Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/021-030

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Fascicules du tome 3
pages 11 à 20

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 21 à 30

pages 31 à 40


Jan. & Chastelain, au même jour p. 393 & 398.

Ce nom vient de κριθή, orge, & φάγομαι, je mange. Ainsi pour être exact, il faut écrire Crithophage, comme l’Abbé Chastelain, & non pas Critophage, comme Baillet ; mais dans ces mots Grecs l’usage ôte souvent l’h.

CRITIQUABLE. adj. de t. g. Que l’on peut critiquer. Pour quelques endroits critiquables du Paysan parvenu & de Marianne, par M. de Marivaux, vous trouverez certainement des pensées originales, des manières de s’exprimer qui surprennent l’esprit, & happent agréablement l’oreille ; des portraits si bien touchés, qu’ils vous font connoître les gens comme si vous les aviez vus toute votre vie ; des récits dont les circonstances sont ménagées si habilement, qu’il vous semble être présent à tout. Merc. d’Oct. 1737.

CRITIQUE. adj. m. & f. Terme de Médecine, se dit d’un symptome, d’un accident qui fait juger de l’événement de la maladie. On le dit des jours où ces accidens arrivent ordinairement. Dies critici. Le septième jour est un jour critique.

Critique. Terme d’horlogerie. Moment où les Limaçons d’une répétition changent de situation. S’ils ont quelques défauts, & que l’on pousse la répétition au moment du changement, la répétition mécomptera ; c’est pourquoi une partie se meut par saut pour éviter le moment critique.

Critique. s. m. Se dit de celui qui porte son jugement, ou sur le texte, ou sur le sens, ou sur l’Auteur de quelque ouvrage. Criticus. Les grands Critiques des derniers siècles ont été les Scaligers, Casaubon, Lipse, Erasme, Turnèbe, &c. Les Critiques sont des bêtes farouches. Bal. Saumaise a été un judicieux Critique. On appelle grands Critiques, les notes de divers Auteurs sur la Bible. Politien, au rapport de Scioppius, a été le premier des Critiques modernes qui ait examiné & corrigé les anciens Auteurs en les faisant imprimer. Audacieux Critique, Critique outré, téméraire, trop hardi ; Critique judicieux, sensé, ingénieux, habile.

Critique, se dit particulièrement de celui qui reprend les fautes d’autrui, quelquefois avec sévérité. Criticus, Censor. En qualité de Critique l’on s’engage à avoir évidemment raison, autrement il n’est pas permis d’insulter un Auteur sur une faute douteuse & ambiguë. S. Réal. Plutarque étoit sérieux & critique. Bouh.

Craignez-vous pour vos vers la censure publique ?
Soyez-vous à vous-même un sévère critique. Boil.

Critique, se prend quelquefois dans une signification plus étendue pour un homme de mauvaise humeur qui trouve à redire à tout. Dans ce sens, il ne se dit qu’en mauvaise part. Molestus censor, Aristarchus. Le moyen de vivre avec un critique, & un censeur perpétuel, à qui rien ne plaît ? C’est un vrai critique, un fâcheux critique.

Je ne saurois souffrir qu’un cagot de critique,
Vienne usurper céans un pouvoir tyrannique. Mol.

Critique, est aussi adjectif dans tous ces divers sens. Criticus. Ouvrage critique, Discours critique, Dissertation critique, où l’on examine avec soin un ouvrage pour en porter son jugement. Il y a une Histoire critique du V. & du N. Testament, par le P. Simon. Humeur critique, esprit critique : alors ce mot annonce une disposition à critiquer trop légèrement. Redoutez ces dévots chagrins & critiques, qui ne pardonnent rien : toujours plus satisfaits de trouver une faute à reprendre, qu’une vertu à imiter.

Gardez-vous, dira l’un, de cet esprit critique ;
On ne sait bien souvent quelle mouche le pique. Boil.

Critique. s. f. Se dit du goût, du discernement, de la science, de la capacité qu’on a de juger, de faire un bon ouvrage critique. De scriptis judicandis ars, Critice. La Critique est l’art de juger des faits qui composent l’histoire, des ouvrages d’esprit, des différentes leçons qui s’y rencontrent, de leur style, & de leurs Auteurs. Tout cela est du ressort de la Critique, & M. le Clerc en a donné une idée imparfaite, quand il la définit, l’art d’entrer dans le sens des anciens Auteurs, & de faire un juste discernement de leurs véritables ouvrages. D’autres voudroient qu’on la définît simplement l’art de juger. C’est sa véritable notion, & la signification propre de son nom. Rien n’est plus propre que la Critique à former le bon sens, à donner de la justesse à l’esprit. La Critique souvent n’est pas tant une science qu’un métier, où il faut plus de santé que d’esprit, & plus de travail que de capacité. La Bruy. La Critique Sacrée de Cappel sur le texte Hébreu, est très-sage & très-exacte. S. Evr. Il faut autant de bon sens que d’érudition, pour bien réussir dans la Critique. La Critique d’un tel est sure & judicieuse. La Critique est le dernier effort de la réflexion & du Jugement. Dac. Il y a telle observation de Critique qui demande plus de sagacité & d’invention qu’une belle pensée. S. Evr.

On peut appeler Critique Philosophique, l’art de juger des opinions de Philosophie ; Critique Théologique, l’art de juger des explications des dogmes ; Critique Morale, l’art de juger des actions, des intentions, du mérite des personnes ; Critique politique, l’art de juger des moyens de gouverner, d’acquérir, de conserver ses Etats. Mais on n’appelle communément Critique que la Critique Littéraire, qui renferme plusieurs espèces car elle comprend l’art de juger des faits ; espèce de Critique fort étendue, qui ne regarde pas seulement l’histoire, mais encore le discernement des véritables ouvrages d’un Auteur, du véritable Auteur d’un Ouvrage, de la véritable manière de lire un texte ; l’art de découvrir la supposition des monumens antiques, des chartes, &c. Les autres parties de la Critique littéraire sont la critique des ouvrages d’esprit, qui est l’art de juger de leur excellence, ou de leurs défauts ; la Critique grammaticale, ou l’art d’interpréter, de découvrir le sens des mots & des discours d’un Auteur ; la Critique des Antiquaires, qui consiste à distinguer les vraies médailles, les différens goûts que l’on y remarque, selon les différens peuples, les différens pays, les différens tems où elles ont été frappées, à reconnoître ce qui est moulé de ce qui est frappé, & ce qui est retouché & réparé, ou ajoûté, de ce qui est véritablement antique, le véritable verni du faux, &c. à les déchifrer, & à les expliquer. La Critique sacrée en général, est celle qui travaille sur les matières Ecclésiastiques, histoire de l’Eglise, ouvrage des Pères, Conciles, vie des Saints, &c. Et plus en particulier celle qui s’occupe de ce qui concerne les livres de l’Ecriture. Quelqu’un a dit sagement de celle-là qu’elle devoit aider la Théologie, mais que la Théologie devoit la gouverner ; Adjuvandam Critica Theologiam, moderandam Theologia Criticam.

Aristote, si l’on en croit Denys d’Halicarnasse, est le premier inventeur de cet art. Aristarque, Denys d’Halicarnasse lui-même, Varron & Longin, s’y signalerent en leur tems. Le Christianisme, dès les premiers tems, n’a pas manqué de Critiques. Origène, S. Denys d’Alexandrie, Lucien, Hésychius, Eusèbe, Tichonius, S. Jérôme, Théodoret, ont été de grands maîtres en cet art. Le Décret du Pape Gelase sur les Livres Apocryphes n’a pu être fait sans le secours de la Critique. Elle tomba avec les autres arts ; elle se rétablit ensuite sous l’empire de Charlemagne, & sous celui de ses enfans. Les soins des Religieux de Citeaux pour corriger les manuscrits de la Bible, prouve que les règles & l’usage de la Critique n’étoient pas inconnus dans le onzième siècle. Les Ouvrages de Jean Salisbery, d’Eustathius, de Tzetzès, montrent qu’on la cultivoit dans le douzième. Les manuscrits de la Bible corrigés par les Dominicains de Paris, & par les Docteurs de Sorbonne dans le XIIIe siècle montrent qu’elle subsistoit encore. Elle fut cultivée avec plus de loin encore dans les siècles suivans ; le XVIe & le XVIIe sur-tout l’ont beaucoup perfectionnée, & aujourd’hui tout le monde veut s’en mêler. Le P. Honoré de Sainte Marie, Carme Déchaussé, a fait des Réflexions sur les règles & sur l’usage de la Critique. Voyez cet Ouvrage. De tout ceci il s’ensuit que la Critique suppose une grande connoissance des matières sur lesquelles on l’exerce, & des principes des arts & des sciences qui en traitent, mais que la Critique elle-même n’est pourtant autre chose que le bon sens perfectionné par la Logique.

Critique. Se dit, en terme de Palais, de l’examen que l’on fait des moyens que propose la partie adverse, des réponses qu’on y fait, des témoins que l’on produit, dans une enquête, & des reproches qu’on y oppose, de la réfutation qu’on en fait. Confutatio, refutatio. On a fait une critique des témoins qui consiste à trouver de la contradiction dans ce qu’ils ont proposé. Durand.

Critique, signifie encore, Censure maligne, examen rigoureux, soit des actions, soit des Ouvrages. Censura. Les hommes ne doivent point se juger à toute rigueur ; personne ne peut arriver à un dégré de perfection qui soit au-dessus de la plus sévère critique S. Réal. Après avoir invoqué en vain la critique la plus chagrine, la plus dégoûtée & la plus piquante, il n’a pu s’empêcher d’admirer votre ouvrage. La critique est une arme offensive dont il faut se servir avec précaution. Id. Il ne faut pas outrer la critique. Bouh. Rien n’échape à sa critique.

Sans crainte & sans inquiétude,
Je livre mes amusemens
A la critique la plus rude. Des-Houl.

☞ Le mot de critique s’applique proprement aux Ouvrages littéraires : celui de censure, aux Ouvrages Théologiques, à la doctrine, aux mœurs.

