Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/921-930

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Fascicules du tome 1
pages 911 à 920

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 921 à 930

pages 931 à 940


quelqu’un pour servir de quittance. Avant son départ, il m’a laissé son blanc pour recevoir sa pension.

Blanc signé, ou Blanc seing, papier que l’on donne à quelqu’un pour le remplir à volonté. Papier que l’on donne à des Arbitres, ou à des personnes de confiance pour le remplir des conditions qu’ils jugeront à propos. Potestas rei gerendæ ad arbitrium. On le dit aussi de tout acte où on laisse quelques lignes en blanc, que l’on confie à la discrétion de quelqu’un pour le remplir, soit d’une quittance, soit d’une rescription, soit de quelque autre chose.

En Blanc, adv. se dit en ces phrases. Procuration, quittance en blanc, où on laisse le nom en blanc, de celui qui doit agir, ou recevoir. Pura tabula cum Chirographo. Ce mot est en blanc, c’est-à-dire, il y a de l’espace pour le mettre, lorsqu’il n’a pas été rempli. On le dit aussi de ce qui a été omis.

Un livre en blanc, est un livre en feuilles sans reliure. Folia dissoluta. Rôtisseur en blanc, celui qui vend les viandes lardées, & non rôties. On dit aussi que des étoffes, des chapeaux, sont en blanc, lorsqu’ils n’ont point passé par la teinture.

Blanc. s. m. signifie encore une marque blanche, ou noire, qu’on met à un but pour tirer de l’arc ou du fusil. Signum. Tirer au blanc, donner dans le blanc. Tirer de but en blanc, c’est du lieu marqué où l’on est, tirer droit dans le blanc où l’on vise. Quand un arc est trop lâche, on ne sauroit donner dans le blanc, si on ne prend sa visée beaucoup plus haut. Ab. Regnier.

On dit proverbialement d’un homme qui est entre deux vins, qu’il est entre le blanc & le clairet. On dit qu’un homme a mangé son pain blanc le premier ; pour dire, qu’il a été nourri délicatement dans sa jeunesse, & qu’il aura bien des maux, des fatigues à essuyer dans la suite. On dit qu’un homme se fait tout blanc de son épée ; pour dire, qu’il se promet de faire bien des choses, où souvent il ne peut pas réussir ; & de celui qui est extrêmement heureux en toutes choses, que c’est le fils de la poule blanche. On dit aussi que des personnes se mangent le blanc des yeux ; pour dire, qu’elles sont extrêmement ennemies. On dit aussi, qu’un homme est réduit au bâton blanc, ou absolument, réduit au blanc, quand il est devenu extrêmement pauvre & misérable ; qu’il est au blanc, lorsqu’il n’a pas un sou. Il se dit principalement des joueurs qui ont perdu tout leur argent ; on dit aussi, par menace, je te mettrai au blanc, c’est-à-dire, je te ruinerai. On dit aussi qu’un homme passe du blanc au noir ; pour dire, qu’il la faut faire absolument de gré ou de force. On dit aussi, dire une chose de but en blanc à quelqu’un ; la dire hardiment, sans façon, sans considérer s’il l’aura agréable ou non. On dit aussi à celui qui promet de faire une chose impossible, qu’en ce cas on lui donnera un merle blanc. Les voyageurs disent aussi, rouge au soir, blanc au matin, c’est la journée du pélerin. Les joueurs d’échecs disent, dame blanche a le cul blanc ; pour dire, que le Roi blanc doit être posé d’abord sur une case noire. On dit aussi, pour marquer l’égalité de deux choses, que c’est bonnet blanc & blanc bonnet.

Les Blancs. Nom d’une faction qui se forma dans la ville de Pistoie, en Italie, l’an 1300. Ceux de la faction contraire furent appelés les Noirs. Le Poëte Dante étoit de la faction des Blancs ; & parce que Charles de Valois, frere de Philippe le Bel, & Vicaire de l’Empire dans la Toscane, chassa les Blancs de Florence, dont ils s’étoient emparés, Dante, qui fut chassé avec eux, se déchaîna contre les François. C’est la cause de ses invectives, & des contes injurieux & faux qu’il écrivit contre eux.

On distingue encore dans plusieurs pays des Indes les Blancs & les Noirs. On appelle Blancs les Européens, ou d’autres peuples moins basanés que les naturels du pays. Ainsi dans l’Inde les Blancs sont les Mogols, & les Noirs sont les Indiens. Les Blancs, dans l’île de Madagascar, sont les Zafferamini, & les Casimonibous qui y sont venus d’Arabie ; & les Noirs sont les naturels de l’île.

La Confrérie des Blancs. Alborum ou Canamorum confraternitas. C’est à Naple une Confrérie dont le principal emploi est d’assister les criminels que l’on conduit au supplice, pour les exhorter à faire une bonne mort. P. Helyot, T. VII, p. 105.

Blancs. Imposteurs qui parurent en Italie, vers la fin du XIVe siècle, ainsi nommés parce qu’ils portoient des robes blanches. Voici ce qu’en écrit Thierry de Niem, témoin oculaire. L’an 10 de Boniface IX, vinrent d’Ecosse en Italie, certains Imposteurs, habillés de robes blanches, qui portoient des croix fabriquées de briques, fort artistement travaillées, d’où ils exprimoient du sang qu’ils y avoient fait entrer adroitement. Ils disoient que l’un d’entr’eux étoit Elie venu du Paradis pour annoncer la fin du monde, qui alloit périr par un tremblement de terre. Ils parcoururent presque toute l’Italie, & se firent un grand nombre de disciples, auxquels ils inspiroient de faire des pélerinages. Ils couchoient par-tout où la nuit les rencontroit, hommes, femmes, garçons & filles tout pêle-mêle. Leur prédication contribua d’abord à la réforme des mœurs, mais leur imposture ayant été découverte, tous ces faux Pénitens furent dissipés. Niem, de Schism. l. 2. c. 26. S. Antonin, Platine, le Pogge, Arétin, &c. en parlent aussi.

Blancs-battus. Confrèrie de Pénitens établie par le Roi de France Henri III, mais qui ne dura pas long-temps. Elle étoit composée des plus grands Seigneurs de la Cour, & particulièrement des mignons du Roi. On lit dans le Journal d’Henri III, que la Chapelle du S. Esprit servoit à cette fameuse Confrèrie des Blancs-battus. Leur habit étoit blanc, & d’une forme bizarre & extraordinaire. C’étoient de grands sacs qui couvroient tout le corps, n’ayant que deux trous pour laisser la vue libre. Les freres de cette Confrèrie affectoient des austérités très-rigoureuses, jusqu’à faire des processions à pied, depuis le Couvent des Chartreux de la rue d’Enfer, où étoit leur assemblée, jusqu’à l’Eglise de Notre-Dame de Chartres à dix lieues de Paris, en deux jours ; & ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que le Roi assistoit lui-même à ces processions habillé comme les autres.

BLANCS-MANTEAUX. s. m. pl. Nom que l’on a donné à Paris aux Services ou Religieux serfs de la sainte Vierge, parce qu’ils avoient des manteaux blancs. La maison qu’ils occupoient au quartier du Marais s’appeloit aussi les Blancs-Manteaux, & la rue dans laquelle elle est située, la rue des Blancs-Manteaux. Ce Monastère passa en 1298 aux Guillelmites, qui le cédèrent en 1618 aux Bénédictins de Cluni, qui l’on cédé à leur tour aux Bénédictins de la Congrégation de S. Maur, qui le possedent aujourd’hui ; quoiqu’ils soient habillés tout de noir, eux, leur maison, leur rue conservent encore le nom de Blancs-Manteaux. Voyez Du Breuil. Antiq. De Paris, p. 895, & celles de Malingre, p. 623 ; le P. Héliot, T. III, C. 45. Je viens des Blancs-Manteaux. Je vais à vêpres aux Blancs-Manteaux.

☞ BLANC. (le). Ville de France, en Berri, du côté du Poitou, sur la rivière de Creuse, généralité de Berri. Oblincum, siège d’une élection.

BLANCHAILLE. s. f. Ce mot n’a point de pluriel : c’est un nom collectif qui signifie, fretin, menu poisson. Viles pisciculi. La pêche de nos étangs n’a pas été bonne cette année, on n’y a trouvé que de la blanchaille.

BLANCHARDS. s. m. pl. Nom que l’on donne à certaines toiles de lin, ainsi appelées, de ce que le fil, qui sert à les fabriquer, a été à demi-blanchi, avant que d’être mis en œuvre.

BLANCHÂTRE. adj. m. & f. qui tire sur le blanc. Albicans. Couleur blanchâtre.

BLANCHE. s. f. Nom de femme. Blanca. Blanche de Castille, fille d’Alphonse IXe, & femme de Louis VIII, Roi de France, disoit souvent à S. Louis son fils, qu’elle eût mieux aimé le voir mort, que souillé d’un seul péché mortel.

Blanche. Reine Blanche. Nom que l’on a donné aux veuves de nos Rois. Le P. Ménestrier prétend que ce nom leur fut donné à cause de la coiffure qu’elles portoient, faite d’une guimpe & d’un voile blanc, comme le portent aujourd’hui les novices chez les Religieuses ; & il donne, pour garant de ce sentiment, un ancien tableau, où Isabeau de Valois, veuve de Louis I, Duc de Bourbon, est ainsi représentée.

Blanche vulgaire. s. f. Terme de Fleuriste. C’est une anémone à peluche, toute blanche, & dont les fleurs sont petites.

Blanche. Terme de jeu de cartes, ☞ qui se dit lorsqu’on n’a aucune figure dans son jeu. Il semble qu’on devroit dire blanches au pluriel. Alba folia. C’est un avantage au piquet & au hoc. Il vaut dix au piquet commun, cinq marques aux petites parties, & en quelques endroits cent points au piquet écrit : à l’impériale il en vaut deux.

BLANCHEMENT. adv. D’une manière blanche & propre. Purè, nitidè. Il faut tenir les enfans blanchement, ☞ les changer souvent de linge. Il n’a d’usage que dans cette phrase.

BLANCHER. s. m. Taneur qui apprête les petits cuirs. Ce terme n’est en usage que dans le Languedoc, particulièrement à Toulouse.

BLANCHERIE. s. f. Lieu destiné à blanchir des toiles. Officina albaria. ☞ Ce terme n’est usité que dans quelques Provinces. Il faut dire blanchisserie.

Blancherie de cuivre. On appelle ainsi dans quelques provinces de France, & particulièrement à Lyon, ce qu’on nomme à Paris & ailleurs, batterie de cuisine de cuivre.

