Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/151-160

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Fascicules du tome 3
pages 141 à 150

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 151 à 160

pages 161 à 170


DÉCOUPEUR, EUSE. Celui, celle qui travaille en découpure.

☞ On appelle particulièrement Découpeur, l’ouvrier qui travaille à découper les étoffes, & former divers desseins, avec des fers destinés à cet usage. Peritus incidendi artifex.

☞ On appelle Découpeuse, parmi les Gaziers, une ouvrière occupée à couper les fils de la trame, qui, quand sa gaze figurée est faite, remplissent les intervalles des fleurs entre elles. Encyc.

DÉCOUPLE. s. m. Terme de chasse. Le découple est quand on lâche & découple les chiens après la bête au laisser courre.

DÉCOUPLER. v. a. Terme de Vénerie. Détacher des chiens couplés deux à deux avec un couple de crin, particulièrement pour les lâcher après le gibier. Canes venaticos abjungere, canibus copulam eximere. Quand on fut arrivé au rendez-vous, on découpla les chiens, & absolument, on découpla.

On dit substantivement, le découpler ; pour dire, le détachement des chiens couplés. Au premier découpler.

Découpler, sur les rivières, c’est délier les batteaux qui sont en trait, quand on passe un pont.

Découpler, se dit figurément des gens qu’on lâche après quelqu’un qui s’enfuit, ou qu’on emploie dans la poursuite de quelque affaire. Emittere, immittere. On a découplé après ce criminel deux Exempts qui l’auront bientôt attrapé. Comment voulez-vous que je vous serve ? Découplez-moi quand vous jugerez que je doive courir. S. Aignan. Il n’est que du style familier.

Découplé, ée. part.

On dit d’un jeune homme de belle taille, qu’il est bien découplé. Ad rem gerendam paratus.

☞ DÉCOUPOIR. s. m. Ciseau dont se servent les ouvrières qui découpent la gaze, Voy. Découpeuse.

DÉCOUPURE. s. f. Taillades faites sur les étoffes pour imiter ou tenir lieu de dentelle, ou de broderie. Incisio. On le dit aussi des diverses manières de tailler proprement le parchemin ou le papier, pour faire des colifichets. On donne aussi le nom de découpure à la chose découpée.

Est-il permis de se flatter
Qu’un bijou, qu’une découpure,
Aura de quoi vous contenter ? P. De Courbeville.

Découpures. s. f. pl. On appelle ainsi certaines taches ou défauts qui se trouvent dans le fer. Ce sont de petites fentes qui vont au travers des barres.

DÉCOURABLE. adj. Vieux mot. Qui s’échappe aisément du lieu où il a été mis. Il se trouve au figuré dans un Traité des Amortissemens francs & nouveaux acquêts, & l’Auteur l’y emploie en parlant de la mémoire, pour dire, labile. La mémoire de l’homme est fort fluxible & décourable.

DÉCOURAGEMENT. s. m. Perte, abatement de courage. Animi infractio. Dans ce découragement, le Roi ne voulut pas le gourmander. Vaug. Un Négotiant qui a du flegme & de la patience, fatigue les autres, & les pousse jusqu’au découragement, pour les conduire au point où il les souhaite. La Bruy. Voyant le découragement des soldats, il leva le siége.

DÉCOURAGER, v. a. Oter, faire perdre le courage. Alicujus animum frangere, infringere. Les mauvais succès qui viennent d’abord découragent les gens. ☞ La perte de la bataille découragea le soldat.

Décourager, signifie quelquefois faire perdre l’envie, le courage de faire quelque chose. Le peu de cas qu’on a fait de son dessein, l’a découragé de continuer. Ses amis l’en ont découragé. Je n’aimerois pas cette façon de parler. Je dirois dégoûter, dissuader, &c. suivant les différens cas.

Découragé, ée. part. Infractus animo.

DÉCOURS. s. m. Diminution de lumière qui se fait tous les mois dans le cours de la lune, quand elle se rapproche du soleil, c’est-à-dire, pendant le tems qu’elle passe de l’opposition à la conjonction. Décroissement de la lune. Decrescentia, decrescens luna, senescens. La lune, après son plein, entre en son décours. On a observé que Vénus avoit son décours comme la lune, qu’elle paroissoit avec des cornes. Voyez Lune.