CRITIQUER, v. a. Juger d’un Ouvrage, en examiner, en corriger les défauts. Alicujus scripta censoriâ virgulâ notare. Les meilleurs Auteurs ont été critiqués par les Grammairiens. Critiquer un tableau, un bâtiment.

Critiquer, se prend odieusement, pour dire censurer, reprendre sans cesse, ne trouver rien de bien fait à sa fantaisie. Reprehendere, carpere. Les femmes sont sujettes à se critiquer les unes les autres. Les gens qui critiquent sur tout sont insupportables.

Personne ne lit pour apprendre,
On ne lit que pour critiquer. Des-Houl.

Critiqué, ée. Part. Censoriâ virgulâ notatus.

CRITIQUEUR. s. m. Celui qui reprend, qui critique. Censor. Ce mot se trouve dans Richelet & dans La Fontaine.

CRITOMANCE. Voyez CRITHOMANCE.

CRITOPHAGE. Voyez CRITHOPHAGE.

CRO.

CROACER. v. n. C’est ainsi qu’il faudroit écrire, & non pas croasser. La première manière me paroît plus naturelle, étant plus conforme au latin crocire, crocitare, dont on a fait croacer ; mais l’usage est d’écrire croasser.

☞ CROAILLEMENT. s. m. Cri des Corbeaux. Crocitus. Ce mot se trouve dans le Dictionnaire de C. Etienne : Croailler, crier comme des Corbeaux. Crocire. Id.

CROASSEMENT. s. m. Cri des Corbeaux. Crocitus.

CROASSER. V. n. Crier comme les Corbeaux. Crocire.

Ce mot vient du latin crocitare.

Croasser, signifie figurément, criailler, c’est un terme de mépris. Clamitare, crocitare.

Si-tôt que d’Apollon un génie inspiré
Trouve loin du Vulgaire un chemin ignoré,
Ses rivaux obscurcis au tour de lui croassent. Boileau.

Laissons chanter sur ce sublime ton,
Chaulieu, la Mothe, & tel autre Génie,
Qui de la Lyre a reçu l’harmonie,
Et n’allons point, Poëtes croassans,
De leur concert troubler les doux accens. P. du Cerc.

Or à présent que le Parnasse
Est vilainement infecté,
Et n’est plus qu’un mont déserté,
Où maint & maint Corbeau croasse,
N’espère plus de telle race
La louange qu’as mérité. M. de la Fare.

CROATE. Nom de Peuple. Corbas, Chrovatus, Croatus. Les Croates, que Cédrénus appelle Corbates, sont les peuples qui habitent la Croatie, dont nous allons parler. Quelques-uns prétendent qu’on les appelle indifféremment Croates, ou Cravates, ou même Corvates, & Crobavates ; cela n’est pas vrai : quand on parle, en terme de guerre, de soldats de Croatie, il faut dire Cravate, c’est l’usage en notre langue. Une compagnie de Cravates, un régiment de Cravates. Un Capitaine de Cravates. Les Cravates furent commandés pour attaquer ce poste, & l’emportèrent. Voyez Cravate. Quand on parle des habitans de Croatie en d’autres matières, Croates paroît mieux. Les Croates sont bons soldats. Les Croates sont originairement les Chrovates, qui vinrent sur la fin du IX. siècle s’établir en Croatie, & lui donnèrent leur nom.

CROATIE, Province du Royaume de Hongrie. Croatia, Corbavia. Elle est bornée au couchant par la Carniole, au nord par la Save, rivière qui la sépare de l’Esclavonie. Elle a la Bosnie au levant, & au midi le Comté de Zara & le Golfe de Carnero. La Croatie se divise en deux parties ; l’une, qui est le long du Golfe de Carnero, s’appelle Morlaquie ; l’autre, qui est au nord & à l’orient de la Morlaquie, s’appelle Corbavie. La Morlaquie & la partie occidentale de la Corbavie est à la Maison d’Autriche. Les Turcs sont maîtres de la Corbavie orientale. L’ancienne Croatie, comprenoit encore la Bosnie occidentale, une partie de la Dalmatie & l’Esclavonie ; & elle avoit ses Rois particuliers. Charles, Roi de Hongrie, s’en empara en 1310. Le Ban de Croatie. Voyez Ban. La première Histoire particulière que nous ayons eue de la Croatie parut en 1666. in-fol. Amsterdam. Joannis Lucii Dalmatici de Regno Dalmatiæ & Croatiæ Libri VI.

CROC. s. m. (le c final ne se prononce point.) Ustensile de cuisine qui a plusieurs pointes recourbées où l’on attache de la viande. Uncus. Un croc toujours bien garni de volaille, de gibier. C’est un ancien mot François qui se trouve dans la Loi Salique. Ménage.

Croc se dit généralement de tout instrument à plusieurs pointes courbées dont on se sert pour y pendre ou pour y attacher quelque chose. Uncus, Hamus. Pendre quelque chose au croc.

On dit figurément & populairement, pendre les armes au croc, son épée au croc, pour dire quitter le métier de la guerre.

On dit de même qu’un procès est pendu au croc, pour dire qu’on ne le poursuit plus. Les vers & la prose sont au croc. Gomb. C’est-à-dire, qu’on ne veut plus écrire ni en vers ni en prose.

Le Paradis vous est hoc ;
Pendez le Rosaire au croc. Furet.

Croc, se dit aussi de tout autre instrument de fer ayant des pointes recourbées, avec lequel on tire, on arrête, on pêche quelque chose. Harpago, hama. Les Bateliers tirent, poussent, arrêtent les bateaux avec des crocs. Les crocs des Bateliers ont une pointe de fer alongée outre le croc qui leur donne leur nom. Le seau étoit tombé dans le puits, on l’a pêché avec un croc. On le dit aussi des harpons & mains de fer. Les crocs de la ville, dont on le sert pour arrêter le cours du feu, en abattant les endroits où il a pris.

On appelle crocs, de grandes moustaches recourbées en forme de crochet.

Arquebuse à croc, est une arme à feu plus pesante que l’ordinaire, qu’on tiroit autrefois sur une fourchette, ou par les petites ouvertures d’une muraille. On l’appeloit ainsi, parce que le fût étoit recourbé. Ferrea fistula furcillæ superposita.

Crocs, en termes de Manège, sont quatre dents au-delà des coins, situées sur les barres, où elles poussent à chaque côté des mâchoires deux dessus & deux dessous, & cela entre trois ou quatre ans. Dentes unci, uncinati. On les appelle aussi crochets.

On dit en termes de Marine Croc de Pompe ; c’est un crochet de fer qui est au bout d’une longue vergue, qui sert à retirer l’appareil de la pompe, quand on y veut raccommoder quelque chose. Croc de candelette, est un croc avec lequel on prend l’ancre pour la remettre à sa place. Crocs de Palans, sont deux crocs de fer mis à chaque bout d’une corde fort courte, que l’on met au bout du palan, quand on a quelque chose à embarquer. Crocs à bressins ou crocs de palans de canon, sont des crocs attachés au bout des palans ; ils servent à arrêter les canons par le moyen des autres crocs qui sont à la herse de l’affût, ou aux côtés des sabords, auxquels on les accroche. Crocs de palanquins, sont de petits crocs de fer qui servent à la manœuvre dont ils portent le nom.

On le dit aussi des dents pointues qui viennent aux chiens. Canini dentes uncinati. Et à l’égard des hommes, on le dit de certaines petites pointes qui restent d’une dent rompue sur les gencives.

Croc, est aussi un terme bachique, qui exprime l’action de celui qui avale promptement un verre de vin, ou quelque gros morceau. Statim, repentè, in ipso puncto temporis. Il a avalé cela croc. On l’emploie en plusieurs chansons bachiques. Ainsi Colletet a dit de Flotte à table :

Et toi faisant cric & croc
Plus que tout le monde,
Paroîtras-là comme un roc
Qui méprise l’onde.

Il sert aussi, dans le style familier, à exprimer le bruit que les choses séches & dures font sous la dent quand on les mangé : & alors le C final se prononce fortement.

Croc, s’est dit figurément de ce qui accroche, qui fait tomber. Comme on voit dans cette vieille Epitaphe Picarde.

Croc de la mort qu’escaper ne pouvons,
Croqua l’Elû Croquet qui croquoit les capons.

Le sens est que la mort a accroché ou pris l’Elû Croquet, comme il accrochoir les chapons. Croqua signifie ici accrocha, & croquoit, accrochoit. Les Picards disent croquer pour crocher, comme ils disent au composé accroquer pour accrocher ; escaper, au lieu d’échapper, & capon, au lieu de chapon.

Croc-en-Jambe, est un tour d’adresse dont se servent les Lutteurs pour renverser leur adversaire, en lui accrochant les jambes. Adversarii crus crure implicare ad eum prosternendum.

Croc-en-Jambe, se dit figurément & familièrement d’un tour d’adresse de ceux qui ruinent un projet, une affaire, la fortune de leur ennemi, de leur rival, de leur compétiteur. Fraus, dolus, fallacia, insidia. Il a donné le croc-en-jambe à Cupidon. Ablanc.

Donner le croc-en-jambe à quelqu’un, c’est le supplanter. Supplantare.

D’un tour d’adresse tout nouveau,
En lui donnant le croc-en-jambe,
La traîtresse le fit tomber dans le tombeau. Mén.

CROC-AU-SEL. Voyez CROQUE-AU-SEL.

CROC. s. m. filou, Escroc. Au lieu d’Escroc, on dit populairement Croc par une apherèse ou soustraction qui arrive quelquefois dans les langues. Je me trouvai avec trois ou quatre crocs qui avoient bien envie de me bonneter. Il y a néanmoins quelque différence encre ces deux termes. Celui d’Escroc n’est pas si injurieux. Un Croc est un filou de profession, qui s’entend avec d’autres qu’il ne fait pas semblant de connoître, qui fréquente les Académies de Jeu, pour y chercher des dupes, qui prend beaucoup de mesures pour tromper, qui ne s’occupe que de cela, & qui n’a point d’autre métier. Un Escroc ne s’associe avec personne, & ne travaille que pour lui : il attend plus patiemment les occasions, & sait seulement en profiter, lorsqu’elles se présentent.

