Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/031-040

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Fascicules du tome 3
pages 21 à 30

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 31 à 40

pages 41 à 50


Croissant, en termes de Luthier, est un enfoncement fait en forme de demi-cercle aux côtés des violons, des violes, des basses, &c. Fissura crescentis in morem lunæ citharis adacta.

Croissant. s. m. Ornement de tête des Dames & Demoiselles. C’est une partie de la coëffure que l’on nommoit Commode.

Croissant. Papier aux trois croissans. C’est ainsi qu’on nomme à Constantinople, une espèce de papier de France, qui se fabrique dans plusieurs lieux de la Provence.

Ordre du Croissant. Ordre de Chevalerie militaire fondé par René d’Anjou, Roi de Sicile, & Comte de Provence, en 1448. Ordo militaris a cressente luna nuncupatus. Les Chevaliers portoient sur le bras un croissant d’or émaillé, duquel pendoient autant de petits bâtons travaillés en façon de colonnes, que chacun de ces Chevaliers s’étoient trouvés ou à des batailles, ou à des sièges. Le P. Anselme. Ce qui donna occasion à l’établissement de cet Ordre, c’est que René avoit pris pour devise un croissant, sur lequel étoit cent le mot Los ; ce qui, en style de rebus, vouloir dire, Los en croissant ; c’est-à-dire, qu’en avançant en vertu, on mérite des louanges.

Croissant double, double croissant. Autre Ordre de Chevalerie, appelé autrement l’Ordre du Navire. Voyez Navire. Le P. Hélyot, T. VIII. c. 38. prétend que cet Ordre est chimérique & supposé, quoi qu’en dise l’Abbé Giustiniani, dans son Histoire des Ordres militaires, & quelques autres Auteurs. Il parle de l’Ordre que ces Auteurs prétendent avoir été institué par S. Louis, & porté à Naples par son frère Charles d’Anjou, Roi de Naples ; car pour l’Ordre du Croissant que l’on nomme aussi du Navire, ou des Argonautes de S. Nicolas, il convient qu’il a été plus réel, qu’il fut institué par Charles de Duras, Roi de Naples, que Jeanne I. qui n’avoit point d’enfans avoit adopté, & à qui elle avoit fait épouser sa Nièce Marguerite, dont il voulut rendre la cérémonie du couronnement plus auguste par l’institution de l’Ordre du Croissant & du Navire. Le collier de cet Ordre étoit composé de coquilles & de Croissans, au bas duquel étoit attaché un navire, avec cette devise : Non credo Tempori. L’habillement de ces Chevaliers, selon le P. Bonnani, constitoit en un grand manteau parsemé de fleurs de lys en broderie, au côté gauche duquel il y avoit un navire flottant sur les eaux. Leur toque étoit de velours noir, couverte par-devant d’une plaque d’or, qui représentoit aussi un navire. Après la mort de ce Prince, qui arriva en 1386. cet Ordre fut aboli dans des tems de troubles.

En terme de Blason, on appelle croissant montant, celui dont les pointes sont tournés en haut vers le chef, qui est sa plus ordinaire représentation. Lunula resupina. Les Ottomans portent de sinople au Croissant montant d’argent. Les Croissans adossés sont ceux qui ont leurs parties les plus grosses & les plus pleines à l’opposite l’une de l’autre, & dont les pointes regardent le flanc de l’Écu. Lunulæ obversæ. Le Croissant renversé ou couché, est celui dont les pointes sont au rebours du montant. Inversa. Les Croissans tournés se posent comme les adossés : la différence est, qu’ils tournent toutes leurs pointes d’un même côté vers le flanc dextre de l’Écu, soit en fasce, soit en bande, les contournés au contraire ont leurs pointes vers le côté gauche de l’Ecu. Lunulæ versis in scuti latus cornibus. Les Croissans affrontés, ou appointés, ont leur assiette contraire à celle des adossés, parce que leurs pointes se regardent, & sont opposées les unes aux autres. Lunulæ adversis cornibus positæ. Du Tillet dit que Clovis porta autrefois trois Croissans. Saint Louis institua l’Ordre du double Croissant. La devise d’Henri II. étoit aussi un double Croissant.

CROISSET. Lieu de Normandie, situé à une lieue de Rouen.

CROISSIER, v. n. Vieux mot, qui a signifié se croiser, c’est-à-dire, mettre une croix sur son habit, pour marquer qu’on va faire la guerre aux Infidèles.

CROISSIR. v. n. Se rompre. Vieux mot, d’où sont venus en Languedoc crouissi & s’écroussir, pour dire, craqueter en se rompant.

CROIST. Voyez CROÎT.

CROISTRE. Voyez CROÎTRE.

CROISURE. s. f. La tissure de la serge qui se fait en croix. Staminis ac subtegminis directò transversa positio. Celle du drap s’appelle filure. On connoît la finesse d’une serge à la croisure, & celle du drap à la filure.

Croisure, est aussi un terme de Poësie Françoise, qui se dit des vers dont les rimes sont alternées. Voyez Croisé, terme de Poësie.

CROÎT. s. m. Augmentation d’un troupeau par le moyen de petits qui y naissent. Accretio, incrementum, accrementum, accessio. Dans tous les baux à chepteil des bestiaux, après qu’on a remplacé le premier nombre qu’on en a donné d’abord, le maître & le métayer partagent le croît, c’est-à-dire, les bestiaux qui se sont multipliés, & qui sont le profit du bail.

☞ Dans Montagne ce mot se trouve comme synonyme à croissance. Dans la fleur de son croist. pag. 49.

CROITON. s. m. Nom que l’on donne à une prison, dit M. Bruneau, dans ses observations & Maximes sur les matières criminelles. Carcer, ergastulum.

CROÎTRE v. n. Prononcez crêtre. Je crois, je croissois, je crûs, j’ai crû, je croîtrai, que je croisse, croissant. Augmentation en hauteur, en grosseur, en étendue, devenir plus gros ou plus grand. Crescere, accrescere, excrescere, increscere. Tous les animaux & les plantes croissent jusqu’à un certain âge, jusqu’à un certain état de hauteur & de grosseur, qui est différent selon leur espèce. On dit que le crocodile croît pendant toute sa vie. L’enfant croît dix mille fois plus vite au ventre de la mère, qu’après qu’il est né. Andri.

Ce mot n’est pas tellement neutre que les anciens Auteurs ne le fassent quelquefois actif, & alors il signifie, faire croître. On en trouve divers exemples dans la Poësie, & quelques-uns dans la Prose.

A des cœurs bien touchés tarder la jouissance,
C’est infailliblement leur croître le desir. Malh.

Corneille a dit :

Mais la plus belle mort souille notre mémoire,
Quand nous avons pu vivre & croître notre gloire.

☞ Et dans le Cid.

M’ordonner du repos, c’est croître mes malheurs.

Auxquels on peut ajouter Racine, qui a dit : les Dieux m’ont dicté cet oracle, qui croîtra sa gloire & son tourment. Ces phrases, où croître est dans une signification active, ont été blâmées par de bons Auteurs.

☞ Voltaire sur Corneille, dit : croître aujourd’hui n’est plus actif, on dit accroître ; mais il semble, continue-t-il, qu’il est permis en vers de dire croître mes tourmens, mes ennuis, mes douleurs, mes peines.

☞ A la bonne heure dans la Poësie où il y a assez d’autres difficultés à surmonter ; mais, hors de là, on ne doit point user de cette licence,

Croître, se dit aussi des parties des animaux & des végétaux qui ne leur sont point essentielles, ou nécessaires, des ongles, des cheveux, de la barbe, &c. Les Moines Grecs laissent croître leur barbe & leurs cheveux. Barbam, crines promittere.

Croître, s’employe aussi en parlant des herbes, des plantes, des fruits, & signifie venir, être produit dans un lieu. Les blés de France ne croissent point en Amérique, ni n’y peuvent venir. Il croît du tabac, des cannes de sucre en Languedoc, mais ils n’y mûrissent pas bien. Telle plante croît dans les marais, qui ne croît pas dans les montagnes. Il croît plusieurs gommes, de la mousse, & autres choses semblables sur les arbres.

Croître, se dit pareillement des choses qui s’enflent, qui s’augmentent, qui deviennent plus grandes. Crescere, augescere. Les eaux, les rivières croissent à la fin de l’hiver. Les marées croissent en pleine lune, & dans les équinoxes. Les jours croissent en été. La lune croît jusqu’à son plein. L’eau croît, en termes de Marine, c’est-à-dire, il y a flux, la marée monte.

Croître, se dit aussi des maladies qui empirent, qui augmentent. Ingravescere. Sa fièvre croît au lieu de diminuer. Ce cancer, cette louppe croissent toujours. La gangrène croît en peu de temps, si l’on n’y remédie.

Croître, s’applique aussi aux corps politiques, & signifie, multiplier, augmenter en nombre. Accrescere, crescere, &c. Le peuple croît tous les jours à Paris. Son revenu croît tous les jours. La rivière est crûe, a crû d’un pied. Son armée est crûe par la désertion des ennemis. Dieu, après avoir imprimé à l’homme le penchant qui le porte au mariage, lui ordonna encore de croître & de multiplier. S. Evr.

Croître, se dit figurément des choses morales & incorporelles. L’amour, la colère croissent par la présence des objets. Cette maison a bien crû en honneur & en dignité depuis sa faveur. Les discours, le commerce des gens du siècle font croître, malgré nous, une foule de desirs séculiers dans nos cœurs. Flech. Les réflexions doivent être placées dans un tel ordre, que les plus fortes & les plus sensibles soient les dernières, afin que le discours aille toujours en croissant. Claud.

Je vois mes honneurs croître, & tomber mon crédit. Racine.

Puisse durer, puisse croître,
L’ardeur de mon jeune Amant,
Comme feront sur ce hêtre,
Ces marques de mon tourment. Des-Houl.

Crescent illæ, crescetis amores.

Voyez d’autres exemples de ce sens figuré dans les vers qu’on a cités au milieu du premier article.

