Cours d’agriculture (Rozier)/TRANCHÉE

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 458-465).


TRANCHÉE. Médecine Rurale. On se sert en général de ce nom vulgaire pour désigner des douleurs vives & aiguës que l’on ressent dans les intestins, qui sont toujours occasionnées par des vers, par des vents, ou par des matières âcres & irritantes, & qui sont quelquefois suivies de la sortie des excrémens, comme cela arrive dans la dyssenterie & dans certaines diarrhées.

Tous les hommes sont sujets à éprouver des tranchées ; mais les femmes nouvellement accouchées & les enfans nouveaux nés, y sont encore plus exposés ; les suites d’un accouchement laborieux entraînent presque toujours des tranchées, qui ne sont souvent excitées que par les tiraillemens que la matrice exerce sur les parties qui ont souffert. Les caillots de sang qui se présentent à l’orifice de la matrice pour sortir, occasionnent aussi souvent les mêmes contractions douloureuses, & les mêmes tranchées qu’on a éprouvées pendant l’accouchement.

On remédie promptement à ces tranchées en donnant aux malades deux onces d’huile d’amande douce récente, extraite sans feu, battue avec une once de sirop de limon, ou si on l’aime mieux, avec une once de vin d’Alicante ; tout comme par des lavemens faits avec la décoction des tripes, ou bien avec la fleur de camomille & de matricaire, dans lesquels on combine l’huile d’amande douce, ou le beurre frais, & même les gouttes anodines si les douleurs sont trop vives.

Dans les tranchées qui accompagnent la dyssenterie, le meilleur remède que l’on puisse administrer pour donner du soulagement, est un lavement fait avec une demi-once de craie réduite en poudre très-fine, une demi-poignée de rhue, & autant de fleurs de camomille qu’on fait bouillir dans une pinte d’eau réduite à moitié, dans laquelle on fait dissoudre une once de thériaque. Si c’est pour un enfant, on n’en donne que la moitié ; mais il faut en même temps frotter le ventre avec trois onces de baume tranquille, que l’on mêle avec deux onces en tout de suc exprimé de cerfeuil, de camomille & de lierre terrestre, que l’on fera chauffer.

Lorsque les tranchées dépendent des caillots de sang arrêtés dans la matrice ou le vagin, on doit en faciliter la sortie en faisant asseoir la nouvelle accouchée sur une chaise percée, & en lui injectant dans le vagin de l’eau d’orge, dans laquelle on délayera suffisante quantité de miel rosat.

Quant aux tranchées des enfans, comme elles reconnoissent différentes causes, il faut tâcher de deviner celles de leurs douleurs, & leur origine. Les cris aigus qu’ils poussent sont les garans de leur existence ; c’est à quoi il faut faire attention, & c’est ce qu’on doit étudier avec le plus grand soin. Voyez les mots enfant, colique, vers, dentition, &c. M. Ami.

TRANCHÉES, Colique des animaux. Médecine vétérinaire. En général, on donne le nom de tranchées ou coliques, à des douleurs aiguës qui se font sentir dans le bas-ventre es animaux ; on les distingue à raison des causes qui les produisent. On reconnoît des tranchées venteuses, des tranchées d’indigestion, des tranchées d’eau froide, des tranchées de vers, des tranchées de bézoard, & des tranchées rouges.

Nous allons traiter de chacune de ces tranchées en particulier.

Des tranchées venteuses.

Le ventre du cheval est distendu, la respiration est difficile, l’animal bat des flancs, il s’agite, il rend des vents par l’anus, le ventre résonne quand on le frappe.

On doit attribuer les causes les plus ordinaires des tranchées vendeuses, à la mauvaise digestion, à la putréfaction, à la fermentation des alimens, à la chaleur qui s’en échappe & qui raréfie l’air. (Voyez météorisme) On peut encore joindre à toutes ces causes, le relâchement des fibres des intestins ; dans ce cas, elles n’ont pas assez de force ni de ton pour chasser les vents, & delà les tranchées venteuses.

Traitement. Il est le même que celui que nous avons indiqué à l’article météorisme tympanite tome 6, page 517.