Croc, se dit aussi des suppôts de mauvais lieux & de jeux défendus.

Croc-de-chien. Arbre des îles Antilles, qui est tout armé de petites épines faites en forme de crochets. Il n’est pas fort gros mais ses branches se traînent jusques sur les arbres les plus hauts. Ses feuilles sont petites, en fort petit nombre, assez semblables à celles du prunier. Son fruit est jaune, gros comme de petites prunelles. Ce nom lui a été donné, parce qu’il accroche les chiens, lorsqu’ils vont à la chasse, & les arrête tout court.

CROCANS. s. m. Nom de faction. Voyez Croquant.

CROCANTE. Patissrie. Voyez Croquante.

CROCÉ, ÉE. adj. Vieux mot. Qui est de couleur de safran, de crocus, safran.

CROCHE. adj. Qui est courbé & tortu. Jambe croche, main croche. Il vieillit.

CROCHE. s. f. Terme de Musique. Note qu’on figure ordinairement avec une tête noire & un crochet au bout de la queue : dans le triple double on se sert souvent de croches dont la tête est blanche. La croche à tête blanche vaut la moitié de la valeur d’une blanche : la croche à tête noire vaut la moitié de la valeur d’une noire. La double-croche est figurée par deux crochets à la queue, ce qui diminue sa valeur de la moitié de celle de la croche. Dans la mesure à 2 ou à 4 tems, il faut huit croches, ou seize doubles-croches pour faire une mesure ; dans le Triple il ne faut ordinairement que six croches, ou douze doubles-croches. Brossard. La note noire pointée vaut trois croches. Montecl. La croche pointée vaut trois double-croches. Id. Il y a des mesures où les croches sont égales & d’autres où elles sont inégales. Id. On dit croche pointée, triple-croche, sextuple de croches, nonuple de croches, &c.

Croche. s. f. Petite monnoie de billon, qui se fabrique à Bâle en Suisse, qui n’a cours que dans ce seul Canton.

CROCHÉE. s. f. Terme de Musique. M. de Brossard dit croche, ou crochée ; c’est la même chose. Voyez Croche. Crochée est peu en usage.

CROCHET. s. m. signifie quelquefois la même chose que croc, comme le crochet, ou le croc où l’on pend de la viande, les crochets ou les crocs de dents d’un cheval. Uncinus, hamus, hamulus. Quelquefois il est seulement diminutif de croc, & signifie un petit fer arrondi ou recourbé, comme le crochet d’un Serrurier, avec lequel on ouvre des serrures qui ne sont pas fermées à double tour ; ou qui est recourbé à plomb, comme un clou à crochet, qui sert à soutenir des tapisseries, ou à pendre toute autre chose. On dit figurément en ce sens, Aller aux mûres sans crochet, pour dire, entreprendre quelque chose sans avoir ce qu’il faut pour réussir.

On appelle aussi Crochets d’enfaîtement & à chaîneaux, ceux qui servent à soutenir les parties d’un bâtiment. Ce sont des fers plats & coudés.

Crochet, signifie aussi, Agraffe. Fibula. Le crochet d’une montre. On lui a donné un crochet de diamans.

On appelle aussi crochet, la balance Romaine, à cause que la chose qu’on pese s’attache à un crochet posé à peu de distance du centre de la balance. Statera.

On le dit aussi de certaines dents aiguës de quelques animaux, particulièrement des chiens & des chevaux. Voyez Croc.

Crochet, en termes de Boucherie, se dit d’une partie du trumeau de bœuf qui est coupée du côté du pied. On le nomme aussi crosse.

Crochet, en terme d’Imprimerie, se dit de certains traits ou lignes, tantôt droits, tantôt faits en S, & recourbés par le bout, qui servent à lier & accoler quelques articles qu’il faut lire ensemble, avant que d’aller à des subdivisions qui se mettent à côté avec de semblables ou de moindres crochets. Nexus, vincula. On s’en sert dans les Généalogies, & surtout dans les Traités qu’on veut faire par abrégé, & disposer en forme de Tables pour en faciliter les dispositions.

On appelle aussi crochets des figures courbes pour marquer les parenthèses.

Crochet, est aussi un nom que les Tourneurs donnent à plusieurs de leurs ciseaux, à cause qu’ils sont faits en crochet. Il y a crochet plat, crochet rond, crochet pointu, double crochet rond, double crochet plat, double crochet pointu.

Crochet. Terme d’Agriculture. Voyez Courson ; c’est la même chose.

Crochet à tirer du fumier. Instrument composé de deux dents de fer de sept à huit pouces, & recourbées. Au bout de ces dents est un gros anneau de fer, dans lequel on met un manche de bois de la longueur de trois pieds & demi, & d’environ quatre pouces de tour. On se sert de cet outil, lorsqu’il est question de remuer du fumier entassé, &c. En quelques lieux ce crochet s’appelle Tire-fient. Liger.

Crochets, au pluriel, se dit d’une petite machine de bois dont les Portefaix de Paris se servent pour porter plus commodément les fardeaux & les meubles. Ærumnulæ. Elle est faite de deux bâtons liés ensemble par deux traverses, qui s’appliquent le long du dos avec des bretelles, & par le bas il y a deux autres petits bâtons en pointe qui remontent, & qui arrêtent les meubles qu’on pose entre deux. Il est étrange que dans les Provinces on ne se serve pas de crochets, attendu la grande commodité qu’ils apportent au transport des meubles & des marchandises.

Dans la coëffure des femmes, on appelle crochets, des petites boucles de cheveux, ou naturels ou postiches qu’elles mettent sur le front auprès des temples.

Crochets de retraite. Terme d’Artillerie. Ce sont dans l’affut d’un canon des fers crochus qui servent à traîner la pièce. Unci. L’usage des plus élevés, c’est de la faire avancer, & celui des plus abaissés, est de la faire reculer.

Crochets d’armes. Terme de Marine. Sont des crochets en forme de râtelier, qui servent à soutenir des armes dans les chambres des vaisseaux, dans les corps de garde, &c.

Crochet d’établi. Terme de Menuisier. Est une espèce de crochet de fer à dents, enfoncé par le pied dans un morceau de bois carré qui sert à l’élever ou à l’abaisser : ce crochet arrête l’ouvrage sur l’établi, tandis que les ouvriers travaillent.

Crochet. Terme de Fortification. Dans l’attaque d’une place il faut embrasser tout le polygone attaqué, assurer les flancs de l’attaque par des crochets, & même par des redoutes fermées. M. De Feuquiéres. L’Ingénieur habile sait se défiler par des crochets & traverses tournantes, & par ce moyen il supplée souvent au blindage, qu’il faut éviter, autant qu’il est possible. Idem.

Crochet. Uncinus. Instrument de Chirurgie, qui est de deux sortes ; l’un pour accrocher & tirer la tête du fœtus restée dans la matrice, l’autre pour extraire les pierres qui sont au passage, dans l’opération de la taille. Col de Villars.

Crochet. En termes de Fauconnerie, on appelle les ongles des griffes des aigles, des crochets. En général on appelle ces ongles ou griffes dans les oiseaux de Fauconnerie, & même de l’aigle, serres ; mais le propre nom de ceux des aigles, c’est crochets.

Crochet. Terme de Doreur. Les Doreurs sur métal se servent d’un crochet quand ils veulent dorer d’or moulu. Il est de fer, fort recourbé, avec un bouton aussi de fer par un bout, & un manche de bois à l’autre. C’est avec cet instrument que l’on remue l’or & le vif argent, quand on les a mis dans le creuset, pour les amalgamer.

Crochet. Terme de Vannier. Les Vanniers-Clôturiers ont aussi un crochet de fer, long d’environ sept pouces, pointu & recourbé par les deux bouts, en sorte que les pointes se regardent. Ils s’en servent pour tourner les bords de leurs hottes & de leurs vans.

Crochet. Terme de Chandelier. On appelle, en termes de Chandelier, le crochet du culot d’un moule à chandelle, une petite lame de métal, qui s’avance jusqu’au milieu de cette partie des moules, qu’on nomme culot. C’est par le moyen de ce crochet, auquel la mêche s’attache, qu’elle se maintient justement au milieu de la tige du moule où se jette le suif liquide.

Crochet. Terme de Couvreur. Les Couvreurs appellent le crochet d’une tuile, cette espèce de petit rebord, ou mentonnet, qui est au haut de chaque tuile, & qui sert à l’arrêter sur la latte.

Crochet. C’est, en termes de Charpentiers, une des marques dont ils se servent, pour signer, ou marquer les bois des bâtimens, à mesure qu’ils les façonnent, pour les reconnoître, lorsqu’ils veulent les mettre en place. Cette marque est faite en crochet, avec la roinette, ou les tracherets.

Crochets. Terme de Fondeur de caractères d’Imprimerie. Ce sont deux morceaux de gros fil de fer, recourbés par le bout, qui sont attachés au haut des moules, dans lesquels se fondent les lettres. Leur usage est pour retirer du moule le caractère quand il est fondu.

Crochet. C’est le nom qu’on donne en plusieurs endroits, & principalement en Normandie, au marché où se vendent certaines denrées, comme les laines, les fils & les filasses, & autres choses qui se pèsent avec la petite romaine portative. On a meilleur marché d’acheter au crochet que chez les marchands débitans. Les Marchands filoutiers courent tous les crochets circonvoisins. Ces marches tirent leur nom du crochet de la romaine qu’on nomme aussi crochet, soit parce qu’elle a un croc où l’on attache les marchandises qu’on veut peser, ou parce que les Marchands coureurs de marchés ont chacun une de ces petites romaines qu’ils accrochent à la ceinture de leur culotte.