Blancherie de cuir. Le tarif de la Douane de Lyon nomme ainsi les peaux de moutons, agneaux, chèvres, chevreaux & autres passées en blanc.

BLANCHES. Voyez Blanchets.

Blanches Dames. Nom de Religieuses & de leur Monastère bâti en 1120, près Savigny, dans le Diocèse d’Avranches, par Vital, disciple de Robert d’Arbrissel.

Processions Blanches. On appelle ainsi les processions qui furent instituées sous le règne d’Henri III, pour appaiser la colère de Dieu justement irrité contre la France. P. Giry, Vie du P. Moreau, p. 67. Dans ces processions les Laïques étoient couverts d’un drap blanc, & les Ecclesiastiques de leurs ornemens d’Eglise. Id. p. 69.

☞ BLANCHET. Adj. Vieux diminutif de blanc. Candidulus. Ch. Est. Dict.

Blanchet. s. m. Sorte de camisolle que les paysans appellent blanchet, parce qu’elle est d’ordinaire d’étoffe blanche. Lanea vestis alba.

Blanchet, est aussi une sorte d’étoffe. On permet aux Religieuses de Fontevrault des chemises de chanvre ou de lin, dont elles ne doivent se servir qu’avec la permission de la Prieure, mais ordinairement elles sont de blanchet ou d’étamine. P. Hélyot, T. VI, p. 185.

Blanchet. s. m. Terme d’Imprimerie. Sorte de molleton. ☞ Ce sont les morceaux de gros drap blanc, dont on garnit le grand tympan d’une presse, pour faciliter le foulage de l’impression, & garantir en même temps l’œil de la lettre.

Blanchet, est aussi un morceau de drap blanc dont on se sert en Pharmacie pour passer les sirops & les décoctions.

☞ On s’en sert aussi dans la raffineries pour passer la clairée. Voyez Clairée.

BLANCHEUR. s. f. Qualité qui résulte de la couleur blanche qui est sur les corps, ou plutôt de la lumière qu’ils réfléchissent. Albor, albitudo. ☞ La blancheur consiste dans le mélange de toutes les couleurs.

Blancheur, se dit en Médecine du teint, des urines, du pus, des crachats. La blancheur extrême du visage se nomme pâleur.

Blancheur. Quand elle paroît dans les opérations du grand art, c’est signe qu’en ce moment l’union se fait du soufre & du mercure, du mâle & de la femelle, du fixe au volatil. En termes du même art on appelle blancheur capillaire, de petits filamens blancs, comme des cheveux, qui paroissent lorsque le régime de Jupiter est achevé.

☞ BLANCHIMENT. s. m. Alboris inductio. En parlant des pièces de toiles entières, c’est l’action de les blanchir, & l’effet qui en résulte. En parlant du linge, on dit blanchissage. On emploie beaucoup de temps au blanchiment des toiles. Cette toile est d’un beau blanchiment. Le blanchiment des toiles de Flandre. Le blanchiment de Laval.

Blanchiment. Terme d’Orfèvre. C’est une sorte de baquet, où par le moyen de l’eau forte & de l’eau commune, on met blanchir la vaisselle. Mettre la besogne dans le blanchiment. ☞ On le dit aussi de l’action de blanchir la vaisselle.

Blanchiment, en termes de Monnoie, est une façon qu’on donne aux flans avant que de les marquer, en les faisant bouillir dans l’eau commune avec le sel, le tartre ou gravelée ; après quoi on les lave, on les séche, & on les essuie.

Blanchiment, est aussi le lieu où l’on donne cette façon aux flans d’or ou d’argent. On porte les flans qui ont été ajustés dans un lieu appelé le blanchiment, pour donner la couleur aux flans d’or, & blanchir les flans d’argent. Boizard.

BLANCHIR. v. a. Rendre blanc. Candefacere. Blanchir du linge à la lescive. Lixivio imbuta lintea purgare. Blanchir une muraille avec de la chaux. Dealbare. De la pâte à blanchir les mains. Blanchir de l’argent sur le feu. Blanchir de la cire à la rosée. Candorem inducere.

Blanchir le petit lait. Ce terme, qui n’est guère en usage que parmi ceux qui travaillent à la fabrique des fromages de Gruyère & de Berne, signifie, jeter une certaine quantité de lait, tel qu’il a été tiré du pis de la vache, dans le petit lait dont on veut composer le second fromage.

Blanchir le plomb. C’est l’étamer au feu ; c’est-à-dire, le couvrir de feuilles d’étain.

Blanchir, se dit aussi de la neuvième façon qu’on donne aux flancs des monnoies, lorsqu’on leur donne la couleur naturelle de leur métal. Ce blanchiment se fait par le Maître ou Fermier, qui met ses espèces d’or, d’argent, de billon & de cuivre, bouillir dans un pot, où il y a de l’eau forte mêlée avec de l’eau commune, & qui les jette ensuite dans de l’eau fraîche ; après quoi on les sablonne, & on les met dans un crible de fer, pour en ôter les barbes.

Blanchir des ais, en termes de Menuiserie, c’est les unir & rabotter de leur longueur pour faire des cloisons ; & en termes de Sérurriers, c’est limer & polir le fer, enlever à la grosse lime les premiers traits de la forge. En termes de Chaudronniers, c’est mettre la besogne sur le tour, & en ôter avec la paroire la superficie qui est sale & crasseuse. Dolare, perpolire, purgare. Blanchir un chauderon. On dit aussi parer un chauderon ; mais il n’est pas si usité que blanchir.

Blanchir la cire, lui faire perdre sa couleur jaune.

Blanchir, chez les Boyaudiers, c’est achever de nettoyer les boyaux en les faisant tremper après qu’on les a dégraissés.

Blanchir, chez les Confiseurs, c’est enlever le duvet d’une pêche, d’un abricot, ou de quelqu’autre fruit, en le faisant tremper dans une lessive préparée pour cela.

Blanchir, termes de Cuisiniers & de Rôtisseurs. Faire revenir la viande sur les charbons. Blanchir une volaille. Quelques-uns disent refaire.

Blanchir, chez les Orfévres. Voyez Blanchiment, terme d’Orfévre.

Blanchir, chez les Plumassiers. Enlever le gros de la teinture, en faisant passer les plumes dans de l’eau claire.

Blanchir, chez les Maréchaux. Oter la première partie de la sole d’un cheval.

Blanchir. Terme de Philosophie hermétique. Cuire la matière jusqu’à ce qu’elle soit parfaite.

☞ On dit absolument qu’une femme blanchit, pour dire, qu’elle fait métier de blanchir le linge ; & qu’elle blanchit quelqu’un, pour dire, qu’elle blanchit son linge.

Blanchir, est aussi neutre, & signifie devenir blanc. Albescere. On dit qu’une toile blanchit bien. On fait blanchir les toiles à la rosée. On les étend sur l’herbe pour blanchir, pour les faire blanchir.

On dit en termes de cuisine, faire blanchir de la viande ; pour dire, la mettre dans de l’eau tiède pour la faire revenir. Acad. Fr.

En termes de jardinage, faire blanchir de la chicorée, des cardes, du céleri, &c. pour dire, les faire devenir blancs, en liant les feuilles quand elles sont encore vertes, & en les couvrant avec de la terre ou du fumier.

Blanchir, se dit aussi des personnes dont les cheveux deviennent blancs. Canescere. Il commence à blanchir, ses cheveux commencent à blanchir, devenir blancs. Et l’on dit proverbialement que tête de fou ne blanchit jamais, parce que les fous sont exempts des inquiétudes qui font blanchir les cheveux de bonne heure.

☞ Ce verbe est employé dans un sens figuré tant à l’actif qu’au neutre.

☞ On dit à l’actif, blanchir quelqu’un ; pour dire, faire paroître innocent un homme qu’on accusoit de quelque chose. Il étoit accusé de plusieurs malversations, mais il a trouvé de bons amis qui l’ont entièrement blanchi. Purgare. Au neutre il est employé dans la même signification que vieillir. blanchir dans les troupes, sous le harnois. Ces saintes filles ont blanchi dans la pratique laborieuse de la miséricorde Chrétienne. Fléch. Vieillir dans les forfaits, & blanchir dans le crime. Breb.

☞ On dit encore figurément, qu’un coup d’arme à feu n’a fait que blanchir, quand il a porté sur les armes sans les fausser, quand il n’a fait qu’effleurer. Tous les efforts de cet homme n’ont fait que blanchir, ont été inutiles. Cet homme n’a fait que blanchir ; malgré tous ses efforts, il n’a pu réussir.

☞ BLANCHI, IE. part.

☞ BLANCHISSAGE. s. m. Action de blanchir le linge, ou l’effet qui résulte de cette action. Purgatio, ablutio. Le linge s’use beaucoup au blanchissage. Ce blanchissage est mauvais. On donne son linge au blanchissage. On le retire du blanchissage. Il en coûte tant pour le blanchissage.

BLANCHISSANT, ANTE. adj. Qui devient blanc. Canescens, albescens. Il se dit en ces phrases : des flots écumeux & blanchissans. Des cheveux gris & blanchissans. Voyez tout l’Hellespont blanchissant sous nos rames. Racine.

BLANCHISSERIE. s. f. ☞ Art de blanchir les toiles, ou de leur faire perdre la couleur qu’elles ont en sortant des mains du Tisserand. On donne aussi ce nom au lieu destiné à blanchir des toiles. Officina albaria. On a établi des blanchisseries en plusieurs endroits du royaume. Il y en a qui prétendent que le mot de blanchisserie se dit particulièrement des lieux où l’on blanchit les habits & le linge dans les Monastères.

Blanchisserie, se dit encore des endroits où l’on blanchit la cire.

BLANCHISSEUR, EUSE. s. m. & f. Celui ou celle qui blanchit le linge. Qui, ou quæ linteas vestes purgat. Il est défendu aux blanchisseuses & lavandières, de laver leur linge en certains endroits à Paris ; & aux porteurs d’eau, de puiser leur eau auprès des bateaux des blanchisseuses & lavandières. Voyez le Traité de la Police de M. de la Mare, T. I, p. 557, 558.

On dit proverbialement d’un homme qui a du linge sale, qu’il porte le deuil de sa blanchisseuse.

☞ BLANCKENBERG. Petite ville d’Allemagne, en Westphalie, au Duché de Berg, sur la rivière de Sieg.

☞ BLANCKENBOURG. Ville d’Allemagne, en Westphalie, au Comté d’Oldenbourg.

☞ BLANCKENHAYN. Petite ville d’Allemagne, à quatre lieues d’Erford.

☞ BLANCKENHEYM. Petite ville d’Allemagne, sur la rivière d’Ath.