☞ Les choses matérielles croissent par la nourriture qu’elles prennent, par une addition intérieure & méchanique, qui fait l’essence la nourriture propre & réelle ; elles augmentera par la simple addition extérieure d’une nouvelle quantité de même matière.

☞ Les choses spirituelles croissent par une espèce de nourriture prise dans un sens figuré ; elles augmentent par l’addition des degrés jusqu’où elles sont portées.

☞ Mieux on cultive un terrein, plus les arbres y croissent, & plus les revenus augmentent.

☞ L’amour qui se forme dans l’enfance croît avec l’âge. Le vrai courage n’est jamais fanfaron ; il augmente à la vue d’un péril. L’ambition croît à mesure que les biens augmentent. Voyez au mot Augmenter, la différence délicate qui se trouve entre ces deux mots, dans les cas même où ils paroissent absolument synonymes, expliquée par M. l’Abbé Girard.

Croître, signifie aussi se répandre, en parlant des bruits. Le bruit de la peste, de la guerre, croît tous les jours. Increbrescere.

Croître, signifie aussi naître. Corneille a dit de Paris : il y croît des badauts autant & plus qu’ailleurs. Nasci.

Croître, se dit proverbialement en ces phrases : à chemin battu il ne croît point d’herbes. On dit aux jeunes gens qui croissent, qui sont devenus grands, Mauvaise herbe croît toujours. On dit, quand on veut louer une personne ou quelque chose, qu’elle ne fait que croître & embellir. On dit d’un homme de néant qui a fait une grande fortune en peu de temps, qu’il est crû comme un champignon, tout en une nuit.

CRÛ, ÛE. Part.

CROIX. s. f. Piece de charpente composée de deux morceaux de bois, dont l’une traverse & coupe l’autre ordinairement à angles droits. Crux. Elle servoit autrefois de supplice pour les malfaiteurs & les esclaves. Les Romains faisoient élever des croix, pour faire peur aux soldats, comme on fait ici des potences. Vers l’an 321. Constantin abolit par une loi le supplice de la croix usité chez les Romains. Sozom. Hist. Eccl. L. I. c 9.

Crux, une croix, un gibet, prend son origine du Celtique, croug & croas. Pezron. Si croug & croas ne viennent pas de crux, une croix.

Croix, signifie parmi les Chrétiens les mystères de la Rédemption du genre humain. Salutare reparationis humanæ Mysterium. La croix a été un scandale pour les Juifs, une folie dans l’opinion des Payens, dit S. Paul.

Croix, signifie aussi le bois sacré qui a servi d’instrument au Mystère de la Rédemption. Sacrum crucis Lignum. La croix a été en une grande vénération depuis que J. C. y a voulu être attaché pour nos péchés. On dit, la vraie croix, adorer la croix, l’étendard de la croix ; & l’on dit figurément, en ce sens, mettre ses injures, ses ressentimens au pied de la croix, pour dire les offrir à J. C. pendant à l’arbre de la croix.

Il y a des sentimens différens sur la manière dont se faisoit l’exécution du supplice de la croix ; si l’on clouoit avec quatre cloux, ou seulement avec trois ; si les pieds étoient immédiatement attachés à la croix, ou s’ils portoient sur un petit morceau de bois ou espèce de marche-pied, ou de soutien attaché à la croix, & auquel on les clouoit : si l’on plantoit la croix en terre avant que le patient y fût cloué, l’y attachant ensuite par le moyen d’un échafaut élevé à la hauteur de l’endroit où les pieds devoient être attachés, sur lequel on faisoit monter le patient : ou si on n’élevoit & on ne plantoit la croix qu’après qu’il y avoit été cloué, comme nos Peintres le supposent : enfin, si le Patient y étoit attaché tout nu, ou s’il étoit couvert, & toutes ces question se sont sur-tout par rapport à J. C. crucifié.

On demande si J. C. fut attaché à la croix avec trois clous seulement, ou avec quatre. Il semble que le sentiment de ceux qui disent qu’il ne fut attaché qu’avec trois clous, soit aujourd’hui le plus répandu. Au moins presque toutes les images du Crucifix, n’ont que trois clous. Ce sentiment est aussi très-ancien. S. Grégoire de Nazianze, ou Apollinaire, ou quel que soit l’auteur de la Tragédie de J. C. souffrant, appelle la croix τρισκλον ξύλον, un bois à trois clous. Et Nonnius, sur S. Jean C. XIX. v. 18. dit que les pieds du Sauveur furent attachés avec un seul clou αζυγι γυμφω. Daniel Mallonius tâche de confirmer ce sentiment dans ses notes sur Alphonsus Palæotus, C. 19 De Stigmatibus Christi. Il paroît cependant plus probable qu’il y eut quatre clous. C’est le sentiment de Grégoire de Tours, L. I. De Glor. Mort. c. 6. On voit par l’acte II. Scène I. du Mostellaria de Plaute que c’étoit la coutume des Romains. Nonnius lui-même, sur S. Jean C. XIX. v. 15. représente les Juifs pleins de fureur, criant à haute voix que J. C. fût mis en croix, & qu’il y fût attaché τετραγονι δεσμω, d’un quadruple lien. Enfin il y a beaucoup d’anciennes images du Crucifix qui ont quatre clous, comme on peut le voir dans le Roma subterranea de Paulus Arringhius. L. III. C. 42.

Grégoire de Tours est le premier qui ait parlé d’un soutien pour les pieds des crucifiés, πηγμα, selon la remarque de Nansius sur la Paraphrase de Nonnius sur S. Jean XIX. 8. & de Vossius dans son Harmon. Evang. L. II. c. 7. §. 28. Bien des gens ont embrassé ce sentiment, entre autres Feuardent dans ses Notes sur S. Irénée, L. II. c. 42. où il le prouve par plusieurs très-anciennes Images du Crucifix, qu’il avoit vues à Verdun, à Cologne, à Trêves, &c. & qui avoient toutes cette espèce de petit banc. On assure que l’on conserve dans le Monastère de Liessies en Hainaut, une Médaille Grecque dont Juste Lipse a parlé, L. II. De Cruce, c. 10. où l’on voit ce marche-pied, aussi-bien que dans plusieurs autres Images dont il est fait mention dans le Roma subterranea de Paulus Aringhius. Cependant, malgré cette nuée de témoins, plusieurs gens habiles soutiennent le contraire. Saumaise, dans sa première épitre sur la Croix, soutient que ce petit banc est de l’invention de Grégoire de Tours. George Callixte, dans l’Addition qu’il a faite au livre de Lipse sur la Croix, Dilherus dans ses Notes sur le Crucifiement, & Vossius dans son Harmonie Evangélique, sont du même sentiment. Voyez encore Anton. Binæus L. III. De Morte J. C. c. 5. 11. 12. où il le prouve avec beaucoup de soin.

Il étoit si difficile aux exécuteurs de ce supplice d’avoir à élever une croix chargée d’un corps, que, quand on voudroit qu’ils n’eussent point eu d’égard aux douleurs affreuses que les secousses de la croix auroient causées au patient, on ne peut presque douter que pour s’épargner à eux mêmes beaucoup de peine, ils n’élevassent & n’affermissent bien la croix dans son trou, avant que d’y attacher celui qui y étoit condamné.

Quant à la dernière question, S. Ambroise, Hésychius, S. Augustin, S. Bonaventure, & d’autres anciens &, parmi les modernes, Saumaise, Gérard-Jean Vossius, Bynæus, & beaucoup d’autres veulent que J. C. fut attaché tout nu à la croix ; que, c’étoit la coutume des Anciens ; qu’Artémidore le dit positivement dans son second livre des songes, c. 58. γυμνοὶ γὰρ σταυρῶνται ; qu’Arrien montre la même chose dans sa Dissertation sur Epictète L. IV c. 26. quand il dit qu’on sort du bain tout nu, & qu’on s’étend comme les crucifiés, pour être frotté. Mais on répond à cela que les paroles d’Artémidore ne signifient pas qu’on fût entiérement nu à la croix ; que pour Arrien sa comparaison tombe, non sur ce qu’on est nu au bain comme un crucifié, mais sur ce que pour se faire frotter on s’étend comme un crucifié. Ainsi plusieurs Savans croient que le sentiment contraire est plus probable ; que la pudeur ne permettoit pas qu’on en usât autrement, que les Images du Crucifix sont toutes couvertes, au moins en partie ; qu’à Aix-la-Chapelle on croit encore avoir le linge dont le Sauveur fut ceint ; que plusieurs anciennes Images ou statues le représentent même vêtu d’une espèce de jupon qui prend à la ceinture, & descend jusqu’aux genoux ; que dans l’Eglise de Nantes, que Félix Evêque de Nantes fit bâtir, & qui fut consacrée en 568, il y fit mettre un Crucifix d’argent, ceint d’un jupon d’or, embelli de pierres précieuses ; & que ce sont les Peintres qui ont introduit la coutume de ne mettre au Crucifix qu’un linge autour de la ceinture.

On appelle Invention de Sainte Croix, la fête qui se solemnise le 3 de Mai en mémoire de ce que Sainte Hélène mere de Constantin trouva la vraie croix de Nôtre-Seigneur bien avant en terre sur le Calvaire, où elle fit bâtir une Eglise pour y en laisser une partie, l’autre ayant été depuis apportée à Rome en l’Eglise de Sainte Croix de Jérusalem. Pia inventæ Sanctæ Crucis memoria, celebritas, festivitas. Théodoret raconte qu’on trouva les trois croix, de J. C. & des deux brigands crucifiés avec lui, & que pour faire le discernement, on toucha une Dame malade, qui se sentit guérie par l’attouchement de la vraie Croix. Cousin. Eusèbe rapporte que le Grand Constantin vit en songe une Croix lumineuse, avec ces paroles, tu vaincras à la faveur de ce signe. Id. Voyez, sur l’invention de la Croix, Théodoret, Hist. Eccl. L. I. c. 18. Ruffin L. I. c. 7. 8. Socrate L. I. c. 17. Sozom. L. II. c. 1. S. Ambroise De obitu Theod. n. 42. S.Cyrille de Jérusalem, Epitre à l’Emp. Const.