On dit aussi figurément & familièrement, Allons dîner ensemble, chacun sur nos crochets, c’est-à, dire, à nos dépens, & chacun payant son écot. Nostris impensis, sumtibus. Etre sur les crochets de quelqu’un, c’est vivre à ses dépens.

CROCHETER, v. a. Ouvrir une serrure de porte, de coffre, &c. avec un crochet. Uncino reserare, aperire. Les voleurs ont crocheté sa porte.

Crocheté, ée. part.

CROCHETEUR. s. m. Qui crochette des portes, des serrures. Qui arcas unco aperit, reserat. On a pendu le Serrurier avec un écriteau au dos. Crocheteur de portes.

Dans cette acception il ne se dit qu’avec une addition, Crocheteur de porte, de serrure.

Crocheteur signifie aussi un Portefaix qui transporte des fardeaux sur des crochets. Bajulus. Ce Laquais est trop chargé, on lui a donné la charge d’un Crocheteur.

Crocheteur, se dit aussi par extension, des gens de basse condition qui font des choses indignes des honnêtes gens. Il n’appartient qu’aux Crocheteurs de battre leurs femmes. On nous a donné à ce repas du vin de Crocheteur. Homère fait dire à ses Héros des injures de Crocheteur. G. G. On dit une santé de Crocheteur, pour dire une santé forte & robuste.

CROCHETON. s. m. Les deux petites branches des crochets du Portefaix. Uncinus.

CROCHU, ue. Ce qui est recourbé, qui est fait en crochet. Uncus, aduncus, reduncus, hamatus, uncinatus. Ce clou ne vaut plus rien, il est tout crochu. Les cagneux ont les jambes crochues. Mains crochues.

Crochu, en termes de Manège, est un cheval qui a les jarrets trop proches l’un de l’autre.

On dit figurément & proverbialement d’un homme, qu’il a les mains crochues, pour dire qu’il est sujet à dérober.

CROCODILE. s. m. Espèce de grand lézard amphibie qui se nourrit dans les joncs sur le rivage des grandes rivières. Crocodilus. Les Crocodiles sont couverts d’écaillés difficiles à percer, excepté sous le ventre où ils ont la peau tendre. Leur gueule est grande, avec des dents aiguës & séparées qui entrent l’une dans l’autre, & il y en a plusieurs rangs. Ils sont fort bas sur les pieds, rampant presqu’à terre. Ils vivent long-tems, & font leurs œufs quelquefois jusqu’au nombre de 60. qu’ils déposent dans le sable : la chaleur du soleil fait éclore les petits sans incubation. Ils ont des yeux de pourceau, & leurs pattes armées d’ongles aigus & tranchans. Il y en a de si grands aux Indes, qu’un homme de la plus grande taille pourroit demeurer debout entre leurs mâchoires quand leur gueule est ouverte.

En 1681. le Sr. du Verney disséqua à Versailles un petit crocodile. Son estomac étoit rempli de quantité de pierres, & d’ailleurs semblable à celui des oiseaux. Avant ce temps-là on n’avoit point vu de crocodile vivant en France. Pendant deux mois que celui-ci avoit été à Versailles, il n’avoit rien mangé. Il étoit long de près de quatre pieds, avoit tout le corps couvert d’écailles, à la tête près. Il ne remuoit que la mâchoire inférieure, la supérieure étoit immobile. Vers le milieu de l’inférieure, il avoit des deux côtés deux glandes, d’où sortoit une liqueur d’une odeur très-désagréable. Vossius parle des crocodiles dans son IIIe. livre De Idolol. C. 47. 55. 56. 59. 68. 73. 74. & examine différentes propriétés de ces animaux, ou qu’on leur attribue. Pline s’aveugle lui-même, lorsqu’en traduisant Démocrite, il dit que le caméléon est fait comme le crocodile, & qu’il est aussi gros que lui. Il ne songeoit pas que le mot Κροκόδειλος, dont s’est servi Democrite, suivant le langage des Ioniens, ne signifie pas un crocodile, mais un lézard ; Vign. Marv. Le crocodile est le symbole du Nil & de l’Egypte qu’il arrose, parce qu’il naît dans ce fleuve. Quelquefois il marque (sur les médailles) des spectacles, où l’on avoit donné au public le plaisir de voir de ces animaux extraordinaires. P. Joubert.

Ce mot vient du Gtec κρόκος, safran, & de δειλᾶν, participe qui signifie craignant. Les crocodiles appréhendent le safran à le voir seulement, & encore plus à le sentir. Quelques-uns aiment mieux le dériver de κρόκη, litus ou ripa, bord, rivage, parce que cet animal accoutumé dans les eaux, n’aime guère à venir à terre, où les hommes lui dressent ordinairement des embûches. En l’Île de Baton il y en a plusieurs qu’on apprivoise, qu’on engraisse, & qu’après on tue, dont on fait un mets très-délicat. Lorsqu’on les blesse, ou qu’on les éventre, leurs entrailles sentent fort bon, & parfument l’air tout-au-tour. Cette odeur ressemble à celle du musc, & quelquefois elle est si forte qu’elle est capable de faire tomber en foiblesse ceux qui la sentent : ceci n’est vrai que des crocodiles d’eau douce, les crocodiles de mer n’ont aucune odeur. On a trouvé quelquefois dans le ventre de ces animaux, des cailloux qu’ils avalent pour appesantir leur corps, & aller à fond parce qu’ils n’y peuvent pas descendre bien avant sans cela. Aux Indes Occidentales on les appelle caymans, & il y en a desi forts, qu’on en a vu un se défendre contre trente hommes, qui lui tirèrent six coups d’arquebusse sans le pouvoir percer. Herrera. On n’en trouve que dans les grands fleuves & dans les pays chauds, comme le Nil, le Gange, l’Orénoque, &c. Thomas Gage dit qu’il s’est garanti d’un crocodile en fuyant & tournoyant tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, sans aller tout droit, parce qu’il ne sauroit tourner son corps que difficilement, à cause qu’il est roide & pesant, & que d’ailleurs il court en avant aussi vite qu’une mule. Les Egyptiens honoroient le crocodile dans une ville qu’ils appeloient la ville des crocodiles, Crocodilopolis, dont parle Strabon. En langage hiéroglyphique le crocodile signifioit la tyrannie dans le Gouvernement politique. Voyez Kirker, Œd. Egypt. T. I. p. 157. 158.

Le crocodile étoit un animal sacré chez plusieurs d’entre les Egyptiens. Ceux de Thèbes & du Lac Mœris lui rendoient un grand culte. Ils en prenoient un qu’ils apprivoisoient : ils lui mettoient aux oreilles des pierres précieuses & d’autres ornemens d’or, & l’attachoient par les pieds de devant : ils lui donnoient pour sa nourriture une certaine quantité de viandes qu’ils appeloient sacrées. Les Egyptiens croyoient que les vieux crocodiles avoient la vertu de deviner, & que c’étoit un bon présage lorsqu’ils prenoient à manger de la main de quelqu’un ; & au contraire un mauvais, lorsquils le refusoient. Lorsque le crocodile qu’on avoit élevé étoit mort, on l’embaumoit, & on le mettoit dans des urnes sacrées que l’on portoit dans le Labyrinthe, où étoit la sépulture des Rois. Ces mêmes animaux étoient regardés avec horreur dans tout le reste de l’Egypte & on y en tuoit autant qu’on pouvoit en attraper. La Religion leur inspiroit cette haine. Ils croyoient que Typhon, meurtrier d’Oreste s’étoit transformé en crocodile.

Crocodile, est aussi un petit animal qu’on appelle autrement Stinx, qui est assez semblable au lézard, ou à de petits crocodiles. Il vit partie dans l’eau, & partie sur la terre. Il a quatre jambes courtes & menues. Son museau est fort pointu, sa queue, courte & menue. Il est assez beau à voir, parce qu’il est couvert de petites écailles fort bien arrangées, de couleur argentine, brunies en divers endroits, de couleur dorée, particulièrement sur le dos. Il demeure toujours petit, & naît en Egypte vers la Mer rouge, en Lybie & aux Indes. On en prend les reins & le ventre pour les faire entrer en la composition du Mithridate. Il a une raie tirée le long de son corps depuis la tête jusqu’à la queue. Il ressemble à nos lézards. Dioscoride l’appelle crocodile terrestre.

Crocodile, se prend figurément & familierement pour méchant, traitre, perfide. Nequam, improbus, perfidus. Ah crocodile ! qui flatte les gens pour les étrangler. Mol.

On appelle des larmes de crocodile, les larmes par lesquelles on veut émouvoir quelqu’un pour le tromper, une feinte douleur qui ne tend qu’à surprendre quelqu’un. Crocodili lachrymæ. Les pleurs des Courtisannes sont des larmes de crocodile.

CROCODILIUM. s. m. Plante qui est Semblable, selon Dioscoride, au caméléon noir : elle croît parmi les bois, & a la racine longue, lisse, un peu large, d’une odeur comme le cresson. Cette racine cuite dans de l’eau, & prise en breuvage, fait sortir le sang par le nez. On s’en sert dans les obstructions de la rate. Sa graine qui est ronde, provoque l’urine. Les Botanistes ne conviennent point quelle est cette plante. Quelques-uns croient que c’est le caméléon noir ; d’autres, une espèce de chardon, qu’on appelle sphærocephalus. Il y en a qui la prennent pour l’eringium marin.

CROCODILOPOLIS. Crocodilorum Civitas ; c’est-à-dire, Ville des crocodiles. Il y en a deux dans l’antiquité qui portent ce nom : l’une dans la haute Egypte, ou dans la Thébaïde, sur le bord du Nil, ainsi appelée, parce que les crocodiles y étoient adorés. Strabon en parle dans son VIIe. Livre. L’autre étoit aux confins de la Phénicie, & de la Palestine dans le Mont Carmel, au rapport de Pline, L. V. c. 9.

CROCOMAGMA. s. m. Terme de Pharmacie. Ce sont des trochisques composés avec le safran, la mirrhe, les roses rouges, l’amydon, & la gomme Arabique.