☞ BLANC-MANGER. Voyez au mot Blanc.

BLANDICES. s. f. pl. Terme de Palais. Caresses artificieuses, flatteries pour tromper quelqu’un, pour surprendre son consentement. Blanditæ, illecebræ, adulatio. Il a extorqué cette donation, ce testament, par blandices, & mauvais moyens. Ce mot vient du latin blanditiæ, de blandus. Il est vieux.

BLANDILALIE. s. f. Espèce de pomme, autrement appelée la haute-bonté. C’est en Poitou qu’on la nomme blandilalie. Voyez Haute-bonté.

BLANDIR. Vieux mot, qui signifie, amadouer, flatter, caresser. Blandiri, adulari, permulcere, palpare. On a dit aussi blandissant ; pour dire, qui flatte, qui caresse, & blandicieux.

☞ BLANDISSEMENT. s. m. Vieux. Il signifie flatterie, caresse. Blanditiæ. Ch. Est. Dict.

☞ BLANES. Petite ville maritime d’Espagne, en Catalogne, près de la rivière de Tordera.

BLANGI. Petite ville ou gros bourg sur la Brêle, qui n’est plus aujourd’hui qu’un bourg. Voyez la Descript. Géogr. & Hist. de la Haute-Norm. T. I, p. 65.

☞ BLANKIL. Voyez Blanquille.

BLANMONT. Voyez Blamont.

BLANQUE. s. f. Espèce de loterie, ou jeu de hasard, où l’on achète certain nombre de billets, dans lesquels, s’il y en a quelqu’un noir, ou marqué de quelque meuble qui est à l’étalage, ou en profite. Ludicræ sortes, ludicra sortitio. S’il n’y en a point, on perd son argent ; & alors on dit qu’on a trouvé blanque, d’où ce jeu a tiré ce nom. Il vient de l’italien bianca. Ce jeu selon Pasquier, Rech. L. VIII, c. 49, a été introduit en France par les Italiens. Voyez dans cet Auteur comment il se pratiquoit d’abord. Ce mot blanque, se dit pour blanche, de même que l’on dit en quelques Provinces quien pour chien, queval pour cheval, en changeant ch en qu. Et ce nom se donne à ce jeu de hasard, parce que dans l’origine, & souvent encore à présent, on tire au sort dans un livre dont la plupart des feuilles sont blanches, & les autres chiffrées, & quand en tirant l’on tombe entre deux feuilles blanches, l’on dit blanque, & l’on n’amène rien : au lieu que quand on rencontre une feuille chiffrée, on a le lot marqué au chiffre que l’on a tiré.

On dit figurément, qu’on a trouvé blanque en quelque lieu, quand on n’y trouve pas ce qu’on y cherchoit. J’ai fouillé dans ma poche pour tirer ma montre, mais j’y ai trouvé blanque, on me l’avoit prise. Expression populaire.

On dit proverbialement, hasard à la blanque ; pour dire, entreprendre quelque chose dont le succès est incertain : il en arrivera ce qu’il pourra.

BLANQUET. s. m. Espèce de poires ainsi nommées, parce qu’elles ont la peau assez blanche. Pirum lacteum. Il y en a de deux sortes, le gros & le petit blanquet.

La poire de gros blanquet est le véritable blanquet musqué. La Quint. Elle est fort différente de celle qu’on appelle simplement blanquet, ou petit planquet. Elle est plus hâtive de quinze jours, plus grosse, moins bien faite en poire que le petit blanquet : elle colore un peu, même en buisson, & a la queue fort courte, fort grosse, & un peu enfoncée : son bois qui est menu, & sa feuille approchent assez du bois & de la feuille de la cuisse-madame ; au lieu que le bois du petit blanquet est d’ordinaire fort gros & assez court. Le gros blanquet est aussi fort différent de la blanquette à longue queue. Il réussit fort bien, soit en buisson, soit en arbre de tige. Id. Le gros blanquet est une poire de l’entrée de Juillet ; & le petit blanquet sur la fin de Juillet. Id.

Blanquet. Brantome se sert au lieu de blanc-bec, des mots de blanquet & blanquette, c’est-à-dire, blondin & blondine. Il y a , dit-il, des hommes qui n’ont que de petits bouquets de barbe au menton, & n’en sont pas plus estimés de bon sens, ainsi que sont les blanquets & blanquettes. Dames Galantes, T. I, p. 255. Voy. Blanc-bec.

BLANQUETTE. s. f. Sorte de vin blanc qui vient de Gascogne, & qui a un goût assez délicat. Vinum album. On le dit aussi d’une espèce de bière blanche.

Blanquette, en termes de cuisine, est une fricassée blanche, & faite ordinairement de veau ou d’agneau. On coupe ce veau froid par tranches, on le fricasse dans la poêle, & sur la fin on y ajoute des jaunes d’œufs délayés dans un peu de vinaigre. La blanquette est un mets fort commun chez les Bourgeois.

Blanquette à la longue queue. s. f. Espèce de poire. La blanquette à la queue longue, est une poire bien faite, dont l’œil est assez grand & en dehors, le ventre rond, assez alongé vers la queue, qui est un peu charnue, assez longue & un peu courbée, la peau fort liée, blanche, & quelquefois tant soit peu colorée. La chair est entre cassante & tendre, fort fine, ayant beaucoup d’eau fort sucrée & fort agréable. Elle a le défaut de la plupart des poires d’été, qui sont d’avoir un peu de marc, & de devenir pâteuses, quand on les laisse trop mûrir. Elle réussit bien, soit en buisson, soit en arbre de tige. La Quint. Cet Auteur écrit quelquefois blanquet à la longue queue, & le fait masculin ; de même qu’il appelle aussi le blanquet, blanquette au féminin. Voyez Blanquet. C’est une poire du mois de Juillet. Id.

BLANQUILLE. s. f. ou BLANKIL. s. m. Monnoie de Maroc, valant à peu près six blancs ou deux sous & demi, monnoie de France. Asses duo cum quadrante, quadrantes quinque. Il envoya quérir quelques sacs de blanquilles, & les ayant fait compter, il demanda combien chaque Officier & Soldat en auroit. Il se trouva que chacun pouvoir avoir quatre blanquilles, qui font environ dix sous de notre monnoie. Hist. De Mouley Ismael.

BLANZAC. Petite ville de France, en Angoumois, sur la rivière de Nay, aux frontières de la Saintonge, avec un Chapitre dont le Chef a titre d’Abbé. Blanziacum.

BLAQUE. s. f. Vessie où l’on met le tabac pour le tenir frais. Ce mot est en usage en Bretagne.

BLAQUERNES. s. f. & pl. Blaquernæ. Lieu voisin de Constantinople, où l’on bâtit un fauxbourg, dans lequel, entre autres édifices somptueux, étoit le Palais des Blaqueres, qu’on appela Pentapygrion, c’est-à-dire, le château des cinq tours. Héraclius voulut mettre ce fauxbourg à couvert des insultes des Barbares, le fit enfermer dans la ville. Les Blaquernes étoient vers le fond su port de Constantinople, du côté de l’Occident ; ou, comme dit Lambecius, dans ses notes sur Codinus, n. 101, vers l’entrée du Pont-Euxin.

On prétend que ce nom vient d’un Prince Barbare, qui régnoit autrefois dans cette partie de la Thrace, & qui avoit son palais en ce lieu là. Codinus rapporte cette étymologie : Gretzer l’approuve, Gillius la suit, & l’attribue à Denys de Byzance ; ce qui n’empêche pas Lambecius de la rejeter. D’autres le dérivent du grec βλάχνον, qui signifie fougère, & disent que ce lieu fut ainsi appelé, parce qu’il étoit tout plein de fougère, de sorte que selon Codinus βλαχέρνα se dit pour βλαχέρνη. Le même Auteur dit encore que βλαχέρνα est dit pour λακερνα, qui est la même chose que λακκώδης, plein de lacunes, marécageux ; & quoique Lambécius croie ces deux étymologies fausses, il dit qu’elles sont probables à cause de la situation de ce lieu. Codinus en rapporte encore une assez obscurément ; ὅτι βλάχου τινὰς κέρμα ἦν ἐκεῖσε. Lambécius croit que cela veut dire, parce qu’un Valaque avoit été tué là. Junius tire ce nom de la langue Arabe. Gretser rejette cette étymologie de Junius sans la rapporter.

BLARE. s. m. Petite monnoie de cuivre, avec le mélange ou alliage d’un peu d’argent, qui se fabrique à Berne, en Suisse. ☞ Le blare est évalué en France à deux sous un denier.

☞ BLASER. v. a. dont on se sert pour exprimer l’effet des liqueurs fortes, dont l’excès use & desseche. Les excès l’ont blasé.

L’hypothèse consume
Un corps que la nature avoit bien composé,
Mais que le feu qu’il boit sans ressource, a blasé.

Regnier
.

Se Blaser. v. récip. S’user, se dessecher à force de boire. Il a tant bu d’eau de vie, qu’il s’est blasé.

☞ On dit figurément qu’un homme est blasé sur les plaisirs, sur les spectacles.

BLASÉ, ÉE. part. Usé. C’est un homme blasé.

BLASMABLE. Voyez Blâmable.

BLASMER. Voyez Blâmer.

BLASO. s. m. C’est le nom d’un arbre Indien. Le fruit réduit en poudre, & pris intérieurement, tue les vers. On prend aussi l’écorce pulvérisée avec le gingembre réduit en poudre, contre la morsure de la vipère. Ray, Hist. Plant.

BLASON. s. m. Devise & Armes qui sont dépeintes sur un Ecu, telles que les portoient les anciens Chevaliers ; ou, selon quelques autres, l’assemblage de tout ce qui compose l’écu armorial. Scutum Gentilitium. Voilà le blason d’une telle maison. On reconnut ce Chevalier à son blason.

☞ Les Vocabulistes n’ont pas cru devoir parler de cette acception du mot blason, & ne le considérent que comme l’art d’expliquer, en termes propres, toutes sortes d’armoiries. C’est voir la moitié des choses.

Ménage dérive ce mot de latio, à cause que le blason étoit porté par les Chevaliers sur leurs écus. D’autres le dérivent par métathèse de l’hébreu sobal, qui signifie tulit, portavit. Borel le fait venir du mot latin laus, qui signifie louange, & de celui de sonare, qui signifie sonner, en mettant un B devant le mot entier. Mais la plus commune opinion est que le mot blason est venu de l’allemand blasen, qui signifie sonner du cor, parce que ceux qui se présentoient aux lices des anciens Tournois, sonnoient du cor, pour faire savoir leur venue. Les Hérauts après sonnoient de leurs trompettes ; & puis blasonnoient les armoiries de ceux qui se présentoient, & les décrivoient à haute voix, & quelquefois s’étendoient sur les louanges & les exploits de leurs maîtres.

