Cours d’agriculture (Rozier)/SUCCESSION DE CULTURES

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Marchant (Tome douzièmep. 581-589).


SUCCESSION DE CULTURES. L’article Alterner peut être regardé comme l'un des plus précieux de ce Dictionnaire ; cependant il n’offre pas le développement complet des motifs sur lesquels ses résultats peuvent être appuyés. En conséquence il faut croire que son auteur devoit lui donner un complément au mot Assolement, qui est le nom propre de la culture alterne ; mais ce mot a été oublié. Je me propose de réparer cette importante omission.

On a vu, au mot Jachères, le peu d’avantages et le grand nombre d’inconvéniens qui sont la suite de ce système de culture. Je supposerai ici qu’on est convaincu, comme moi, de l’absurdité d’un usage qui augmente les dépenses d’exploitation de sa terre en diminuant en même temps les produits, et de la nécessité de l’abandonner dans la majeure partie de la France, pour le remplacer par le système des assolemens, si heureusement pratiqué dans quelques uns de nos départements et en Angleterre, système qui procure, au moins, un revenu tous les ans, en diminuant les dépenses d’exploitation.

Les jachères ne sont point dans la nature. On n’a jamais vu un terrain se dépouiller de toute végétation pour se reposer ; mais le principe des assolemens s’y reconnoît à chaque pas ; il se montre dans les contrées les plus désertes, comme dans les pays les mieux cultivés. Les arbres les plus élevés comme les plus petites plantes, lui sont soumis ; il ne faut qu’un esprit observateur et du temps pour appercevoir par-tout ses effets.

Lorsqu’on abat pour la première fois les antiques forêts de l’Amérique, elles repoussent toujours en nature de bois totalement différente, ainsi que je l’ai remarqué dans les parties septentrionales, par-tout où j’ai porté mes pas, c’est-à-dire que là où il y avoit des pins, il croît des chênes, et que là où il y avoit des érables il y croît des noyers, etc. Cette transmutation est si marquée, qu’elle est généralement connue par les habitans, et même les autorise à croire que chaque espèce d’arbre se change en un autre par le seul effet de la coupe. Il en est de même en France, quoique d’une manière moins sensible, parce que les plus vieilles forêts sont jeunes en comparaison de celles d’Amérique ; mais j’ai vu naguères une futaie séculaire de hêtres se remplacer par un taillis de chênes et de charmes. Quel est le cultivateur qui n’ait pas remarqué que les plantes dominantes des prés naturels, ne sont plus les mêmes au bout de quelques années, et qui ne sache que la luzerne ou le sainfoin qu’il vient de semer, disparaîtront de son champ après une pareille révolution de saisons ? Il est peu d’hommes qui ne puissent citer mille faits semblables, tous tendans à prouver que la nature ne se repose qu’en changeant l’espèce de ses productions.

On dira peut-être que ces végétaux étoient près d’arriver, ou étoient même parvenus à ce terme où tendent tous les êtres vivans ! Mais pourquoi ne se sont-ils pas ressemés ? Pourquoi remarque-t-on que les forêts où il y a une grande variété d’arbres également dispersés, les prairies abandonnées à elles-mêmes se trouvent plus rarement dans le même cas ?

On ne peut donc se refuser de croire que chaque espèce de plante absorbant par ses racines les sucs qui lui sont exclusivement propres, en épuise le terrain dans un temps proportionné et à la nature de ce terrain, et à la sienne propre ; que la même plante qui veut y croître ne pouvant plus y trouver suffisamment de moyens de subsistance, même au moment de sa naissance, est étouffée par les autres espèces, auparavant peu nombreuses, mais dont la végétation est devenue plus forte par les raisons ci-dessus.

Le professeur Thouin, qu’on ne peut se lasser de citer, lorsqu’il s’agit d’observations de physique végétale, pense que les racines qui pourrissent dans la terre, communiquent à celles qui appartiennent à la même espèce de plante un principe de mort, tandis qu’elles fournissent un engrais aux autres.

Ce que je dis d’une espèce s’applique, en diminuant l’influence des effets, aux genres et même aux familles établies par les botanistes, lorsqu’ils sont ce qu’on appelle naturels, car il est d’observation que toutes les plantes qui possèdent un certain nombre de caractères communs, ont aussi des facultés et des propriétés analogues, et demandent par conséquent à la terre des sucs peu différens, c’est-à-dire des sucs dans lesquels entrent les mêmes élémens.

Cette considération doit être d’une grande importance aux yeux du cultivateur pour le guider dans sa pratique, parce qu’elle lui apprend qu’il ne faut pas, non seulement faire succéder du blé à du blé dans le même terrain, ou d’autres espèces de céréales, telles que l’avoine et l’orge, mais même du raygrass, du fromental, et autres plantes fourrageuses qui font partie de la même famille.