C’est une erreur populaire de croire que les os sont vides de moelle pendant le décours de la lune. C’est une autre erreur d’imaginer que l’on doit avoir égard à la pleine lune & au décours pour planter, semer & tailler les arbres. On étoit autrefois si scrupuleux pour le temps précis de la taille des arbres, qu’on n’osoit y travailler que dans le décours des lunes de Février & de Mars. La plupart des Jardiniers auroient cru tout perdu, s’ils s’étoient écartés de cette routine ; on est aujourd’hui détrompé sur ce point, comme sur bien d’autres concernant le Jardinage.

Décours. Il se dit aussi du déclin des maladies. Le mal étoit en son décours. Acad. Fr.

Ce mot vient de decursus.

DÉCOUSURE. s. f. L’endroit décousu de quelque étoffe, destruction, de l’assemblage appelé couture. Disjunctio, dissolutio. Ce n’est pas là un acroc, ce n’est qu’une décousure.

On appelle aussi, en termes de Chasse, décousures, les plaies que les sangliers font aux chiens avec leurs défenses. Saln. Vulnus aprugno dente infixum cani.

Découvert, erte. part. adj. Il a les significations du verbe. Apertus, detectus, patefactus, indagatus. Un homme qui est découvert, c’est-à-dire, sans chapeau. Pays découvert, où il n’y a point d’arbres ni d’ombre, comme en Arabie. Secret découvert. Terre nouvellement découverte. Maison découverte par les vents, &c. Ceux qui attaquent la Religion ne se montrent pas tous à visage découvert. S. Evr. Sa gorge étoit à demi découverte. B. Rab.

☞ Dans la décoration des jardins, on appelle allée découverte celle dont les arbres ne se joignent pas par en haut.

Découvert, en termes de Manufactures de lainerie, se dit d’un drap, dont le poil est bas & court, pour avoir été tondu de trop près, ou pour n’avoir pas été assez garni de laine avec le chardon.

En termes de Musique, partie découverte, est une partie dont les sons sont les plus hauts, ou les plus bas de toute la composition. Le son le plus haut, c’est-à-dire celui qui fait la quinte, ou qui termine l’accord en haut, s’appelle partie découverte. Brossard. Sonus exclusus, ou summus. Il faut dire la même chose du son qui termine l’accord en bas.

A DÉCOUVERT. adv. Sans être couvert. Sub dio, aprico in loco. Se promener à découvert.

A découvert, tout à découvert, se dit dans le même sens, en termes de guerre, pour être exposé au feu des ennemis, sans que rien puisse mettre à couvert, en garantir. Cette place fut insultée ; on alla se loger sur la contrescarpe tout à découvert, sans faire de tranchée ni d’épaulement. Quand on eut abbatu les défenses & les parapets de cette place elle se rendit, parce qu’elle étoit à découvert. Voy. découvrir.

☞ On le dit au figuré, pour dire sans déguisement, sans ambiguïté. Palam, apertè. Il lui reprocha sa lâcheté hautement & tout à découvert.

A découvert. adv. en termes de Musique & d’instrumens à corde, on appelle à découvert, lorsqu’on pousse ou qu’on tire l’archet sans poser les doigts sur les cordes ni sur les touches. Les Maîtres de musique qui enseignent à jouer des instrumens à corde, nomment à leurs écoliers commençans les notes qu’ils doivent jouer, & sur quelle touche ou corde ils doivent poser le doigt. Mais lorsqu’il ne le faut poser sur aucune, ils leur disent à découvert.

On dit en termes de Palais, & sur-tout en matières de retrait lignager, qu’on fait des offres de remboursement & de loyaux coûts ou deniers à découvert. Pecunia præsens. Pour dire, en deniers réels & comptans.

DÉCOUVERTE. s. f. Action par laquelle on découvre quelque chose, un trésor, une mine, les ennemis, un pays qui n’est pas connu. Investigatio. On a envoyé des coureurs à la découverte des ennemis. Le Roi Emanuel de Portugal commanda des navires pour la découverte d’un chemin des Indes par l’Occident. Faire la découverte d’un pays. Ab. Envoyez à la découverte. Id. Travailler à la découverte des secrets de la nature.