Blason. Ce mot a été pris aussi quelquefois pour l’écu même où sont les armoiries ; ce qui a fait dire à Perceval : Et se couvrent de leurs blasons.

Blason, se dit aussi de la science particulière qui apprend à déchiffrer les armes, ou armoiries des maisons nobles, & à en nommer toutes les parties dans leurs termes propres, & particuliers. Earum, quæ in scuto expressa sunt, figurarum interpretatio, ou interpretandi ars, scientia : ars, ou scientia heraldica. Le blason étoit la science des Hérauts d’armes. Les François sont les premiers qui ont réduit le blason en art, & ce sont eux qui ont les armes les plus régulières. Il y a cette différence entre armes ou armoiries, & blason, qu’armoiries se dit de la devise, ou des figures qu’on porte sur le bouclier, ou sur la cotte d’armes ; au lieu que le blason en est le déchiffrement, ou la description. Tous les termes & jargon du blason étoient de l’usage ordinaire de la langue dans l’onzième siècle où le blason commença à se mettre en vogue ; car alors les fautoirs, les fusées, les girons, les rustres, &c. étoient des pièces du harnois des Chevaliers.

Aussitôt maint esprit fécond en rêveries,
Inventa le blason, avec les armoiries.

Le blason représente en image la naissance, la noblesse, les alliances, les emplois, & les belles actions des hommes illustres. Barthole a écrit du blason & des armoiries en Jurisconsulte, & le Président Chasseneu, dans sont catalogue de la gloire du monde. Plusieurs en ont écrit en Curieux & en Historiens, comme André Favin, Spalman, la Colombière, Bara, Segoin, Geliot, les Peres de Varenne & Ménestrier Jésuites ; Philippe Moreau Avocat Bourdelois, & Scohier Chanoine de Berghes en Hainaut, qui dit que l’étude du blason est un abîme, & que celui qui s’y est appliqué 30 ou 40 ans y trouve toujours matière d’apprendre. Le Pere Ménestrier a fait une bibliothèque de tous les Auteurs qui ont écrit du blason, des armoiries, & des généalogies, & a fait un dénombrement de près de 300 Auteurs qui en ont écrit en diverses langues. On ne voit point avant l’an 1150 d’Auteur qui parle du blason, selon les gens qui ont remonté jusqu’aux sources de cet art ; il n’y a point eu avant ce temps de véritables armoiries. Le Gendre.

Blason, signifie aussi un grand nombre d’armoiries qu’on met en certaines cérémonies, particulièrement aux enterremens, sur les tentures, litres ou ceintures funèbres, ou aux cierges & aux torches. On a dépensé une grosse somme pour payer le blason d’une telle pompe funèbre. Insignia gentilitia.

On dit aussi, le blason des couleurs, pour expliquer ce qu’elles signifient, comme l’Or, qui est le jaune, signifie, richesse, force, foi, constance ; l’Argent, qui est le blanc, espérance, pureté, innocence, humilité : l’azur, justice, loyauté, beauté, réputation, &c. Le Pere Monet a traité au long du blason des couleurs dans son livre du blason qu’il a fait en françois & en latin.

Blason, signifioit autrefois tantôt les louanges, les éloges qu’on donnoit, landatio ; tantôt une censure qu’on fait de quelqu’un. Gloss. Sur Marot. Il y a eu des Poëtes qui ont fait le blason ou l’éloge de la rose. Amyot a aussi appelé une épitaphe, blason funéral.

BLASONNEMENT. s. m. Ce mot se trouve dans Pomey, & signifie l’action de blasonner, de déchiffrer les armes d’un écu. Interpretatio.

BLASONNER. v. a. Peindre des armoiries avec les métaux & les couleurs qui leur appartiennent. Figuras in scuto gentilitio pingere, adumbare. Le Peintre n’a pas bien blasonné ces armoiries.

Blasonner, se dit aussi pour expliquer le Blason, ou les parties des armes d’une Maison ou Province, en termes propres & convenables à l’art. Figuras scuti gentilitii conceptis verbis & ordine recensere, edisserere. Les Armes de France se blasonnent ainsi, trois fleurs de lis d’or en champ d’azur, deux en chef, & une en pointe. Pour bien blasonner un écu, on commence toujours par le champ, & puis on spécifie les figures ou pièces honorables, s’il y en a, & l’on descend ensuite aux autres figures ; & quand il y en a plusieurs, le chef & la bordure sont nommés les derniers.

Toutes les fois que l’on commence à blasonner par d’autres figures que par celle du milieu, on dit qu’elle est en abîme, ou en cœur. Ce qu’il faut observer lorsque dans le milieu de l’écu il se rencontre une pièce plus petite que celle dont elle est accompagnée ; ainsi l’on dit, Condé porte de France le bâton raccourci de gueule péri en cœur ou en abîme. La plus grande difficulté est de blasonner un écu à plusieurs quartiers : voici l’ordre qu’il y faut garder. Il faut compter les quartiers des écartelures, afin de les blasonner par ordre. Le quartier qui est au côté droit de l’écu, s’appelle le premier. Celui qui lui est accolé, ou qui est à son côté de niveau, se nomme le second, & ainsi des autres. Quand il y a quelques quartiers semblables, on les joint ensemble de cette façon : Le Dauphin de France porte écartelé de France & de Dauphiné, au premier & au quatrième, d’azur à trois fleurs de lis d’or, qui est de France, au 2e & au 3e d’or au Dauphin d’azur, 4 oreillé, barbé & loré de gueules, qui est Dauphiné. Quand les quartiers sont différens, on commence par le premier : du premier on va au second & ainsi du reste, toujours en ligne horizontale. S’il se trouve un écusson au milieu de la croisure des quartiers, on le nomme sur le tout.

Blasonner, signifioit aussi, expliquer les symboles, les mystères de l’émail, & des figures du blason. Scuti aream, typos & iis subjectum vim interpretari.

Blasonner, se dit aussi par les Graveurs, quand il s’agit de faire certaines marques ; pour représenter les métaux & les couleurs dont les Peintres blasonnent les armoiries. Incidere in æs aurum, argentum. Le Graveur a fort bien réussi en blasonnant ma vaisselle.

Blasonner, se disoit autrefois figurément, pour signifier parler de quelqu’un, le décrire avec ses bonnes ou mauvaises qualités, & particulièrement avec les mauvaises. Maledicere.

De moy mesdit par tout injustement,
Et me blasonne. Marot

En donnant l’ordre de l’écu aux Chevaliers, on leur commandoit de ne pas ouir blasonner ni médire des Dames, & de ne le pas souffrir. On s’en sert encore dans le style familier. C’est un homme qui blasonne tout le monde, c’est-à-dire, qui blâme, qui critique.

BLASONNÉ, ÉE. Part. Il a les significations de son verbe.

BLASONNEUR. s. m. Celui qui blasonne. Interpres, enunciato scuti gentilitii. Il est peu en usage ; si ce n’est qu’on dit encore les anciens blasonneurs, en parlant des vieux Auteurs qui ont écrit du blason assez différemment des Modernes.

Blasonneur, dans un sens figuré. Médisant. Maledicus, convitiator.

Aux grands assauts acquert-on les honneurs ;
Et tant plus sont aigres les blasonneurs,
Plus le confiant a de los méritoire. Marot

Ce mot signifie aussi, celui qui loue ou qui blâme, car il se prend en bonne & mauvaise part. Gloss. sur Marot. ☞ Il est tout-à-fait vieux & hors d’usage.

BLASPHÉMATEUR. s. m. Celui qui blasphème, qui prononce ou qui écrit des paroles outrageuses & impies contre Dieu, & injurieuses à sa gloire. Divini numinis obtrectator. On peut être blasphémateur en deux manières, ou en attribuant à Dieu des choses qui ne lui peuvent convenir, & qui détruisent sa nature ; ou en refusant de reconnoître en lui des attributs qui lui sont essentiels, & sans lesquels il ne seroit point Dieu : tels que sont ceux qui font Dieu injuste, ou qui nient sa toute-puissance & sa providence. Cependant il faut remarquer, qu’à la rigueur, ce n’est point assez d’attaquer la gloire de Dieu, & de dire des choses contraires à sa nature, pour être un vrai blasphémateur, un blasphémateur proprement dit, & qui par conséquent mérite d’être puni par le Magistrat. Il faut outre cela, que le blasphémateur, lorsqu’il prononce ses blasphèmes, ait l’intention de blasphémer, ou du moins qu’il sache que les choses qu’il dit, sont effectivement des blasphèmes : tel que feroit un Chrétien qui par une brutal emportement vomiroit quelque chose d’injurieux contre J. C. Mais on ne doit point faire le même jugement de ceux qui parlent par le principe d’une fausse Religion. Par exemple des Juifs, qui, par une malheureuse suite des erreurs dont ils sont prévenus, regardent J. C. comme un imposteur. Il est bien vrai que ces sortes de blasphémateurs ne laissent pas d’être coupables devant Dieu d’un si horrible blasphème ; mais il ne s’ensuit pas qu’ils soient censés tel à la rigueur, attendu qu’ils ne sont point blasphémateurs d’esprit & d’intention. Mais dans le langage ordinaire, on appelle indifféremment blasphémateurs, tout ceux dont la doctrine renferme quelque chose d’impie, & d’injurieux à la gloire de Dieu.

Blasphémateur, se prend aussi pour celui qui attribue à la créature des honneurs qui ne sont dûs qu’à Dieu. Qui debitum soli Deo honorem creaturæ impertit. Ainsi les Juifs traitoient J. C. De blasphémateur, parce qu’il se disoit égal à Dieu.

Blasphémateurs. Hérétiques. Voyez Theocatagnostes.

BLASPHÉMATOIRE. adj. m. & f. Qui contient un blasphème. Contumeliosus un Deum, blasphemus. Livre, discours blasphématoire. ☞ Les Papes & les Théologiens donnent cette qualification à des propositions injurieuses à Dieu. Il ne faut entendre qu’avec horreur les paroles blasphématoires. Cette proposition est impie & blasphématoire.