C’est pourquoi les Anglais qui conduisent, depuis plus d’un siècle, leur agriculture d’après les principes de l’alternat, ne suivent pas un assolement parfait lorsqu’ils se réduisent à cultiver successivement des turneps, de l’orge, du trèfle et du blé, puisque les mêmes plantes se retrouvent trop souvent dans la même terre.

On n’est pas encore complètement d’accord sur la nature des sucs que les plantes, en général, tirent de la terre, et encore moins, par conséquent, sur celle de celui qui est propre à chaque espèce en particulier ; ainsi il ne sera pas question de faire ici des applications, mais seulement de donner quelques préceptes généraux.

Rozier, dans son article Alternat, semble supposer que les sucs dont se nourrissent les plantes, sont identiques, et que les pluies les font continuellement descendre. Par conséquent, il croit que les labours servent principalement à ramener ces sucs à la surface, et qu’il est avantageux de substituer une récolte de plantes à racines pivotantes, à une de plantes à racines traçantes. Mais cette théorie, ni cette pratique, ne peuvent être admises sans modifications. En effet, 1°. il n’est pas certain que les sucs propres à la végétation soient entraînés par les eaux, puisque celles des sources, quelque superficielles qu’elles soient, n’en sont jamais chargées ; 2°. est de fait que les fibriles de certaines racines traçantes s’enfoncent souvent autant que celles de certaines racines pivotantes.

L’expérience prouve, de plus, que quelques espèces de plantes épuisent plus promptement les terres des sucs qui leur sont propres que d’autres ; par exemple, le blé, le colza, les pommes de terre et les pois sont dans ce cas. Les premières ont la racine pivotante, et les secondes l’ont traçante ; ainsi, ce n’est pas à cette circonstance qu’est due leur faculté effritante. Ce n’est pas davantage à leurs graines, puisque toutes en ont de nature différente ; que je reconnois, avec tous les physiologistes et les agriculteurs, que la maturité des graines, de quelques espèces qu’elles soient, produit éminemment cet effet, et les huileuses plus que les autres. D’un autre côté, nous voyons que les herbes des prés qui ont presque toutes des racines traçantes, et des semences analogues à celles du blé, et la rave ou turneps qui a une racine pivotante et une graine semblable à celle du colza, améliorent également le terrain.

En général, il est encore, en ce moment, très difficile de poser des bases théoriques rigoureuses sur tous ces objets ; mais l’expérience en a fourni de suffisamment approximatives pour pouvoir guider dans la pratique, et ce sont celles-là qui doivent se produire dans un livre de la nature de celui-ci.

J’ai dit plus haut qu’il n’étoit pas certain que l’effet principal des labours fût de ramener à la surface les sucs que les eaux pluviales avoient entraînés plus bas que la ligne où les racines des plantes céréales pénétroient : on peut me demander à quoi ils servent donc ? Je répondrai : principalement à diviser la terre et à la rendre par là plus perméable, 1°. à l’air qui doit se décomposer pour fournir du carbone ; 2°. à l’azote qui se produit par suite de la destruction des substances végétales ou animales qui s’y trouvent naturellement ou y ont été introduites ; 3°. à l’eau qui doit s’y accumuler, pour ensuite s’y décomposer également par l’action végétale des plantes qu’on y sèmera ; 4°. enfin aux racines encore foibles de ces plantes, lesquelles s’étendent facilement, et par conséquent augmentent d’autant plus le nombre de leurs suçoirs qu’elles trouvent moins d’obstacles pour s’enfoncer ou s’étendre.

On voit, par ce que je viens de dire, que les terres doivent être d’autant plus souvent labourées avant les semailles, qu’elles sont plus compactes, et que lorsqu’on laboure plus fréquemment qu’il ne convient, cela devient nuisible, en empêchant les décompositions précitées, et en favorisant l’évaporation de l’eau. L’expérience est ici d’accord avec la théorie.

On peut conclure, d’après cela, que le système des jachères qui multiplie les labours aux époques où la chaleur est desséchante au plus haut degré, doit être plus nuisible dans les terrains secs et légers, que dans ceux qui sont humides et gras, et que le système des assolemens, au contraire, est extrêmement favorable aux premiers, en ce qu’il ne les laisse jamais dépouillés de verdure au milieu de l’été, et qu’il ne comporte que des labours d’automne ; aussi est-ce sur eux qu’il produit les effets les plus marqués et qu’il est plus facile à mettre en œuvre. On en a eu des exemples dans un si grand nombre de contrées, qu’il est superflu d’en indiquer ici au plus grand nombre des lecteurs.

Ce n’est donc pas seulement dans les terres où se cultivent des céréales que l’on doit pratiquer des assolemens ; mais encore dans les jardins où, au reste, ils sont assez généralement établis, les vergers, les avenues, les routes et même les bois et les vignes, lorsqu’on se trouve dans le cas d’en profiter. Une pépinière doit y être rigoureusement assujettie, si on veut la voir prospérer : et comme la même espèce d’arbre reste souvent quatre à cinq ans dans la même place, il faut être encore plus rigoureux pour ne point faire succéder des espèces de même famille les unes aux autres ; à ne pas mettre, par exemple, des pommiers à la suite des poiriers, mais des arbres à noyaux, etc.

