Cours d’agriculture (Rozier)/OIGNON

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 179-189).


OIGNON, mot générique qui désigne la manière d’être des racines de plusieurs plantes, par exemple, des lys, des jacinthes, des tulipes, des différentes espèces d’ails, des poireaux ; &c. ; ces racines formées par des tuniques, placées les unes sur les autres, sont écrites au mot bulbe, & représentées dans la gravure XX du tome second, Fig. 37, 38 & 39, page 501 ; d’autres détails seroient ici superflus.

Oignon, plante potagère. Tournefort & von-Linné le placent dans les mêmes sections & classes que l’ail (voyez ce mot) & von-Linné sous le mot générique d’allium, y réunit les espèces d’oignons. Tournefort appelle celui des jardins cepa vulgaris, & von-Linné le nomme allium cepa. La description de la fleur de l’ail convient à celle de l’oignon rouge ou blanc, cependant l’oignon a les semences anguleuses, & celles de l’ail sont presque rondes. Le caractère qui sépare ces deux espèces, est pris dans les feuilles, celles de l’oignon sont cylindriques & creuses en dedans. Sa racine est une bulbe arrondie plus ou moins, plus ou moins aplatie, suivant les variétés, composée de tuniques charnues, solides, rougeâtres ou blanches ; ce qui constitue deux variétés, sous le nom d’oignon rouge & d’oignon blanc… Du milieu des feuilles & de la bulbe, la tige s’élance à la hauteur de deux à trois pieds, cylindrique, nue, renflée dans le milieu, creuse intérieurement. Après la maturité des graines, il reste à peine des vestiges de cette bulbe.

Les fleurs naissent au sommet, ramassées en tête arrondie.

I. Des Espèces Jardinières.

Des oignons de forme ronde & aplatie : l’oignon rouge. Cepa vulgaris floribus & tunicis purpurascentibus, Tourn. Je le regarde comme le même, que l’on nomme dans les provinces méridionales du royaume, oignon d’Espagne : il en diffère seulement pour la grosseur ; celui-ci a jusqu’à six pouces de diamètre, est doux & nullement âcre comme le premier : son caractère est d’être arrondi, coloré en rouge à l’extérieur, aplati par ses deux extrémités, d’avoir les membranes de ses tuniques, rouges ; quelquefois même la pulpe de la tunique participe de cette couleur, & si on coupe la bulbe horizontalement, on la voit traversée par un grand nombre de cercles concentriques. Il y a plusieurs sous-variétés à bulbes plus ou moins pointues ; elles ne sont pas assez caractérisées pour qu’on s’y arrête. L’œil bien exercé à les examiner, peut seul les différencier, & on n’est pas plus avancé pour cela. La couleur offre encore deux sous-variétés, l’oignon pâle commun. Cepa vulgaris tunicis pallidè purpurascentibus, & le jaune clair, tunicis flavescentibus. Ils sont un peu plus doux que les premiers, sur-tout dans les provinces du midi.

Oignons blancs. Leur forme arrondie, aplatie par les deux extrémités, & leur couleur constituent leurs caractères. Cepa floribus & tunicis candidis. On les appelle, je ne fais pourquoi, oignons d’Égypte : sans doute, parce que plus doux, moins âcres que les rouges, on s’est imaginé que cette espèce d’oignon causoit les regrets des Égyptiens ; mais le père d’Ardène a fait venir d’Égypte, des oignons & leurs graines ; il a cultivé les uns & semé les autres dans la province du royaume qui approche le plus du climat Égyptien ; & l’expérience lui a prouvé qu’ils étoient plus âcres & plus piquans, mais aussi gros que ceux que l’on cultive en Provence. Il en a eu de blancs & de rouges qui se sont conservés plus long-temps que les autres. Le goût fort & âcre tient au climat, au sol & à la culture, ainsi qu’il sera prouvé ci-après.

Oignons à forme alongée.