BLASPHÈME. s. m. Crime énorme qui se commet contre la divinité par des paroles, ou des sentimens qui choquent sa Majesté, ou les mystères de la vraie Religion. C’est proprement une injure que l’on fait à Dieu, en lui attribuant ce qui ne lui convient point, ou en lui ôtant ce qui lui convient, comme sa sagesse, sa bonté, sa puissance, &c. C’est une blasphème de dire que Dieu commande des choses impossibles. Vox in Deum, contumeliosa verborum impietas, blasphemia. Blasphème horrible, exécrable, détestable. ☞ Les blasphémateurs étoient punis de mort chez les Juifs. Cette peine est rarement infligée chez nous. La punition la plus ordinaire du blasphème, est aujourd’hui l’amende honorable & le bannissement, ou les galères. On perce aussi la langue aux Blasphémateurs avec un fer chaud.

Une traduction d’une épitaphe de l’Arétin, dit :

Son encre noircit la mémoire
Des Monarques, de qui la gloire
Est vivante après le trépas ;
Et s’il n’a pas contre Dieu même
Vomi quelqu’horrible blasphème,
C’est qu’il ne le connoissoit pas.

L’Italien est plus serré, & d’un style plus badin & plus enjoué :

Qui giace l’Aretin Poëta Tosco,
Che d’ognun disse malo, for che di Dio
Scusando si col dir io n’ol conosco.

Blasphème. Comme il y a une parole intérieure, & une extérieure, il y a deux sortes de blasphème, l’un intérieur, qu’on appelle blasphème de cœur ; & l’autre extérieur qu’on appelle blasphème de bouche. On peut aussi donner le nom de blasphème extérieur au mépris qu’on fait de Dieu par des mouvemens de tête, & par des gestes outrageans & injurieux. Conf. d’Angers.

On peut être coupable du blasphème extérieur en trois manières. La première s’appelle énonciation ; c’est quand en affirmant ou niant quelque chose, on fait injure à Dieu, comme lorsqu’on lui attribue ce qui ne lui convient pas, ou qu’on s’efforce de lui ôter ce qui lui convient. La seconde manière est quand on blasphème avec imprécation & exécration contre Dieu, lui souhaitant du mal & le maudissant, qui est le péché des démons & des désespérés. La troisième manière, quand on parle de Dieu & de ses attributs d’une manière outrageante, ou avec mépris, ou par moquerie. Confér. d’Angers.

On appelle blasphème contre le Saint-Esprit, quand on résiste à la vérité, comme en attribuant ses œuvres au démon, ainsi que faisoient les Juifs, qui disoient que les miracles que faisoit J. C. Venoient de la puissance de Béelzébuth.

C’est aussi un blasphème que d’attribuer à la créature ce qui ne peut convenir qu’à Dieu, par exemple, ceux qui disent qu’une chose qu’ils affirment, est aussi vraie, qu’il est vrai qu’il y a un Dieu, que Dieu est au Ciel, &c. font véritablement un blasphème, parce qu’ils égalent la créature à Dieu.

Blasphème, se dit aussi des paroles impies & injurieuses que l’on dit des Saints, des choses saintes, des mystères de la Religion. ☞ Il peut avoir les mêmes espèces & les mêmes qualités que celui qui se fait directement contre Dieu. Voyez saint Augustin, saint Thomas, les Théologiens Scholastiques, & les Casuistes. Voyez sur les blasphèmes & les Blasphémateurs, le VIe titre du Liv. III, du Traité de la Police de M. de la Mare.

Blasphème, se prend quelquefois, en style bas & burlesque, pour un adjectif, & signifie Blême, pâle.

Voyant Damon blême
Je dis à l’instant,
Tu changes biens promptement
En ta mine blasphème
Ton teint de safran.

☞ BLASPHÉMER. v. n. Proférer un blasphème, des blasphèmes. Atroces in Deum voces jactare, impia in Deum verba proferre, profundere. Vous blasphémez. Vous ne sauriez dire cela sans blasphémer. Blasphémer contre Dieu.

☞ On l’emploie quelquefois activement. Parler ainsi, c’est blasphémer le saint Nom de Dieu.

Blasphémer, se dit quelquefois dans un sens plus étendu, pour médire, dire du mal de quelqu’un. Maledicere. C’est ainsi que saint Paul le prend sans son Épître à Tite, C. III, v. 2. Avertissez-les… de ne parler mal de personne. Bouhours. Il y a dans le grec & dans la Vulgate, de ne blasphémer personne. Saint Augustin le prend encore dans ce sens au second livre des mœurs des Manichéens, C. II. On dit non-seulement blasphémer quelqu’un, ou quelque chose, mais encore blasphémer contre quelqu’un, ou contre quelque chose. Ils blasphèment contre la Majesté souveraine. Bouh, Saint Jude, v. 8. Pour eux, ils blasphèment contre tout ce qu’ils ignorent. Id. Ibid. v. 10.

Blasphémer, se dit dans les mêmes sens que blasphème. Voyez ce mot.

Nicot dérive ce mot du grec, βλάπτειν φήμην, c’est-à-dire, blesser l’honneur & la réputation. Eustathius le dérive de βάλλειν ταῖς φήμαις, attaquer par ses discours.

BLASTENGE. s. f. Vieux mot. Ressentiment. Blastinguer signifioit blâmer.

BLATIER. s. m. Marchand qui va acheter du blé dans les greniers de campagne, pour le transporter & le revendre dans les marchés des villes & gros bourgs. ☞ Celui qui achète le blé, disent élégamment les Vocabulistes, sur les greniers de campagne ou sur quelques marchés, pour l’exposer sur d’autres marchés. Frumentarius. Il y avoit à Paris, au temps de saint Louis, une Communauté de Blâtiers, & ce Prince leur donna des Statuts, comme à tous les autres corps des Marchands & Artisans. M. de la Mare les rapporte dans son Traité de la Police, Liv. V, tT. II, c. 2. Il y a plus de trois siècles que ceux qui composent cette ancienne Communauté, à Paris, ont été réduits à ne vendre des grains qu’à petite mesure ; qu’ils se trouvent nommés dans les Règlemens, Revendeurs de grains, Regratiers, ou Grainiers ; & que ceux qui font le grand commerce, ont pris le nom de Marchands de grains. Ainsi le nom de Blâtier est demeuré à certains petits Marchands forains, qui vont avec des chevaux ou des ânes, chercher du blé dans les campagnes éloignées des grandes villes & des rivières, & l’amènent à somme dans les marchés de proche en proche, jusqu’à ce qu’il soit arrivé aux lieux où il s’en fait une plus grande consommation ; ou bien, proche des rivières, où ils le vendent aux Marchands qui chargent pour les provisions des grandes villes. De la Mare. Traité de la Police, Liv. V, T. VI. L’on a autrefois agité la question sur ce commerce de Blâtiers, s’il étoit plus utile que dangéreux au public. Id. ibid. Où il rapporte le pour & le contre.

Ce mot s’est fait de bladum, blé ; d’abord on a dit Bladier, & puis, par le changement du d en t, qui arrive souvent, Blatier, & pour rendre l’a long, Blâtier.

BLATTA BYZANTIA. s. m. Terme de Pharmacie, ou ungis odoratus. C’est un coquillage long comme la moitié du petit doigt, mince & de couleur de châtaigne. Il renferme un petit poisson longuet, rouge, odorant, qui se trouve dans les lacs des Indes Orientales, & qui a l’odeur du Nard : les coquilles n’ont point d’odeur lorsqu’elles n’ont plus le poisson. On a trouvé que ce coquillage venoit de Constantinople, autrefois Byzance, à cause de sa ressemblance à l’ongle. Et c’est ce qui lui a fait donner le nom de blatta byzantia, comme on l’appelle unguis.

☞ BLATTE. s. f. Blatta. On a appelé de ce nom plusieurs petits insectes de différentes espèces. Aujourd’hui, selon Linnæus, on ne doit reconnoître, sous le nom de blatte, que les insectes dont les Antennes sont longues & menues, & dont les enveloppes, ou fourreaux des ailes sont membraneuses, & qui ont la poitrine aplatie, arondie & bardée : telles qu’on en trouve sur les lunettes des latrines, dans les bains, les étuves & les boulangeries. Encyc.

☞ BLAUBEREN. Petite ville d’Allemagne, en Souabe, dans les états du duc de Wirtemberg.

☞ BLAVET. Petite ville de France, en Bretagne, sur la rivière du même nom, diocèse de Vannes. Il n’est presque plus parlé de Blavet depuis que le Port Louis a été bâti sur la même rivière, une demi-lieue au dessous. Cette nouvelle ville a presqu’entièrement détruit l’ancienne.

☞ La rivière de Blavet a sa source au diocèse de Quimper-Corentin, & son embouchure dans l’Océan, à Port-Louis, dont on vient de parler.

BLAVET. Voyez Bluet.

BLAYE. Ville de France, dans le Bourdelois, en Guienne. Bluvia.

BLAYER. Voyez Bladage, & Blairie.

BLÉ, ou BLED. s. m. Plante qui produit dans son épi un grain, dont on fait le pain, qui est la principale nourriture de l’homme ; & le grain que cette plante produit. Frumentum. Josph enrichit les Rois d’Egypte, en leur faisant faire des magasins de blé durant les années fertiles. Des terres à blé. Frumentarium solum, ou frumenti ferax ager. Blé mêlé. miscellum frumentum. Battre le blé. Terere. Scier les blés. Metere. On a vu dans la Suisse garder des blés jusqu’à cent ans, en les laissant dans l’épi. Quelques Naturalistes ont compté jusqu’à cent maladies, auxquelles les blés sont sujet.

Ce mot vient de bladus ou bladum, qui signifie fruit, ou semence, d’où est venu imbladare, pour dire, ensemencer, ou emblaver. Vossius & Somnerus le dérivent du Saxon blad, ou blada, signifiant la même chose ; ou du grec βλαστός, qui signifie germe. Les Italiens appellent encore biade, tous les légumes, fruits & moissons, excepté le froment. Selon les premières étymologies, il faut écrire bled ; comme on faisoit il y a déjà quelques années, & comme font encore quelques Auteurs. Cependant l’usage contraire semble avoir prévalu, & l’on n’écrit plus guère le ’d, comme on ne le prononce point, quand même on l’écrivoit, pas même devant une voyelle ; ainsi il faut dire du blé & du vin, acheter du blé en épis, & non pas du blé-t & du vin, du blé-t en épis.

On appelle par excellence blé, celui qui est de pur froment. Frumentun, triticum. Blé méteil, celui qui est mêlé de seigle. Miscellum. Petit blé, ou blé maigre, c’est du seigle, ou du blé où il n’y a guère de froment, ou dont le grain est mal nourri ; en un mot le blé du moindre prix. Trinca, Olyra.

On appelle aussi petits blés, les autres grains que l’on seme au mois de Mars, comme l’orge, l’avoine, les pois, les vesses ; ce qu’on appelle aussi en général les Mars, & en quelques lieux termois, de trimestris. Miscellum.