En termes de Marine, être à la découverte, c’est être en sentinelle au haut du mât. Excubare, in excubiis esse. Envoyer un bâtiment à la découverte, c’est envoyer un bâtiment pour voir où est l’ennemi, ou s’il n’y a point de corsaires cachés quelque part. Aller à la découverte dans les garnisons, c’est aller environ à une lieue de la place, pour voir ce qui se passe dans la campagne, & y arrêter tout ce qui paroît suspect, soit espions ou partis ennemis, lorsqu’on en est le maître. A l’armée, aller à la découverte, c’est aller apprendre des nouvelles de l’ennemi.

Découverte, est aussi un terme de Maître d’armes. Elle consiste à se découvrir & à donner jour à son ennemi. Apertus latus, pectus. Attirer son ennemi par des découvertes. Liancourt.

Découverte s’applique aussi généralement, & dans un sens figuré, à tout ce qu’on trouve de nouveau dans les Arts & dans les Sciences, & plus particulièrement à ce qu’on trouve de curieux ou d’utile, ou de difficile, ou qui a au moins un de ces trois avantages. On donne le nom d’invention à ce que l’on trouve de plus important. Inventio, inventum. Les Modernes ont fait de grandes découvertes dans les Sciences, que les Anciens avoient ignorées. La connoissance de la pesanteur de l’air est une belle découverte. Sans l’invention des lunettes on ne seroit jamais parvenu à la découverte des satellites de Jupiter & de Saturne. Il faut plus d’effort d’esprit pour ajouter aux premières découvertes, que pour les faire. Font. Le danger des richesses est une découverte de la raison, mais une découverte perfectionnée par la Religion. Roy.

Autrefois on disoit découverture. Ce mot est aujourd’hui tout-à-fait barbare.

DÉCOUVRIR. v. a. Je découvre, je découvrois, j’ai découvert, je découvrirai, que je découvre. Oter le couvercle, la couverture, le rideau, en général ôter ce qui couvre, ce qui empêche de voir quelque chose. Aperire, retegere, detegere. On a découvert le lit, cette boîte, pour les mettre à l’air. On découvre les Saints, quand le Carême est passé. On découvre la chasse de Sainte Geneviève. On dit aussi que le Ciel se découvre, quand il devient clair & serein. Aperitur.

Ce mot vient du latin discooperire. Du Cange.

Découvrir, signifie aussi, montrer une chose qu’on doit cacher, ou en laisser trop voir. On ne le dit guère que des femmes. Nudare. Cette femme découvre trop son sein.

Découvrir, avec le pronom personnel, signifie, Oter son chapeau. Aperire caput. Il faut se découvrir par-tout où est le Roi.

Découvrir se dit dans le même sens en Architecture & en jardinage, pour ôter ce qui couvre, mettre à l’air. On découvre une maison pour l’abattre. Après les grands froids un Jardinier découvre ses melons, il ôte les cloches, & les paillassons qui les couvroient.

Découvrir, en termes de Chirurgie, se dit des parties du corps qu’on décharne jusqu’à l’os, pour voir s’il n’est point offensé, ou carié. Nudare. Cette plaie est bien douloureuse, il a fallu découvrir jusqu’à l’os.

Découvrir la frontière, en termes de guerre, c’est la dégarnir de troupes, retirer les garnisons, raser les places qui la couvrent.

☞ On dit d’un homme qui s’expose trop aux coups de l’ennemi dans une tranchée ou ailleurs, qu’il se découvre trop.

☞ Une ville est découverte, quand les fortifications sont abbatues, ou quand les places qui la couvrent sont prises par l’ennemi, ou démolies.

Découvrir, se dit aussi pour reconnoître le pays, l’ennemi. Investigare, speculari. On a envoyé des batteurs d’estrade pour découvrir les ennemis, leur marche, les lieux circonvoisins.

☞ En termes d’Escrime, se découvrir, c’est n’être pas bien en garde, donner trop de prise à son adversaire. Nudare. Cet homme se découvre trop. Cet autre est toujours en garde, il ne se découvre jamais. Se découvrir sur les armes, se découvrir au dedans des armes. Aperire iaïus, pectus, obdere latus apertum. Liancourt.