On en compte deux variétés par rapport à la couleur, l’une rouge & l’autre blanche. Leur forme ressemble, pour ainsi dire, à celle d’un battant de cloche. Leur bulbe s’alonge depuis six jusqu’à dix pouces. De toutes les espèces d’oignons connues, la blanche est la plus douce ; leur grosseur, dans le plus fort diamètre, est de trois pouces ou un peu plus, & d’un pouce à chaque extrémité.

Des petits oignons.

La ciboule ; on en a déjà parlé, (voyez ce mot) ainsi que de la ciboulette, allium schœnoprasum, Lin. Les échalottes… allium ascalonicum, Lincepa ascalonica, Tourn. Elles sont originaires de Palestine, & cultivées dans les jardins. La tige ou hampe est nue, cilyndrique, les feuilles faites en forme d’alêne ; les étamines des fleurs sont à trois côtés ; la bulbe est très-petite, environnée de beaucoup de petites bulbes ovales & aiguës.

On ne parle pas ici de la rocambole, quoique von-Linné la confonde avec les oignons. Il en sera traité sous son nom.

II. Du Sol propre aux oignons.

On dit communément que l’oignon vient par-tout : cela est vrai en général, mais de la qualité de la terre dépend le plus ou le moins d’acrimonie de la plante. L’expérience prouve encore qu’ils sont plus doux, lorsque l’été est pluvieux, mais qu’ils se conservent moins. Quoique l’on ne connoisse point le vrai pays natal des oignons, je les crois originaires des pays chauds, parce qu’ils y sont plus volumineux, & moins âcres que dans les pays du nord. Ils n’y dégénèrent point, & leurs espèces jardinières, (voyez ce mot) s’y soutiennent & s’y perpétuent.

Les sols où l’argile domine, les gros fonds, les terrains naturellement froids, parce qu’ils sont humides, conviennent peu aux oignons, & augmentent leur acrimonie. Elle diminue beaucoup dans les sols légers & substantiels, & les oignons s’y plaisent. Il en est ainsi de toutes les plantes à racines bulbeuses.

III. De leur culture.

Plusieurs auteurs avancent qu’il est inutile de défoncer profondément le sol où l’on doit planter des oignons, puisque la bulbe s’établit & se forme presque toujours au-dessus, ou au moins à fleur de terre. Si la bulbe suffisoit pour la nourriture de la plante, ce concert seroit avantageux ; mais l’oignon, avant de travailler pour sa bulbe, a dû commencer à travailler pour ses feuilles ; & à cet effet, il a poussé de longues racines blanches & tendres. Les feuilles viennent ensuite au secours des racines, lors de la formation de la bulbe ; & cette bulbe est toujours proportionnée au nombre & au volume des feuilles : c’est un fait dont j’ai souvent répété l’examen. D’ailleurs, après la récolte des oignons, le sol doit être occupé par d’autres plantes, & il faudra moins de peine que s’il n’avoit pas été profondément défoncé avant la plantation des oignons. Je sais qu’on prépare des champs entiers par un ou deux simples coups de charrue, que l’on y récolte ensuite beaucoup d’oignons : mais si le champ avoit été mieux cultivé, les plantes n’auroient-elles pas été plus fortes, les bulbes plus grosses, mieux nourries & moins âcres ?

L’expérience démontre encore que les fumiers que l’on tire des voiries, que les boues des rues des grandes villes, que les fumiers de basse-cour, de chevaux ; en un mot, tous les fumiers chauds augmentent l’acrimonie des oignons, à moins qu’ils ne soient prodigieusement consumés. Dans ce cas, employés modérément, ils sont plus utiles qu’ils n’étoient nuisibles auparavant.

La culture des oignons varie beaucoup selon les différens climats du royaume. Suivant notre coutume, prenons les deux extrêmes pour point de comparaison.

De leur culture dans les provinces du midi.

L’oignon est une récolte considérable pour ces pays, la consommation en est prodigieuse. Deux gros oignons servent au déjeûner du grand matin, autant à celui de huit à neuf heures : ils servent encore souvent de pitance unique pour le dîner. Le seul journalier aisé mange de la viande à midi, & il est rare que l’oignon ou l’ail ne soit pas encore de la partie : aussi la culture de ce légume est suivie avec soin. Outre la consommation intérieure, il en faut encore de grands amas pour l’exportation, ou pour la provision des navires de tous les pays. Cet objet mérite donc que j’en parle avec une certaine étendue.