Chomel, dans son Diction. économique, au mot abondance, p. 6, & suiv. donne plusieurs secrets pour la multiplication des blés.

Blé barbu, en latin melica. C’est une espèce de millet dont les tiges s’élèvent à la hauteur de huit ou neuf pieds. Ses graines sont ovales ou presque rondes, & plus grosses de moitié que celles du millet commun. Cette plante croît aux pays chauds dans les terres grasses.

Blé blanc. Espèce de froment commun en Dauphiné. Chorier prétend que c’est celle que Pline appelle brance, brance en gaulois, sandelum en latin. Pline fait mention de deux espèces de froment, de l’arinque & du brance. Il dit que l’arinque est commun à la Gaule & à l’Italie : & le Brance propre à la Gaule seulement. Le Dauphiné les conserve encore toutes deux avec leurs premiers noms, corrompus néanmoins, en ceux de riguet, & de blé blanc. Chorier.

Blé cornu. Terme de Laboureur. Ce sont certains grains qui viennent quelquefois dans les épis du seigle, & qui sont noirs & plus longs que les autres, sortant de l’épi comme une espèce de corne noire ; ce qui fait qu’on les appelle en Gâtinois blé cornu, & en Sologne aussi-bien que dans les Berry, des ergots. Le blé cornu cause de fâcheuses maladies à ceux qui en mangent. Quelques-un disent que cela vient du terroir ; mais ce sentiment est peu probable, parce que cela n’arrive que certaines années, & dans les meilleures terres comme dans les plus mauvaises. D’autres prétendent que cela vient des chaleurs & des humidités de l’air. D’autres, comme M. Bernier dans son Hist. De Blois, disent que la cause de cette malignité sont certaines bruines qui tombent en quelques années vers le mois de Mai. Il semble que l’expérience montre qu’il faut qu’elles soient accompagnées ou suivies de raies de soleil chaudes.

Blé Locular. Froment rouge, froment locar, spéautre, en latin Zea. Cette plante est commune en Egypte, en Sicile & en Grèce. Ses épis sont assez semblables à ceux de l’orge. Sa graine est menue & d’un rouge-brun. On en fait du pain qui est noir & rude au goût : on s’en sert pour faire de la bière.

Blé Noir, ou Blé Sarrasin. Frumentum Sarracenicum, ou Fagopyrum, Fegopyrum, ou Fago triticum. Melampyrum. On le nomme Blé-noir, par rapport à la couleur noire de l’écorce de son grain ; & blé-sarrasin, parce qu’il a été d’abord apporté d’Afrique. Il se nomme en latin Fago triticum, & Fagopyrum, à cause qu’il ressemble au fruit du hêtre. Cette plante ne ressemble point au blé, quoiqu’on lui en donne le nom. Sa racine est fibrée & chevelue, & pousse une tige haute de deux pieds, mince, lisse, verte & quelquefois rougeâtre, branchue, chaque branche sortant alternativement des aisselles des feuilles. Elles sont taillées comme un cœur, soutenues par des queues qui ont jusqu’à deux pouces de long, sur-tout dans les feuilles du bas de la tige, qui sont plus amples, vertes, lisses, alternes & d’un goût fade ; leur grandeur domine à mesure qu’elles approchent de l’extrémité des branches ; & en cet endroit, & des aisselles de ses feuilles, naissent des brins minces & longs d’un pouce environ, qui portent des bouquets de fleurs purpurines : chaque fleur est composée de cinq étamines soutenues par un calice blanc & lavé de pourpre, divisé en cinq parties jusqu’à sa base. La pistil qui se trouve au milieu de ces étamines, devient une graine relevée le plus souvent de trois coins, enfermée dans l’enveloppe qui a servi de calice à la fleur. Le blé-noir est une manne pour le paysan qui n’a pas eu une bonne récolte en seigle & en froment. Dans les temps de disette, on seme beaucoup de champs de blé-noir, parce qu’il vient bien par-tout & qu’il est bientôt mûr. On fait avec la farine de ses semences, des gâteaux, de la bouillie & du pain, faute d’autre grain. On en engraisse aussi la volaille.

Il y a une autre sorte de blé-noir, qu’on nomme autrement blé de vache, ou rouge herbe. C’est une plante dont la tige est carrée, velue, purpurine, rameuse, haute d’environ un pied. Ses feuilles sont attachées à l’opposite l’une de l’autre par intervalles, les unes étroites comme celles du Linaria, les autres larges & découpées profondément, rudes au toucher, d’un vert-brun. Ses sommités sont garnies d’un amas de feuilles courtes, assez larges, de couleur purpurine gaie. Ses fleurs sortent des aisselles de ces feuilles : ce sont des tuyaux terminés en haut par une manière de gueule dont les deux lèvres paroissent ordinairement collées l’une contre l’autre, de couleur variée, purpurine ou rouge, ou jaune-rougeâtre. Il succède à ses fleurs des fruits oblongs qui s’ouvrent de la pointe à la base en deux coques, chacune desquelles est partagée en deux loges qui renferment des semences oblongues, plus petites que des grains de blé, & noires. Sa racine est petite, ligneuse, garnie de quelques fibres. Cette plante croît entre les blés, principalement en terre grasse. Les bœufs & les vaches en mangent.

Blé de Turquie, qu’on appelle autrement Mays, ou blé d’Inde. Indicum, frumentum Indicum, tragus, tragum. Ses racines sont chevelues, longues, nombreuses, blanches, & elles donnent une tige branchue dès le bas, haute de cinq pieds, ronde, épaisse d’un pouce, droite, noueuse par intervalles, remplie d’une moelle blanche, douce & sucrée. Plusieurs feuilles qui partent de ces nœuds, l’enveloppent & s’étendent ensuite de la longueur d’un pied environ, sur deux à trois pouces de largeur, pointues à leur extrémité, rudes sur leurs bords, & relevées de plusieurs nervures droites qui parcourent toute leur longueur en manière de plis. L’extrémité de la tige est terminée par un panicule ou amas d’épis, composés de plusieurs fleurs à étamines & stériles. Les fruits naissent dans des endroits séparés & au-dessous de ces panicules : ce sont autant d’épis enveloppés de feuilles roulées en gaine, d’où s’échappent plusieurs longs filets. Chaque filet aboutit à un embryon qui devient une graine presque ronde, grosse comme un pois, mais ordinairement anguleuse, & un peu plate d’un côté par où elle tient à l’épi, couverte d’une peau ou écorce ferme, le plus souvent rousse ou jaunâtre, quelquefois grise, rouge, brune, qui renferme une substance farineuse. L’ame de cet épi à fruit est un poinçon tout couvert de pareils grains, ou semences enchâssées, chacune dans une espèce de châton.

Le Mays sert de nourriture à une grande partie de l’Amérique, de l’Asie & de l’Afrique. On en fait moins d’usage en Europe, à cause qu’on en trouve la farine trop douce, & on n’a recours à cette sorte de grains de dans les disettes de froment. On le cultive en plusieurs endroits du Royaume, pour engraisser les volailles. Les Sauvages du Canada ne connoissoient point d’autre farine avant l’établissement des François dans ce vaste pays : ces Sauvages ne font dans leurs courses, qu’une simple bouillie de la farine de mays avec de l’eau pour se nourrir. On a vû que lorsque les soldats François étoient obligés de vivre de cette bouillie dans le temps des guerres, leurs blessures étoient plutôt consolidées. On appelle le mays blé d’Inde, & blé de Turquie, à cause qu’il a été apporté de ces endroits-là où il est nommé vulgairement maya, ou mayza.

Le blé de Turquie étoit fort connu en Italie dès le temps de Pline. Les Grecs le nommoient ἐρύσιμον, & les Latins Irio, comme on le peut voir dans Pline, Liv. XVIII, ch. 7, & 10 ; si cependant l’Irio de Pline est le blé de Turquie. Le pain de blé de Turquie est sec, friable, pesant sur l’estomac, & difficile à digérer. L’on en voit peu en France, si ce n’est en Dauphiné, en quelques lieux de Languedoc, de la Guienne, du Béarn & de la Navarre. On le nomme dans la plupart de ces lieux du gros millet, ou du millois. Hors les temps de disette, dans lesquels on en mêle avec d’autre blé, il ne sert qu’à nourrir des volailles, qu’il engraisse beaucoup. Dans les autres Provinces on n’en voit guère, que quelques plantes dans les jardins par curiosité. Voyez Galien, de Alim facult. Lib. I ; Bruyerin Campege, de re cibariâ, Lib. V. Cap. 23.

Blé, se dit particulièrement du grain qui sort de l’épi, quand il est bien battu. Granum. L’opinion commune est que dans les premiers siècles du monde on ne vivoit que des fruits de la terre, & de gland ; quelques-un ajoutent cette espèce de noisette que produit le hêtre, qu’ils prétendent avoir été appelé pour cela fagus en latin, du mot grec φάγομαι, je mange. Ils disent qu’on n’avoit point l’usage du blé, ni l’art de le préparer & de le rendre mangeable ; & que dans les histoires de ces premiers siècles, il n’y a nulle mention de blé. D’autres soutiennent de cela est contraire à l’Ecriture, qui dit que Dieu commanda à Adam, & devant & après son péché, de cultiver la terre, & que Caïn fut Laboureur. Mais le mot de l’Ecriture עובר אדמה n’est pas déterminé, comme celui de Laboureur, ou d’Agricola en latin, il signifie seulement qui travaille à la terre, qui la cultive ; ce qui convient à la culture des arbres, des herbes & des légumes, & a pû se dire de ces choses seules, quand on n’auroit point eu alors de connoissance du blé.

On dit que c’est Cérès qui fit connoître le blé aux hommes ; c’est pour cela qu’on la mit au nombre des Dieux. D’autres disent que ce fut Triptolème, fils de Céléus Roi d’Eleuse, ville de l’Attique. D’autres veulent que Cérès ait trouvé les blés, & que Triptolème ait inventé l’art de les semer & de les cultiver ; ou Cérès, dans ses courses, fut reçue par Céléus pere de Triptolème, & lui apprit à connoître le blé ; celui-ci l’enseigna aux hommes. Diodore de Sicile dit que ce fut Isis ; en quoi Polydore dit qu’il ne diffère point des autres, parce qu’Isi & Cérès sont la même chose.

