus & à l’égard des ouvriers qui blanchissent à la lime le dos du coffre, nous dirons que ce soin est assez déplacé relativement à un semblable instrument, & nous ajouterons encore qu’il peut apporter un obstacle à sa durée, l’impression de la forge dont ils dépouillent le fer en le limant, étant un vernis utile qui l’auroit long-temps défendu des atteintes de la rouille.

Quant au pansement de la main, la première attention du palefrenier, du muletier, &c. en se levant, ou en entrant le matin dans l’écurie, doit être d’attacher à un des fuseaux du râtelier une des doubles longes du licol. C’est ce que plusieurs d’entr’eux ne pratiquent jamais, aussi trouve-t-on très-souvent leurs chevaux, leurs mulets, couchés, étendus sur le pavé & mangeant leur litière ; à l’égard des animaux malades, cette précaution seroit déplacée. Ils doivent ensuite faire net, ou nettoyer les auges avec un bouchon de paille, & distribuer l’avoine ou le son, selon qu’il est ordonné. Quand on n’auroit rien à présenter aux animaux, on ne fera pas moins net devant eux. L’odeur que contracte l’auge par le séjour des alimens en partie mâchés, & laissés par les animaux, étant capable de les jeter dans le dégoût ; aussi cette action doit-elle être répétée plusieurs fois dans le jour.

Aussitôt après que ces animaux ont mangé ce qu’on leur a donné, on remue la litière avec une fourche de bois & non de fer ; il seroit très prudent-d’interdire aux palefreniers & aux muletiers celle-ci ; quand elle se trouve sous leurs mains, ils s’en servent préférablement à la première, aux risques de blesser très-dangereusement les animaux. Ils relèveront proprement la litière sous l’auge, observant de séparer & de mettre à l’écart la partie de cette même litière qui se trouve pourrie ou gâtée par la fiente & par l’urine ; après quoi, ils nettoyeront à fond avec le balai de bouleau, la place des animaux.

Quoiqu’on relève rarement la litière aux animaux malades, il est bon d’en ôter ce qui est corrompu & mouillé & de balayer en dessous, sauf à faire une litière en partie fraîche, & le tout pour rendre toujours plus saine la place qu’ils occupent.

Avant de procéder au pansement, il faut mettre le cheval ou le mulet au filet, ou ce qui vaut mieux encore, au mastigadour, que l’on garnit de temps en temps d’un nouet d’assa fœtida. Cette espèce de masticatoire ou d’apophlegmatisant prévient toute inappétence, il réveille la sensation de la faim, & procure souvent une utile révulsion.

Lorsqu’on peut faire sortir l’animal de sa place & le fixer en arrière, en attachant les longes du filet ou du mastigadour aux piliers qui la limitent, on ne doit pas chercher à s’en dispenser ; en pansant des animaux à leur place, la poussière de l’un vole sur l’autre.

Si la saison & le temps sont beaux, on les conduit hors de l’écurie, ou on les attache par ces mêmes longes à des anneaux de fer scellés dans le mur pour cet usage.

De la manière de se servir de l’étrille, & de l’effet que cet instrument produit. 1°. Le palefrenier ou le muletier, armé de l’étrille qu’il tient dans sa main droite, de manière que son petit doigt est tourné du côté du corps ou du coffre de cet instrument, & que son pouce se trouve étendu sur l’extrémité du manche & près de la rivure de la soie dont ce manche est enfilé, saisit la queue du cheval ou du mulet avec la main gauche. Il passe l’étrille sur le milieu & sur le côté de la croupe, à rebrousse-poils, en allant & revenant pendant un certain espace de temps avec vitesse & avec légèreté sur toutes les parties de ce même côté qu’il parcourt d’abord ainsi en remontant jusqu’à l’oreille.