Tranchées d’indigestion.

On est assuré que le cheval est atteint de cette maladie, lorsqu’après avoir mangé beaucoup de grain, de foin ou d’autres alimens, il donne des signes de tranchées, il frappe du pied, il s’agite, il est appesanti, il allonge de temps en temps la tête, & respire difficilement.

Traitement. Il faut bien se garder de saigner le cheval, dans la crainte de diminuer les forces digestives, & de l’exposer à périr de suffocation ; donnez-lui au contraire une once de thériaque délayée dans un demi-septier de bon vin ; faites-lui avaler ensuite une grande quantité de décoction émoliente ; donnez-lui quelques lavemens de même nature, & terminez la cure par un lavement purgatif, composé de quatre onces de pulpe de casse, dissoute dans la même décoction.

Outre ces remèdes, on peut encore retirer un grand succès de celui qui a été éprouvé, en pareille circonstance, par M. le marquis de St.-Vincent, & qui n’est autre chose que l’éther vitriolique ; d’après son expérience, ce remède lui a toujours paru souverain pour toutes les coliques fréquentes parmi les habitans de la campagne, qui leur sont trop souvent occasionnées par les eaux crues, impures & séléniteuses dont ils usent indifféremment, & par la mauvaise qualité des alimens que prépare l’indigence. Il n’avoit pas encore entendu dire qu’on eût éprouvé cette liqueur sur les animaux ; la nécessité nous excite souvent à recourir à des moyens qui réussissent ; il venoit de perdre à la campagne un cheval danois très-vigoureux, dans un accès de colique, par l’impéritie trop ordinaire des maréchaux ; peu de temps après on vint l’avertir qu’un autre de ses chevaux avoit une colique semblable : il avoit déjà vu l’insuffisance des remèdes ordinaires pour ces maladies dangereuses ; il imagina d’essayer l’éther ; il trouva bientôt le moyen d’en faire avaler à ce cheval une dose convenable ; & cet animal qui se rouloit & se débattoit avec la plus grande violence, qui étoit en sueur, qui avoit les avives dures, enflées, les oreilles froides, enfin des symptômes du plus mauvais caractère, devint dans un instant calme, tranquille, & rendit une quantité prodigieuse d’excrémens ; c’étoit un jeune cheval, & sûrement il auroit succombé sous le traitement de celui qu’il avoit perdu. Quelques mois après une vieille jument de travail fut attaquée d’une colique qu’il jugea n’être pas tout-à-fait de la même espèce, quoiqu’elle eût des symptômes fort redoutables : elle fut aussi promptement guérie par le même remède, mais elle ne rendit que des vents ; c’étoient donc deux causes différentes, & l’éther peut convenir également aux coliques d’indigestion ou venteuses. Le lendemain cette jument fit son travail ordinaire, & n’en fut point incommodée.

Les bêtes à cornes sont encore plus fréquemment sujettes aux coliques que les chevaux, parce que passant d’une nourriture sèche & peu substantielle, dans des pâturages abondans, humides, ou étant nourries avec du trèfle ou de la luzerne sans ménagement, leurs digestions doivent être mauvaises ; mais M. le marquis de St.-Vincent ne s’est trouvé qu’une seule fois dans le cas d’éprouver l’éther sur une vache pleine, qui avoit une colique compliquée avec une autre maladie ; & il a jugé, par sa prompte guérison, du bon effet de ce remède pour les coliques des bêtes à cornes, & qu’on peut leur donner dans toutes les circonstances sans craindre d’accident.

La dose qui lui a paru convenable pour les animaux, est de cinquante à soixante gouttes d’éther ; & voici la manière qui lui a semblé la plus sûre & la plus commode pour leur faire avaler ce remède.