☞ Cette expression a été transportée à certains jeux, & est d’usage lorsqu’un des deux joueurs a un jeu avancé & peu serré, qui donne une entrée facile à son adversaire, & le met en état de le battre en ruine.

☞ Ainsi l’on dit aux échecs découvrir une pièce pour dire, la dégarnir de celles qui devroient la couvrir & la défendre.

☞ On dit dans un autre sens découvrir une pièce, sa dame, sa tour, pour dire, la dégager de ce qui l’empêchoit d’agir.

☞ Au jeu de trictrac, découvrir dame, c’est laisser une dame seule dans une case, en sorte qu’elle peut être battue, & dans ce sens on dit découvrir son jeu, se découvrir.

☞ Aux jeux de cartes, découvrir son jeu, c’est montrer ses cartes ou les laisser voir. Expression qui, transportée au figuré, signifie se laisser pénétrer, donner à connoître ses desseins & les moyens qu’on doit employer pour les exécuter.

Découvrir, en termes de Marine, se dit absolument & neutralement pour se découvrir, se montrer, paroître. Apparere, extare, videri, conspici. Cette côte n’est que montagnes & rochers ; les uns paroissent, les autres découvrent de basse mer seulement. Denys, P. I. C. 7. Toute cette baie est pleine d’écueils, dont la plus grande partie découvre de basse mer. Id.

Découvrir, se dit presque en même sens de ce qu’on apperçoit de loin, de ce qu’on commence à voir. Procul videre, prospicere. Dès que je découvris ces Cavaliers, je me doutai que c’étoient des voleurs. Quand on a passé la Ligne, on découvre de nouvelles étoiles. Quand les Mariniers découvrent terre, ils jetent la sonde, & vont à voiles basses. Ce voyageur commençoit à découvrir les hautes montagnes d’Arménie.

Découvrir, signifie encore, trouver quelque chose de nouveau, de secret, qui nous étoit auparavant inconnu. On le dit en ce sens des mines, des carrières, des pays qui n’avoient pas été connus, & des nouvelles connoissances que l’on acquiert dans les Arts & dans les Sciences. Indagare, invenire, investigare. On découvre tous les jours de nouvelles mines aux Indes, de nouveaux secrets dans les Sciences, dans la Médecine, dans les Méchaniques. Ce fut Christophe Colomb qui découvrit le premier l’Amérique. Harvée, Médecin Anglois, a découvert la circulation du sang. Voyez Découverte.

Découvrir le bois, c’est lui donner la première ébauche avec le fermoir avant que de le raboter. Lignum decidere.

Découvrir, dans un sens figuré, signifie parvenir à connoître ce qui étoit tenu caché. Patefacere. Découvrir une conjuration, les desseins de quelqu’un. On a découvert tout le mystère, toute l’intrigue de cette affaire.

Découvrir, considéré comme synonyme à déclarer, révéler, manifester, signifie faire connoître ce qui étoit ignoré, mais avec cette différence, dit M. l’Abbé Girard, que découvrir c’est montrer, soit à dessein, soit par inadvertence, ce qui avoit été caché jusqu’alors. Aperire. Recludere. Les confidences découvrent ordinairement les intrigues. Un rapporteur ne doit point découvrir son sentiment à ceux qui le sollicitent. On découvre son cœur à son ami.

☞ On dit qu’un homme se découvre trop, pour dire qu’il donne trop à connoître ses secrets, ses affaires, ses sentimens.

J’aime un esprit aisé qui se montre, & qui s’ouvre,
Et qui plaît d’autant plus, que plus il se découvre. Boileau.

L’amour dans sa prudence est toujours indiscret ;
Le soin de se cacher découvre ce qu’il cache. Corn.

On dit proverbialement, Découvrir le pot aux roses, pour dire, qu’on a fait voir le secret d’une affaire où il y avoit quelque turpitude. Patefacere. On dit aussi, Découvrir S. Pierre pour couvrir S. Paul, pour dire, ôter à l’un pour donner à l’autre.

DÉCRASSER, v. a. Oter la crasse du corps, d’un habit, d’un tableau. Aliquem squalore, sordibus purgare, sordes detergere. On fait de la pâte d’amande pour se décrasser les mains.