Semis. Si on désire diminuer l’acrimonie des oignons, il convient de les semer dans du sable enrichi par de vieux terreau. Les sables des dunes voisines du village de la Tranche dont il a été question au mot ail, prouvent que les semis & les plantes même y réussissent très-bien, & j’ajoute qu’elles ont moins d’âcreté & moins d’odeur.

Après avoir préparé le sol d’une table, on hasarde de semer en janvier : comme les gelées sont peu fortes dans ces provinces, & que leur durée est peu considérable, on jette de la paille longue lorsque le semis est enterré. Dans le cas qu’on craigne le froid, il faut choisir de bons abris, ou doubler l’épaisseur de la paille. Je préfère les semis faits à la fin d’octobre, en novembre, & même au commencement de décembre, parce que la graine est germée & levée avant les froids. Le semis passe très-bien l’hiver en pleine terre, pour peu qu’on ait soin de le garantir de la neige & des gelées, avec le secours de la paille, ou avec des paillassons soutenus en l’air avec des piquets, afin qu’ils ne touchent point les plantes.

La graine est répandue le plus uniformément qu’on le peut, & recouverte de terre fine sur une épaisseur de deux à trois lignes.

En général, on sème trop épais, & je n’aime pas cette manière de semer à la volée. Il en résulte deux inconvéniens : le premier, qu’il est difficile de bien sarcler ; le second, que la pourrette file, s’élance & ne grossit plus en proportion de sa longueur, les pieds s’affament les uns les autres. Il est plus naturel de diviser la planche ou table par raies, de laisser une distance de quatre à six pouces entre chaque raie, & de semer clair dans chaque petit sillon. Il faudra, il est vrai, un peu plus d’espace, un peu plus de couverture au besoin, mais on sera bien dédommagé par la beauté de la pourrette. Lorsque les semis précoces sont peu contrariés par la saison, on est assuré d’une récolte, parce que l’on peut ensuite planter à demeure des pieds déjà forts.

Le commencement de février, si la saison ne s’y oppose pas, est à peu près l’époque générale des grands semis. Si on diffère jusqu’en mars, leur récolte sera plus tardive : ceux-ci servent à manger en vert pendant l’été. On peut encore semer en différens mois de l’année, mais uniquement pour le service des cuisines, & non pas comme un objet de récolte à conserver ; les oignons demandent d’être arrosés souvent, afin qu’ils conservent leur douceur. On sème encore dans le mois d’août, mais non pas en planches, en tables. Il faut nécessairement semer sur ados ou sillon, parce que dans ce mois & les suivans le semis a besoin d’être arrosé souvent, & il seroit impossible de le faire avec des arrosoirs, comme dans le nord ; on est donc obligé d’arroser par ruisseau, (Voyez le mot Irrigation & sa gravure) Avant de préparer la terre que l’on destine au semis, on lui donne une forte irrigation. Lorsqu’elle est un, ou tout au plus tard, deux jours après, en état d’être travaillée, on répand pardessus du fumier quelconque bien consommé ; on la travaille à fond, & on forme son ados : la partie supérieure seule est semée, & jusqu’à la hauteur où l’eau de l’irrigation doit monter. Mais afin de prévenir la grande évaporation d’humidité qui a lieu dans cette saison, on couvre les semis avec de la paille, ou avec des herbes, jusqu’à ce que la graine ait germé, & soit hors de terre ; c’est ordinairement au bout de dix-huit à vingt jours. On peut encore semer en septembre & même en octobre.

On ne seme jamais dans ces provinces, l’oignon pour rester en place. L’expérience a prouvé que celui qui est bien transplanté, prospère beaucoup mieux, que celui qui se l’a pas été.