On fait attacher fort court le cheval ou la bête à corne au râtelier ; on fait remplir en même temps une corne d’eau pure, on met dans une cuiller de bois à long manche, du sucre en poudre, sur lequel on verse promptement environ cinquante gouttes d’éther ; on l’introduit aussi-tôt, & le plus avant possible, dans la bouche de l’animal, en même temps on laisse tomber l’eau contenue dans la corne, ce qui le force d’avaler le sucre éthéré. Après l’avoir laissé quelques minutes, & lorsqu’on juge que l’éther est bien passé, on détache l’animal, & si on veut on le fait promener par sa longe. On ne tardera pas à le voir se vider de vents ou d’excrémens, & rentrer dans son écurie parfaitement guéri. Il faut seulement éviter de lui donner à boire ou à manger avant deux ou trois heures. Nous ne saurions trop recommander de ne point tenailler & battre les avives aux chevaux ; (voyez Avives) cette méthode pernicieuse n’est malheureusement que trop suivie & usitée à la campagne.

Tranchées d’eau froide.

Cette maladie arrive lorsque le cheval étant à jeun ou en sueur, boit une grande quantité d’eau froide ; laquelle agissant fortement sur les nerfs de l’estomac, resserre les vaisseaux, y cause une inflammation, & de-là la douleur & les tranchées.

Cette maladie n’est pas dangereuse ; on la guérit en tenant bien chaudement le cheval, & en le faisant promener. S’il est des cas où les remèdes ne suffisent pas, voyez l’article relatif aux tranché « s rouges.

Tranchées des vers.

Les vers qui causent les tranchées dans les animaux, sont de plusieurs sortes ; nous entrerons dans de plus grands détails sur les causes & le traitement de cette maladie, à l’article vers des animaux, maladies vermineuses. (Voyez cet article)

Tranchées de bézoard.

Le bézoard est une espèce de boule tantôt spongieuse, tantôt pierreuse, qui se forme dans les intestins des animaux, sur-tout du cheval.

La première est formée d’un amas de poils, de bourres & autres substances semblables, d’une couleur sale & jaunâtre, & qui n’augmente plus lorsqu’elle est parvenue à une certaine grosseur ; ce qui arrive lorsqu’elle ne roule plus dans l’intestin, & qu’elle est trop pesante pour être déplacée par l’impulsion des alimens. Cette espèce est moins un bézoard qu’une égagropile. (Voyez ce mot) En 1778, nous en trouvâmes un dans l’appendice de l’intestin cæcum d’un cheval, âgé de douze ans.

La seconde, ou l’autre espèce de bézoard, tient de la nature de la pierre. Il se forme originairement par un petit caillou qui se trouve dans les intestins, autour duquel s’attache peu-à-peu un sédiment à peu près semblable au tartre des dents : ce caillou est le noyau du bézoard ; cette pierre se forme assez souvent par couche, distinguées par des signes tantôt concentriques & tantôt excentriques ; mais quoi qu’il en soit, les bézoards existans dans le canal intestinal, le parcourent, le ferment ensuite, & empêchent les alimens de passer dans les gros intestins ; de-là les tranchées & la mort de l’animal.

Il n’est pas possible de reconnoître l’existence de ces pierres dans les intestins ; mais ce qu’il y a de certain, c’est que le cheval, ci-dessus cité, regardoit à tout moment son ventre, & qu’il paroissoit très-soulagé lorsqu’il le posoit à terre. Quoique cette maladie soit pour l’ordinaire regardée comme incurable, consultez les mots pierre, calcul.

Tranchées reuges.

Les tranchées rouges ne sont autre chose que l’inflammation de l’estomac ou des intestins, portée au dernier degré, à laquelle le cheval est beaucoup plus sujet que le bœuf & les autres animaux.

L’animal se tient presque toujours couché, la tête tournée la plupart du temps vers son ventre ; il agite les jambes antérieures, sur-tout lorsqu’il est levé & qu’il s’occupe à creuser la terre ; s’il se couche, il étend aussi-tôt les jambes de derrière & les agite ; il fait de grandes inspirations & pousse des soupirs ; la langue est sèche & échauffée ; il est triste, abattu dès les premières heures de l’invasion de la maladie ; il refuse toutes sortes d’alimens ; le pouls est très-fréquent & dur. Quand on le touche sous le ventre, il y sent de la douleur ; la conjonctive est enflammée, ainsi que le sphincter de l’anus ; & si les remèdes n’ont pu calmer l’inflammation, l’animal meurt pour l’ordinaire au bout de vingt-quatre heures, & quelquefois avant ce temps.