Pour bien combiner un plan d’assolement, dit Pictet, dans son excellent Traité des Assolemens, le seul que nous ayons en français[1], il faut avoir égard à un grand nombre de données qui varient selon les terres, le climat, le genre de culture du pays, le prix des denrées, la facilité des débouchés, etc. Le but final de l’agriculture étant le plus grand profit du cultivateur, sans doute que le meilleur assolement est le plus profitable ; mais il faut considérer ce profit d’une manière générale, dans une certaine suite d’années, relativement à la valeur croissante d’un domaine, et non par rapport à une ou deux années seulement. La bonne agriculture est prévoyante ; ainsi, tout pays où les baux sont à courts-termes ne peut pas avoir de bons assolemens ; de même que tout pays où les cultivateurs ne sont pas assez fortunés pour pouvoir faire des avances et supporter des retards de produits, ne peut pas en avoir davantage. L’un et l’autre n’auront pas une brillante agriculture, et c’est ce que l’expérience prouve par-tout.

Il eût été bon, malgré cela, d’indiquer les bases des assolemens en tous les climats de la France ; mais nous manquons des données nécessaires, sur-tout de celles propres aux départemens méridionaux où les cultures sont si différente». Il n’y a pas de doute cependant qu’il ne soit possible de les y introduire. On les pratique, ainsi que je m’en suis assuré personnellement, avec un prodigieux succès dans le nord de l’Italie ; mais c’est au moyen des irrigations, et il n’est pas donné à tous les terrains de jouir de cet avantage.

Nous nous bornerons donc ici à suivre l’excellent plan d’assolement de Pictet, pour les climats intermédiaires, tels que celui de Paris, et nous laisserons au lecteur le soin d’en modifier les principes pour les appliquer aux cultures des pays plus froids ou plus chauds.

Cet estimable auteur résume ainsi toute sa théorie :

« C’est un principe bien reconnu en agriculture, que lorsque sur un même terrain on fait succéder plusieurs récoltes de céréales, ce terrain s’épuise plus ou moins promptement, et finit par être entièrement occupé par des plantes nuisibles au blé. Quelles sont donc les productions qui peuvent les remplacer avantageusement, puisque la terre ne refuse pas de les produire ? Ce sont celles qui exigent une culture pendant leur végétation, et celles qui, s’emparant exclusivement du sol, s’opposent à la croissance de toutes autres plantes, et permettent aux sucs nourriciers de s’accumuler dans la terre. »

La règle qu’on doit se proposer dans le choix d’un assolement, c’est qu’il nettoie la terre, la maintienne en bon état et lui fasse donner le plus grand revenu possible ; c’est une circonstance heureuse, mais non pas essentielle dans un assolement, qu’il procure alternativement une récolte servant à la nourriture de l’homme, et une récolte destinée à celle des bestiaux.

Les assolemens peuvent et doivent se varier de tant de manières, suivant la nature du sol seulement, qu’il seroit impossible d’en établir qui fussent applicables à tous les terrains. Il faut donc s’en tenir aux deux grandes divisions des terres légères et des terres argileuses.

Assolement des terres légères. Les terres de cette sorte sont ordinairement destinées, dans le système des jachères, presque exclusivement au seigle et à l’orge, et on les laisse quelquefois reposer plusieurs années de suite ; mais par celui des assolemens, on trouve moyen d’en tirer de belles récoltes en froment et de les faire produire tous les ans. C’est principalement a l’introduction du trèfle et des raves dans la grande culture qu’on doit cette amélioration remarquable.

Ces deux plantes croissent presque toujours avec la plus grande vigueur dans les sols dont il est ici question, lorsqu’ils sont nouvellement défrichés. Leur fanage ne permet pas aux plantes annuelles de se développer, et étouffe toutes les plantes vivaces que les labours n’avoient point fait périr ; mais ce n’est pas seulement sous ces rapports qu’elles améliorent les récoltes suivantes ; c’est en empêchant l’évaporation de l’eau des pluies d’un côté, et en fixant dans la terre celle qui entre comme partie constituante de leurs racines. Cette explication des effets étonnans de ces deux plantes n’a pas encore été proposée, que je sache ; mais elle doit être plausible à tous ceux qui savent que l’eau est nécessaire à la végétation, et qu’un des inconvéniens des terres légères est d’être trop sèches.

On voit par là pourquoi la meilleure culture des terrains extrêmement secs et arides, est d’y renfermer, en état même de végétation active, le sarrasin, le lupin, la spergule, et autres plantes à tiges aqueuses, que leur nature permet d’y croître. On voit par là quelle est la cause qui, dans tous les pays où la terre, moins aride, rend possible la culture des raves, a fait adopter cette culture comme un des plus puissans moyens d’amélioration.