Transplantation. Il est rare de voir une seule pratique du jardinage qui ne soit accompagnée d’un abus ; parce que l’homme croit toujours en savoir plus que la nature : le jardinier n’enlève pas de la pépinière, les jeunes pieds, mais il les arrache. Il est vrai que cela est égal pour lui, puisqu’il doit en écourter soigneusement les racines. Je dirai à l’ouvrier, ouvrez une tranchée par un des bouts de la pépinière, creusez au-dessous des racines, & peu à peu faites tomber les pieds avec la terre qui les environne. Prenez ces pieds bien enracinés, placez-les, rangez-les dans un plat ou vase quelconque à moitié plein d’eau, & lorsque vous en aurez une certaine quantité, allez planter à demeure, sans briser, ou rafraîchir aucune des racines, & ne coupez pas la sommité des feuilles.

Avant de replanter, le terrain doit avoir été bien défoncé & fumé, ainsi qu’il a été dit, & disposé en sillons & en ados.

L’oignon ne demande pas à être beaucoup enterré ; ainsi on doit, avec la cheville, proportionner la profondeur du trou, à l’extension des racines, & à la longueur de la tête de la bulbe.

À quoi serviront les racines, si suivant la coutume, on presse tout d’un côté la terre contre les racines ? on les meurtrira, on les écrasera. D’une main, l’ouvrier doit tenir la plante suspendue dans le trou, & de l’autre, le remplir peu à peu avec de la terre fine, afin que le pied ne s’aperçoive pas pour ainsi dire de son changement de demeure. On peut encore tracer une rigole à la base de l’ados, y placer l’oignon & disposer ses racines, enfin les couvrir de terre & raccommoder la forme de l’ados.

Je conviens que cette manière de travailler est bien moins expéditive que celle des jardiniers ; que, par conséquent, elle est plus coûteuse ; mais la solution, du problème consiste à se convaincre, par l’expérience, de laquelle des deux méthodes on obtiendra le plus d’oignons, & quelle sera la différence du prix de la vente. J’ai fait l’essai de toutes deux, & je m’en tiens à la dernière.

On dira qu’il est inutile de ménager les racines & le sommet des feuilles, puisqu’il en gousse de nouvelles : cela est vrai, mais je prie de comparer la longueur de la reprise des uns, & la promptitude de celle des autres. À quoi sert le reste d’une feuille qui est cylindrique, & creuse en dedans : il faut de toute nécessité qu’elle meure, & elle se fane en effet, tandis que l’autre subside. Les jeunes plants tenus dans l’eau, sont frais, les autres desséchés : l’humidité attachée aux racines des premiers, leur aide à faire prise aussitôt avec la terre, tandis que les chicots que l’on laisse aux autres, pourrissent ; & la plante doit pousser de nouvelles racines. Enfin, pour bien juger, comparez & suivez les deux méthodes.

Les oignons semés en janvier, février ou mars, sont bons à être replantés lorsqu’ils sont parvenus à la grosseur d’une petite plume à écrire ; ceux du mois d’août, & du commencement de septembre, sont en état d’être replantés à demeure à la fin de novembre ; pour ceux d’octobre, ils passent l’hiver dans la pépinière.

Aussitôt qu’on a replanté, on donne une forte irrigation si la terre le demande : elle est ordinairement inutile, lorsque l’on replante à la fin de novembre, mais nécessaire en mars & en avril.

Culture. Chaque pied est planté de huit à dix pouces l’un de l’autre, & d’un seul côte de l’ados ; l’autre côté sert à la culture des salades & autres plantes qui n’occupent le terrain que jusqu’au moment où l’oignon prend son grand accroissement. Sarcler les mauvaises herbes, serfouir l’ados de temps à autre, est tout ce que la plante demande. Cependant les bons jardiniers, après avoir travaillé la terre des ados & des sillons, l’aplanissent toute pour la relever ensuite, de manière que l’oignon qui se trouvoit d’un côté de l’ados, se trouve de l’autre : un semblable travail contribue singulièrement à sa grosseur, & à la beauté de la bulbe. On serfouit avant de donner l’eau.