De l’avoine ou de la luzerne mangée en trop grande quantité, les breuvages spiritueux, les violens purgatifs, les boissons trop froides durant les grandes chaleurs de l’été, les mauvaises qualités des sucs contenus dans l’estomac ou les intestins, sont les principes les plus connus de cette maladie.

Curation. D’après la violence des symptômes ci-dessus désignés, on doit bien comprendre que la saignée à la veine jugulaire est le premier des remèdes pour modérer l’inflammation, relâcher les parties enflammées, & faciliter le passage des médicamens mucilagineux dans les intestins ; il convient même de la répéter quatre à cinq fois dans l’espace de vingt-quatre heures, ayant toujours égard à l’âge, au tempérament, à la saison, à l’espèce de malade, & à l’intensité de la maladie. Les lavemens mucilagineux & nitreux sont, après la saignée, ce qu’il y a de plus avantageux pour diminuer l’inflammation. Pour cet effet, prenez d’infusion de feuille de laitue trois livres ; faites-y dissoudre du nitre deux onces, pour un lavement que vous réitérerez cinq à six fois dans la journée ; la chaleur des tégumens & de la langue est-elle considérable, ajoutez-y de la crème de tartre, à la dose de demi-once ; ne présentez au malade aucun aliment de quelque nature qu’il soit ; donnez lui seulement une petite quantité d’eau blanche avec un peu de farine de froment, & tenant en solution une once de nitre sur environ six livres d’eau ; si cette eau blanchie irrite l’estomac, faites prendre une légère décoction de racine de guimauve ; ce breuvage ne doit être administré qu’à très-petite dose, & tiède. Les alimens contenus dans l’estomac du cheval étant dans l’impossibilité de sortir par l’orifice œsophagien, par la raison que nous en avons déjà donnée à l’article estomac, (voyez ce mot) il faut qu’ils passent par l’orifice duodénal, qui est la portion de l’estomac la plus exposée à l’inflammation. En faisant prendre à l’animal une trop grande quantité de fluide, l’estomac en seroit plus distendu, & loin de favoriser la sortie du fourrage qui y est contenu, on augmenteroit alors l’inflammation. Réitérez donc les breuvages, mais à petite dose ; donnez souvent des lavemens mucilagineux, & gardez-vous sur-tout, comme le font journellement les maréchaux de village, de confondre la maladie dont il s’agit avec la colique venteuse, & d’administrer en conséquence des breuvages aromatiques, spiritueux & purgatifs, qui conduisent l’animal à la mort la plus prompte & la plus violente.

Les animaux sont encore sujets aux tranchées rouges, ou à l’inflammation de l’estomac ou des intestins, par des substances vénéneuses qu’ils peuvent avoir avalé.

Aussi-tôt qu’un bœuf, par exemple, a avalé une plante ou une autre substance vénéneuse, il cesse de manger ; il s’agite, il se lève, il se couche, il bat des flancs, il soupire, le ventre s’enfle avec promptitude & d’une manière extraordinaire ; le mouvement du cœur augmente à mesure que les symptômes s’accroissent : au commencement les oreilles, les cornes & les narrines sont froides, mais bientôt après elles acquièrent une chaleur considérable ; quelquefois on voit le bœuf rendre par l’anus une matière musqueuse, sanguinolente & uriner souvent ; le cheval est encore plus agité ; il regarde souvent son ventre, de même que le bœuf ; il gratte la terre avec les pieds de devant ; il reste couché lorsque le mal a fait du progrès ; l’agitation du corps & des extrémités augmente ; il soupire, il bat des flancs, il urine & fiante difficilement, à moins que la matière avalée ne soit purgative, ou n’ait pénétré dans les intestins.