Les Athéniens prétendoient que c’étoit chez eux que cet art commença. Les Crétois ou Candiots, & les Siciliens, aspiroient à la même gloire, aussi-bien que les Egyptiens. Quelques-uns croient que les Siciliens sont mieux fondés, parce que c’étoit la patrie de Cérès, puisque ce fut en cette Île qu’elle fut élevée ; & Polydore Virgile dit d’après Diodore, L. VI, que Cérès n’enseigna ce secret aux Athéniens, qu’après l’avoir appris aux Siciliens. D’autres prétendent que Cérès passa d’abord dans l’Attique, de-là en Crète, & ne vint qu’ensuite en Sicile. Il est cependant des Savans qui soutiennent que c’est en Egypte que l’art de cultiver les blés a commencé, & certainement il y avoit des blés en Egypte & dans l’Orient long-temps avant tous ces temps-là, comme il paroît par l’histoire de Joseph, Gen. C. XLI, & suiv. & même par celle d’Abraham, Gen. XII, 11, qui passa en Egypte pour éviter la disette qui désoloit la terre de Chanaan, ou pour le moins, par celle d’Isaac, qui, Gen. XXVI, 21, sema dans la terre de Gérard en Palestine, après une grande famine, & recueillit le centuple l’année même, ce qui ne se peut entendre que du blé. Ajoutez à cela qu’il est parlé de farine & de pains faits de farine, Gen. XVIII, 6, dans le repas qu’Abraham donna aux trois Anges qui lui apparurent. Voyez encore Vossius de Idol. Lib. I, Cap. 17, & Polyd. Virg. de invent. Rer. Lib. III, Cap. 2, Plin. Proœm. Liv. XIV, 17. Selon Servius & Macrobe, c’est Saturne qui apprit la même chose dans le Latium.

Le Livre V du Traité de la Police de M. De la Mare comprend entre autres choses, ce qui concerne les blés. Le 2e titre traite du blé & des autres grains. Le 3e du commerce des grains en général. Le 4e de la Police des Romains sur cela. Le 5e, de la Police de France. Le 6e, des Blâtiers. Le 7e, des Cribleurs. Le 8e, du mesurage des grains, & le 9e, de la conversion du blé en farine. Les Romains estimoient que chaque homme consommoit par an 60 boisseaux de blé. De la Mare.

Le commerce des blés par eau n’a commencé à Paris que depuis Philippe Auguste. Les anciens statuts qui furent donnés aux Jurés Mesureurs par S. Louis, & qui font mention pour la première fois de ce commerce des grains par eau, n’en disent qu’un seil mot, au lieu que celui qui se fait par terre, y est expliqué soit au long. Le déchet de blés au moulin ne doit être que de deux livres, selon les Ordonnances de Police.

Le blé, pour être bon, doit être sec, & non pas aride, mais conservant une espèce de fraîcheur, que les Marchands appellent, avoir de l’amitié, ou de la main. Il doit être pesant & bien nourri, l’écorce fine, & d’une couleur nette & claire. Les années trop séches, ou trop humides, lui sont contraires. Les unes le dessechent trop, le rendent maigre, coti ou glacé. Les autres le font à la vérité grossir, & lui donnent du poids, mais l’eau qui s’introduit dans ses pores, en détrempe les sels, lui ôte une partie de sa force, & souvent lui cause en peu de temps une assez grande fermentation pour le faire garmer. Ainsi l’année seche diminue la quantité, l’année trop humide est préjudiciable à la qualité. Cette différence des blés nourris de sécheresse ou d’humidité, se reconnoît à leurs farines, par le plus ou moins d’eau qu’elles prennent en les paîtrissant. Pline, qui a fait cette remarque, Liv. XVIII, ch. 7, dit que la farine du plus excellent blé, moissonné dans les meilleurs années, prend ordinairement un conge d’eau pour chaque boisseau. Le conge d’eau étoit du poids de dix livres, & le boisseau de vingt livres de farine.

On reconnoît encore la bonté des blés par le nombre des pains qu’ils rendent. Quoiqu’il soit difficile de rien déterminer de certain sur le poids du pain que le blé doit rendre, parce que cela dépend du terroir, de la disposition des saisons, du soin des Laboureurs à préparer la terre, des temps favorables ou non de la récolte ; de la conservation du blé ; Pline a cependant remarqué que le meilleur de tous les blés doit rendre un tiers pesant de pain plus que le poids du blé, & que l’expérience l’avoit fait connoître. Voyez M. De la Mare, Traité de Police, Liv. V, Tr. X.

Pour conserver le blé, il le faut bien sécher & le tenir net. Le grenier doit avoir ses ouvertures au Septentrion, ou à l’Orient : il doit y avoir au haut des soupiraux ; & il faut bien se donner de garde de les lambrisser : il faut faire une clôture aux fenêtres, pour garantir le blé des chats, des fouïnes, des oiseaux, &c. Il fait avoir soin de le travailler de 15 en 15 jours, tout au moins les six premiers mois : dans la suite il suffit de le cribler tous les mois : après deux années il ne s’échauffe plus, & il n’y a plus rien à craindre que de l’air & de l’humidité étrangère. Peu de temps après le siége que souffrit Metz sous Henri II, la citadelle fut bâtie sous Henri III ; le duc d’Epernen y fit faire de grands amas de grains, qui se sont conservés jusqu’en 1707. Il y en avoit un tas dans le magasin, qui avoit dix toises dans un sens, sur cinq à six de l’autre, & environ deux pieds de hauteur ? on n’y avoit point touché depuis. La date de l’année qu’on le serra étoit encore gravée dessus. Le Roi, M. le Dauphin & les Seigneurs qui ont passé par Metz, ont mangé du pain de ce blé. Une des choses qui contribue le plus à la conservation du blé, c’est la croûte qui se forme sur toute la superficie, de l’épaisseur d’un doigt & demi. On se promenoit sur celui de Metz sans que cette croûte obéît. On a vu à Sédan un magasin taillé dans le roc & assez humide, dans lequel il y avoit un tas de blé très-considérable depuis 110 ans. Il étoit revêtu d’une forte croûte, dure, épaisse d’un pied, formée de la germination des grains extérieurs de la superficie. Sous cette croûte se trouva un blé d’un grain assez gros, beau & bon, & l’on en fit du pain qui se trouva excellent.

A Châlons il y a des greniers où l’on conserve le blé 30 ou 40 ans. On choisit le plus beau blé, & du meilleur cru qu’il est possible. Après l’avoir travaillé, on en fait un tas aussi gros que le plancher le peut porter. On met ensuite trois pouces de haut de chaux vive en poudre très-fine sur tous les tas également ; puis avec des arrosoirs on humecte cette chaux, qui forme avec le blé une croûte ; les grains de la superficie germent, & poussent une tige d’environ un pied & demi de haut ; l’hiver la fait périr, & l’on n’y touche point que quand la nécessité y oblige ; alors on trouve le blé aussi beau que s’il n’avoit que deux ans. Voyez l’Hist. de l’Acad. des Sciences de 1708.

Marmol, Liv. III, ch. 60, dit que dans la ville de Miatbir, en Afrique, c’est-à-dire, cent puits, il y a plusieurs puits taillés dans le roc, où les habitans serrent leur blé ; qu’il s’y conserve plusieurs années sans se gâter ; qu’on en a trouvé de 80 ans, qui étoit aussi sec & aussi bon que si on n’eût fait que de l’y mettre.

Les mesures dont on se sert communément en France pour mesurer le blé, sont, le muid, le setier, le minot, le boisseau, le demi-boisseau, le quart, &c le demi-quart de boisseau, le litron, & le demi-litron. Toutes celles qui sont au-dessous du boisseau, ne servent guère pour le blé. On mesure en quelques endroits par bichets au lieu de boisseaux ; au Mans par charges, qui sont de 12 boisseaux ; à Sédan par quartels ; à Dijon par quarranches, quarraux, bichots & hémines ; à Metz par quarts, à Rennes par mines ; à Aix par charges ; à Avignon par hermines ; à la Fère par mancots. On divise aussi quelquefois les mesures des arides en pintes. Voyez le Traité de la Police de M. de la Mare, Liv. V, Tr. VIII, ch. 2. L’explication de toutes ces mesures se trouvera chacune à sa place.

Par des essais faits à Paris en différens temps par les Magistrats, & avec beaucoup d’exactitude, on a trouvé en 1432 que,

La mine de blé froment François pesoit 113 l. 2. onces.
La mine de blé froment de Neubourg 110 l.
Le setier de blé méteil 220 l. 5 quarterons.
Après la mouture, la farine
Des deux mines de blé froment pesa 221 1. 2 onces.
Du setier de méteil 216 l. 3 quarterons.
Etant mesurés, la farine
Du setier du blé froment donna 16 boisseaux combles.
Du setier de méteil 16 boiss. combles
& un ras.
En 1466 on trouva que la mine
Du meilleur blé froment pesoit 108 livres.
Du moyen 105 l.
Le minot de seigle 55 l.
Etant moulue, la farine
De la mine du meilleur blé froment pesa 102 l.
Du moyen 99 l. 6 onces
Du minot de seigle 49 l. 3 quarterons.
Et donnèrent de farine
La mine du meilleur à tout le son 8 boisseaux.
Du moyen à tout le son 8 boisseaux.
Le minot de seigle 8 boisseaux demi-quart.
La mine du meilleur blutée au bluteau à blanc est revenue nette à 8 boisseaux,
La mine du moyen par le bluteau à fenêtre est revenue nette à 8 boisseaux.
Le minot de seigle par un bluteau à bis est revenu à 2 bois. 1 q. & dem.
Le son des mines de froment riflé & recoupé revenu net en gruaux, mis avec la farine de seigle à 1 boisseau & demi.
Etant pétris & boulanger, on fait

La mine du meilleur, sept douzaines de petits pains blancs, de quinze onces en pâte, pour revenir à douze onces cuits.

La mine du moyen, deux douzaines de petits pains bourgeois, de dix-neuf onces en pâte, pour revenir à seize onces cuit, & vingt-deux grands pains bourgeois de trente-sept onces en pâte, pour revenir à trente-deux onces cuits.

Le minot de seigle & gruaux, vingt-deux grands pains bis appelés brode, de quatre livres & demie en pâte, pour revenir à trois livres cuits.

On fit en 1477, un pareil essai, où tout revint à peu près au même.

Au dernier qui fut fait en 1700, la mine du plus beau blé froment, fut trouvée peser cent dix-huit livres. Etant moulue elle produisit huit boisseaux & demie de farine, pesant ensemble cent seize livres. La farine ayant été blutée, rendit trois boisseaux & un quart de fleur pour le pain le plus blanc. De la seconde farine, deux boisseaux & un quart ; & il resta de son, quatre boisseaux trois quarts. Ce qui fait en tout dix boisseaux & un quart. Ayant été pétrie, & le poids du levain qui y avoit été ajouté ayant été ôté, on en fit,

Pain mollet, quarante, pesant en pâte chacun cinq onces & demie, & ensemble deux cent vingt onces.