Exaltation de la Sainte Croix, est une autre Fête qui se fait le 14 Septembre en mémoire de ce qu’Héraclius rapporta sur le Calvaire la vraie Croix que Cosroès Roi des Perses avoit enlevée quatorze ans auparavant, lorsqu’il avoit pris Jérusalem sur l’Empereur Phocas. Relatæ a Persis Sanctæ Crucis memoria.

Croix, se dit aussi des représentations & figures de la Croix, qui sont dans les Eglises & les maisons chrétiennes, & sur les chemins. Crux. On va à la Procession avec la Croix & les chandeliers. On porte des croix d’argent aux enterremens des personnes riches. On appelle ces croix processionnells ; & quand elles sont d’argent, elles doivent être contremarquées à la douille. On dit en ce sens, qu’il faut avoir la croix & la bannière, la croix & l’eau bénite pour avoir quelqu’un ; pour dire, qu’on a de la peine à en jouir. On dit aussi qu’il faut faire la croix à la cheminée, quand on reçoit quelque visite qui surprend, ou lorsqu’il arrive quelque chose d’extraordinaire. On dit en ce sens figurément, d’un homme à qui on dispute un bénéfice dont il est en possession, qu’il se défend avec le bâton de la croix, des pierres du clocher.

Jusqu’à Constantin, jusqu’au quatrième siècle, on ne grava point la croix par-tout comme on le fait : comme la Religion n’avoit pas encore la liberté qu’elle eut depuis, on ne le pouvoit faire ; mais, depuis que Constantin l’eut embrassée, on grava, on peignit, on mit des croix presque partout, sur les temples, sur les vases sacrés, sur tous les habits sacerdotaux, & jusque sur la couronne des Césars & des Augustes.

Macaire, Patriarche de Jérusalem, ordonna le premier que la croix seroit placée dans un lieu surélevé de l’Eglise. On a toujours adoré, c’est-à-dire, honoré la croix dans l’Eglise ; & comme les Hérétiques nous le reprochent, les Payens le reprochoient aux premiers Chrétiens, ainsi qu’il paroît par Minutius Felix & par Tertullien, Apolog. c. 16. Autrefois les témoins qui signoient dans les Actes, ajoutoient quelquefois des croix à leurs seings. Voyez la Diplomatique du P. Mabillon, p. 265. Il paroît par les vingt-neuvième & trentième canons du Concile de Clermont en 1095. que les croix plantées dans les grands chemins étoient alors des asiles comme les Eglises.

Croix, se dit aussi des mêmes figures qui servent d’ornemens & de marques pour quelque Dignité. Les Evêques, les Abbés Réguliers, portent une croix pectorale, une petite croix d’or pendue au cou. La coutume de porter une croix pendue au cou, est fort ancienne. S. Procope, Martyr sous Dioclétien, en portoit une, selon le témoignage de Nicéphore, L. VII. C. 15. du Concile de Nicée Act. IV. & de Métaphraste dans Surius au huitième de Juillet. Le P. Gretser Jésuite, De Cruce, L. I. c. 58. L. II. c. 27. & 34 & Rosweid, Onom. en rapportent beaucoup d’autres exemples.

Croix de Caravaca. Voyez CARAVACA.

Porte-Croix, est l’Aumonier d’un Archevêque, d’un Primat, qui porte une croix devant lui dans les cérémonies. Crucifer. Un Patriarche porte une croix double, & le Pape une croix triple dans leurs Armes. Le Pape fait porter la croix par-tout. Les grands Patriarches la font aussi porter par-tout, hors de Rome ; les Primats & Métropolitains, & ceux qui ont droit de Pallium, dans leur jurisdiction. Grégoire XI. a fait défense aux Patriarches, Prélats & Evêques, de la faire porter en présence des Cardinaux.

Les Archevêques font porter la croix devant eux par un Ecclésiastique nommé Porte-Croix. Dans la vie de S. Samson, premier Evêque de Dol en Bretagne, L. II. C. 10. il est marqué que ce Saint faisoit porter devant lui une croix bénite, & ornée d’or & d’argent & de pierreries. M. l’Abbé Fleury en conclut en général, Hist. Eccl. L. XXXIII p. 425. que l’on portoit devant les Evêques une croix bénite, & ornée d’or & d’argent. Ce seul exemple suffit-il pour prouver cet usage ? Il paroît par la narration que c’étoit par une dévotion particulière que S. Samson avoir fait faire, & avoit béni cette croix, & qu’il la faisoit porter devant lui. Voyez Acta Sanct. Benedict. sæc. I, p. 165.

Croix, en ce sens, se dit aussi des mêmes figures que portent les Chevaliers de divers Ordres, soit à leur cou, au bout d’un ruban en écharpe, soit sur leurs habits. Elles sont différentes par leurs figures, ou par leurs émaux. La croix des Chevaliers du S. Esprit, de S. Lazare, de Malte ; & on appelle Chevaliers Grands-Croix, ceux qui tiennent le premier rang dans l’Ordre de Malte.

Croix pectorale. Terme d’Evêque. Crux pectoralis. C’est une croix d’or que les Evêques & les Abbés Réguliers portent au cou, qu’ils prennent après avoir pris leur aube, avant que de mettre l’étole.

Grand-Croix. La première dignité de l’Ordre des Chevaliers de Malte après celle de Grand-Maître. Primaria inter Militenses equites dignitas ; & c’est parmi les Grands-Croix qu’on choisit le Grand-Maître de l’Ordre. Le corps du Grand-Maître d’Aubusson fut porté à l’Eglise de S. Jean sur les épaules des principaux Grands Croix. Bouh.

Grand-Croix. Chevaliers de l’Ordre de S. Louis, institués en 1693. Primarii Ordinis Sancti Ludovici Equites. Il y a huit Grands-Croix ; ils ont le privilège de porter la croix de l’Ordre attachée à un large ruban rouge qu’ils portent en écharpe. Ils portent aussi une croix en broderie sur le manteau, & sur le juste-au-corps.

Croix. Se dit des guerres entreprises autrefois par les Princes Chrétiens pour chasser les Infidèles de la Terre-Sainte, parce que ceux qui s’engageoient à ces guerres portoient une petite croix sur leur habit. En ce sens prêcher la croix, c’est exhorter les Fidèles à ces guerres. Prendre la croix, c’est s’enrôler dans ces guerres, & pour marque de son engagement, mettre la figure d’une croix sur ses habits. On ne le dit en ce sens que dans ces deux phrases. Ad sacrum bellum proficisci, sacræ militiæ nomen dare. La croix, selon le P. Menestrier, a été non-seulement la marque des Croisades & des voyages d’Outremer, mais encore la marque de la liberté, sur-tout dans l’Italie. C’étoit autrefois une espèce de pénitence qu’on imposoit, de se tenir long-temps les bras étendus en croix. Ç’a été aussi un examen dont on s’est servi pour vérifier les crimes dont on ne pouvoit avoir de preuves. Dans ce comique jugement de la croix, on donnoit gain de cause à celui des deux Plaideurs qui tenoit le plus long temps ses bras élevés en croix. Il étoit en usage en France dans le neuvième siècle.

On le dit aussi des Ordres de Religieux qui se distinguent par diverses figures de croix. La croix des Mathurins a les branches comprises sous des arcs de cercles. Une croix de S. Antoine est faite en forme de T, &c.

Croix (Ordre de la vraie) ou de la Croisade, ou de la Croisée. En 1668, un grand incendie ayant consumé tous les bijoux de l’Impératrice Eléonore de Gonzague, femme de l’Empereur Ferdinand III, qui l’épousa en 1651, cette Princesse étoit inconsolable de la perte d’une petite croix d’or, dans Laquelle étoient renfermés deux petits morceaux de la vraie croix, lorsqu’un Cavalier l’ayant cherchée la trouva au milieu des cendres, l’étui, dans lequel elle étoit, brûlé, le cristal dont elle étoit ornée, fondu, & le bois de la sainte croix aussi entier que s’il n’avoit pas été plusieurs jours au milieu d’un brasier de charbons ardens. L’Impératrice, en reconnoissance du recouvrement miraculeux de cette précieuse relique, qui est aujourd’hui dans l’Abbaye de S. Germain des Prés à Paris, institua un Ordre, ou une Société de Dames, sous le nom de Constellation de la croix pour marquer que la croix doit être la constellation qui nous conduit dans le chemin du salut, comme l’étoile polaire conduit ceux qui vont au nouveau monde. Voyez l’Abbé Justiani, T. II. C. 91. Cet Ordre ne fut institué que sous Léopold en 1688.

Sainte-Croix de Fontavelle. (Ordre de) Ordo Sanctæ Crucis de fonte Avellano. Le B. Ludolf, Evêque de Gubio au Duché d’Urbin en Italie, est l’Instituteur de l’Ordre de Sainte-Croix de Fontavelle, sous la Règle de S. Benoît. Cet Ordre a pris son nom du lieu où il a commencé comme beaucoup d’autres. Ce lieu, qui est au Diocèse de Gubio, & non pas d’Eugube, comme dit M. Chastelain ; ce lieu, dis-je, se nommoit originairement Font-Avelines. Fons Avellinus, parce qu’il y a là une fontaine qui étoit entourée de noyers, dit M. Chastelain ; il falloit dire d’Aveliniers, ou de Coudriers. S. Pierre Damien étoit Moine de Sainte Croix de Fontavelle.

Croix de S. Dominique & de S. Pierre Martyr. (Chevalier de la) Il y a eu un Ordre militaire de ce nom que les Inquisiteurs Dominicains donnoient. Les statuts de cet Ordre portent pour titre : Règle & statuts des Chevaliers du saint Empire de la Croix de Jesus. Il y a bien de l’apparence que cet Ordre n’étoit que celui de la Milice de Jésus. Voyez le P. Hélyot, L. III, C. 22.