On le dit aussi figurément, mais dans le style familier seulement. On n’a jamais pu décrasser cet homme-là, lui ôter la crasse du Collège, de la Province ; le polir. Alicujus mores expolire. On dit d’un homme de basse extraction qui a acheté une charge considérable, qu’il l’a achetée pour se décrasser, pour dire qu’il a acheté sa charge afin de se donner quelque distinction. Acad. Franc.

Décrasser un cuir. Terme de Corroyeur. C’est ôter tant du côté de chair que du côté de fleur, avec une pontelle ce qu’il peut y avoir de trop de suif, d’huile, & autres matières qu’on a employées pour le préparer.

☞ Dans les différens Arts, décrasser exprime l’action d’épurer les matières, & d’ôter les saletés qui les rendent défectueuses.

Décrassé, ée. part. Il a les significations du verbe.

DÉCRÉDITEMENT. s. m. L’action de décréditer, perte de crédit. Gratiæ, auctoritatis minutio, imminutio. La manière dont on se récrie sur quelques-uns qui se distinguent par la bonne foi, le désintéressement & la probité, n’est pas tant leur éloge, que le décréditement du genre humain. La Bruy.

☞ DÉCREDITER. v. a. Expression usitée dans le commerce. Oter le crédit, faire perdre le crédit à quelqu’un. Voyez crédit. Le moindre soupçon de banqueroute décrédite un Banquier. La mauvaise foi décrédite un Marchand.

Décréditer, se dit plus souvent au figuré, pour faire perdre à quelqu’un l’estime, la considération où il étoit. Voyez Crédit pris au figuré. Alicujus gratiam, auctoricatem, existimationem miuuere, imminuere, detrahere alicui. Il ne faut qu’une lâche action pour décréditer un homme de guerre pour toute sa vie. Les personnes de bon sens ont fort décrédité les équivoques. Bouh. Un méchant livre décrédite un Auteur. La honte de céder à des ennemis tant de fois vaincus, & la crainte de décréditer les armes de l’Empire, le déterminoient à combattre. Flech. La vie d’Epicure a été attaquée pour décréditer plus facilement ses opinions. S. Evr. Les bienfaits que j’ai reçus de vous décréditent les louanges que je vous donne. Boil.

Décréditer, est aussi réciproque. Se décréditer, perdre soi-même son crédit, par sa mauvaise conduite ou par des accidens qui dérangent la fortune & font perdre la confiance publique. On le dit aussi au figuré. Il ne disoit rien de sa disgrace à sa belle, de peur de se décréditer en montrant son malheur. B. Rab. Existimationem perdere, amittere.

☞ On dit d’une opinion qui a été fort en vogue & qui commence à n’avoir plus de cours, qu’elle commence à se décréditer, & d’une chose qui a été fort à la mode, & dont on est revenu, qu’elle est décréditée.

Décrédité, ée. part. pass. & adi. Imminutus existimatione, gratiâ. Un homme décrédité est celui qui ne trouve plus à emprunter la moindre somme. Une boutique décréditée est celle ou l’on ne voit plus de chalands.

On dit aussi qu’une chose est décréditée, quand elle n’est plus de mode.

DÉCRÉPIT, ite. adj. Qui est fort vieux, fort cassé, usé, dont tout le corps est dans un état de desséchement. Decrepitus, senio confectus. C’est un vieillard décrépit, qui n’est plus capable d’aucune affaire. Amour d’un mois, est amour décrépite. Des-Houl. Remarquez qu’on dit décrépites au pluriel dans le masculin. Ce sont tous vieillards décrépites. Age décrépit. Vieillesse décrépite.

DÉCRÉPITATION. s. f. Terme de Chimie. Calcination du sel qu’on continue jusqu’à ce que le sel ne pétille plus. Ustio, exustio. Il se dit aussi du bruit ou du pétillement que certains sels font pendant qu’on les calcine. Crepitus.

DÉCRÉPITER. v. a. Terme de Chimie. C’est faire sécher le sel commun, le calciner jusqu’à ce qu’il ne pétille plus étant mis au feu, en sorte que toute son humidité soit exhalée. Torrere, exurere.

Décrépiter, est aussi neutre, & signifie pétiller, faire du bruit. Quand on jette du sel marin dans le feu, il décrépite, & ce pétillement s’appelle décrépitation. Les cristaux de sel de succin décrépitent sur les charbons ardens. Hist. de l’Acad. des Sc. 1742. 49.