Ce mot vient du Grec κρόκος, safran, & de μάγμα, qui signifie le marc de quelque matière qu’on a épreinte.

CROCOTE ou CROCOTON. s. m. Terme d’Antiquaire. Crocoton ou Crocota. C’est un habit ancien. Apulée parle de gens habillés de crocotes Phrygiennes. Crocotisque Phrygiis induti, dans la description de la Pompe d’Isis. C’est ce qu’il appelle ailleurs dans le même Livre Stola Olympionica, décrite ainsi dans un autre endroit : floridè depictâ veste conspicuus, paré d’une veste à fleurs. Les Latins ont aussi appelé ce vêtement Palla & Lacerna, comme Ovide parlant d’un Joueur de flûte :

Vervit humum Tyriâ saturatâ murice Pallâ.


D’une veste de pourpre il balaye la terre. Ce qui est proprement le crocoton. D’où vient que Vopiscus dans la vie de Carinus appelle Tyrianthinum, à fleur de couleur de pourpre, le manteau du Joueur de flûte. Pallium Choraulæ. Baudelot. Hist. de Ptol. Aul. P. II. C. V. p. 264, 265. Au reste on ne voit pas pourquoi faire crocote féminin, & pourquoi dire la crocote & le crocoton ; il paroît mieux de ne point changer le genre. Le crocote étoit un habit à frange, comme l’expliquent les Lexiques, vestis simbriata, un habit de soie, léger, de couleur de safran, à l’usage des Comédiens, des femmes galantes, &c. Baudelot en voit une représentation dans un dessein tiré d’un Manuscrit du Vatican, & que Bartholin a publié dans son traité des flûtes.

Crocote. s. f. animal des Indes. Sa couleur est mêlée de celle du Lion & de celle du Tigre, & la conformation de ses parties tient quelque chose du Chien, & quelque chose du Renard. Parmi quantité de bêtes amenées à Rome pour les jeux célèbres à l’occasion du retour de l’Empereur Sévère, la dixième année de son règne & de ses victoires, il y avoit une crocote qui fut, comme on croit, la première qui eût jamais été vue à Rome. M. Cousin, p. m. 398. de sa Trad. de l’Hist. Rom. de Xiphilin.

CROCUS. s. m. Mot Latin qui signifie safran. Quelques-uns lui donnent le même nom en François. Voyez Safran.

Crocus, en termes de Chymie, se dit de plusieurs préparations à cause de leur couleur rouge. Le crocus Martis est une préparation de fer. Il y a le crocus Martis apéritif, & le crocus Martis astringent. V. Safran de Mars. C’est la même chose. Le crocus metallorum est une préparation d’antimoine, qu’on appelle autrement safran des métaux, ou foie d’antimoine. On en fait le vin émétique Voyez Antimoine.

CRODON. s. m. Fausse Divinité des anciens Saxons. Crodo, Crodus, ou Krodo, Krodus. Saxon le Grammairien, L. I. le nomme le premier entre les Dieux des Saxons, qui sont, dit-il, Codrus, Hama, Irmus, Flivius & Siba. Crantzius, Saxoniæ, L. II., c. 12. dit qu’il étoit honoré sur-tout à Harsbourg. Quelques-uns croient que Crodon étoit Saturne. George Fabricius, au premier Livre de ses Origines Saxones, rapporte la manière dont on le représentoit, qui convient en effet assez à Saturne. Il avoit, dit-il, la figure d’un moissonneur qui est ceint d’un morceau de linge. Il tenoit de la main droite un petit vase plein de roses, & une roue de char de la main gauche, qu’il élevoit en l’air. Il fouloit aux pieds une perche, poisson hérissé d’écailles & de piquants. C’est une pensée bien raisonnable de croire que le culte de ce Dieu avoit passé de la Grèce aux Germains voisins du Danube, de là dans la Saxe, & que, de même que le Dieu Irmus semble avoir été fait de l’Ἑρμῆς des Grecs, le nom Crodus pouvoit bien aussi venir du Κρόνος des Grecs, qui est le Temps, ou Saturne. Charlemagne abolit le culte de ce Dieu, aussi-bien que de toutes les autres Divinités Saxones. Voyez Vossius, de Idol. L. II. c. 33.

CRŒSUS ou CRÉSUS. s. m. Nem propre d’un Roi de Lydie, le plus riche dont il y ait mémoire dans l’antiquité. Crœsus. Ce mot est fort en usage dans notre langue, pour signifier un homme puissamment riche. On dit tous les jours, c’est un Crésus ; il est riche comme un Crésus ; il a des richesses de Crésus.

Doué en biens, tel fut Crésus tenu,
Qui tout-à-coup un Job est devenu. Marot.

CROIE. Ville capitale de l’Albanie. Croia, anciennement Antigenia, ou Eribonea. Elle est située sur la rivière d’Hismon, ou de Lisance. C’étoit autrefois une ville Episcopale de la Province de Durazzo. Cette ville est nommée dans l’Histoire de Scanderberg. Voyez la vie de ce Prince écrite en notre langue par le P. du Poncet Jésuite, & d’Herbelot au mot Croya.

CROILER. Terme de Fauconnier, qui se dit des oiseaux qui se vident par le bas. Subter se alvum reddere. On dit aussi emeutir. Quand un oiseau de proie croile, c’est marque de santé.

☞ CROIRE. v. a. quelquefois n. Ainsi on dit qu’un homme croit ou ne croit, & qu’il croit les mystères. Dans le sens vulgaire, c’est être persuadé de la vérité d’une proposition ou d’un fait. Donner son assentiment à une chose que l’on estime vraie, soit après un examen suffisant, soit qu’on n’ait point, ou qu’on aie mal examiné. Credere. On prononce je croi ; mais il n’y a que les Poètes à qui il soit permis d’écrire je croi. On écrit je crois en Prose. Vaug. Corn. Remarquez encore qu’on met rarement de après le verbe croire : il a cru bien faire, est mieux que, il a cru de bien faire. Il faut encore remarquer que croire étant une chose positive, exige l’indicatif, & qu’il faut dire, je crois qu’elle est aimable, & non pas qu’elle soit. Plusieurs Provinciaux ne sont point cette remarque. Corneille lui-même a dit dans le Menteur.

La plus belle des deux, je crois que ce soit l’autre

C’étoit une faute de Grammaire du temps même de Corneille. Mais pourquoi dit-on, je croi qu’elle est aimable, qu’elle a de l’esprit ? Et croyez-vous qu’elle soit aimable, qu’elle ait de l’esprit ? C’est, dit M. de Voltaire, que croyez-vous n’est point positif. Croyez-vous, exprime le doute de celui qui interroge. Je suis sur qu’il vous satisfera : êtes-vous sur qu’il vous satisfasse.

Vous voyez par cet exemple que les règles de la Grammaire sont fondées la plupart sur la raison & sur cette logique naturelle, avec laquelle naissent tous les hommes bien organisés.

Croire, en termes Théologiques, & en parlant de la foi, c’est, dit l’Auteur des Conférences d’Angers, donner son approbation & son consentement aux vérités révélées dont on a la connoissance ; c’est y adhérer, parce que Dieu les a révélées à son Eglise, qui nous les propose. Ce n’est pas proprement approbation & consentement, c’est adhésion d’esprit & de cœur & d’esprit, pour juger qu’elles sont vraies, puisque Dieu, qui ne peut, qui ne veut nous tromper, nous les a révélées ; de cœur, pour vouloir les embrasser, les professer, &c. Car la foi comprend cet acte de volonté que les Théologiens appellent pius affectus ; & par-là la foi de l’homme chrétien est différente de celle des démons, qui, comme dit Saint Paul, croient & frémissent de crainte, credunt & contremiscunt ; & de la foi de bien des Apostats qui, quoiqu’ils soient persuadés des vérités de la foi, se laissent vaincre par la crainte des supplices, ou par quelque autre considération humaine.

Ne croire que ce que l’on voit, ou ce que l’on connoît par l’évidence naturelle ; ne consulter là-dessus que soi-même, & ne déférer à nul autre qu’à soi-même, voilà le premier principe de l’orgueil humain. Bourdaloue. Ex. II. Il faut croire les articles de la Foi, l’Evangile, la Sainte Ecriture. Dieu a voulu accoutumer l’homme à croire sans connoître, afin de le tenir dans la dépendance & dans la servitude. Il y a des dévots qui aiment Dieu sans y bien croire. S. Evr. Celui qui croira, & qui sera baptisé sera sauvé. A moins que la Foi n’assujettisse notre raison, nous passons la vie dans une contrariété perpétuelle, à croire, & à ne croire point. S. Evr. Les personnes pieuses embrassent d’abord le parti de croire ; qui fixe & arrête les courses de l’imagination. Vill. Les gens qui se bornent à une foi spéculative & superficielle, croient tout ce qu’on veut sans répugnance ; ils n’y font pas assez d’attention pour se rendre difficiles. Mont. Les prudens du siècle se font un honneur de ne rien croire, pour se distinguer du vulgaire, & ne pas hazarder leur créance. Tail. En quel temps si malheureux a-t-il été permis, ou de faire dans la République, ou de croire dans l’Eglise ce que l’on veut ? Peliss. Croire n’est pas imaginer. Nous croyons Dieu en tous lieux, & tout entier, sans qu’il occupe aucun lieu ; mais nous ne l’imaginons pas, parce que nous n’avons jamais rien vu de semblable. id. Croire n’est pas comprendre, c’est plutôt ne pas comprendre ; mais recevoir par une autorité supérieure ce que l’on ne comprend pas, & se persuader seulement qu’il est possible, tant par cette autorité supérieure qui nous l’ordonne, que par la comparaison que nous faisons de cette merveille avec d’autres dont nous ne pouvons douter, ou par la proportion entre la merveille & son auteur. id.

Présumez-vous pouvoir détruire
Une loi qui sut vous instruire,
Dès que le monde a commencé ?
Et ce qu’ont cru les plus habiles,
Des aveugles, des indociles,
Croiront-ils l’avoir effacé ?