Croix rouge (Ordre de la). Chevalier de la Croix rouge. Ordre de Chevalerie du Royaume de Bohême. Ordo, ou Equites Crucis rubræ. Les Chevaliers de la Croix rouge ont une Eglise à Prague. Voyez la Gazette 1723, p. 528.

Croix (Filles de la). Nom de Congrégation de filles qui instruisent les jeunes personnes de leur sexe. La première de ces Congrégations fut établie en Picardie l’an 1625, sous la direction de M. Guérin, Curé de … qui leur prescrivit des réglemens. En 1636, la guerre & des persécutions ayant obligé les quatre filles qui la composoient, de se réfugier à Paris ; le P. Lingendes, Jésuite, les adressa à Madame de Villeneuve, Marie Luillier, qui les plaça à Brie-Comte Robert. Cette Dame obtint l’an 1640 de Jean-François de Gondy, Archevêque de Paris, l’érection de cette Compagnie de Filles en Congrégation, sous le nom de filles de la Croix. Elle fut autorisée par Lettres-Patentes du Roi vérifiées au Parlement de Paris l’an 1642. Alors Madame de Villeneuve & les Filles qui demeuroient avec elle à Vaugirard, firent les vœux simples de pauvreté, chasteté, obéissance & stabilité entre les mains de M. Froyer, Curé de S. Nicolas du Chardonnet, que l’Archevêque de Paris leur donna pour Supérieur. Toutes les filles de la Croix ne font pas ces vœux, mais toutes s’exercent aux œuvres de charité spirituelle qui leur conviennent, auprès des personnes de leur sexe. P. Hélyot, T. VIII, C. 17.

Demi-Croix. s. m. Qui ne se dit pas seulement dans l’Ordre de Malte, mais encore en d’autres Ordres militaires, comme dans celui de S. Etienne en Toscane, où il y a aussi des Demi-Croix.

La confraternité de Ste Croix des Luquais est une Société ou Confrérie de Pénitens établis à Luques en Italie.

Sainte-Croix de Conimbre en Portugal (Chanoines Réguliers de). Congrégation de Chanoines Réguliers formée sur celle de S. Ruf, dont elle a pris les Constitutions, les réglemens, la forme & la manière de gouvernement. Elle commença en 1131, par le zèle d’un Chanoine & Archidiacre de la Cathédrale de Conimbre, nommé Tellon, aidé par onze personnes de piété. Don Paterne, Evêque de Conimbre, lui donna l’habit de Chanoine Régulier dans sa Cathédrale. Il prit la résolution de réformer les Chanoines Réguliers en établissant une nouvelle Congrégation, En 1132, la première Communauté se forma à Conimbre. Après la mort de Tellon arrivée en 1136, ils prirent les règles des Chanoines Réguliers de S. Ruf. Ces Chanoines sont vêtus de blanc : ils ont un surplis fermé de toutes parts, qui n’est point plissé autour du cou, & portent en tout temps des aumusses de drap noir sur les épaules, les Novices en ont de blanches. Hist. des Ordres Mon. & Relig. P. II, Ch. 29.

Croix, signifie quelquefois la doctrine de la Foi Chrétienne, & la marque qu’on laisse aux lieux où on l’a plantée. S. Xavier est allé planter la croix, élever la croix dans les Indes. On y a arboré la croix en plusieurs endroits, quand on a pris possession de la terre que les Chrétiens ont découverte.

On appelle aussi, Planter la Croix, commencer la fondation, l’établissement d’un Monastère en quelque lieu. Il n’y a qu’à planter la croix, & laisser le soin du reste à la Providence.

Croix (Signe de) ou Signe de la Croix, se prend en deux manières. Premièrement, il signifie cette commémoration qu’on fait du mystère de la Passion de Notre-Seigneur, un mouvement de la main droite, par lequel on exprime la figure d’une croix, en allant de haut en bas, puis de gauche à droite ; on le fait sur soi en portant la main à la tête, puis à l’estomac, à l’épaule gauche, & enfin à la droite. Les Prêtres font souvent le signe de la croix dans la célébration des Saints Mystéres. Les Ministres des Sacremens font aussi souvent le signe de la croix en les administrant. On donne la bénédiction en faisant le signe de la croix avec la main, ou avec le S. Sacrement. Tous les bons Chrétiens font le signe de la croix en commençant toutes leurs actions. La première chose qu’on apprend aux enfans, c’est à faire le signe de la croix, & en leur parlant, l’on appelle souvent ce signe l’In nomine Patris, parce qu’en le faisant on prononce ces paroles In nomine Patris, & Filii, & Spiritûs Sancti, Amen ; comme nous appelons l’Oraison Dominicale, le Pater noster, la Salutation Angélique, l’Ave Maria, parce que c’en sont les premières paroles, & ainsi le Credo, le Confiteor, le te Deum, &c. On fait quelquefois dans les cérémonies de l’Eglise le signe de la croix d’un seul doigt, c’est celui que l’on fait de la main. Les Evêques donnent leur bénédiction en levant l’index & le doigt du milieu, & abaissant les autres, & faisant ainsi le signe de la croix sur le peuple. Au reste, quoi qu’en aient voulu dire quelques mauvais Théologiens, la coutume de faire le signe de la croix est très-ancienne, & en usage dans les premiers siècles de l’Eglise. A toutes nos démarches, dit Tertullien dans le Livre de la Cour, à tous nos mouvemens, en entrant, & en sortant, en nous habillant, en nous chaussant, en nous baignant, en nous mettant à table, en entrant au lit, en prenant un siège, en allumant une lampe, à quelque action que nous fassions, nous marquons notre front du signe de la croix. Origene en parle aussi, Hom. 5 sur les Nombres. S. Epiphane, Hær. 30, n. 5, dans le récit de la conversion du Comte Joseph, marque que le signe de la croix rendoit les charmes inutiles. L’Empereur Julien s’étant livré à un Magicien qui lui fit apparoître les Démons, il eut peur, & ayant fait sur son front le signe de la croix, aussi tôt les Démons disparurent. L’enchanteur s’en plaignit à Julien qui avoua sa peur, & témoigna admirer la vertu de la croix. Théodoret, Hist. L. III, C. 3.

Secondement, signe de la croix signifie quelquefois la croix, parce que plusieurs ont entendu du Jugement dernier & de la croix ce que J. C. dit en S. Matth. XXIV, 30. que le signe du fils de l’Homme paroîtra sur les nues, on entend par-là la croix, & on appelle quelquefois la croix, le signe de la croix ; & au lieu du signe du fils de l’homme, on dit, le signe de la croix, dans des sermons & des livres spirituels ; mais alors il faut toujours mettre l’article, & ne point lire signe de croix, comme on fait souvent dans la première signification.

En termes de manège on dit, Faire la croix à courbettes, à ballotades, quand on fait de ces sauts avant, en arrière, & aux côtés tout d’une haleine, parce que cela fait la figure d’une croix. Equum in transversas directò partes agere, crucem saltibus exhibere.

Croix, se dit aussi de toutes les lignes ou autres choses qui le coupent ou qui se traversent les unes les autres. Transversas directò lineas ponere. Il y a des superstitieux qui ne veulent pas qu’on mette des couteaux en croix. Deux diamètres qui se coupent font une croix.

Croix, est aussi une petite marque qui se fait à la hâte par deux petites lignes qui le coupent sur quelque chose. Comptez jusqu’à dix, & puis faites une croix. Les croix dans le Missel marquent qu’il faut faire des signes de croix & des bénédictions en ces endroits là. Les croix dans l’impression marquent des renvois. En Algèbre la croix signifie plus, & est une marque qu’il faut ajouter.

On fait au Palais des croix à la marge des Déclarations de dépens, ou de dommages & intérêts qu’on a taxés, pour marquer les articles dont on veut être appelant. Une appellation sous deux croix est une cause d’Audience ; sous trois croix, est un procès par écrit.

Croix, est aussi une marque qu’on met d’un côté à la plupart des monnoies des Princes Chrétiens. On dit aussi croix, pile, pour signifier les deux côtés de la monnoie. Aversa & obversa nummi facies, ou caput, lilia ; & en ce sens on dit qu’un homme n’a ni croix ni pile, pour dire, qu’il n’a point du tout d’argent. On dit aussi, jeter à croix & à pile, pour dire, mettre une chose au hazard. Omnem aleam subire, adire. Les Anglois appellent le côté de la tête King side, le côté du Roi, & le revers, Cross side, le côté de la croix, comme nous. Cet usage vient de ce que sur leur anciennes monnoies, aussi bien que sur les nôtres, il y avoit une croix au revers.

Croix, signifie figurément, Peine, affliction que Dieu nous envoie. Jesus-Christ veut que chacun porte sa croix. Il n’y a guère de gens qui ne portent leur croix en ce monde. Dieu envoie des croix, des afflictions aux pécheurs. C’est une grande croix qu’une méchante femme.

Celui qui veut suivre mes loix,
En tout temps doit porter sa croix,
Se détacher de tout, se renoncer soi-même. L’Abbé Tetu.

Croix de par Dieu, est une croix qui est au devant de l’Alphabet du livre où l’on apprend aux enfans à connoître leurs lettres. On le dit aussi de l’Alphabet même, Literarum elementa, & du livre qui le contient, Codicilli puerorum literas appellare discentium, abecedarium. Je vous enverrai par le premier ordinaire une croix de par Dieu Siamoise. De Choisi.

Les soucis auront bientôt lieu,
Dès quatre ans la croix de par Dieu,
Croix de tous enfans abhorrée,
Va vous apprendre à votre dam
Que vous êtes né fils d’Adam. P. du Cerceau.

On dit aussi au figuré, quand il faut recommencer une affaire, ou quelque procédure mal faite, qu’on est encore à la croix de par Dieu.