Décrépité, ée. adj. Terme de Chimie. Se dit du sel privé de l’eau de sa cristallisation & réduit en poudre, ou en petits éclats. Du sel marin décrépité.

DÉCRÉPITUDE. s. f. Vieillesse extrême & infirme ; état de desséchement de tout le corps. Age décrépit, ou vieillesse décrépite. Ætas decrepita, summa. Tithon parvint à une telle décrépitude, qu’il fut changé en cigale. Bens. La Sibylle de Cumes étoit parvenue jusqu’à la dernière décrépitude. Ragois met. Balzac se moquoit de ceux qui se servoient de ce mot. Peut-être n’étoit-il pas suffisamment établi de son temps.

☞ DÉCRET. s. m. Ce mot dans sa signification la plus étendue signifie la même chose que jugement, ordonnance d’une puissance supérieure pour en régler une inférieure. Decretum. Les causes secondes ne font qu’exécuter les décrets de la Providence éternelle. Le commerce éternel entre l’ame & le corps n’a point d’autre lien que l’efficace des décrets divins. Maleb. Les décrets des Conciles sont les loix qui réglent la doctrine & la police de l’Eglise.

Le mot de décret s’est dit d’abord chez les Jurisconsultes, de tout ce qui avoit été ordonne par le Prince en connoissance de cause ; mais depuis, ce nom a été seulement donné aux réglemens & ordonnances des Papes, comme on a donné le nom de Canons à ce qui a été ordonné par les Conciles.

En ce sens en appelle Décret, la première partie du Droit Canon. Gratien, qui a vécu tous le Pape Eugène III. en 1155. a fait une compilation des Canons des Conciles, des Avis & Sentences des Pères de l’Eglise, & de plusieurs Rescrits des Papes, qui sont les loix suivant lesquelles l’Eglise est gouvernée. Cette collection est intitulée, La concordance des canons discordans. Avant lui, Burchard de Wormes, & Yves de Chartres, Anselme de Luques, & autres, en avoient fait d’autres Compilations, mais plus imparfaites. Le Décret est divisé en trois parties. La première contient 108 distinctions, la seconde 36 causes, & la digression sur la penitence, contenue dans la seconde partie, est divisée en sept distinctions : la troisième contient cinq distinctions. La raison de cette dénomination vient de ce que Gratien s’applique dans la première & troisième partie de son décret à accorder les antilogies des Canons, & à distinguer leur vrai sens. Il faut le lire avec beaucoup de précaution ; les citations n’en sont pas toujours assez exactes. Pasq. M. Le Pelletier, Ministre d’Etat, fit faire en 1685. à Paris une fort belle édition du Décret en deux volumes in-fol. sur les manuscrits de MM. Pithou qui ont revu fort exactement le Décret sur les anciens exemplaires, & qui ont fait des Notes, qui se trouvent dans cette édition.

On appelle Ecole du Décret, le lieu où le Droit Canon est enseigné. Schola Juris Canonici.

Décret, en termes de Palais, est une sentence ou ordonnance que le Juge rend en connoissance de cause concernant la procédure & l’instruction. Mais ce mot ne s’emploie qu’en deux occasions. La première, en matière criminelle, quand un Juge met son ordonnance au bas des informations, qui porte que l’accusé sera tenu de se présenter pour subir l’interrogatoire, comme il arrive quand le cas est léger, ou bien qu’il sera ajourné personnellement, ou bien enfin qu’il sera pris au corps, quand le cas est énorme, & qu’il y échet peine afflictive : ce qui fait qu’il y a trois sortes de décrets en matière criminelle, le décret d’assigné pour être ouï, le décret d’ajournement personnel, & le décret de prise de corps. Voyez ces mots. Un décret de prise de corps, & le décret d’ajournement personnel, emportent interdiction des fonctions de la charge de celui qui est Officier ; mais non pas le décret d’Assignation pour être ouï. La seconde, en matière civile, quand pour purger les hypothèques qui sont sur un héritage vendu en justice le Juge déclare que toutes les formalités requises pour y parvenir ont été observées, & adjuge l’héritage franc & quitte au dernier enchérisseur, & pour cela il y interpose son décret ou autorité. Ainsi un décret en France est un jugement par lequel un héritage est adjugé aux créanciers. On ne peut maintenant acheter surement aucune terre, qu’elle n’ait été passé par décret, qu’à la charge du décret. Le décret ne purge pourtant point les douaires. Il y a long-temps que cette terre est en décret, qu’on en poursuit l’adjudication.