Les substances vénéneuses introduites dans les premières voies des bestiaux, se tirent ou du règne végétal, ou du règne minéral, ou du règne animal : le règne végétal est celui des trois qui fournit le plus grand nombre de poisons ; mais de quelque règne que viennent les substances vénéneuses, elles doivent agir différemment sur les premières & les secondes voies des bestiaux. On a encore observé que la même substance vénéneuse produit différens symptômes, suivant l’espèce d’animal ; & rien ne démontre plus combien ces substances doivent agir différemment sur chaque espèce de bestiaux, que les diverses expériences faites par un des plus célèbres naturalistes sur les végétaux qui se trouvent dans les pâturages ; en présentant, par exemple, au bœuf, au cheval, à la brebis, à la chèvre & au porc, diverses espèces de plantes, il a observé que telles plantes nuisibles aux chevaux, étoient salutaires aux bœufs, ainsi qu’à la chèvre & au porc ; que telle plante dévorée au printemps, étoit rejetée en automne, & que la disposition de l’animal faisoit varier son goût ; par exemple, lorsque les vaches allaitent, elles mangent les tithymales qu’elles refusent en d’autres temps. En général, les bœufs, les chevaux & les brebis rejètent les plantes aquatiques, & les plantes amères & âcres ; les porcs, au contraire, sont friands de plusieurs plantes aquatiques ; les brebis mangent avec plaisir un grand nombre de plantes aromatiques ; les chèvres, plus délicates qu’on ne se l’imagine communément, aiment beaucoup les bourgeons, les sommités & les fleurs des plantes ; les bourgeons du chêne, de l’orme, & de plusieurs autres arbres, sont leurs mets délicieux ; la brebis ne mange que les feuilles, & pâture près de la racine que souvent elle détruit : la ciguë fait mourir les vaches, & sert de nourriture aux chèvres ; l’aconit ne fait aucun mal aux chevaux, tandis qu’il fait périr les chèvres. C’est l’odeur & la saveur des plantes qui déterminent les bestiaux à choisir les plantes utiles, & à rejeter celles qui sont nuisibles ; mais il ne faut pas croire que toutes les plantes pour lesquelles ils répugnent, soient capables d’enflammer les estomacs ou les intestins. Parmi les plantes nuisibles, les unes mangées à une dose médiocre, fatiguent les bestiaux ; mais elles ne leur causent point la mort ; les autres, en petit nombre, sont réellement vénéneuses : elles enflamment pour l’ordinaire les estomacs ou les intestins, & font quelquefois mourir l’animal. Nous pouvons ranger dans cette dernière classe les substances végétales que l’on a regardées comme de violens purgatifs, telles que le jalap, la coloquinte, la colchique, l’oignon de scille, l’ellébore, le diagrede, la gomme gutte, l’euphorbe, la résine de jalap, &c. Il est prouvé, par l’expérience, que ces substances données seulement à une dose proportionnée à la grandeur & au tempérament de l’animal, causent presque toujours au cheval l’inflammation de l’estomac à l’endroit de l’orifice du duodénum, au bœuf & à la brebis, l’inflammation de la caillette ; ce qui prouve, d’une manière évidente, qu’on ne doit pas toujours attribuer les mauvais effets des purgatifs à la grande sensibilité des gros intestins du cheval & de la panse du bœuf, mais à l’inflammation de la portion duodénale de l’estomac du cheval, ou à l’inflammation de la caillette du bœuf & de la brebis.

Traitement. Un animal a-t-il avalé une substance vénéneuse du règne végétal, empressez-vous de lui administrer en breuvage & en lavement, une grande quantité de fluide mucilagineux ou huileux, tel que l’eau blanche, l’eau miellée, la décoction de racine de guimauve, le lait, l’huile d’olive récente ; faites une saignée à la veine jugulaire plus ou moins considérable, suivant la quantité & la qualité du sujet ; gardez-vous d’imiter les maréchaux qui ont coutume de donner à l’animal empoisonné beaucoup de thériaque, de l’orviétan, du vin avec l’ail, de l’eau-de-vie & des purgatifs, qui l’obligent de marcher & de courir, & qui l’enveloppent de couvertures de laine pour le faire suer.