On dit encore croix de par Dieu dans un sens figuré, en parlant des choses qu’on fait le mieux, qu’on a apprises dès sa jeunesse, & dans lesquelles on s’est exercé, des commencemens, des rudimens d’un art, ou d’une science.

Le tout dépend des momens & du tour ;
Vous l’apprendrez des Rheteurs de la Cour,
Point ne connois pour l’art de la parole,
De plus adroite & plus subtile Ecole,
Le beau parler vint au monde en ce lieu,
Et compliment est leur croix de par Dieu.

P. du Cerceau.

Croix, se dit aussi en termes de Blason, quand la croix est toute seule dans un Ecu, & sans être accompagnée ni cantonnée. Elle doit en occuper justement le tiers, parce qu’elle est mise au rang des pièces honorables qui sont la division de l’Ecu.

Croix alésée, ou racourcie, est celle qui ne s’étend pas jusqu’au bord de l’Ecu. Crux accisa.

Croix ancrée, qui a des ancres, dont les branches finissent & se terminent en ancres de navire. Anchorata.

Croix S. André, en termes de Charpenterie, est aussi un assemblage de poteaux ou de pièces de bois inclinés l’un vers l’autre, qui se coupent diagonalement, & qui arcboutent les pièces d’un pan de charpente. Decussis. On s’en sert sur-tout dans les clochers, combles & autres charpentes massives.

Croix S. André, qu’on appelle autrement Sautoir, ou Croix Bourguignone, est une croix qui n’est point à angles droits, ni à plomb, & dont il y a deux pointes qui posent sur la ligne horisontale. Decussata. La Croix de S. André, que portent les Rois d’Ecosse dans leurs armes, leur vient des Rois Pictes, dont ils joignirent les armes aux leurs quand ils réunirent les deux Royaumes. Les Rois Pictes la portoient depuis que ce Saint apparut la veille d’une bataille contre les Saxons à Achaius qui gouvernoit les Pictes sur la fin du VIIIe siècle.

Croix de s. Antoine, ou tau, est celle qui n’a que trois branches, celle de dessus étant retranchée. In morem literæ T.

Croix bordée, est celle qui a tout autour un filet d’autre couleur, ou métal que le corps de la croix. Cincta limbo.

Croix bourdonnée, est celle qui a, aux extrémités & au milieu, des cercles qui représentent les pommes d’un bourdon. On l’appelle aussi pommée. Globata.

Croix bretessée, est celle qui a les branches garnies de bretesses, composée de crénaux qui se rapportent les uns aux autres. Utrinque pinnata.

Croix cablée, est une croix qui est composée ou chargée de plusieurs tortils de cables, de cordes, ou de cordons. Funibus implicata.

Croix cantonnée, est celle qui a aux cantons quelques figures qui remplissent les vides de l’Ecu. Angulata, stipata. Et croix chargée, celle qui a sur ses branches des coquilles, des étoiles, ou autres meubles de l’Ecu. Impressa. Il y a aussi des croix qui sont chargées d’une autre croix plus étroite.

Croix cercelée, est celle dont les bouts se recourbent en demi-cercle, comme une volute. Curvata.

Croix clavelée, est celle qui est composée de bâtons tronçonnés qui semblent être enclavés dans le bois principal de la croix. Claviculata. On l’appelle aussi croix bâtonnée.

Croix componée, est celle qui est faite de divers émaux, dont les parties sont d’un métal, ou d’une couleur différente. Composita.

Croix croisée, ou recroisettée, est celle qui a de petites croix aux quatre extrémités. Crucibus repetita.

Croix à dégrés, est une croix haussée, dont le pied est posé sur la maçonnerie en forme de dégrés, comme sont celles des grands chemins. Gradibus sulta. On dit aussi une croix enserrée de quatre dégrés, quand à chaque bout de ses branches il y a trois dégrés figurés, comme à celui qui lui sert de marche-pied. Quelques-uns appellent aussi cette croix, denchée, dentée, endenchée, endentée, ou dentelée. Densiculata, striata. Cette dernière a les dents plus petites. L’engrêlée ne diffère de l’endentée, que parce que l’endenture est différente de l’engrélure.

Croix double. Le P. Menestrier dans son Origine des Armoiries, croit que l’origine des croix doubles vient de ce que, la croix étant devenue le sceptre des Empereurs Chrétiens de Constantinople, quand ils étoient en même temps deux Empereurs sur le thrône, au lieu de mettre deux croix d’un même côté de leurs monnoies, ils mettoient une seule croix, mais à double traverse, & chacun d’eux la tenoit d’une main.

Croix écartelée, est celle qui est divisée par une ligne tirée tant de haut en bas, que de travers de droite à gauche, & dont les parties divisées sont de différens émaux, soit couleur, soit métal. Quadrifida.

Croix écottée, est une croix dont le montant & les branches ont plusieurs chicots, nœuds, ou inégalités. Nodosa.

Croix enhendée, est celle qui a les branches terminées en façon de croix ancrée, & qui a entre les deux crochets une pointe comme un fer de lance. Anchorata, spiculata. Celle-ci est commune chez les Espagnols, qui lui ont donné ce nom.

Croix echiquetée, qui est chargée de carrés posés en échiquier. Tesselata.

Croix fendue, est celle qui est entr’ouverte & séparée en deux. Fissa.

Croix florencée, ou fleuronnée, ou fleurdelisée, est celle qui a des fleurs, ou des fleurs de lis à ses extrémités. Liliata. Croix trèflée, qui a des trèfles. Trifoliata.

Croix fourchée, est celle dont les branches se terminent par trois pointes qui sont deux angles entrans ; & croix fourchetée celle dont les branches se terminent en fourchettes, dont on se servoit pour porter un mousquet. Bifida.

Croix frétée qui est composée ou plutôt chargée de cotices qui se traversent, & laissent un vide en forme de carrés posés en pointe comme des losanges. On l’appelle autrement croix coticée & recoticée. Clathrata.

Croix givrée, ou gringolée, est celle qui finit ses branches par des têtes de serpens recourbées de part & d’autre de la manière des croix ancrées. Binis anguibus in quadruplici extremo anchoratis affecta.

Croix d’hermine, celle qui est chargée d’hermines. Mustelis Ponticis affecta. Il y a aussi des croix à quatre queues d’hermine, & aboutées en croix qui aboutissent à un centre, & forment une croix.

Croix de Lorraine, est celle qui est double, comme les croix Patriarchales, qui a deux travers, chacun à l’endroit de chaque tiers du montant, celui d’en bas un peu plus long que l’autre. Lotharingica, seu transiro gemino affecta. Ainsi la portent les Religieux de l’Ordre du S. Esprit, & autrefois les Templiers. Cette croix à double travers est proprement appelée la croix des Grecs, parce qu’ils l’ont souvent ainsi représentée à l’imitation de celle de Porphyre, que Constantin fit dresser au milieu du marché de Constantinople.

Croix losangée, qui est composée ou chargée de losanges de métal ou de couleur, qui en font le plein & le vide. Scutulata.

Croix nillée, ou de moulin. On l’appelle aussi nellée, nil, ou nigle, qui est faite de deux bandes séparées & crochues par le bout, telle qu’en porte la Maison d’Aubusson. Anchorata. Elle est ancrée & fort déliée comme est l’anille ou le fer de moulin.

Croix ondée, est celle dont les branches se tournent en ondes. Undata.

Croix partie, qui est divisée par en bas par une ligne qui sépare les émaux différens de deux côtés. Partita.

Croix patée, est celle qui s’élargit vers l’extrémité des branches, comme celle des Mathurins, ou qui est un peu croisée en quart de voussure. Pedata. Il y en a qui ont les bouts des branches plus larges trois fois que leur racine, & qui sont vidées sur les flancs par un trait d’ovale.

Croix au pied fiché est celle qui a l’extrémité d’en bas aiguisée en pointe, & qui est d’ordinaire un peu plus haute que large. Spiculata. En ce cas on l’appelle croix haussée, ou croix de Calvaire.

Croix potencée, est celle dont les extrémités sont faites en potence double, ou selon la figure de la lettre T, comme celle de Jérusalem. Patibulata.

Croix resarcelée, est une croix divisée en sa largeur par le moyen d’un filet d’un autre émail qui règne tout le long de ses bords. Lateribus tertiata.

Croix de Toulouse, est une croix vidée, tréflée, & pommelée d’or ; c’est-à-dire, qui paroît creuse, qui a pour chef aux extrémités quatre petits carrés, & à chacun trois pommettes. Tolosana, seu claviculata, trifoliata, globata. On met la croix de Toulouse entre les Armoiries qu’on prétend être descendues du ciel.

Croix de vair, ou vairée, qui est chargée de vair, ou de pots ou de cloches vairées. Petasata.

Croix, en termes de Tondeurs de draps, se dit d’une petite courroie de cuir, qui fait partie de l’instrument que ces Ouvriers appellent Manicle.

Croix géométrique. Terme de Marine. C’est un instrument composé d’un long bâton, & d’un autre plus court mis en croix, dont les pilotes se servent pour mesurer les hauteurs. On l’appelle aussi Arbalêtrille, bâton de Jacob, Radiomètre, Arbalète, &c.

Croix, ou Croiselé du Sud. C’est une constellation de quatre étoiles disposées en croix, où les pilotes prennent hauteur dans la mer Méridionale. Sidus figuram crucis referens, exhibens.

Croix Indienne. s. f. C’est une des Constellations nouvellement découverte dans la partie méridionale du ciel, & qui ne paroît jamais sur notre horison.

Croix de cerf. C’est l’os que l’on trouve dans son cœur, qui approche de la figure d’une croix.

Les Chimistes ont appelle Frères de La Rose-Croix, certains Visionnaires qui cherchoient la Pierre Philosophale, qui étoient si cachés, qu’ils passoient pour invisibles ; & leur cabale étoit marquée par ces lettres F. R. C. que quelques-uns d’entr’eux ont interprétées, Fratres Roris Cocti, à cause qu’ils prétendoient que la matière de la pierre étoit la rosée cuite. Voyez Gabriel Naudé, qui a fait un très docte livre contr’eux, quoiqu’ils n en valussent guère la peine.