On doit ménager toutes celles qui sont douées d’une trop grande sensibilité, ainsi que celles qui sont occupées par les racines des crins. On ne porte par conséquent jamais l’étrille ni sur le tronçon de la queue, ni sur les parties tranchantes de l’encolure, ni sur l’épine, ni sur le fourreau ; on la passe plus légèrement sur les jambes qu’ailleurs. Du reste, il importe que le palefrenier ou le muletier, dans cette action, meuve son bras avec aisance, le déploie & embrasse à chaque coup une certaine étendue du corps.

2°. L’effet de cet instrument étant de détacher la crasse résultante de l’évaporation dont nous avons parlé dans l’article Gale, plusieurs coups donnés suffisent pour en enlever une certaine quantité plus ou moins considérable. C’est aussi pour dégager les rangs ou le fond du coffre de l’étrille de celles dont on les voit chargés, que le palefrenier ou le muletier doit frapper de l’un des marteaux de son instrument de temps en temps sur le pavé, contre le mur, ou contre les piliers ; il doit même souffler fortement entre les rangs, pour les nettoyer plus exactement.

Le cheval ou le mulet suffisamment étrillé sur le côté droit, on procédera au pansement de la partie gauche. Il s’agit alors de changer l’étrille de main & de se saisir de la queue avec la droite ; d’où l’on doit conclure qu’un bon palefrenier & un bon muletier doit-être ambidextre, c’est-à-dire, qu’il doit avoir une même & une égale liberté dans les deux bras. Il pratiquera sur cette face du corps de l’animal, ce qu’il a pratiqué sur l’autre.

De l’époussette. À l’étrille succède l’époussette : on appelle de ce nom une certaine étendue de serge ou de gros drap destiné à enlever les corpuscules que le premier instrument peut avoir élevés & laissés à la superficie des poils. On tient cette étoffe par un des bouts ou des coins ; on en frappe légèrement tout le corps de l’animal ; on s’en sert aussi pour frotter & nettoyer la tête, les oreilles dedans & dehors, l’auge, l’intervalle qui sépare les avant-bras, celui qui sépare les cuisses, & toutes les parties enfin sur lesquelles l’étrille n’a pas dû être passée.

De la brosse. Après avoir épousseté l’animal, on prendra la brosse ronde ; on la chaussera dans sa main droite, en glissant une portion de cette même main entre la partie supérieure de cet instrument & le cuir qui y est cloué en forme d’anse, tandis que l’on tiendra l’étrille de la main gauche.

On brossera d’abord avec soin la tête en tout sens, en observant de ne pas offenser les yeux ; & après avoir rejeté en arrière la têtière du mastigadour ou du filet, on brossera tout de suite tout le côté droit du corps, en passant à poil & à contre-poil & ne laissant aucune de ses parties, que ce même poil ne soit uni & couché ainsi qu’il doit l’être.

Il faut brosser le plus près qu’il est possible de la racine des crins & frotter la brosse sur les dents des rangs de l’étrille, à chaque coup qu’on donne, le tout pour la nettoyer & pour en charger ce dernier instrument ; mais on doit avoir attention alors de se retourner pour ne pas renvoyer sur l’animal la crasse ou la poussière qu’on a ôtée.

Celle qui s’attache à l’étrille, s’enlève, ainsi que je l’ai dit, au moyen du souffle & des coups plus ou moins répétés de l’un de les marteaux contre un corps dur quelconque.

Toutes les parties du corps soigneusement brossées, ainsi que les membres, soit du côté droit, soit du côté gauche, soit sur les faces antérieures, postérieures & latérales, & la brosse ne se chargeant plus de poussière ou de crasse, on passera & repassera sur tout le corps, sur les jambes, dans toutes les articulations entre les ars, &c. un bouchon de paille ou de foin légèrement humecté, à l’effet d’unir exactement le poil. L’époussette légèrement mouillée serviroit encore à cet usage ; une époussette de crin qu’on laveroit après s’en être servi & qu’on laisseroit sécher, nettoieroit encore plus parfaitement.