On ne sauroit donc trop vanter la rave ou le turneps, ce qui est la même chose ; on ne sauroit trop en recommander la culture en France, où elle n’est presque pas connue, et où il y a tant de terrains dont elle peut doubler les productions. C’est un manger sain pour l’homme, sain pour les animaux, et qui n’a d’autre inconvénient que de ne pouvoir se garder long-temps.

Un des grands avantages de l’introduction des raves dans la rotation des assolemens, dit Pictet, est qu’on peut faire paître dessus les moutons, et, par là, abréger le long circuit ordinaire du résidu des productions fourrageuses pour retourner à la terre. En effet, par ce moyen, on évite des frais de transport, et on ne perd ni le suint, ni l’urine, ni les excrémens des moutons. Cela, joint aux restes des feuilles et des racines qui pourrissent, donne un second engrais aussi efficace que celui qui avoit été répandu pour assurer la récolte. Mais, quelque précieuse que soit leur culture, il ne faut pas la regarder, avec les agriculteurs anglais, comme indispensable dans une ferme. On peut les remplacer, avec avantage, sur-tout dans les départemens méridionaux, par d’autres racines aqueuses, telles que les betteraves, les carottes, etc. La rave est la plante des pays froids et humides, et il ne faut pas trop contrarier la nature lorsqu’on veut en tirer tout le parti possible. Dans les contrées où les théories modernes n’ont pas pénétré, telles que l’Espagne, on a été conduit par l’expérience à cultiver en grand la rave sur le penchant des hautes montagnes de la Galice et de la Biscaye, et à la repousser dans les plaines de la Vieille-Castille. Vouloir l’introduire dans celles de la Provence et du Languedoc, seroit folie dans ceux qui l’entreprendroient, si auparavant ils ne s’étoient assurés de moyens suffisans d’irrigation.

Les prairies artificielles peuvent entrer avec succès dans les assolemens des terres légères ; elles réunissent le double avantage de fournir de grands produits et de donner au sol le moyen d’accumuler, pendant le temps de leur durée, les sucs propres à la nourriture du blé. Les prairies naturelles, ou mieux de graminées choisies, ont aussi leur avantage. Il faut savoir se déterminer selon les circonstances.

Mais le trèfle est la plante par excellence pour les assolemens des terres légères. Il pousse ordinairement avec une extrême vigueur dans celles qui n’en ont jamais porté. Son ombre épaisse tue les graminées vivaces, entr’autres le chiendent, la peste des cultivateurs ; mais ses bons effets décroissent d’année en année, si on n’a pas soin d’éloigner ses retours. On s’en est apperçu d’une manière sensible en Angleterre, où on en avoit d’abord usé sans modération.

Dans la province de Norfolck, si réputée par l’excellence de son agriculture, on fait des assolemens de quatre ans dans ces sortes de terres. On sème d’abord des raves sur le fonds qu’on vient de défricher, après l’avoir fortement fumé ; ordinairement on en fait consommer la récolte sur pied par les moutons, comme il a été dit plus haut. L’année suivante, on sème du trèfle avec de l’orge. Cette orge, qui croît dans un terrain parfaitement meuble et bien engraissé, est toujours belle ; mais ce n’est pas cependant celle qu’on a en vue, c’est le trèfle qui, après que l’orge est coupée, prend possession du terrain et donne un pâturage abondant, ou deux à trois coupes avantageuses, suivant la saison.

Au trèfle succède le froment, sur un seul labour. Ce froment, semé dans une terre complètement exempte de chiendent et autres herbes nuisibles, améliorée par la culture précédente et qui n’a pas porté de blé depuis quatre ans, donne ordinairement huit à neuf pour un de produit moyen, quoiqu’il ne soit pas dans ce qu’on appelle terre à blé, et qu’on ne retirât de cette même terre, avant la pratique des assolemens, que de chétives moissons de seigle.

Lorsque les raves manquent, on leur substitue du sarrasin que l’on enterre quand il est en pleine fleur. Lorsque c’est l’orge, on la remplace par de la vesce qu’on fait pâturer sur place.

L’avoine et le seigle, peuvent également procurer une récolte supplémentaire pour faire pâturer en vert ; mais elles n’ont pas l’avantage d’étouffer les mauvaises herbes.

Il est à remarquer que sur les quatre années, ce n’est que la première qu’on laboure plus de deux fois le terrain, et qu’on le fume avec des engrais apportés de la ferme.

Un des motifs qui repoussent plusieurs plantes des assolemens du comté de Norfolck, c’est qu’elles ne peuvent pas se consommer sur la ferme même, et que les cultivateurs de ce canton ont établi en principe qu’ils ne devoient tirer d’argent que de la vente de leurs bestiaux ou de leurs blés. Vendre les pommes de terre, les carottes, les fèves, les pois, et en général le produit des récoltes secondaires dont on pourroit engraisser des bestiaux, leur paroît une marche mesquine ; mais si leur position les autorise à penser et à agir ainsi, il en est beaucoup d’autres où ce seroit folie de le faire. Il faut qu’une bonne agriculture s’occupe de produire tous les objets utiles, non seulement au fermier et à sa terre, mais à ses concitoyens, soit sous le point de vue de la nourriture, soit sous celui des arts.