Croix, en Botanique, est employé pour exprimer l’arrangement des pétales de certaines fleurs qu’on appelle plantes à fleurs en croix. Plante flore cruci formi. Telles sont les girofliers, les choux, le cresson, &c. Les fleurs ne doivent avoir ni plus ni moins de quatre pétales, leur calice n’est aussi composé que de quatre pièces. Le pistile devient presque toujours un fruit qu’on nomme silique, ou silicule.

Croix de Jérusalem. Le simple est peu de chose ; mais la double est une belle fleur. Le lieu où elle croît, ne doit être ni trop chaud, ni trop humide.

Croix, en termes de Serrurier, se dit des gardes qu’on met dans les pannetons des clefs : ces gardes, quand elles sont en forme de croix, ont différens noms pris de leur figure & de leur situation. Pleine croix, simple, masquée, pleine croix renversée en dehors, pleine croix en fond de cuve & en bâton rompu, pleine croix hâtée en dedans, pleine croix hâtée en dehors & renversée en dedans, pleine croix hâtée en dedans & renversée en dehors, pleine croix renversée en dedans, pleine croix renversée au fond de cuve, pleine croix en fond de cuve renversée des deux côtés en dehors & en dedans. Voyez l’Art de la Serrurerie de Mathurin Jousse, où il y a des figures de toutes sortes de croix.

La Pierre de Croix. Lapis Crucifer. Sur un fond blanc, elle représente une croix en noir, ou en gris, sur chaque tronçon, dans lesquels on la coupe ordinairement ; il y en a une espèce plus ferrugineuse où la croix est extérieure & en reliefs, laquelle reste dans son entier, & ne se coupe point.

Croix du tiroir à Paris, c’est une croix auprès de laquelle il y a une fontaine, dont le robinet sort du piédestal de la croix, ce qui lui a fait apparemment donner ce nom. Brunehaut, Reine de France, fut condamnée par les Etats Généraux des François d’être attachée par un bras & une jambe à la queue d’une jument indomptée, & traînée par la ville de Paris, où elle mourut écrasée au lieu où depuis une croix a été élevée, dite la croix du Trahoir, à trahendo & par le vulgaire, la Croix du Tiroir Favin, Hist. de Nav. L. I, p. 37. On appelle aussi Croix du Tiroir, le carrefour où est cette Croix & les environs. Il demeure à la Croix du Tiroir.

L’Ile de sainte Croix, est une des Antilles de Barlovento, ou la dernière de celles de dessous le vent. Elle est entre celle de S. Jean de Porto-Rico, & celle de S. Christophe. Son circuit est de 30 lieues. Elle appartient aux François depuis 1650. Elle est à la hauteur de 10 d. & quelques minutes. Les Caraïbes, qui en furent chassés par les Espagnols, la nommoient Agay. Le Chevalier de Pomer la décrit dans son Hist. des Antilles, L. I. C. 5, art. 7.

CROLER. v. n. Terme de Fauconnerie. Voy. CROILER.

Crôler. Marot a dit crôler au lieu de crouler.

Qu’il fait crôler les tours du lieu infâme.

CROLIS. s. m. Vieux mot. Fondrière, il vient de crouler, qui se dit d’une terre qui n’est pas ferme, qui s’enfonce sous les pieds.

☞ CROMASTY. Petite Ville de l’Ecosse Septentrionale, dans la province de Ross.

CROMATIQUE. Voyez CHROMATIQUE.

CROMMYON. s. m. Le troisième des combats de Thésée fut son combat contre le sanglier. Crommyon, selon Diodore.

CROMORNE. s. m. Terme de musique. C’est un jeu de l’orgue accordé à l’unisson de la trompette. Ordo tuborum organi musici tubæ consonus. Il a quatre pieds depuis son noyau jusqu’au sommet, dont le premier demi-pied va en élargissant jusqu’à cinq pouces, & puis il continue tout droit, ayant un pouce & demi de diamètre.

On appelle aussi cromornes en général, les tuyaux qui sont longs, & qui ne s’élargissent point par en haut.

On trouve quelquefois ce mot écrit avec un h au commencement, chromorne, & quelquefois avec deux h, l’une au commencement, & l’autre au milieu, chromhorne. Voyez M. de Brossard.

☞ CRONACH. Ville d’Allemagne au Cercle de Franconie, dans l’Evêché de Bamberg.

CRONE. s. m. Terme de marine. C’est sur le bord d’un port de mer, une tour ronde, & basse, avec un chapiteau, comme celui d’un moulin à vent, qui tourne sur un pivot, & a un bec qui, par le moyen d’une roue à tambour, & des cordages, sert à charger & à décharger les marchandises. Turris depressior.

CRONE. Terme de pêche. Ce sont des endroits qui sont au fond de l’eau, garnis de racines d’arbres, de grands herbages, & autres choses de cette nature. C’est ordinairement où se retire le poisson.

CRONENBOURG. Ville de Finlande. Voyez THAVASTUS.

CRONIES. s. f. pl. Fêtes à l’honneur de Saturne, qui en Grec s’appelle Κρόνος, Cronos, d’où se forme le nom de Κρόνια, Cronies. Les Cronies sont chez les Grecs ce que les Romains appeloient Saturnales. Consultez Macrobe, L. I. des Saturnales, C. 7, & voyez SATURNALES.

CRONIQUE. Voyez CHRONIQUE.

CRONIQUER. Voyez CHRONIQUER.

CRONOS. s. m. La même chose que Saturne. Voyez ce mot.

CROON. s. m. Ancienne monnoie d’argent qui se fabriquoit autrefois en Hollande. Le croon vaut deux florins ; ce qui revient à 4 liv. 1 s. 3 den. argent de France.

CROONE, ou COURONNE. s. f. Monnoie de compte du Canton de Berne.

CROPIÈRE. Curtipetra. Petite Ville de France dans la basse Auvergne, à six lieues de Clermont, vers Lyon.

CROPIOT. s. m. Petit fruit de l’Amérique, ridé, renfermant une semence noire, semblable au poivre d’Ethiopie, d’un goût très-âcre. Les Indiens en mêlent avec leur tabac, quand ils veulent fumer ; il soulage le mal de tête, comme fait quelque fois le tabac. Clusius & Bauhin en font mention.

CROQUANT. Nom de faction de paysans révoltés en quelques Provinces au-delà de la Loire pendant la ligue sous Henri IV. Il se fit en 1593 un soulevement de paysans dans le Périgord, le Limousin & le Poitou, ils s’attrouperent, se firent des Chefs, & des Officiers, refuserent de payer les impôts, coururent la campagne, & ne faisoient aucun quartier aux Gentilshommes qui tomboient entre leurs mains, pour se venger, disoient-ils, des violences qu’on leur avoit fait souffrir, & des extorsions des Gouverneurs des villes & des châteaux. On leur donna le nom de Croquants, parce qu’ils croquoient, c’est le terme populaire, c’est-à-dire, qu’ils mangeoient & buvoient tout ce qu’ils trouvoient à manger & à boire dans les maisons des Gentilshommes, & que tout leur butin étoit employé à faire bonne chère. P. Daniel, dans Henri IV. T. III. p. 1648.

Croquant, se dit par extension d’un homme de néant, d’un gueux, d’un misérable. C’est un Croquant, un pauvre croquant. Ce terme est populaire.

Croquant, ante. Se dit neutralement des fruits & des mets durs, secs, fermes qui croquent ou font du bruit, en se brisant sous la dent.

CROQUANTE. Se dit absolument d’une tourte ou pièce de patisserie composée d’amandes, mince, sechée au four, & qui croque sous la dent.

CROQUE. s. f. On dit manger quelque chose à la croque-au-sel, pour dire, manger quelque chose sans autre apprêt que le sel, ou comme on la trouve.

Dans le sens figuré, on dit qu’un homme en mangeroit un autre à la croque-au-sel, pour dire qu’il est beaucoup plus fort que lui. Expression familière.

CROQUE-LARDON. s. m. Affamé, écornifleur de cuisine. Terme populaire.

CROQUER. v. n. C’est en parlant des choses dures ou seches qu’on mange, faire du bruit sous la dent. Crepitare sub dentibus. Le biscuit de mer, les amandes à la praline croquent sous la dent. Les moules, les laitues qui ne sont pas bien lavées, croquent, quand on y a laissé du gravier. Quelquefois ce verbe est actif, & signifie manger des choses qui font du bruit sous la dent. Croquer du petit métier.

Activement il signifie aussi manger avec avidité. Glutire, deglutire, vorare. Ce cadet a bon appétit, il auroit bientôt croqué ce poulet. Il croquera toute notre collation, si l’on n’y prend garde. La fontaine fait dire par le Renard au Lion :

Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? non, non : vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant beaucoup d’honneur.

Assaillir un poulet hérissé de lardons,
Fripper un bon morceau, croquer des macarons.

Nouv. Choix de vers.

Croquer, signifie encore, dissiper, perdre. Abligurire bona, nummos comedere, patrimonium conficere, dissipare. C’est un homme qui a croqué, qui a dissipé tout son bien. Vous avez prêté votre argent à cet insolvable, c’est autant de croqué.

Croquer, figurément signifie, dérober avec adresse & promptitude. Suffurari astutè. Je laissai mon livre sur la table, il fut incontinent croqué. Tout cela est du style familier ou populaire.

Croquer, en termes de Peinture, signifie, tracer sur le papier à la hâte les premières idées, les premiers traits d’un dessein, dans l’intention de les coriger, de les rectifier à loisir. Aliquid adumbrare leviter, leviore manu, rudiore penicillo. On le dit aussi des vers, & de tous les ouvrages d’esprit qui ne sont pas achevés, où l’on n’a pas mis la dernière main. Cet ouvrage n’est que croqué, c’est dommage.