Duché, Ode sur l’imm. de l’ame.

Croire, se dit aussi de l’imagination qu’on a qu’une chose est vraie, quoiqu’elle soit fausse. Les petits esprits croient aux Devins, aux Sorciers, aux Songes, aux Astrologues, ajoutent foi à tout ce qu’ils leur disent d’extraordinaire. On dit en conversation, cet homme est si simple, qu’on lui fait croire que des vessies sont des lanternes. Cet homme est si jaloux de sa femme, qu’il ne la croit pas où il la voit.

Croire, signifie aussi Ajouter foi à ce qu’on nous dit ; témoigner qu’on est persuadé de quelque chose, sur le rapport d’autrui. Fidere alicui. On doit croire un homme sur sa parole. Cela est vrai, si l’on en croit les Historiens. En l’état où je suis, je lui dois pardonner ; mais je ne la dois pas croire. Rochef.

C’est un homme, entre nous, à mener par le nez,
Et je l’ai mis au point de voir tout sans rien croire. Molière.

Croire, se dit aussi des opinions qu’on se met dans la tête, fondées sur plusieurs raisonnemens & conjectures. Il n’y a point d’opinion si extravagante, que quelques Philosophes ne la croient. Il y a des hommes qui s’imaginent qu’avec une certaine étendue d’esprit, & de certaines vues, il ne faut pas croire comme le peuple. La Bruy. Le monde a des apparences bien trompeuses, ce n’est pas tout ce qu’on croit. Entre les sciences il n’y a que la Géométrie qui oblige à croire ses démonstrations.

Quoi ! le foible intérêt de ce qu’on pourra croire
D’une bonne action empêchera la gloire ! Mol.

Croire, signifie encore, suivre l’avis, le conseil de quelqu’un, déférer, se rapporter à quelqu’un. Si vous m’en croyez, vous n’entreprendrez point cette affaire. Mon droit est si bon, que j’en croirai qui l’on voudra. Il ne faut pas croire son sens, sa passion. Il ne faut pas quelque fois même croire à ses yeux.

Croire, en termes de Palais, signifie, Recevoir pour preuve, admettre à un serment en Justice. On ne croit point les simples allégations des Avocats, mais les preuves, les titres qu’ils rapportent. On doit en croire le serment du Défendeur.

Crue, ue. part. Il a les significations de son verbe.

On dit absolument au Palais, après qu’on s’est rapporté au serment de quelqu’un, qu’il viendra cru, c’est-à-dire, qu’il gagne sa cause en faisant son affirmation en Justice.

Croire. Etre du croire, demeurer du croire, c’est être garant à son correspondant pour les dettes que l’on contracte pour son compte, ou pour les Lettres de change qu’on lui remet.

CROISADE. s. f. Guerre entreprise par les Chrétiens pour recouvrer les Lieux Saints, ou pour l’extirpation de l’hérésie & du paganisme. Sacrum bellum, sacra crucis militia. On y alloit autrefois par dévotion, & ceux qui avoient dessein d’y aller se distinguoient des autres en mettant des croix de différentes couleurs sur leurs habits, suivant leur nation. Les François la portoient rouge, les Anglois blanche, les Flamands verte, les Allemands noire, & les Italiens jaune. On compte huit Croisades pour la conquête de la Terre Sainte. La première fut entreprise en 1055 au Concile de Clermont. La seconde en 1144 sous Louis VII. La troisième en 1188 par Philippe Auguste & Henri II. Roi d’Angleterre. La quatrième en 1195 par le Pape Célestin III. & l’Empereur Henri VI. La cinquième fut publiée en 1198 par ordre d’Innocent III. Les François, les Allemands & les Vénitiens se croisèrent. La sixième, sous le même Pape, commença tumultuairement en 1213, & finit en 1244 par la victoire des Corasmins sur les Chrétiens. La septième fut résolue au Concile de Lyon en 1245 ; c’est la première de S. Louis. La huitième, qui est la seconde de S. Louis, & la dernière de toutes, fut entreprise en 1268. Les Religieux de Citeaux formèrent le projet de ces Croisades : Philippe Auguste en sollicita l’exécution auprès du S. Siége, & Innocent III. leva le premier l’étendard de la Croix. Il fut ordonné au Concile de Clermont qu’on mettroit dans les drapeaux le signe de la Croix, & que ceux qui voudroient s’enrôler, le porteroient sur leur habit. L’usage le plus ordinaire fut de porter une croix d’étoffe sur l’épaule droite, ou au chaperon ; & c’est de là que vint le nom de Croisade.

C’est Pierre l’Hermite qui le premier prêcha la Croisade. Tous n’alloient pas aux Croisades pour la gloire de Dieu : les uns partoient pour accommoder leur dévotion à leurs intérêts, & les autres, pour ne passer pas pour des lâches. Chev. Voy. M. Fleury. Les Croisades ont été instituées d’abord pour aller conquérir la Terre-Sainte ; mais depuis, les Papes les ont employées contre les Infidèles & contre les Hérétiques. L’Abbé Justiniani dans son Historia de gl’Ordini milit. T. I, c. 20, fait un Ordre de Chevalerie des Croisés qui servoient dans les Croisades.

Vers le milieu du XIIe siècle il y eut une Croisade des Saxons contre les Payens du Nord, de laquelle les Chefs furent Frideric, Archevêque de Magdebourg, les Evêques d’Halberstat, de Munster, de Mersbourg, de Brandebourg, d’Havelberg & de Moravie, ou d’Olmuts, & l’Abbé de Corvei, avec plusieurs Seigneurs laïques. Vers le commencement du XIIe siècle de l’Eglise, sous le Pontificat d’Innocent III, & sous le règne de Philippe Auguste, l’hérésie des Albigeois devint si puissance dans le Languedoc & dans les Provinces voisines, que les Catholiques ne virent plus d’autre remède efficace à lui opposer que celui d’une Croisade. P. Langlois. Cet Auteur nous a donné en notre langue une Histoire exacte des Croisades contre les Albigeois, à Rouen 1703. Tout le monde sait que Maimbourg a écrit celle des Croisades de la Terre-Sainte.

Croisade, en termes d’Astronomie, est une Constellation qui est vers le Pôle Antarctique, composée de quatre étoiles disposées en croix, par le moyen de laquelle les Navigateurs peuvent trouver le Pôle Antarctique. Sydus crucis signum referens.

CROISAT. s. m. Espèce de monnoie d’argent, valant environ un écu & demi. Moneta signo crucis signata. Les Croisats se fabriquent à Gênes, & sont marqués d’un côté d’une Croix, & de l’autre ils ont une image de la Sainte Vierge.

☞ CROISE. adj. pris subst. Terme de Manufactures. Voyez Croiser.

CROISÉE. Fenêtre, grande ouverture qu’on laisse dans une muraille en l’élevant, pour éclairer les appartemens. Fenestra. On ne fait plus de croisée avec des méneaux, parce qu’ils défigurent tout un bâtiment ; c’est cependant de ces méneaux qui formoient une croix dans l’ouverture de la fenêtre qu’est venu le nom de croisée, que les fenêtres retiennent encore aujourd’hui : on les appelle en ce sens scapi per mediam fenestram projecti. Une croisée cueillie en plâtre. Une croisée partagée, est celle qui a 4. à 6. ou 8 jours. Croisée cintrée, est celle dont la fermeture est en plein cintre, ou en anse de pannier.

On appelle aussi croisée, le chassis de menuiserie qui sert à boucher cette ouverture, avec les vitres & les volets qu’on y applique. Cancelli.

Demi-Croisée, est une petite fenêtre qui n’a que la moitié de la largeur d’une croisée, ou fenêtre, quoiqu’elle en ait toute la hauteur. Media fenestræ pars.

Croisée, dans les Eglises, est cette représentation de croix qui se fait dans la voûte des grandes Eglises, quand les ailes sont élevées au milieu aussi haut que le chœur & la nef. Quatuor angulorum templi, junctura, commissura, positio. Ainsi on appelle croix le travers que forment les deux bras d’une Eglise bâtie en croix.

Croisée d’Ogives. Terme d’architecture. On appelle ainsi les arcs, ou nervures qui prennent naissance des branches d’ogives, & qui croisent diagonalement dans les voûtes Gothiques. Arcus decussatim trajecti.

Croisée de l’Ancre. Terme de Marine. C’est la partie de l’ancre qui en fait la croix, laquelle est soudée au bout de la verge ; c’est sur les bras, ou la croix de l’ancre que les deux pattes sont soudées. Pars extrema anchoræ in crucem conformata.

Croisée. Terme de Tisserand. C’est un entrelacement de fils bien serrés ensemble. Stamen ac subtegmen directo transversum.

Croisée. Terme de Danseur de corde. Ce sont quatre perches à quelque distance les unes des autres, croisées vers le haut, & sur lesquelles on bande la grosse corde sur laquelle on danse avec un contrepoids. Mettre les croisées, & bander la corde. Perticæ decussatæ.

Croisée, se dit de petits bâtons croisés au haut de la ruche, par dedans, autour desquels les abeilles font leur cire. Bacilli decussati.

Croisée. Terme d’Horlogerie. Rayons qui maintiennent le centre d’une roue.

Croisée. Terme de Couverturier. C’est un petit instrument de bois fait en croix, sur lequel sont montées les bosses de chardon, dont on se sert pour lainer une couverture. Les autres ouvriers en laine l’appellent une croix.

CROISELLE, ou CROISETTE. s. f. On appelle en France, Papier à la croiselle, une espèce de papier qui se fabrique à Marseille, & qui est principalement pour le commerce du Levant.

CROISEMENT. s. m. Terme de Maître d’armes. Le croisement consiste à mettre son épée en forme de croix sur l’épée de celui contre qui on se bat. Enses decussati. Faire un croisement d’épée. Liancourt.