Pain à la Reine, six, pesant en pâte chacun cinq onces & demie, & ensemble trente-trois onces.

Pain à la Ségovie, sept, pesant en pâte chacun cinq onces & demie, & ensemble trente-huit onces & demie.

Pain de Chapitre, vingt-six, pesant en pâte chacun six onces & demie, & ensemble cent soixante-neuf onces.

Pain façon de Gonesse, quarante-huit, pesant en pâte chacun six onces & demie, ensemble trois cent douze onces.

Pain bis blanc, soixante-sept, en pâte chacun dix onces, & ensemble six cent soixante-dix onces. Poids total 1442 onces & demie, ou quatre-vingt dix livres, deux onces & demie.

Après la cuisson.  
Le pain molet pesa chacun 4 onces.
Le pain à la Reine chacun 4 onces.
Le pain à la Ségovie chacun 4 onces.
Le pain de Chapitre chacun 5 onces.
Le pain façon de Gonesse chacun 5 onces.
Le Pain bis blanc chacun 8 onces.

Poids total, mille cent cinquante-huit onces, ou soixante-neuf livres, quatorze onces.

Voyez le Traité de la Police de M. De la Mare, Commissaire qui présidoit à cet essai, Liv. V, Tit. XIV, 18.

Il y a plusieurs Îles de l’Amérique où il ne vient point de blé. En France, le blé doit être semé avant l’hiver, c’est-à-dire, le froment & le seigle. Si on le seme après l’hiver, il pousse à l’ordinaire, mais les épis n’ont point de grains, sont vides. Mais si on fauche cette herbe, & qu’on fasse paître les bestiaux comme dans un pré, qu’ensuite on laisse passer l’hiver dessus, l’année suivante elle portera abondamment, & comme si on l’avoit semée tout de nouveau. Cela arriva ainsi en 1709, & 1710, aux portes de Bourges & en d’autres endroits de Berry, & ailleurs encore, où l’on sema des blés au Printemps qui suivit l’hiver de 1709, dont le froid extraordinaire fit périr les blés.

On dit proverbialement, crier famine sur un tas de blé, quand un avare se plaint de la misère du temps, quoiqu’il ait de quoi vivre dans l’abondance. On dit d’une marchandise d’un sûr & prompt débit, que c’est du blé en grenier. On dit aussi être pris comme dans un blé ; pour dire, être surpris sans défense & sans armes. On dit aussi, manger son blé en vert ; pour dire, manger son revenu avant que les termes en soient échus.

BLECHE. adj. On dit blêche pour blaque ; c’est ainsi qu’on appeloit autrefois les Valaques. Froissard dit que les Valaques sont de fort mauvaises gens. Huet.

C’est encore une terme d’injure du style familier, qui signifie un homme mou, timide, qui n’a pas la force de tenir les paroles qu’il donne. C’est un homme bien blêche ; & substantivement, c’est un blêche, un vrai blêche.

BLÉER. v. a. Il signifie ensemencer une terre en blé. On se sert plus communément du mot emblaver ; mais dans quelques pays on dit bléer. On disoit autrefois bléerie, pour dire des blés sur pied.

☞ BLEIDENSTADT, ou BLEIDERSTADT. Petite ville d’Allemagne, en Wétéravie, dans la Principauté de Dietz, à la source de la rivière d’Aar.

BLEIME. s. f. Terme de Manège. Maladie du cheval, inflammation de la partie intérieure du sabot vers le talon, entre la sole & le petit pied. La cause de ce mal est un sang meurtri qui s’y est amassé.

☞ BLEKING (le) ou la BLEKINGIE, Province de Suède, dans la partie méridionale, entre la Gothie, la mer Baltique, & la France.

BLÊME, adj. m. & f. Décoloré, pâle. Pallidus, pallens, décolor. Il ne se dit que du visage. Quand on lui fit ce reproche, il devint blême.

Plus défait & plus blême,
Que n’est un Pénitent sur la fin du carême. Boil.

La disette au tein blême, & la triste famine. Id.

BLÊMIR. v. n. Pâlir, changer de visage par l’émotion de quelque passion violente, de colère, de honte, de douleur. Pallescere, exalbescere. Quand on a annoncé à cette veuve la mort de son fils, elle a blêmi, & s’est pâmée. Il blêmit à la vûe du moindre péril. C’est un fort bon Acteur, il blêmit, il rougit quand il veut. Je blêmis toujours en commençant mes harangues.

BlÊMISSEMENT. s. m. Pâleur. Pallor. Ce mot n’est pas reçu ; c’est dommage.

BLEMYES, ou BLEMMYES. s. m. pl. Blemyes, Blemiæ, Blenæ, Bleptæ. Peuple de l’Ethiopie, que l’on a cru être sans tête, & avoir les yeux & la bouche à la poitrine. Ils furent ainsi nommés d’un nom du Roi d’Ethiopie appelé Blemys. Quelques Auteurs disent que l’origine de la fable vint de ce qu’ils s’enfonçoient la tête entre les épaules, qu’ils élevoient beaucoup. Bochart, dans son Phaleg, Liv. IV, ch. 29, en rapporte une autre raison. Il dit que Blemyes vient de בלי, qui en hébreu signifie négation, privation, & de טום, qu’il interprète cerveau, quoiqu’il n’y ait que les Rabbins qui y donnent ce sens, & que dans l’Écriture, il signifie moelle ; de sorte que selon lui, Blemyes a été pris pour sans cerveau, sans tête, & c’est ce qui a donné lieu à la fable. Florus, Lieutenant de l’Empereur Marcien, dompta les Blemyes, l’an de J. C. 450.

M. Godeau, Hist. de l’Egl. T. III. p. 240, & M. l’Abbé Fleury, Liv. XXXII, p. 324, les appellent Blemmyens & les Nobates tributaires des Romains, adoroient entre autres Dieux, Isis, Osiris, & Priape, & les Blemmyens sacrifioient des hommes au Soleil. Fleur. Le premier se trompe quand il dit que ce sont des peuples d’Égypte.

☞ BLENDE. s. f. Mot allemand, employé dans les mines, pour désigner un minéral qui se trouve dans la mine de plomb, qui n’est bon à rien. Pseudo galena, inanis galena, mica : ou, selon d’autres, une mine morte, matière ordinairement talqueuse, de couleur de plomb, & très-difficile à la fonte. On l’appelle Sterile nitidum. Il y en a de différentes espèces & couleurs.

☞ BLENEAU. Blenavium. Petite ville de l’Orléannois, sur le Loin, Election de Gien.

BLENNUS. s. m. Poisson qu’on pêche dans les eaux bourbeuses, qui n’est pas bon à manger, ce qui est indiqué par son nom, qui revient à muqueux. Il est fade, insipide, excrémentiel. Aldrovandi en donne la description. Βλέννος, ou comme Suidas écrit, Βαιὼν.

BLEPHAROXYSTE. s. m. Blepharoxystum. Instrument de Chirurgie, pour la scarification des paupières. De Βλέφαρον, paupière, & de ξυω, scarifier. On a plusieurs instrumens pour la scarification des paupières. Il semble qu’Hippocrate se servoit en pareil cas d’un chardon, ou de quelque plante épineuse. D’autres anciens Médecins inventerent un instrument de fer ou d’acier, à peu près semblable à une rape fine, de la forme d’une cuiller. Voyez en la figure dans le Dictionnaire de James.

BLÉQUE. adj. Mot normand. Poire bléque, pomme bléque, c’est-à-dire, plus que molle. Mén.

☞ BLERÉ. Blera. Petite ville de France, en Tourraine, sur le Cher.

BLEREAU. Voyez Blaireau.

BLEREUX. s. m. Animal sauvage. Mœles, mœlis.

BLESCHE. Voyez Bleche.

BLEMSE. Voyez Blême.

BLESMIR. Voyez Blêmir.

BLESMISSEMENT. Voyez Blêmissement.

BLESSER. v. a. ☞ Causer de la douleur à quelqu’un en le serrant, soit qu’il en résulte une plaie, soit qu’il n’en résulte point. Vulnerare, fauciare. Les couprs orbes blessent en faisant des contusions. Les instrumens tranchans blessent en faisant des plaies. Les souliers trop serrés blessent les pieds. Une selle dure blesse un cheval. Urere. ☞ Lorsqu’en parlant de guerre, de combat, on dit que quelqu’un a été blessé, on entend toujours parler d’un coup qui a fait une plaie.

Ménage dérive ce mot de læsare latin, en y ajoutant un b.

Blesser, se dit en parlant de navire & de galère, & signifie, endommager. Detrimentum afferre. La Réale rencontra l’éperon d’une des galères, dont elle fut blessée. Vaug.

Blesser, se dit avec le pronom personnel, quand on se fait mal, soit en tombant, soit par megarde, soit volontairement. Offendere partem corporis aliquam. Je me suis blessé par mégarde. On dit aussi qu’une femme grosse, qu’elle s’est blessée ; pour dire, que quelque chûte, ou quelqu’autre accident, l’a fait accoucher avant terme. Abortum facere.

Blesser, signifie par extension, choquer, toucher trop fortement ce qui est délicat, faire une impression fâcheuse & désagréable. Offendere. Les couleurs trop vives blessent la vue. Une dissonance blesse l’oreille.

☞ On le dit de même au figuré. Des paroles deshonnêtes blessent la pudeur, sont contraires à la pudeur. Cette affreux récit blesse l’imagination, porte une impression désagréable dans l’imagination.

Blesser, se dit figurément en matière d’amour. Cet amant a le cœur blessé, les beaux yeux de cette Dame l’ont blessé ; on fait une violente impression sur son cœur.

Blesser, signifie encore au figuré, nuire à quelque chose, y donner atteinte, y faire brêche : choquer quelqu’un, l’offenser par quelque discours. Ces faits que vous vez avoués, blessent votre cause, donnent atteinte à votre droit. Il ne faut rien dire qui puisse blesser la réputation du prochain. Les railleries trop fortes blessent l’amitié : il y en a d’innocentes qui ne blessent personne.

C’est à vous, s’il vous plaît, que ce discours s’adresse,
A moi, Monsieur ! A vous, trouvez-vous qu’il vous blesse ?

Molière
.

Blesser, signifie encore, porter dommage. Detrimentum afferre, inferre. Cette sentence me blesse en ce chef ; elle me fait un préjudice notable.

On dit proverbialement, qu’on ne sait pas où le soulier nous blesse, où le bât nous blesse, quand on ne fait pas le déplaisir secret que nous avons dans l’ame. On