On peut observer que l’assolement qui vient d’être rapporté, quelque avantageux qu’il soit pour les fermiers qui le pratiquent, ne remplit pas aussi complètement qu’on peut le désirer toutes les données de la théorie. En effet, il n’est pas d’une assez longue durée et il ne varie pas suffisamment les objets de sa culture.

Aussi je crois que celui proposé par Pictet est préférable pour la plus grande partie de la France. Voici sa rotation :

1o. Productions de jardinage, fumées et sarclées deux fois ; 2o. blé, puis sarrasin et turneps ; 3o. vesces ou raves parquées et consommées sur place ; 4o. blé ; 5o. trèfle ; 6o. blé, puis sarrasin ou raves.

Cet assolement donne huit récoltes en six ans, dont trois de froment. Il maintient la terre parfaitement nette et bien fumée, et cependant sur ces six ans on ne voiture du fumier qu’une fois, on ne donne de forts sarclages qu’une année. Que d’avantages réunis ! Partisans des jachères, pouvez-vous répondre à un pareil argument ?

Le même auteur propose encore, pour les parties les plus méridionales de la France, les assolemens suivans, savoir : 1o. Blé, puis lupins enterrés à la charrue pour engrais ; 2o. blé, puis raves, lin pour fourrage, ou lupinelle, ou trèfle annuel ; 3o. maïs, millet ou sorgho, ou bien : 1o. blé, puis haricots et maïs ; 2o. blé, puis lupins enterrés pour engrais ; 3o. blé, puis raves ou lunpinelle, ou lin pour fourrage ; 4o. maïs, millet ou sorgho.

Les assolemens qui donnent cinq récoltes en trois ans, ou sept en quatre, sont pratiqués dans presque toute la vallée du Pô et ans le pays Vénitien, avec quelques modifications locales, comme cela doit être, et j’en ai été enthousiasmé ; je les avois vu aussi employer dans quelques parties de l’Espagne ; car il ne faut pas croire, comme on le répète dans tous les livres, que l’agriculture soit négligée dans ce royaume ; j’ai fait voir le contraire dans mes notes sur ce pays, imprimées dans le Magasin Encyclopédique de Millin.

Les lupins, si estimés des anciens, sont un excellent engrais, et il en est de même de toutes les plantes un peu aqueuses qu’on enterre avant leur maturité, comme je l’ai déjà observé. Si les cultivateurs des pays chauds connoissoient tout le parti qu’ils en peuvent tirer, leur agriculture prendroit généralement un caractère qu’elle n’a encore que dans quelques cantons privilégiés.

Aux plantes ci-dessus dénommées, on peut ajouter la spergule ou spargoute et les pois pour les pays froids ; les lentilles, le fenu-grec et l’ers pour les pays chauds, et plusieurs autres plantes moins communément cultivées, telles que le cytise, le plantain, la bistorte, le mélilot, l’ortie, le genêt épineux ou ajonc, le genêt d’Espagne ou spartium, etc., etc.

Dans ce qui vient d’être dit, il n’est pas question de prairies artificielles, et ce sont cependant d’elles qu’un domaine peut tenir les avantages les plus certains et les plus durables ; il paroît que les Anglais pensent que les fourrages de plantes annuelles sont plus productifs, et ils peuvent avoir raison dans leur climat froid et humide ; mais dans le nôtre, ils sont trop exposés à manquer par l’effet des gelées du printemps, des trop grandes pluies et des sécheresses prolongées. En conséquence, nous devons préférer les premières. Les deux plantes qui entrent le plus fréquemment sous ce rapport, dans notre agriculture, sont la luzerne et le sainfoin ; la première pour les sols un peu frais, et le second pour les plus secs.

Nous avons vu, observe Pictet, que la culture bien entendue du trèfle convertit en terres à froment celles que la nature n’avoit pas destinées à en produire. Les luzernes en préparent aussi de belles récoltes ; mais on peut dire que l’effet des sainfoins est encore plus marqué, probablement parce qu’il a ordinairement lieu sur des terrains naturellement plus stériles. On peut regarder, ajoute-t-il, l’établissement des prairies en luzerne et en sainfoin, comme un prêt dont la terre paie d’abord un gros intérêt en fourrage, et rend ensuite plusieurs fois le capital en grains. Voici l’assolement qu’il propose pour treize ans, et qui paroît fondé sur d’excellentes bases : les huit premières années, luzerne ou sainfoin ; neuvième, blé et raves ; dixième, pommes de terre fumées et sarclées, ou vesce pour fourrages ; onzième, blé ; douzième, trèfle ; treizième, blé.

Outre ces deux plantes, on peut encore employer la pimprenelle dont les avantages sont si marqués, sur-tout en ce qu’elle fournit un pâturage vert pendant tout l’hiver.