Croisement. Terme de Physique. Action de se croiser, de se mouvoir en sens différent d’un autre mobile. Motus in diversa. Descartes n’a jamais expliqué la pesanteur & l’arrondissement des tourbillons que par les mouvemens du tourbillon & du reflux de la matière subtile aux pôles, & des pôles à l’équateur. Ce croisement n’a rien de convenable ni de naturel. Mém. pour les Sciences 1740 p. 1991.

Croisement. Terme de filage, ou devidage de soies. Cet apprêt se fait en passant, ou croisant les uns sur les autres, les dix ou douze petits fils dont on forme le premier fil de soie, qu’on destine à la fabrique des étoffes.

CROISER, v. a. Mettre une chose de travers sur une autre, en sorte qu’elle représente une croix, en la coupant ou traversant. Decussare, cancellare. Ces deux lignes, ces deux diamètres se croisent, c’est-à-dire, le traversent à angles droits, à angles aigus. Les fils de la toile, de la serge, se croisent, passent les uns sur les autres. Croiser les piques, les épées. Les Tailleurs croisent les jambes quand ils travaillent. Les Vanniers croisent les osiers. Les Jardiniers croisent les branches des espaliers, ce qui est quelquefois une beauté, & quelquefois un défaut. Les paresseux ont souvent les bras croisés.

☞ On dit aussi que deux chemins se croisent, pour dire qu’ils se traversent, que deux lignes se croisent, qu’elles se coupent.

Croiser, se dit aussi de ce qui traverse le chemin devant quelqu’un. Viam sectare in transeversum. Ces Cavaliers sont venus croiser le chemin pour nous reconnoître. Nous avons vu un sanglier qui a croisé notre route. On dit à la chasse, croiser les chiens, quand on traverse le chemin où ils courent.

Se Croiser se dit proprement de deux personnes qui vont l’une par un chemin & l’autre par un autre, en sorte que ces deux chemins soient traversés ou coupés perpendiculairement. De-là on l’a dit pour aller par des chemins opposés en quelque manière qu’ils le soient, ou par le même chemin, en le faisant en sens contraire. Ainsi l’on dit, le Courier du Pape & celui du Roi se sont croisés, c’est-à-dire, l’un allant & l’autre venant par la même route. Ils se sont croisés à Lyon, c’est-à-dire, qu’ils se sont rencontrés à Lyon, l’un allant & l’autre venant.

Croiser, se dit presque dans le même sens au figuré, pour dire, Se traverser les uns les autres, s’opposer à quelqu’un, se nuire mutuellement dans les mêmes vues, ou dans les mêmes prétentions. Sibi mutua adversari, obsistere, nocere. Ces deux rivaux se croisent, & se traversent par-tout. On a transporté ce verbe aux sentimens & aux Auteurs, pour signifier se contredire. M. Languet & quelques autres l’ont pris en ce sens. Ces deux Auteurs sont tellement opposés, qu’ils se croisent continuellement.

Croiser, signifie aussi, Rayer quelque partie d’une écriture, en la traversant avec un trait de plume en forme d’une croix. Lineas cancellatim inducere, scriptum aliquod cancellare. Ne faites pas fond sur la clause de ce contrat, il y a trois lignes de croisées, de rayées, de barrées.

Croiser. Terme de Palais & de Finance, signifie aussi Marquer quelque chose d’une croix, pour montrer qu’il y a quelque chose à redire, ou à refaire. Cruce aliquid signare. On a croisé cet arrêt, pour empêcher qu’on ne le délivrât, que le procès ne fût un peu mieux examiné. Quand on est appelant d’une taxe de dépens, le Procureur est poursuivi pour coter, & croiser, c’est-à-dire, marquer d’une croix les articles dont il est appelant. Croiser des dépens, en ce sens, c’est mettre des croix à côté des articles que l’on veut contester.

Croiser est aussi verbe n. & dans cette acception il se dit des vêtemens & des choses donc les côtés passent l’un sur l’autre. On dit qu’un rabat croise, qu’une camisole croise trop, ne croise pas assez.

Croiser, avec le pronom personnel, s’est dit du temps des guerres saintes, de ceux qui faisoient vœu d’y aller, qui se croisoient, & qui prenoient la marque d’une croix sur leurs habits. Sacram mlitiam profiteri, sacræ militiæ nomen dare. Philippe de Valois proposa à ses Sujets de se croiser, & commença lui-même à prendre la croix. De Prade.

Croiser, en termes d’Art Militaire, se dit de la conduite de la tranchée qui va en zigzag. Il ne faut pas s’éloigner des capitales prolongées, dont il faut renouveler les piquets de tems en tems, & les coëffer d’un bouchon de paille, même de quelque mèche allumée pendant la nuit, pour les reconnoître, afin de ne s’en pas éloigner, & de-là fréquemment croiser. Desprez de s. Savin.

Croiser, en termes de Marine, signifie, Rôder sur une côte, y faire diverses bordées & traverses ; aller & venir sur une mer pour la garder, & empêcher les Corsaires de piller les Marchands, de faire des descentes. Il se dit aussi des ennemis qui cherchent à pirater, & qui attendent les vaisseaux à l’entrée ou à la sortie des ports. Maria percurrere, obsidere ad eadem tutanda vel infestanda. L’armée a passé une partie de l’été à croiser sur les côtes de Barbarie.

En termes de Jardinage on dit qu’il fait se donner de garde de croiser les branches d’un arbre qui est en espalier, c’est-à-dire, de les faire passer les unes sur les autres. Une branche croisée a mauvaise grâce.

Croiser les soies. C’est les tordre légèrement par le moyen d’un moulin, ou métier à tirer les soies.

Croiser une étoffe. C’est la travailler à quatre marches, pour en serrer les fils, & faire ce qu’on appelle la croisure.

Croisé, ée. part. Il a les significations de son verbe, en Latin, comme en François.

Croisé, en termes de Blason, se dit du Globe Impérial, & des bannières chargées d’une croix. Cruce instructus.

Croisé, ée. En termes de Poësie Françoise, on appelle des rimes croisées ou des vers croisés, ceux dont les rimes sont alternées, comme dans les stances où elles sont éloignées & entremêlées, à la différence du poëme héroïque, de l’Elégie, & autres ouvrages qui ne souffrent point la croisure des vers.

Je ne sai si je dois par des rimes croisées
Construisant d’abord un quatrain,
Joindre de deux tercets les phrases reposées
Dans un terme égal & certain. La Motte.

M. Corneille dans l’examen de son Andromède dit : la diversité de la mesure & de la croisure des vers que j’y ai mêlée, me donne occasion de les justifier.

Croisé. En termes de Guerre on appelle feu croisé, quand on charge l’ennemi en tête & en queue, ou simplement quand l’ennemi se trouve entre deux feux.

Croisé, en terme de Danse, se dit des pas qui se font en allant de côté, soit à droit, soit à gauche. Passus, ou gradus obliquus. La cinquième position du corps est pour les pas croisés. Rameau.

Croisé. s. m. Celui qui est de la Croisade, qui a pris la croix pour aller faire la guerre aux Infidèles. Sacram militiam professus. Il alla au secours des Croisés.

Croiset. s. m. Terme populaire. Jour de l’Invention de la Sainte Croix le troisième de Mai. Ce mot ne se dit que dans ce proverbe du peuple. Georget, Marquet, Croiset & Urbinet sont des jours funestes aux biens de la terre par la gelée. Voyez au mot GEORGET.

CROISETTE, ou CROISILLE. s. f. Diminutif de croix. Ce mot n’a guère d’usage qu’en termes de Blason, où on voit souvent des Ecus semés de noisettes, ou de petites croix ; & les fasces ou autres pièces honorables chargées ou accompagnées de croisettes. Crux minor. Les croix mêmes aboutissent souvent en croisettes, & sont appelées alors croisettées & recroisettées.

CROISETTE. s. f. Cruciata. Plante qui a tiré son nom de la disposition de les feuilles. L’espèce la plus commune est celle qui est toute velue. Cruciata hersura. C. B. Ses racines sont menues, jaunâtres, & poussent plusieurs petites tiges carrées, velues, garnies à chacun de leurs nœuds de quatre feuilles disposées en croix, comme arrondies, velues, & des aisselles desquelles naissent des fleurs qui forment comme des verticilles. Ces fleurs sont fort petites, jaunâtres, d’une seule pièce découpée en quatre ou cinq parties. Le calice qui les soutient devient un fruit composé de deux très-petites semences rondes, & appliquées l’une contre l’autre. On met cette plante au nombre des apéritives & astringentes. Des Médecins la font passer pour une antiépileptique. Elle est très commune à la campagne.

Croisette. Terme de Marine. Quelques-uns appellent croisettes la clef ou les chevilles qui joignent & entretiennent le bâton du pavillon avec le mât qui est au dessus.

CROISETTE, ée. adj. Terme de Blason. On appelle croix croisettée, celle dont les quatre extrémités sont terminées par des croisettes.

☞ CROISIC, ou CROISIL (le). Petite Ville de France en Bretagne, dans le Pays Nantois : c’est un des ports de la Loire.

CROISIE. s. f. Crux. Vieux mot qui s’est dit en quelques endroits en parlant des croix qu’on fait sur des écritures, pour en contester quelques articles.

CROISIER. s. m. Nom d’un Ordre Religieux, qui est une Congrégation de chanoines Réguliers, qu’on appelle Croisiers, ou Porte-croix. Cruciatas, Cruciger. Il y a trois Ordres qui ont porté ou portent encore ce nom. L’un est d’Italie ; le second a pris son origine aux Pays-Bas, & le troisième en Bohême. Ils prétendent venir de S. Clet ; que S. Quiriace, Juif qui montra à Sainte Hélène le lieu de la vraie Croix, & qui se convertit, les réforma. Ce qu’il y a de certain, c’est que cet Ordre étoit établi en Italie avant qu’Alexandre III montât sur la chaire de Saint Pierre, puisque ce Pontife fuyant la persécution de l’Empereur Frédéric Barberousse, trouva un aide dans les Monastères des Croisiers, & après que l’Eglise fut en paix, l’an 1169, il renouvela cet Ordre, lui donnant une Règle & des constitutions, & le prenant sous sa protection. Pie V. l’an 1518, l’approuva de nouveau, & confirma les privilèges. La discipline régulière s’y étant encore astoiblie, Alexandre VIII le supprima tout-à-fait en 1656. Ils avoient la qualité de Chanoines Réguliers, la Règle de Saint Augustin, & cinq Provinces toutes en Italie, celle de Boulogne, de Venise, de Rome, de Milan & de Naples. Ils étoient aussi Hospitaliers.

