Cours d’agriculture (Rozier)/ROUGE-GORGE

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ROUGE-GORGE, (Sylvia rubecula. Lin. et Lath.) petit oiseau du genre, de la famille et de l’ordre des passereaux. (Voyez, pour les caractères génériques, l’article Becfigue, et pour ceux des passereaux, l’article Étourneau.) « C’est mal fait, dit Belon, de le nommer rouge-gorge ; car ce que nous lui pensons rouge en la poitrine est orangé, couleur qui lui prend depuis les deux côtés du dessous de son bec, qui est gresle, délié et noir, et par le dessous des deux contours des yeux, lui répond par le dessous de la gorge jusqu’à l’estomac. » Le ventre est blanc, et les plumes qui couvrent les parties supérieures sont d’un gris brun tenant de l’olive.

Le nid du rouge-gorge est toujours au bas des jeunes arbres et près de terre ; de la mousse, des feuilles, du crin, en forment le tissu, et une couche de plumes en garnit le fond à l’intérieur. Sur ce lit chaud et douillet reposent de cinq à sept petits œufs d’un brun clair, et tachés de rougeâtre.

Bien que le rouge-gorge aime la solitude, qu’il voyage seul, et évite même ceux de son espèce, dans le temps des amours, il présente cependant un mélange singulier de familiarité et de sociabilité. Il approche les hommes qui parcourent les forêts, et voltige autour d’eux. L’hiver l’attire jusqu’au sein des habitations où il vient chercher sa nourriture ; mais, au printemps, les bois les plus épais deviennent sa demeure favorite. Il aime beaucoup aussi l’humidité et le voisinage des eaux. La Lorraine, la Bourgogne, les Ardennes, sont les contrées où ces oiseaux sont les plus nombreux et les plus délicats, sans doute parce qu’ils y trouvent, plus qu’ailleurs, ceux des fruits dont l’usage est le plus propre à leur communiquer la saveur qui les fait estimer.

Chasse du rouge-gorge. La chasse des rouge-gorges est un amusement et même un métier fort en vogue pendant l’arrière-saison, dans les parties orientales de la France ; l’on y fait des envois de ce gibier jusqu’à Paris ; mais ce voyage quelque rapide qu’on le suppose, le prive de sa finesse et de sa saveur exquise, et le rend méconnaissable au goût de quiconque en a mangé sur les lieux, peu d’instans après qu’il est sorti des mains de l’oiseleur. Son goût pour la solitude, qu’il ne faut pas prendre pour un caractère sauvage, ne le met point à l’abri d’une foule de pièges. Il est des premiers à donner dans les pipées, les raquettes, rejets et sauterelles amorcés de baies ou de fruits. Les trébuchets et toutes les tendues d’hiver sont les écueils d’une foule de rouge gorges. (Voyez Collet, Filet à Ressort et Trébuchet.) On les attire sous le fusil, en pressant le bout du doigt entre les lèvres et le tirant avec vivacité, ce qui produit un petit bruit, zuip, zuip, qui paroît être le cri du rappel de cet oiseau, et qui met tous ceux qui l’entendent en mouvement.

Ce joli petit animal se plie à la captivité, et y conserve ce chant doux et léger dont il égaie la silencieuse solitude des forêts. On le nourrit comme le rossignol, ou simplement avec du pain émietté, du chènevis écrasé, et d’autres petites graines. (S.)