Il s’agit ensuite de laver les jambes : on met à côté de soi & à sa portée, un seau plein d’eau dans cette intention, & l’on se munit de la brosse longue & de l’éponge. S’il est question des jambes de devant, on appuie successivement l’éponge mouillée à diverses reprises contre les différentes faces du genou. L’eau qui sort de cette éponge imbue & pressée, coule le long des parties inférieures de la jambe, alors on frotte vivement le long de cette même jambe, avec la brosse longue, en remontant & en descendant, jusqu’à ce que l’eau paroisse claire ; on lave ainsi le canon, le tendon, le boulet, le paturon, le fanon. À l’égard de l’articulation du paturon, il est essentiel, sur-tout dans sa partie postérieure, & à l’endroit où tombe le fanon, de la tenir extrêmement nette ; la crasse y séjourne plus facilement qu’ailleurs ; & c’est à l’obstruction des pores & à l’interception de la transpiration occasionnée par cette crasse, que l’on doit le plus souvent attribuer les maladies cutanées qui s’y manifestent.

Les jambes de derrière doivent être lavées de même en appuyant & en pressant l’éponge contre le jarret ; cette méthode est préférable à celle de laver les jambes avec l’éponge seule, & l’on conçoit que la brosse longue doit nettoyer bien plus exactement.

Il faut encore peigner & laver les crins : on jette l’eau qui étoit dans le seau, on le rince & on y en remet de la nouvelle ; après quoi on nettoye, avec l’éponge mouillée & que l’on a eu grand soin de bien laver, les yeux, les joues & une portion du chanfrein. On prend de l’eau avec cette même éponge, on mouille fortement le toupet & sur le champ on le peigne avec un peigne de corne, & non de bois, ceux-ci étant plus sujets à se casser & à se scier, & par conséquent à arracher les crins qui entrent & qui s’arrêtent dans les fentes ou dans les joints des cassures.

Le toupet étant peigné, on doit passer à la crinière : on l’éponge d’abord à fond dans toute son étendue & dès la racine. On reprend de l’eau, & à mesure qu’on mouille de nouveau les crins d’une main, en commençant depuis la nuque, on les démêle & on les peigne de l’autre, en descendant auprès du garrot ; on les renverse ensuite, c’est à-dire, que ces mêmes crins sont jetés du côté opposé à celui sur lequel ils tombent ordinairement ; on les humecte encore dès leur origine, en passant l’éponge sur la partie supérieure de l’encolure & dans toute la longueur ; on frotte avec force, & tandis qu’une main est occupée à les mouiller, l’autre est employée à peigner dans le sens où ils ont été jetés ; on les met ensuite dans le sens où ils doivent être, on les peigne & on les éponge de la même façon.

Ceux de la queue n’exigent pas moins de soins. Lorsqu’elle est sale on prend un seau par l’anse, on l’élève de manière à y faire baigner tous les crins ; on les frotte & on les froisse entre les deux mains, depuis le bas jusqu’en haut, jusqu’à ce qu’on en ait enlevé toute la saleté. On les prend ensuite en une seule & même poignée à un demi-pied près de leur extrémité ; on les peigne & on les démêle toujours en remontant insensiblement jusqu’au tronçon.

L’huile d’olive est excellente pour aider à les débrouiller, le savon pour les décrasser. Selon le besoin, l’on enduira ses mains de l’une ou de l’autre de ces matières, & on frottera la queue aussitôt après, ainsi qu’on l’a fait quand elle a été baignée dans le seau. Il faut encore mouiller l’éponge, en exprimer l’eau sur le tronçon en peignant & en descendant jusqu’en bas, sans oublier que chaque coup de peigne doit être précédé de l’action d’éponger.

Le pansement sera terminé en lavant les fesses & le fondement, & en étuvant les testicules & le fourreau ; cette dernière précaution est d’une importance extrême. Pour laver le fourreau, on trempe l’éponge dans l’eau, on la presse fortement, & on l’insinue, autant qu’il est possible, dans cette partie garnie pour l’ordinaire d’une humeur sébacée, très-fétide, aussi épaisse & presqu’aussi noire que du cambouis, & qui souvent est en si grande quantité, que l’animal ne peut tirer le membre pour uriner.