Croquer. Terme de Marine, il se dit pour accrocher. Croquer le croc de palan, c’est le passer dans l’arganeau de l’ancre.

On dit proverbialement, qu’un homme a été long-temps à croquer le marmot ; pour dire qu’on l’a laissé long-tems à attendre sur les degrés, dans un vestibule. Ce proverbe vient apparemment des compagnons Peintres qui, quand ils attendent quelqu’un, se désennuient à tracer sur les murailles quelques marmots, ou traits grossiers de quelque figure : ce qu’on appelle croquer le marmot, suivant la phrase qui vient d’être expliquée.

Croqué, ée. Part. Il a les significations de son verbe.

CROQUET. s. m. Espèce de pain d’épice qui est fort mince, fort sec & fort dur, qui par conséquent croque sous les dents. Dulciarius parus duratus ac siccatus igne, qui sub dentibus crepitat, cùm frangitur.

Croquet, Pomme de croquet. Nom d’une espèce de pomme. La pomme de croquet est une espèce de châtaigne.

CROQUEUR. s. m. Celui qui prend, qui attrape, qui mange, qui croque.

Un vieux renard, mais des plus fins,
Grand croqueur de poulets, un jour fut pris au piege. La Font.

CROQUIGNOLE. s. f. Quelques-uns disent craquinole ; mais mal. C’est une espèce de chiquenaude ou de nasarde. C’est un coup qui se donne sur le visage, en lâchant avec violence un doigt qu’on a posé sur un autre. Talitrum. Donner des croquignoles. L’un en passant me donnoit une nasarde, & l’autre une croquignole. Ablanc. Choisissez d’avoir trente croquignoles. Mol.

CROQUIGNOLER. v. a. Donner des croquignoles à quelqu’un. Talitris illudere. Il n’est pas usité.

☞ CROQUIS. s. m. Terme de Peinture. Esquisse faite à la hâte, moins finie que les esquisses ne le sont ordinairement. Voyez Pensée, Esquisse.

CROSSE. s. f. Bâton crochu, ou recourbé par le bout, avec lequel les enfans jouent & s’échauffent en hiver, en poussant & se renvoyant une balle, une pierre. Baculus extremorum altero recurvus.

Crosse, est aussi la partie du fût du mousquet, d’un fusil, qu’on appuie contre l’épaule en tirant. Sclopeti majoris pars incurva. Ce soldat a achevé de tuer son ennemi avec la crosse de son mousquet.

Crosse, est aussi un bâton Pastoral que portent les Archevêques, Evêques & Abbés réguliers, ou qu’on porte devant eux dans les cérémonies. C’est un bâton d’argent ou d’or, recourbé & ouvragé par le haut. Pedum Pontificum, Pontificale, Pastorale. C’est le symbole de la correction Episcopale. Les Evêques, les Abbés, Abbesses, la font porter devant eux ; & ils la tiennent à la main, quand ils donnent la bénédiction en cérémonie. La crosse d’Evêque d’un côté est pointue, & l’autre courbe : ce qui est signifié par ce vers.

Curva trahit mites, pars pungit acuta rebelles.

L’usage de porter un bâton pastoral devant les Evêques est très-ancien, comme il paroît par la vie de S. Césaire d’Arles, L. II. n. 22. ce Saint vivoit vers l’an 500. & par la vie de Saint Germain, Evêque de Paris qui mourut en 576. Mais on ne trouve point de mention de crosse avant le XIe siècle. Chez les Grecs il n’y avoit que les Patriarches qui eussent le droit de porter la crosse. Les premières crosses n’étoient que de simples bâtons de bois, qui d’abord eurent la forme d’un Tau, T. & dont on se servoit pour s’appuyer. Ensuite on les fit plus longues, & peu-à-peu elles ont pris la forme que nous leur voyons. Consultez le P. Thomaissin. Discipl. Eccles. Tom. I. L. II. C. 58. §. 2. Coquille rapporte cette espèce de proverbe qui étoit de son tems dans la bouche du Peuple.

Au tems passé du siècle d’or,
Crosse de bois, Evêques d’or,
Maintenant changent les loix,
Crosse d’or, Evêque de bois.

Les Abbés Réguliers peuvent officier avec la crosse & la mitre. La lanterne d’une crosse.

Du Cange dit qu’on l’a appelée en Latin, cambuca & cambuta, ou cambucum & petalum ; & Sambuca, ou Cambucarius, celui qui porte la crosse, ou la croix. On l’a appelée aussi en latin pedum & crocia, & crossa dans la plus basse Latinité, Acta SS. Mart. T. I. p. 122. E. Papias croit que ce mot vient à similitudine Crucis. Les crosses, comme on l’a dit, n’étoient anciennement qu’un long bâton de bois, qui par en haut se terminoit en croix. De là vient que dans la basse Latinité on appelle du même nom crossa & crucca, croca, crocia, croccia, les béquilles, ou potences donc les gens perclus se servent pour marcher en les mettant sous leurs aisselles, & s’appuyant dessus. Cambotta, qui étoit le nom propre d’une crosse, se prend aussi pour une béquille, par Gocelin, Moine de la fin du XIe siècle, dans l’Histoire de la Translation de S. Augustin, Archevêque de Cantorberi, C. 3. Acta SS. Maii. T. V. p. 418. A. Tout cela montre que Papias a raison. Cependant quelques Auteurs prétendent qu’il vient de camoc, qui en ancien Saxon signifie quelque chose de courbé. D’autres veulent que l’on ait dit cambota, qui vient de κάμπτω, je courbe. Voyez Durand, Rationale Off. L. III. 15 & le Glossar. Archæolog. de Spelman.

Crosse se dit, en termes d’Anatomie, des parties des vaisseaux du corps animal, qui se recourbent en forme de crosse ou de demi-cercle. Curvatura. La crosse de l’aorte ascendante. La crosse de l’aorte descendante. La crosse droite, la crosse gauche de l’artère du poumon. Toutes ces expressions sont de M. Du Verney, dans sa description du cœur de la tortue.

Crosse d’Eguière, c’est une anse d’éguière en forme de crosse. Ansa. Les éguières à crosse sont à la mode.

Crosse, terme de Rivière, pièce de bois qui sert au gouvernail d’un bateau foncet.

CROSSÉ, ée. adj. Qui ne se dit que des Prélats & dignités qui ont droit de porter la crosse, & de la mettre au-dessus de leurs armes. Pontificii pedi jus habens. Tel Abbé est crossé & mitré.

☞ CROSSEN. Ville de Silésie, au confluent du Bober & de l’Oder, capitale de la Principauté de Crossen, aux confins de la Marche de Brandebourg.

CROSSER. c. n. Jouer avec une crosse, pousser une balle avec une crosse. Baculo recurvo pilam pulsare. Les laquais, les petits garçons, crossent pendant l’hiver. Il y a des défenses de tirer de l’arc, de jouer au mail, à la paume, crosser, ou faire quelque autre exercice dangereux dans les rues, places publiques, ou autres lieux fréquentés & passans. De la Mare, Tr. de la Pol. L. I. T. XI. c. 7.

Crosser, se dit figurément & populairement, pour dire, Traiter avec un grand mépris. C’est un homme à crosser. Ac. Fr.

CROSSETTE. s. f. Terme d’Agriculture. Branche de vigne taillée, où il reste un peu de bois de l’année précédente. Decisus de vite malleolus. Ces crossettes reprennent facilement racine quand on les fiche en terre. Les crossettes de figuier sont des branches coupées de dessus un figuier, & auxquelles on observe de laisser au talon un peu de vieux bois de l’année précédente, & ce sont ces sortes de branches dont on se sert pour boutures. Ainsi les Jardiniers disent, j’ai beaucoup de crossettes de figuier à planter. Liger, & la Quint.

Crossettes est synonyme à bouture ; mais bouture est un terme générique. Crossette se dit particulièrement de la vigne & du figuier ; plançon des saules.

Crossettes, en Architecture, sont les retours aux coins des chambranles de porte, ou de croisée qu’on nomme aussi oreilles, ou orillons. Acones. On appelle crossettes de lucarne, des plâtres de couverture à côté des lucarnes.

Crossettes. Terme de Marine, Voyez Voussoirs.

CROSSEUR. s. m. Qui pousse une balle avec une crosse. Qui pilam pulsat baculo recurvo. On a de la peine à se garantir des crosseurs durant la gelée.

☞ CROSSILLON. s. m. Terme d’orfèvre en grosserie. C’est l’extrémité recourbée d’une crosse, & la fin des tours qu’elle fait au-dedans. Le crossillon est terminé ordinairement par un ornement qui lui donne de la grâce.

CROSSON. s. m. Berceau, Cunæ. Ce mot n’est en usage qu’en Dauphiné, & peut-être dans les lieux voisins. Il vient de K| Κρόσσος, mot Grec, qui signifioit une sorte de vaisseau ; & les berceaux en ont la forme. Chor. Hist. de Dauph. L. II. p. 101.

CROTALAIRE. s. f. Plante qui nous est venue d’Asie. Sa tige est de la hauteur d’un pied & demi ou davantage, anguleuse, noueuse, & jetant beaucoup de rameaux disposés en rond. Ses feuilles naissent alternativement & seules le long des branches, comme celles du genêt. Elles sont longues d’un demi doigt, & larges d’un bon pouce, obtuses, nerveuses, vertes en dessus, blanchâtres en dessous, parsemées de verrues, & ondées en leurs bords. Ses fleurs sont disposées en épis au haut des rameaux, légumineuses, semblables à celles du genêt, de couleur bleue. Il leur succéde des gousses enflées & arrondies comme celles de l’arrête-bœuf, noirâtres & garnies de quelques poils éloignés. Elles renferment de petites semences jaunes, qui ont la figure d’un petit rein, d’un goût un peu âcre & ingrat, & qu’on estime purgatives. Lemery.