Des assolemens des terres argileuses. Les terres argileuses, comme tout le monde le sait, retiennent les eaux des pluies de l’hiver, et ne se labourent qu’avec la plus grande difficulté. Outre que leur culture est nécessairement plus coûteuse, elles ne comportent pas un aussi grand nombre de productions que les sols légers. La rave et le trèfle, si utiles dans ces derniers, n’y réussissent que très-médiocrement.

Les plantes que l’on peut employer avec le plus d’avantages dans les terrains argileux, pour y faire des assolemens, sont les fèves ou féveroles, les pommes de terre, les choux, le colza, la navette, le pavot, la caméline, la vesce, la chicorée, la pimprenelle, la luzerne, le trèfle, etc., et les prés-gazons, c’est-à-dire les prés formés de graminées vivaces.

De toutes ces plantes, dit Pictet, la fève ou féverole, est celle qui doit être considérée comme la plus importante, puisqu’il a été prouvé, par des expériences positives faites en Angleterre, que lorsqu’elle est labourée à la houe, pendant sa végétation, et sarclée, elle prépare, dans ces sortes de terres, une belle récolte de blé avec presque autant de certitude qu’un beau trèfle dans une terre légère. Elle paie de plus abondamment, par sa propre récolte, les frais qu’elle exige, car son grain peut entrer dans le pain du pauvre, et est excellent pour engraisser les volailles et les bestiaux de toute espèce.

Il y a deux variétés de féveroles, l’une qui se sème en automne, et l’autre qui se sème au printemps. La première doit être préférée, attendu qu’il est souvent difficile d’entrer dans les terres argileuses à la fin de l’hiver pour les labourer.

Les pommes de terre jouissent de grands avantages et obligent à des travaux répétés qui ameublissent beaucoup la terre et la purgent des mauvaises herbes ; mais malgré cela, l’expérience a prouvé qu’elles étoient une mauvaise préparation pour les récoltes de blé, lorsqu’on ne les accompagnoit pas d’engrais abondans.

L’utilité de la culture des choux en plein champ n’est plus contestée aujourd’hui en Angleterre et dans le nord de la France ; mais il faut que cette culture soit accompagnée d’une quantité de bœufs ou de moutons à engraisser, suffisante pour en consommer le produit dans la ferme, et cette circonstance ne se rencontre pas toujours. Il est douteux qu’elle puisse également être fructueuse pour nos départemens du Midi, à raison des sécheresses fréquentes du printemps, et de la nécessité des arrosemens à la main qu’elle y nécessiteroit.

Le colza se cultive ou pour la graine ou pour le fanage. Dans le premier cas, il épuise prodigieusement la terre ; dans le second, il la fatigue moins, et est d’un grand produit. On le sème en automne, soit pour le faire manger sur place par les moutons, au printemps, soit pour le transplanter à la même époque et lui donner une culture à la pioche : dans ce dernier cas, on ne le fait consommer qu’au moment où il est disposé à monter en graine.

La vesce et la gesse fournissent une ressource majeure dans les assolemens de l’espèce dont il est ici question, soit qu’on les destine à porter de la graine, soit qu’on en veuille faire du fourrage. Elles améliorent bien les terres, les privent, par leur épais fanage, de toutes mauvaises herbes, et leurs graines, ainsi que leurs fourrages, sont d’un grand usage dans une ferme

La chicorée est aussi dans le cas d’être recommandée, ainsi que la pimprenelle, et elles ne sont pas malheureusement assez employées.

Quant à la luzerne et au trèfle, ils ne sont pas, comme je l’ai déjà observé, aussi utilement cultivés dans ces sortes de terrains que dans ceux dont il a été question précédemment ; mais on peut cependant en tirer parti avec des soins et des attentions particulières.

Les prés-gazons, dit Pictet, méritent beaucoup d’attention de la part de ceux qui visent à supprimer les jachères dans les terrains argileux, attendu qu’ils les améliorent et évitent une fréquence de labours toujours très-coûteux.

Les plantes vivaces qui réussissent le mieux dans les prés-gazons sont les bromes, les fétuques, les vulpins, les paturins, le ray-grass et les trèfles des prés.

Ces graminées se sèment à moitié avec du blé, ou mieux aux deux tiers, parce qu’il est avantageux qu’elles soient épaisses. On les fait pâturer par les moutons dès le premier printemps, pour les faire raser ; car c’est un préjugé de croire que ces animaux arrachent les jeunes plants.

Lorsqu’on veut établir une rotation de culture sur une ferme à terrain argileux, il faut d’abord établir des prés pour diminuer d’autant les travaux aratoires et pouvoir augmenter le nombre de ses bestiaux. Le blé et l’avoine sont les deux grains qui réussissent le mieux dans cette sorte de terrain. Le premier peut, sans inconvénient, y revenir plus souvent que dans les assolemens de terres légères. On a même constaté, en Angleterre, que l’alternance des féveroles avec un léger engrais de trois ans en trois ans, avoit suffi pour soutenir, sans diminution, les facultés de produire et la parfaits netteté d’une terre argileuse.