Le poison est-il composé d’une substance métallique unie avec un acide ? De l’arsenic, par exemple, l’alkali fixe mis en solution dans une grande quantité d’eau miellée, décomposera le sel métallique, & empêchera ses mauvais effets : l’eau de chaux, la magnésie, & plusieurs autres espèces de terres calcaires, produiront le même effet, mais un peu plus lentement. M. Navier, médecin à Châlons, qui s’est occupé de la recherche des contre-poisons de l’arsenic, a trouvé une matière qui se combine avec cette substance, par la voie humide, la sature, & détruit la plus grande partie de ses propriétés. Cette matière est le foie de soufre calcaire ou alkalin, & mieux encore, le foie de soufre qui tient en dissolution un peu de fer. En versant cet hépar martial dans une dissolution d’arsenic, le foie de soufre se décompose sans exhaler aucune odeur, parce que l’arsenic se combine au soufre avec lequel il fait de l’orpiment, & il s’unit en même temps au fer. Ce médecin prescrit un gros de foie de soufre dans une pinte d’eau, qu’il ordonne de prendre par verrées aux personnes empoisonnées : on peut aussi leur donner cinq à six grains de foie de soufre sec en pilules, & par-dessus chaque pilule un verre d’eau chaude. Lorsque les premiers symptômes sont dissipés, il conseille l’usage des eaux minérales sulfureuses ; l’expérience lui a fait connoître qu’elles sont très-propres à détruire les tremblemens & les paralysies qui suivent ordinairement l’effet de l’arsenic, & qui mènent à la phtysie & à la mort. Ne pourroit-on pas employer le même procédé, relativement aux animaux, en en proportionnant la dose à la grandeur & au tempérament de l’espèce de chacun d’eux ?

Les substances vénéneuses, tirées du règne animal, demandent l’eau miellée, le petit-lait, l’eau blanchie avec la farine de riz ou d’orge. Si vous soupçonnez que des sangsues produisent de violentes coliques & des convulsions, faites boire au malade une grande quantité d’eau saturée de sel marin. Au lieu de vous attacher de provoquer le vomissement qui est impossible dans le bœuf & le cheval, bornez tous vos efforts à chasser promptement, par l’anus, les substances vénéneuses, à empêcher leur rentrée dans le torrent de la circulation, & à modérer leur action sur l’estomac, ou sur les intestins ; mais lorsqu’ils ont excité l’inflammation, redoublez de soins, saignez plusieurs fois à la veine jugulaire ; faites boire souvent & à petite dose, de la décoction d’orge ou de racine de guimauve, aiguisée d’une petite quantité de nitre ou de petit-lait ; réitérez les lavemens mucilagineux & nitrés, ci-dessus indiqués, éloignez le lait, les huiles, & toutes sortes d’alimens, & tenez l’animal en repos dans une écurie propre & bien aérée. M. T.

Tranchées. Coliques des veaux. Médecine vétérinaire. Beaucoup de veaux meurent de coliques qu’ils éprouvent peu de temps après leur naissance ; souvent ils paissent au bout de peu d’heures qu’ils en sont attaqués. Nous ne parlerons point ici de cette colique qu’accompagne un dévoiement dyssentérique, (voyez Dyssenterie) qui, dans certaines années humides & froides, détruit beaucoup de ces animaux ; il ne s’agit ici que de la colique simple, qu’on doit attribuer à l’usage du lait cru, ou à d’autres mauvaises nourritures.

Curation. Si les boissons & lavemens adoucissans, rafraîchissans, avec le son, le miel, le nitre ne les guérissent pas promptement, il faut se hâter de leur faire prendre quelque laxatif ou du laudanum, ou même encore les deux ensemble ; par exemple, il est à propos de leur faire prendre plein une cuiller à thé de laudanum, & ensuite environ trente grains de soufre, ou de sel de nitre en poudre, qu’on mêlera dans du lait, ainsi que le laudanum. Le soufre ou sel de nitre sera réitéré au bout de six heures, ce qui se fera encore le jour suivant, si la colique subsiste, malgré l’usage répété des boissons & lavemens. M. T.