On laisse quelques sillons garnis d’oignons pour la graine. Cette graine est souvent casuelle, & la qualité douteuse. Le propriétaire vigilant ne doit se fier qu’à celle qu’il a cueillie. Il faut près de douze mois, pour qu’une graine semée soit en état d’en produire de nouvelles. Si le propriétaire ne veut pas faire ce sacrifice, il vaudra mieux planter pour graine, des oignons germés, comme il est dit plus bas ; & la dernière méthode est souvent préférable : mais si on laisse ces oignons, il faut les replanter de nouveau, car ils sont alors presque hors de terre.

On reconnoît la maturité de la graine à l’ouverture des enveloppes qui la renferment. Alors on coupe la hampe ou tige à six ou huit pouces au-dessous de l’espèce de boule ou tête formée par les graines, & on les secoue sur un drap : c’est la meilleure graine, & celle que le propriétaire doit réserver pour lui ; ainsi que celle qui tombe après que ces têtes sont restées exposées au gros soleil pendant quelques heures. On rassemble ensuite ces têtes en paquets de cinq ou six, que l’on met en sautoir sur une corde, ou attachées avec une ficelle & un clou contre un mur, contre une porte, &c. ; mais toujours la tête en haut. Là, les graines achèvent de mûrir, & elles sont de qualité bien inférieure aux premières, & sujettes à ne pas lever.

La première graine se conserve bonne à semer, pendant quatre ans ; celle qui a deux ans, germe plus vite que celle de la première & des autres années.

Récolte. Le changement de couleur dans les feuilles, lorsqu’elles commencent à se faner, à se flétrir, est le signe qui indique que la bulbe approche de sa maturité. À cette époque, on tord les feuilles près du collet de la bulbe, & on les écrase un peu. La substance se concentre dans la bulbe, grossit & S’endurcit comme l’aubier d’un arbre, lorsqu’on l’écorce sur pied.

À mesure que l’on trouve des bulbes au point de maturité convenable, on les enlève de terre ; chose fort aisée, puisqu’elles sont presque déterrées, & on les porte sur les allées du jardin où elles essuyent toute la grosse ardeur du soleil, pendant huit à dix jours. S’il survient des pluies, on a soin de les en garantir, afin que l’humidité ne renouvelle pas la germination.

Lorsque les oignons sont bien secs, on les émonde de leurs racines desséchées, de leurs pellicules inutiles ; & avec de la paille entrelassée avec leur fane, on en forme des chaines que l’on suspend dans un lieu sec, & à l’abri des vicissitudes de l’air. C’est ainsi que l’on garde les oignons pendant tout l’hiver.

Quelques jours après la récolte des premiers oignons mûrs, on recommence celle des seconds, des troisièmes & ainsi de suite, jusqu’à ce que tous soient enlevés. Les opérations sont les mêmes que celles qui ont été décrites.

Il arrive par fois que ces oignons germent après un certain temps, surtout si les vents de mer règnent souvent ; ils ne sont pas perdus pour cela ; on les replante en novembre & décembre, & on les mange en vert pendant l’hiver & au printemps, ou bien on les laisse grainer, & leur conduite est la même que celle qui a été décrite.

Quelques auteurs conseillent d’appliquer un fer chaud à la partie inférieure de la bulbe, celle d’où partent les racines, afin de la mieux cicatriser, de la racornir & d’empêcher la pousse de nouvelles racines, enfin pour les conserver plus longtemps. J’ai essayé cette recette, & j’avoue qu’après l’avoir retournée de toutes les manières, je n’ai pas été plus avancé par l’une que par l’autre. La bulbe a déjà fait des jets souvent de plus d’un pied de longueur, avant d’avoir seulement montré l’apparence d’une racine. C’est par & à travers ses tuniques, qu’elle pompe l’humidité de l’air d’où dépend sa germination. Un oignon coupé horizontalement par moitié franche, n’en germe pas moins dès que la partie coupée est cicatrisée. Il y a plus ; on peut avec soin séparer les tuniques des oignons, les diviser sur leur longueur, laisser cicatriser ou dessécher les bords ; planter chaque partie, & chaque partie donnera un oignon dans l’année. L’oignon ressemble aux plantes grasses dont chaque morceau forme une plante lorsqu’il est traité convenablement.