Dans tous les cas, ces sortes de terrains ont besoin d’être desséchés le plus exactement possible, soit par de grands travaux à la bêche, soit par des rigoles à la charrue, parce qu’ils sont exposés à être noyés après les pluies d’hiver, et dans ce cas, il n’y a point ou au moins peu de produits à en attendre.

Cela dit, je puis passer à quelques exemples d’assolemens qui achèveront de fixer les idées du lecteur.

Assolemens de deux ans. Féveroles fumées et sarclées, blé.

Assolemens de trois ans. Fèves fumées, blé, trèfle, fèves fumées, blé, gesses pour fourrages ; pommes de terre fumées, avoine, trèfle rompu à la bêche pendant l’hiver ; choux fumés, avoine, trèfle ; colza fumé et pâturé, blé, trèfle.

Assolemens de quatre ans. Gesse fumée et coupée en vert, avoine, trèfle, blé ; fèves fumées et sarclées deux fois, blé, trèfle, blé ; pommes de terre fumées, avoine, trèfle, blé ; pommes de terre sur un labour à la bêche et fumées, blé, trèfle, blé ; choux fumés, avoine, trèfle, blé ; colza fumé et pâturé, blé, trèfle, blé, colza fumé et pâturé ; blé, fèves fumées ; blé, fèves, choux fumés ; fèves, blé.

Assolemens de cinq ans. Gesses pour fourrages, pommes de terre fumées, avoine, trèfle, blé ; fèves fumées, blé, trèfle, blé, gesses coupées en vert ; pommes de terre fumées, avoine, trèfle, blé, gesses pour fourrages ; pommes de terre sur un labour à la bêche et fumées, blé, trèfle, blé, gesse pour fourrages ; choux fumés, avoine, trèfle, blé, gesses pour fourrages ; colza fumé et pâturé, blé, trèfle, blé, gesses pour fourrages ; colza fumé et pâturé, blé, fèves fumées, blé, gesses pour fourrages ; fèves, choux fumés, fèves, blé, gesses pour fourrages.

Assolemens pour six ans. Fèves fumées, blé, pommes de terre fumées, avoine, trèfle, blé ; pommes de terre fumées et labourées à la bêcne ; blé, fèves, blé, fèves fumées, blé ; choux fumés, avoine, trèfle, blé, fèves fumées, blé ; colza fumé et pâturé, blé, fèves, blé, pommes de terre fumées, avoine.

Pictet, de qui j’ai pris ces assolemens, ajoute que les pièces qui ont été mises en prés-gazons peuvent rester telles jusqu’à ce que les convenances du domaine ou une altération sensible dans la quantité d’herbes qu’elles produisent, avertissent que c’est le moment de les rompre. Il importe alors d’adopter un assolement qui prolonge le plus long-temps qu’il est possible l’influence féconde du gazon décomposé. Les expériences d’Arthur-Young sur les assolemens, nous apprennent que les fèves ont, à un degré éminent, la faculté de conserver et de renouveler l’influence fertilisante du gazon pourri, et ces expériences démontrent en même temps que les pommes de terre ne conviennent pas dans un terrain froid qui étoit un pré auparavant ; enfin, les faits qui résultent du travail de cet agriculteur, font voir que dans les prés rompus, tant que le gazon n’est pas entièrement consommé, l’avoine donne plus de profit que le blé.

Voici donc l’assolement que Pictet propose pour ces sortes de terres : fèves, avoine, fèves, avoine, fèves, blé.

Le même ajoute encore : il est quelques productions d’une convenance locale ou d’une consommation facile et commode pour le fermier, qui peuvent être avantageusement placées sur les terres argileuses, telles que sont le chanvre, le lin, les carottes, la racine de disette, etc. Le chanvre et le lin peuvent entrer dans les assolemens des glaises fécondes ; mais dans les glaises médiocres et stériles, ces productions ne sont point profitables. Les terrains qui leur conviennent par-dessus tout sont les luts gras, les terreaux fertiles, les sols d’alluvion ; et, dans ces terrains-là, les raves peuvent succéder avec avantage dans la même année, ce qui n’est pas possible dans les glaises froides. Ainsi ces mêmes raves, qui produisent de si bons effets dans les terres légères, ne doivent que rarement entrer dans les assolemens des terres argileuses.

Un grand reproche que l’on peut faire aux assolemens anglais, d’ailleurs si dignes d’être imités, c’est, je l’ai déjà observé plusieurs fois, qu’ils ne s’étendent pas sur un assez grand nombre d’espèces de grains ou de fourrages. En effet, le trèfle et les fèves qui s’y retrouvent si souvent, finissent par épuiser le terrain, quelque fumé qu’il soit.