CROTALE. s. m. Terme de Médailliste. Crotalum. Espéce de tambour de Basque qu’on voit sur les médailles dans les mains des Prêtres de Cibèle. Le crotale étoit différent du sistre, quoiqu’on semble avoir confondu quelquefois ces noms. Le crotale consistoit en deux petites lames, ou petits bâtons d’airain, que l’on remuoit de la main, & qui en se choquant, faisoient du bruit. On en faisoit aussi d’un roseau fendu en deux, dont on frappoit les deux parties l’une contre l’autre ; &, comme cela faisoit à peu près le même bruit que celui du bec d’une cigogne, on appeloit cet oiseau Crotalistria, Joueuse de crotales. Aujourd’hui nous avons des triangles faits de trois verges de cuivre, dans lesquels il y a plusieurs anneaux, & qu’on frappe par dedans en cadence avec une baguette de fer. Un Ancien dans Pausanias dit qu’Hercule ne tua pas les oiseaux du lac Stymphale, mais qu’il les chassa en jouant des crotales. Si cela est vrai, les crotales étoient en usage dès le temps d’Hercule. Clément d’Alexandrie en attribue l’invention aux Siciliens, & en défend l’usage aux Chrétiens, à cause des mouvemens & des gestes indécens que l’on faisoit en jouant de cet instrument. Saumaise parle des crotales dans ses notes sur Vobiscus, p. 492 de l’Histoire d’Auguste ; & le P. Abraham Jés. dans ses notes sur l’Oraison de Cicéron In Pison, n. 20.

CROTAPHITE. adj. Terme d’Anatomie, qui se dit du muscle temporal qui occupe la cavité des tempes, & qui tire la mâchoire inférieure en haut. Crotaphitæ.

Ce mot vient du Grec Κρόταφος, qui signifie, la tempe. Voyez Temporal.

CROTE. s. f. & son diminutif Croton. Il y a à Chartres deux Notre-Dames, dont l’une est dans le Temple, l’autre dessous. Celle qui est dedans s’appelle Notre-Dame d’en haut ; l’autre, Notre-Dame d’en-bas, ou Notre-Dame sous terre, ou Notre-Dame des Crotes, non pas qu’elle soit crottée, mais parce qu’elle est en un creux sous terre, fait en façon de cave ; car ce mot crote en cette signification vient du Grec Crypta. Encore en quelques lieux on use du mot Croton dans les prisons, comme qui diroit basse-fosse. Apol. pour Hérodote, c. 38, art. 16, t. 3, p. 265 de l’édition de la Haye, 1735. Crote pour Grote, caverne ; & Croton ou Groton pour cachot, prison obscure, sont dans Pomey.

Crote, Croter. C’est ainsi qu’on devroit écrire ces mots, parce qu’ils tirent leur étymologie de crusta, selon Nicod, ou de creta, selon Ménage. Voyez Crotte.

CROTIN. Voyez CROTTIN.

CROTOI (le). Bourg situé à l’embouchure de la Somme en Picardie, vis-à-vis de S. Valeri. Adrien de Valois croit que ce doit être le Corocotinum des Anciens. Dom Duplessis croit que ce doit être plutôt Harfleur, à moins que l’Itinéraire d’Antonin qui en fait mention, n’ait été altéré en cet endroit-là par les Copistes. Descript. Geogr. & Hist. de la. Haute-Norm. T. I, p. 4 & 11.

CROTONE. Ville ancienne d’Italie, qu’on nomme aujourd’hui Certone. Croto. Elle étoit dans le pays des Brutiens, sur l’Esaro. Crotone étoit sur la côte de la Mer Ionienne, dans un très-bon air ; ou du moins dans un lieu dont l’air passoit pour être excellent, parce qu’il sortoit de cette ville beaucoup d’Athletes vigoureux. Le Scholiaste de Théocrite dit que Crotone l’emportoit sur toutes les villes d’Italie en courage & en toutes sortes de richesses. On croit que cette ville fut bâtie par les Achéens, & par Diomède, ou Melisse, la troisième année de la Xe. Olympiade. Selon Eusèbe, c’est la seconde année de la XIXe. Olympiade ; & selon Denys d’Halicarnasse, L II. la troisième année de la XVIIe. Olympiade. Crotone étoit une très-grande ville de quatre lieues de tour. Elle est encore très-grande. Voyez les médailles de Crotone dans la grande Grèce de Goltzius. Tab. XXVIII. XXIX. ΚΡΟΤΟΝΙΑΤΑΝ.

CROTONIATE. s. m. & f. Crotonias. Qui est de la ville de Crotone. Citoyen, habitant de Crotone. Les Crotoniates étoient excellens Athlètes, & bons guerriers. Milon Crotoniate fut six fois vainqueur aux jeux Olympiques. Il y porta une fois un bœuf sur ses épaules &, après l’avoir mis bas, il le tua d’un seul coup de poing qu’il lui donna. Mais toi, Crotoniate grossier, crois-tu que se vanter de porter un bœuf, ce ne soit pas se vanter de lui ressembler beaucoup. Fonten. Le Milon Crotoniate, qui est dans les Jardins de Versailles, est une statue admirable. Milon Crotoniate florissoit vers la LXIIe. Olympiade, & fut disciple de Pithagore. Il y eut des Jeux Olympiques où tous les sept prix furent remportés par des Crotoniates. Delà vint le proverbe : Le dernier des Crotoniates l’emporte sur le premier de tous les autres Grecs.

CROTONS. s. m. pl. On nomme ainsi dans le rafinage des sucres, les morceaux de sucre qui n’ont pu passer par l’hébichet.

CROTTE. s. f. boue, fange, qui est dans les rues, & dans les chemins, formée par la poussière détrempée par les eaux de pluie. Lutum. On ne sauroit marcher pendant la pluie, qu’on ne soit plein de crottes. Les Persans ne sauroient souffrir une seule crotte sur leurs habits, ils se tiennent immondes, quand cela leur arrive. On dit proverbialement & populairement, quand la gelée a séché les rues, les chiens ont mangé les crottes.

Nicod dérive ce mot de crusta ; Ménage de creta, terre gluante & ténace.

Crotte, se dit aussi des excrémens de certains animaux. Fimus. Des crottes de souris, de lapins, de lièvres, de chats, &c. Les crottes de fouine sentent bon.

CROTTER. v. act. Éclabousser, faire jaillir de la crotte sur quelque chose, salir avec de la crotte, Luto aspergere, inficere. Cette Dame marche si proprement, qu’elle ne se crotte point. Un cheval qui galoppoit m’a tout crotté, éclaboussé. Il ne faut pas laisser entrer ces paysans dans les chambres, ils crotteroient le plancher, les meubles.

On dit proverbialement qu’un homme est crotté comme un barbet, crotté jusqu’au cul, jusqu’à l’échine, jusqu’aux oreilles, pour dire qu’il est fort crotté. On dit aussi, crotté en Archidiacre, parce qu’autrefois les Archidiacres faisoient leurs visites à pied. On appelle un Poëte crotté, un méchant Poëte qui se crotte en allant à pied. On dit de même muse crottée.

Quand on est en pays barbare,
Sans douceur, sans société,
Passe qu’on ait l’esprit bisarre,
Et que d’écrire on soit tenté ;
Mais qu’en ces lieux, mais qu’à Lucienne,
L’envie ou la fureur me vienne
De vivre en Poëte crotté,
Je paroîtrois bien dégoûté. P. du Cerceau.

Crotté, ée. part. pass. & adj. Un Pédant crotté. Lutosus, luto infectus.

On dit, il fait bien crotté, plus ordinairement, il fait bien de la crotte dans les rues, pour dire, que les rues sont bien sales.

CROTTIN. s. m. qui se dit des excrémens de certains animaux, du cheval, du mouton, &c. La fiente fraîche du cheval s’appelle crottin. Fimus, stercus. Le crottin de mouton & de chèvre. La Quint. Le crottin de mouton est de tous les fumiers celui qui a le plus de disposition à fertiliser la terre. Id. Les sels de cet engrais sont très-actifs ; c’est pourquoi il faut avoir la précaution de le laisser reposer long-temps, & perdre à l’air son trop de chaleur avant que de l’employer.

CROTTON, ou CROTON. D’autres disent GROTON. s. m. Cachot. Ce mot ne se trouve que dans Pomey.

CROU, ou CARROA. Espèce de Monnoie de compte, dont on se sert à Amadabath, & presque dans tous les Etats du Grand Mogol. Chaque crou fait quatre arebs.

☞ CROU. Petite rivière de France, qui a sa source, près de Louvres en Parisis, passe à Gonesse, à St. Denis, & se rend dans la Seine.

CROUCHAUT. s. m. Terme de Charpenterie, qui se dit des pièces de bois qui portent sur le chef d’un bateau. Voyez Chef.

CROULANT, ante. adj. Qui croule, qui est prêt à tomber. Un édifice croulant, une maison croulante.

CROULARD. s. m. Oiseau nommé autrement Traquet & Tarier. Voyez Traquet.

CROULEMENT. s. m. Eboulement. Le croulement des terres, d’une terrasse. Le croulement d’un bastion.

CROULER, v. n. Tomber en s’affaisant. Concuti, nutare. Cette terre n’est pas ferme, on la sent crouler sous les pieds. Les fondemens de cette maison croulerent tout d’un coup, & la maison tomba. Nicod dérive ce mot du Grec κροίω, c’est-à-dire, pulso, je pousse.

Crouler, est aussi quelquefois actif, & se dit des arbres qu’on secoue pour en faire tomber le fruit. concutere. Croulez ce pommier, ce poirier, ce prunier. Pom. Danet. Ce mot n’est usité que dans quelques provinces.

Crouler. Terme de Marine. Crouler un bâtiment, un vaisseau, c’est le rouler pour le lancer à l’eau. Dans ce sens il est aussi actif.

Crouler la queue. Terme de chasse, se dit du mouvement que l’animal fait de cette partie, lorsqu’il suit.

CROULIER, ère. adj. Qui se dit des terres qui ne sont pas fermes sous les pieds, des sables mouvans où l’on enfonce. Terra tremula, vacillans,