Il est inutile de tenter la culture des oignons dans des champs, à moins qu’on n’ait de l’eau en abondance & qu’on ne puisse arroser par irrigation. Les sécheresses sont trop longues, les chaleurs sont trop vives, trop soutenues ; mais si on est assez heureux pour avoir l’eau & la pente nécessaires, on plantera les oignons après que le sol aura été bien défoncé à la charrue, & disposé en ados & en sillons, comme dans les jardins. Les oignons y seront moins beaux à la vérité, mais la récolte en sera immense. On peut sur-tout employer à cette culture l’année de repos des terres ; celle en blé qui suivra, sera magnifique, si la saison n’y apporte aucun obstacle.

Plusieurs jardiniers, soit par défaut d’espace, soit parce qu’ils y trouvent mieux leur compte, ne cultivent pas, ou cultivent peu d’oignons comme récolte. Ils se contentent de faire de nombreux semis, & de vendre les oignons en pourrette, c’est-à-dire, prêts à être replantés. C’est une branche de commerce assez importante, parce que les semis ne réussissent pas par-tout, soit à raison du froid, soit par rapport au terrain trop compact, trop humide. Le sable mêlé convenablement à la terre, remédieroit à ce dernier défaut.

De la culture des oignons dans les provinces du nord.

Elle y est moins recherchée que dans celles du midi ; aussi les bulbes sont-elles moins belles, moins grosses & d’une saveur beaucoup plus âcre. Le climat, sans doute, influe sur l’oignon comme sur le céleri dont l’odeur est plus forte au midi, & la saveur plus douce. On ne sème point en pépinières proprement dites, mais par grandes planches, & la transplantation devient inutile.

Les auteurs s’accordent à dire que le sol ne doit pas avoir été fumé, & que les engrais de l’année précédente suffisent pour les oignons que l’on doit semer. Leur assertion est sans doute établie sur l’expérience ; mais pourquoi cette pratique est-elle diamétralement opposée à celle du midi ? Ce qu’il y a de certain, c’est que j’ai vu dans le centre du royaume, des oignons dont j’ai fait largement fumer les planches, & qui ont réussi à merveille ; il est vrai que c’étoit avec du fumier bien pourri. Les engrais disent-ils, augmentent l’acrimonie des oignons ; c’est parce qu’on se sert sans doute d’engrais trop nouveaux, d’où l’on a conclu qu’il suffisoit que le sol eût été fumé une année à l’avance. Cet objet est assez important pour qu’une personne instruite & sans prévention, s’occupe à comparer ces méthodes.

La manière de semer la graine, ne tient-elle pas encore à l’habitude ? On sème en février & en mars sur un sol labouré ; à la Toussaint & en janvier ; si la terre est forte, le labour doit être grossièrement fait, parce que, dit-on, la graine ne demande pas une terre fraîchement ameublie ; on régale ensuite le sol divisé en planches, & on marche par dessus les deux pieds joints.

C’est sur de telles planches, qu’on sème la graine à la volée, on en emploie deux onces environ sur quinze toises de longueur & six de largeur.

Si on a de la terre douce ou du terreau, on en recouvre le semis sur une épaisseur de deux à trois lignes. Si on n’en a point, on se contente de herser avec la fourche, afin de recouvrir légèrement la graine.

Cette méthode de semer l’oignon rouge, supposeroit que c’est une plante singulière dont la végétation est tout l’opposé de celle des autres plantes ; ce qui ne paroît guères croyable, quand on compare avec celles du nord les méthodes du centre & du midi du royaume.