Cet inconvénient est déjà senti par les cultivateurs éclairés, et Arthur-Young le mentionne souvent dans ses Annales. Il paroît même que plusieurs de ces cultivateurs agissent en conséquence. L’assolement suivant est pratiqué avec avantage par eux : blé, pommes de terre, avoine, fèves, blé, sainfoin ; ou bien, fèves, choux, blé, pommes de terre, avoine, fèves, blé, pimprenelle, deux ans. On a remarqué que presque toujours l’avoine vient mieux après les pommes de terre que toute autre espèce de grain, et que les fèves sont, de toutes les plantes, celles qui maintiennent le mieux la fertilité du sol, quelle que soit la nature de la plante qui lui succède. La pomme de terre paroît une des plantes les plus épuisantes, et elle doit en conséquence être ménagée, à moins que les fumiers ne soient abondans.

Les assolemens dans les terrains de la nature de celui dont il est ici question ont bien moins besoin d’être fumés que dans ceux qu’on appelle légers : on en cite qui ne l’ont été qu’une fois en neuf ans, et qui n’en ont pas moins donné chaque année de bonnes récoltes ; cependant, plus on le fait et plus ces récoltes sont abondantes. Ici, comme dans beaucoup d’autres cas, ce sont les circonstances qui doivent déterminer et le mode d’assolement, et la quantité de fumiers dont on les accompagnera.

Ceci me conduit à observer (ce que j’aurois dû faire plus haut) que quoique dans toute espèce de terre le fumier sans assolement fasse produire des récoltes avantageuses, les assolemens, joints à l’abondance des fumiers, en procurent encore de meilleurs, c’est-à-dire que de deux pièces égales et également fumées, celle où on aura mis deux ans de suite du blé, donnera la seconde une récolte inférieure à celle où on n’en aura mis qu’une fois.

Mais loin de tendre à augmenter la consommation des fumiers, les assolemens, au contraire, comme on l’a vu dans le cours de cet article, tout en favorisant considérablement leur masse par la multiplication des fourrages, et, par suite, des bestiaux, tendent à la diminuer, puisque par leur seul moyen on peut espérer des récoltes passables. Cependant, fumer, fumer, et encore fumer est le pivot de ce mode d’agriculture comme de tout autre.

Il y a quelques cantons de la France dont le sol est argileux, comme celui dont il est ici question, et qui ont de toute ancienneté eu d’excellens systèmes d’assolemens, dans lesquels les jachères sont complètement inconnues. Les départemens du Nord, du Pas-de-Calais, de la Dyle, de l’Escaut, c’est-à-dire l’ancienne Flandre, les départemens du Haut et du Bas-Rhin, du Lot et de la Haute-Garonne, sont principalement dans ce cas. On dit partout que ces départemens sont privilégiés, et que si on employoit cette même culture dans des terrains de qualité inférieure, on n’en obtiendroit pas des résultats avantageux, quoique tout le monde sache qu’il est beaucoup d’autres départemens où il se trouve des terres de même nature que celles qui viennent d’être mentionnées ; il suffit de nommer ceux de l’Aisne, de la Somme, de l’Oise, de Seine et Oise, de l’Eure, du Calvados, de l’Orne, de la Seine-Inférieure, de Seine et Marne ; cependant, dans ces départemens on suit encore le désastreux système des jachères, ou, si on y pratique des assolemens, ce n’est que dans quelques fermes appartenantes à des hommes éclairés, dont les succès n’ont aucune influence sur leurs voisins. Je dis désastreux, car, que de richesses qui pourroient naître annuellement dans ces départemens, et qui sont perdues par ce seul fait !

C’est à l’adoption du système de l’assolement de la Flandre que l’Angleterre doit en grande partie sa prospérité actuelle. En effet, ce système ayant doublé les produits de son agriculture, a dû nécessairement produire une augmentation dans sa richesse, son commerce, sa population et tous les moyens de force qu’elle amène toujours. La possibilité d’élever un plus grand nombre de bestiaux par l’alternat des récoltes de fourrages, avec des récoltes propres à la nourriture des hommes, est seule un avantage immense. Sans bestiaux, point d’agriculture, et sans agriculture, point de bestiaux, puis-je dire d’une manière géniale ; car doit-on appeler agriculture, des cultures coûteuses que l’on fait à bras d’hommes dans certains cantons, et bestiaux, le petit nombre de vaches étiques et de chevaux foibles qui se disputent quelques brins d’herbes sur des jachères ou le long des chemins, dans la plupart de nos départemens ? C’est en imitant les habitans des départemens dénommés plus haut, non servilement, mais d’une manière appropriée à la différence du sol, des abris, des besoins locaux, etc., etc., que le reste de la France peut espérer de s’élever à un haut degré de puissance. L’intérêt de tous les bons Français est donc de faire simultanément les plus grands efforts pour éclairer ceux de leurs concitoyens qui ne reconnoissent pas les avantages immenses qu’il y a à remplacer les jachères par de bons assolemens.

(Bosc.)

  1. Cet ouvrage, qui a beaucoup servi à la rédaction de cet article, se trouve chez Pougens, à Paris, et chez Paschoud, à Genève.