Enfin, on passera exactement l’époussette sur toutes les parties mouillées, & on la coulera sur tous les crins de l’encolure & de la queue, à l’effet de les sécher autant qu’il sera possible. En hiver on doit moins mouiller qu’en été ; mais il est important de faire attention à ce que des palefreniers ou des cochers paresseux ne mouillent tous le corps des chevaux ; ou des muletiers, ne mouillent tous le corps des mulets, au lieu de les panser avec l’étrille, ce qui n’arrive que trop fréquemment, & ce qui réduisant toute la crasse en une espèce de croûte adhérente au tégument, obstrue totalement les pores & suspend ou intercepte toute transpiration cutanée.

L’animal doit être ainsi conduit à sa place : on ôte le filet ou le mastigadour, auquel on substitue le licol qui doit être à double sous-gorge, le cheval est enclin à se détricoter, & dans le cas où ce licol n’obvieroit point à cet inconvénient, on ajouteroit deux longes très-déliées qu’on attacheroit d’une part à la partie supérieure des montans de ce même licol, & qui de l’autre passeroit dans le sur-faix destiné à maintenir les couvertures.

Les meilleures & les plus convenables sont celles de toile ; elles s’étendent sur le corps & l’encolure de l’animal, au moyen d’une crinière qu’on y adapte. Les couvertures de laine hérissent & mangent le poil, & les demi-couvertures n’entretiennent pas comme les autres, une transpiration égale dans toute la superficie.

L’animal étant couvert, on en curera les pieds & on les dégagera de tous corps qui se seroient introduits entre l’ongle & le fer, ainsi que des ordures dont la cavité du pied pourroit être remplie. On mettra dans cette cavité une suffisante quantité de terre glaise, à l’effet de tenir l’ongle humide, & on graissera le sabot autour de la couronne avec l’onguent de pied. On le compose avec l’huile d’olive, la cire jaune, le sain-doux, la térébenthine & le miel commun ; on fait fondre à un feu doux la cire & le sain-doux dans l’huile ; on ajoute, en retirant du feu, la térébenthine & le miel commun ; on en met jusqu’à entière consistance d’onguent. À l’égard des pieds de derrière, l’aridité n’est pas aussi à craindre, attendu l’urine & la fiente dans lesquels ils séjournent.

On peut encore brûler quelques brins de paille, & jeter la cendre dans l’huile, & en oindre l’extérieur de l’ongle, ce qui lui donne un luisant, un éclat & une couleur satisfaisante.

Le palefrenier ou le muletier doivent toujours être munis de ces cures-pieds anglois, qu’on porte facilement avec soi, & qui consistent dans un crochet très-recourbé, emmanché par une charnière à un anneau de fer, la charnière ayant sur le derrière un terme qui limite l’ouverture du crochet, jusqu’à ce que les deux parties les plus voisines de cette même charnière, s’aboutissent en ligne droite ; son nœud étant, pour cet effet, rejeté totalement en dedans, & le crochet, lorsqu’il est fermé, embrassant avec justesse une portion de l’anneau, muni d’un bouton creusé pour recevoir la pointe de ce même crochet.

Lorsqu’un cheval ou un mulet est en sueur, on lui abat l’eau avec le couteau de chaleur. On tient ce couteau avec les deux mains & de façon qu’on en appuie le tranchant sur les parties du corps de l’animal qu’on doit racler avec force. On commence par l’encolure, & on ramène toujours l’eau du côte du garot ; de-là on suit les épaules, les bras, les avant-bras, les jambes & l’entre-deux de ces parties. On ne tient son instrument d’une main seule, que lorsqu’il ne seroit pas libre de l’employer autrement. On le passe ensuite depuis le dos & les reins, jusque sous le ventre où l’eau se rassemble, & le long du ventre & de la poitrine, depuis le fourreau jusqu’au poitrail, pour l’abattre entièrement.