Il faut sarcler rigoureusement aussitôt que la graine a germé, & que sa petite plante est bien caractérisée ; les mauvaises herbes lui nuiroient beaucoup : la graine germe environ trois semaines après. Si la terre est sèche on arrose avant de sarcler, afin de mieux déraciner les herbes parasites : on arrose encore après le sarclage dans la raie, afin de rejoindre la terre contre les racines. Cette opération est répétée aussi souvent qu’on la juge nécessaire.

L’homme qui sème a beau régler ses coups de main, il ne peut empêcher que des graines ne tombent trop près des graines voisines, & qu’il n’y ait quelques clairières. Il faut donc enlever les oignons surnuméraires, les repiquer dans les clairières, & arroser ensuite. On se contente de laisser trois pouces de distance d’une plante à une autre, d’où il doit nécessairement résulter l’entrelacement des racines, & la moins grande végétation des individus. Leur nombre, à la vérité, sera plus considérable, mais un gros & bel oignon ne vaut-il pas mieux que deux petits, & à coup sûr il aura moins d’acrimonie.

La manière d’arracher les oignons, de les faire sécher, de lier en chaîne, est la même que celle dont on a parlé.

Ces chaînes, ces paquets d’oignons transportés dans les greniers, demandent à être préservés des gelées. À cet effet, on les rassemble en tas, & on les couvre avec de la paille ou avec des couvertures, suivant l’intensité du froid. Si la gelée les surprend, on doit les laisser tel qu’ils sont sans les remuer, ils se remettent ensuite d’eux-mêmes, après avoir un peu perdu de leur force.

On sème en juillet & août la graine d’oignon blanc, & sur-tout du blanc hâtif, ainsi que celle de l’oignon rouge, toujours après le piétinement indiqué ; on la recouvre de même, on l’arrose au besoin pour aider sa germination, & on ne mouille plus lorsqu’elle est levée. Les jeunes plants sont en état d’être repiqués dans le courant d’octobre. On les place à trois pouces de distance les uns des autres, & on en laisse un certain nombre en pépinières, pour regarnir les places qui se seront dépeuplées pendant l’hiver ; lors de la rigueur de la saison, on les couvre avec de la paille, des balles de blé, ou avec des feuilles sèches, &c. Ils demandent de fréquens arrosemens au printemps, parce qu’ils dessèchent bien vite la terre par la multiplicité des plantes qu’elle nourrit. L’oignon est formé en mai ou en juin, on l’arrache quand il est mûr, & il ne se conserve que jusqu’en novembre & en décembre.

L’auteur de l’école du jardin potager dit : « Il y a une autre manière d’élever l’oignon rouge, qui paroît surprenante ; mais elle n’est pas moins sûre, car je l’ai éprouvée. Lorsqu’on éclaircit au mois de juin les planches semées au mois de mars, on ramasse celui que l’on arrache, qui, le plus souvent, se trouve perdu ; on l’étend fort clair dans un lieu bien aéré, & on l’oublie là. On peut même le laisser en plein air dans le jardin sur quelques plates-bandes jusqu’à l’automne, qu’on le met à couvert ; la fane sèche, mais le pied se conserve, & l’oignon se forme de la grosseur d’une aveline, quoiqu’il ne reçoive aucune nourriture de la terre, & qu’il soit en proie pendant tout l’été au soleil & à l’air. Remis en terre au mois de novembre, ou, si l’on veut, après l’hiver, il prend racine, & grossit de manière qu’il se trouve bon à la fin de mai ; mais il ne seroit pas de garde pour l’hiver.

Pendant presque tous les mois de l’année on sème la graine d’oignon ; mais c’est uniquement pour la fourniture des salades, ou pour les manger en vert.

De la culture des oignons tapés.

On appelle oignon tapé, celui dont la grosseur n’excède pas celle d’une forte noisette ou d’une petite noix, quoiqu’il soit parvenu à son entière maturité. On peut semer les graines des oignons rouges ou blancs ensemble ou séparément ; les blancs sont plus délicats. Afin d’en avoir dans toutes les saisons, on les sème aux époques indiquées ci-dessus. Les semailles de février & de mars sont celles qui donnent des bulbes dont la longue conservation est la plus assurée. Ces oignons sont fort recherchés poux l’usage des cuisines.