M. Allemand, dans son Hist. Mon. d’Irlande, dit qu’il y avoit quatorze Monastères de Croisiers en Irlande, & qu’ils étoient venus de ceux d’Italie, puisque ceux de France & des Pays-Bas ne les reconnoissoient point pour membres de leur Ordre. D’autres croient qu’il y a lieu d’en douter.

Mathieu Paris dit que des Croisiers, ou Religieux Porte-croix, portant des bâtons au bout desquels il y avoit une croix, vinrent en Angleterre en 1244, se présenter au synode que tenoit l’Evêque de Rochester, pour être reçus. Dodfworth & Dugdale, dans le Monasticon Anglicanum, parlent de deux Monastères de cet Ordre en Angleterre, l’un à Londres, l’autre au Bourg de Rigat, celui-ci fondé en 1245, & l’autre en 1298. Ils en avoient encore un à Oxfort, où ils furent reçus en 1349. Ces trois maisons ont subsisté jusqu’au schisme.

Croisiers de France & des Pays-Bas, qu’on nomme aussi de Sainte-Croix, & à Paris de Sainte Croix de la Bretonnerie, autre Congrégation de Chanoines Réguliers fondée sous le Pontificat d’Innocent III, l’an 1211, par Théodore de Celles, fils du Baron de Celles, issu des Ducs de Bretagne. Le P. Verduc, Religieux de sainte-Croix, qui a écrit la vie du Pere Théodore, dit que ce jeune Baron s’étant croisé en 1188, & ayant été servir en Palestine, il y connut de ces Croisiers, institués, à ce que l’on prétend, par S. Clet, & conçut dès lors le dessein d’en instituer une Congrégation dans son pays. Ce qu’il y a de certain, c’est que Théodore, étant retourné de Palestine, fut engagé dans l’Etat Ecclésiastique par Raoul Evêque de Liège, qu’il alla en qualité de Missionnaire à La Croisade contre les Albigeois, qu’étant retourné en son pays en 1211, l’Evêque de Liège lui donna l’Eglise de Saint Thibault, située sur une collinne appelée Clairlieu proche de la ville d’Huy, que ce fut là qu’avec quatre compagnons il jeta les fondemens de son Ordre, qu’Innocent III & Honorius III, confirmèrent. Théodore envoya de ses Religieux à Toulouse qui se joignirent à Saint Dominique, pour combattre les Albigeois ; & cette Congrégation s’établit & se multiplia depuis en France. Les Papes ont voulu soumettre les Croisiers d’Italie à ceux de Flandre, dont le Général fait ordinairement sa résidence à Clairlieu, qui est le Chef-d’Ordre.

Ces Religieux portoient dans le commencement une soutane noire avec un scapulaire gris, & par dessus une grande chape noire avec un grand capuchon : ils changèrent la soutane noire en blanche, par une Bulle de Clément VIII ; & sur la fin du dernier siècle ils changèrent encore leur habillement, qui consiste à présent en une soutane blanche & un scapulaire noir chargé sur la poitrine d’une croix rouge & blanche. Lorsqu’ils sont au chœur, ils ont l’été un surplis avec une aumusse noire ; & lorsqu’ils vont en ville, ils mettent un manteau noir comme les Ecclésiastiques. Ils mettent encore dans quelques Provinces le surplis sur le capuchon, & le capuchon à la tête au lieu de bonnet carré ; &, en mémoire de leur ancien habillement, les Novices portent la soutane noire pendant deux mois.

Croisier, ou Porte-croix avec l’étoile. Autre Congrégation de Chanoines Réguliers de Sainte-Croix établis en Bohême, qui prétendent faire remonter leur origine jusqu’au temps de Quiriace, puisqu’ils disent qu’ils sont venus de Palestine en Europe, où ils ont embrassé la règle de S. Augustin, qu’ils bâtirent plusieurs Monastères ou Hôpitaux, entre autres celui de Sorzik proche de Prague ; que la bienheureuse Agnès de Bohème en tira des Religieux pour fonder celui de Prague ; & qu’afin que ces Croisiers fussent distingués des autres, cette Princesse obtint d’Innocent IV, qu’ils ajouteroient une étoile à la croix qu’ils portent. Mais ce que l’on dit de S. Quiriace n’est point fondé ; c’est la bienheureuse Agnès, fille de Primislas, ou d’Ottocare I, Roi de Bohème, qui institua cet Ordre à Prague en 1234, & leur donna l’hôpital qu’elle y fonda auprès du pont. Ils ont maintenant deux Généraux, l’un à Prague, auquel une partie obéit, & l’autre à Breslaw, auquel une autre partie des Croisiers de Bohême, & ceux de Pologne & de Lithuanie sont soumis. Voyez les Bollandistes dans la vie de la bienheureuse Agnès, T. I. de Mars, p. 518, &c. Voyez aussi sur tous ces Croisiers, l’Hist. des Ord. Mon. & Relig. P. II, C. 35.

Croisier avec le Navire. Le P. Anastase de S. Agnès, Augustin Déchaussé, fait mention de certains Religieux Croisiers en Bohême, qui ont sur le côté gauche un navire, & qu’il dit avoir été établis en 1400. Pontanus parle aussi de ces Croisiers avec le navire, qui, dit-il, ont trois maisons en Bohême. V. l’Hist. des Ordr. Mon. & Relig. P. II, C. 35. Pontanus, Bohemia Sacra.

CROISIÈRE. s. f. en termes de Marine, est une certaine étendue de mer, où les vaisseaux vont croiser & faire des courses. Infestæ piratis oræ. Statio, locus observationis. Cette frégate semble avoir établi sa croisière depuis Livourne jusqu’à Nice. Gazette, 1740, p. 530. Dès que le temps fut plus calme, je revins sur ma croisière. Forbin. En revenant sur ma croisière, j’eus ordre de retourner à Cadix. Idem. Etre en bonne croisière, c’est être en un bon endroit pour attendre les vaisseaux & pour les attaquer. Vaisseaux en croisière, sont des vaisseaux qui sont dans le parage qu’on doit ou qu’on veut tenir pour croiser.

CROISILLE. s. f. Terme de Cordier. Petite pièce de bois taillée en portion de cercle, qui est sur le rouet des trieurs, & qui porte les molettes.

Croisille. Terme populaire. Petite croix. Crucicula.

CROISILLON. s. m. Le bras, le travers d’une croix. Crucis brachia.

Croisillon, est aussi une partie, soit de pierre, soit de bois, qui sépare une croisée en deux par sa hauteur & par sa largeur. Fenestræ transversus scapus. Il signifie aussi une demi-croisée. On appelle croisillons de chassis, de petits morceaux de bois croisés qui séparent les carreaux d’un chassis de verre.

CROISOIRE, qu’on nomme aussi quelquefois peigne. Instrument de fer ou de bois, dont on se sert pour faire, sur les galettes de biscuit de mer, diverses façons en forme de croix.

CROISSANCE. s. f. Augmentation qui se fait de la taille ou de la hauteur des animaux, ou des arbres, jusqu’à un certain âge. Accretio, incrementum, accrementum. On pardonne aux jeunes gens, s’ils mangent beaucoup, jusqu’à ce qu’ils aient pris leur croissance. Les chênes sur leur retour ne sont plus en état de croissance.

Ce mot vient de crescentia, qu’on forme de crescere. Il vieillit un peu dans le propre, & dans le figuré, il est suranné. C’est un jeune esprit qui n’a pas encore pris toute sa croissance. L’amour & l’estime que j’ai pour vous, ont déjà pris toute leur croissance. Costard.

On appelle aussi croissances, certaines herbes congelées qui se prennent sur les rochers, & dans la mer, dont on orne les grottes. Il y a de ces croissances qui sont en forme de crête-de-coq, qu’on appelle croissances des Indes. Elles sont un très-bel effet.

☞ CROISSANT. s. m. La figure de la nouvelle Lune, jusqu’à son premier quartier. Elle présente alors un petit rayon de lumière aboutissant en pointe. Luna crescentis cornua.

On appelle improprement croissant, la même figure de la lune en décours ; mais alors les pointes sont tournées du côté de l’Occident, au lieu qu’elles sont du côté de l’Orient pendant le croissant. Voy. Lune.

Avant que les Turcs se fussent rendus maîtres de Constantinople, & de toute antiquité, la ville de Byzance avoit pris un croissant pour symbole, comme il paroît par les médailles des Byzantins, frappées à l’honneur d’Auguste, de Trajan, de Julia Domna, de Caracalla.

Croissant, se dit aussi de ce qui a la figure de cette nouvelle lune. Ainsi S. Amand a dit d’un fromage.

Pourquoi toujours s’appetissant,
De lune devient-il croissant ?

Croissant, se dit figurément & poëtiquement de l’Empire du Turc, qui a un croissant en ses armes, & qui le fait mettre sur tous les toits & lieux élevés, comme nous mettons les girouettes en Occident. Turcicum Imperium cujus luna crescens insigne est. Faire pâlir le Croissant. Boil. C’est-à-dire, Epouvanter les Turcs.

Croissant, est aussi un instrument tranchant, & fait en arc, dont se servent les Jardiniers pour tondre leurs palissades. Falcis genus crescentis in morem lunæ conformatum. On le dit aussi des autres ferremens taillés de cette manière, comme ceux qui servent à tenir la garniture du feu dans une cheminée.

On donne le même nom aux branches recourbées de fer ou de cuivre ordinairement doré, dont on se sert pour arrêter les portières & les rideaux de fenêtres.