On en use de même relativement à la partie supérieure de la croupe, à ses parties latérales, aux hanches, aux fesses, aux cuisses, extérieurement & intérieurement, aux jambes, &c., après quoi on bouchonne fortement le cheval. On le couvre avec soin ; on le met au mastigadour, & on l’attache de manière qu’il demeure la croupe tournée à la mangeoire, jusqu’à ce qu’après un certain espace de temps on entreprenne de le panser.

Pour faire la queue, on l’empoigne dès le tronçon, & on coule, en l’enjoignant toujours, la main jusqu’en bas, & jusqu’à l’endroit où l’on se propose de couper les crins. Cette même main doit descendre en suivant une ligne à plomb, & sans se porter ni à droite ni à gauche. Lorsqu’elle est parvenue au lieu convenable, on la serre exactement & on la retourne, de sorte que l’extrémité des crins se présente au palefrenier qui coupe toute cette même extrémité excédente. La hauteur de la queue est ordinairement fixée à la hauteur du fanon.

À l’égard de la crinière, on ne la coupe aux chevaux qui ont tous leurs crins, que de la largeur d’un doigt, précisément à l’endroit où repose le dessus de la têtière du licol.

Les chevaux dans lesquels cette partie est trop chargée, demandent qu’on leur en arrache des crins, ce qui se fait en tortillant autour du doigt ou d’un morceau de bois, l’extrémité de ceux qu’on se propose d’arracher.

Les grands poils des lèvres doivent être coupés ; & il en est de même de ceux qui croissent au menton, à la barbe, & qui sont parsemés aux environs des naseaux. On arrache ceux qui se montrent au dessous de la paupière inférieure.

Pour faire les oreilles, on met l’animal dans une position dans laquelle la tête est à portée de la main, & l’on coupe, à petits coups de ciseaux, le plus près qu’on peut, le poil qui borde ces parties, tant en dehors qu’en dedans ; on tiendra parfaitement égale la bordure que l’on trace, & la largeur de cette bordure doit être de toutes parts d’environ trois lignes. Quelques personnes se servent d’un rasoir au lieu de ciseaux, après avoir savonné l’oreille.

On fait le poil aux jambes trop garnies de poils, avec des cisailles ou pinces à poil. On l’arrache en l’étageant de manière qu’il ne paroisse pas qu’on en ait ôté.

Toutes les fois que les animaux viennent de l’eau, on doit la leur avaler des quatre jambes avec les deux mains ; toutes les fois qu’ils rentrent, on doit les nettoyer de la boue dont elles sont chargées, avec l’éponge & la brosse longue, ou le balai ; les maîtres ne sauroient trop recommander cette pratique à leurs cochers, sur-tout dans les grandes villes, dont la boue est toujours épaisse, noire & très-caustique. On doit y faire aussi usage des bains de rivière, qui sont très-capables de fortifier les membres. Quant à l’habitude où l’on est de faire passer les chevaux à l’eau après les avoir courus & mis en nage, elle seroit certainement très-préjudiciable si on les y tenoit long-temps, & si on n’en prévenoit les suites funestes, d’une part, eu exigeant d’eux une allure très-prompte & très-pressée dans leur retour à l’écurie ; & de l’autre, en leur abattant l’eau avec le couteau de chaleur, & en les bouchonnant fortement ensuite, toute action précipitée hâtant le mouvement du sang, & l’espèce de friction qui résulte du bouchonnement, ne pouvant qu’ouvrir les pores resserrés par l’astriction de l’eau, augmenter la chaleur de la peau, & y rétablir l’évaporation nécessaire.

Enfin, tous les soirs on repassera dans l’anneau de la mangeoire la longe du licol qu’on a attaché le matin aux fuseaux du râtelier, afin que les chevaux puissent se coucher. On mettra une couche de paille fraîche sur l’ancienne lisière, & on ne fera jamais cette lisière trop en arrière ; elle n’y est que trop rejetée par le cheval ainsi que par le mulet, &c. ; il ne faut pas qu’elle outre-passe la pince des pieds de derrière. M. BR.