Soit au midi, soit au centre ou au nord du royaume, après avoir travaillé le sol, on le divise par planches plus ou moins longues, suivant le besoin, & la largeur est proportionnée à la facilité du sarclage, c’est-à-dire, de trois à quatre pieds au plus. La terre de ces planches bien régalée, bien unie, on sème très-dru, & ensuite on recouvre la semence avec du terreau ou avec de la terre douce. Quelque temps après, si la chaleur commence à être forte & la terre sèche, on arrose avec des arrosoirs, afin de faciliter la germination. La plante une fois hors de terre n’exige plus ni arrosage, ni aucun soin, sinon d’être sarclée des mauvaises herbes toutes les fois qu’il est nécessaire. On les récolte quand ils sont mûrs, & on les lie en chaîne ou en paquet comme les autres.

De la culture des échalottes.

Dans les provinces du midi on commence à en planter quelques-unes dans le mois de janvier. On les plante le plus communément en février, & dans les provinces du nord, en mars. Cette plante aime les terrains légers & à ne pas être replantée plusieurs fois de suite dans le même. On sépare les petites bulbes qui environnent la mère, & on les place séparément chacune à quatre pouces de distance, soit en table, soit en bordure des plate-bandes ; la bulbe demande à être très-peu enterrée. Si on met plusieurs bulbes dans le même trou, alors on espace les trous à la distance de six à huit pouces.

Comme cette plante est très-vivace, qu’elle craint peu le froid, on peut en planter dans toutes les saisons de l’année, afin de jouir de ses feuilles en attendant qu’on récolte les bulbes, de manière qu’on jouit pendant neuf mois de l’année environ.

Le poireau & la rocambole seront décrits sous leurs dénominations particulières.

Propriétés de l’oignon.

On doit juger par ce qui a été dit plus haut, quelle quantité prodigieuse d’oignons on consomme, sur-tout dans les provinces méridionales, & que l’on y mange crud. Dans le reste du royaume cette coutume y est peu établie, on y mange l’oignon cuit & apprêté de différentes manières, & la cuisine s’en passeroit difficilement ; mais la manière de les apprêter n’est pas du ressort de cet Ouvrage.

La racine ou bulbe est la seule partie dont on se sert en médecine. Sa saveur est âcre, & son odeur pénétrante. L’acide très-volatil qui s’échappe lorsque l’on pèle & coupe les oignons, fait cuire les yeux, & excite le larmoiement.

Le suc exprimé de l’oignon, est un diurétique puissant, très-utile dans la colique néphrétique, causée par des graviers, mais lorsqu’il n’y a point de disposition inflammatoire ; dans les difficultés d’uriner, occasionnées par des humeurs pituiteuses ; dans l’ascite par rétention d’une humeur excrétoire ; dans l’hydropisie de poitrine ; dans l’asthme pituiteux. La dose de ce suc est depuis deux onces jusqu’à six… La bulbe récente depuis demi-once jusqu’à deux onces en macération, au bain-marie dans huit onces d’eau ou de vin blanc… La dose pour les animaux est de huit à dix onces. L’oignon cuit sous la cendre est un bon masticatif des abcès des tumeurs inflammatoires. On l’applique en cataplasme, & il en hâte la suppuration.

Oignon, Médecine vétérinaire. C’est une grosseur de la sole, plus souvent en dedans qu’en dehors, & jamais, ou presque jamais aux pieds de derrière.

Cette grosseur de la sole de corne, n’est pas cependant un vice de la sole, mais de l’os du pied, dont la partie concave est devenue convexe, par la mauvaise ferrure. L’os du pied suivant la muraille, & étant poussé en dehors, peu à peu sa partie concave, à force de se fléchir, devient convexe, & la sole qui est appliquée sur l’os du pied, prend la même forme que cet os dans cet endroit, & forme une élévation que nous appelons oignon.

Le seul remède est d’entoller le fer. Voyez l’article Ferrure, & la section qui regarde les pieds combles & oignons. M. T.