Les décrets en matière civile se divisent en décrets forcés & en décrets volontaires : les décrets forcés se font malgré le débiteur, à la diligence des créanciers : les décrets volontaires se font en conséquence d’un contrat de vente, à l’effet de purger les hypothèques, pour la sureté de l’acheteur. L’appel d’un décret nécessaire, ou forcé, dure trente ans : l’appel d’un décret volontaire dure dix ans entre majeurs qui sont présens, & vingt ans s’ils sont absens. Pour être instruit de ce qui regarde la matière des décrets, il faut voir l’Edit d’Henri II. du mois de Septembre 1651. L’arrêt d’enregistrement du 21 Novembre ensuivant, Traité des Criées de M. le Maître, celui de M. Bruneau, l’Arrêt en forme de règlement du 23. Nov. 1598. l’Arrêt du 7. Sept. 1639. l’Arrêt du 30. Août 1690. Ces Arrêts se trouvent dans le recueil d’Arrêts & de réglemens qui concernent la fonction des Procureurs.

Décret irritant, On appelle ainsi les clauses insérées dans les Bulles de la Cour de Rome, dont l’inexécution fait perdre la grace, & emporte nullité. Decretum irritans.

Le terme de décret est en usage parmi certains Religieux, par exemple les Augustins, pour signifier les statuts qui se font dans les Chapitres Provinciaux pour le règlement d’une province.

On le dit aussi des décisions de la Faculté de Théologie, dont les assemblées se tiennent en la maison de Sorbonne, sur quelque matière de Théologie. Décret de Sorbonne.

☞ On le dit de même des délibérations & décisions de l’Université sur quelques points de doctrine ou de discipline.

DÉCRÉTALE. s. f. Rescrit, ou Epitre d’un Pape pour faire quelque règlement ou décider quelque point de discipline. Epistolæ decretales. Les Décrétales composent le second volume du Droit Canon. Il y a plus de Décrétales d’Innocent III. seul que de tous les autres Papes ensemble. Il étoit bon Jurisconsulte. Celles-ci ont été ramassés par M. de Hauteserre, qui y a fait des Commentaires. On les appelle aussi Epitres Décrétales. Le Pape Grégoire IX. en 1220. fit compiler toutes les Décrétales, ou Constitutions Pontificales de ses devanciers en cinq livres, par Frere Raimond de l’Ordre de Saint Dominique, son Chapelain. Cette Collection des Décrétales est seule autorisée du Saint Siége, lûe dans les écoles ; & l’on s’en sert dans le for extérieur & contentieux. A son imitation Boniface VIII. en 1297. en fit faire une nouvelle Compilation sous le nom de Sexte ; mais elle n’a pas eu en France le même crédit que les autres Collections, à cause des démêlés de Boniface VIII. avec le Roi Philippe le Bel. Elle contient cinq livres de Décrétales. Clément V. fit aussi une collection sous le nom de Clémentines, & Jean XXII. sous celui d’Extravagantes. Quand Luther fit solemnellement brûler les Décrétales à Wittemberg, son action fut plutôt regardée comme une insulte faite au Pape, & un coup de colère, que comme une juste condamnation du Droit Canonique. Pour les Décrétales attribuées aux Papes jusau’à Sirice en 318. elles sont évidemment supposées. Tout le monde convient de leur fausseté ; & ceux-mêmes qui sont les plus favorables à la Cour de Rome, sont obligés de les abandonner ; quoiqu’elles aient beaucoup servi à établir la grandeur de Rome, & à ruiner l’ancienne discipline, principalement sur les jugemens Ecclésiastiques, & les droits des Evêques. Riculphe, Evêque de Mayence dans le IXe siècle, est le premier qui les a publiées. On a cru qu’elles avoient été supposées par Isidore, Archevêque de Séville, parce que la collection de ces Décrétales porte le nom d’Isidore Peccator, ou Mercator. Du Pin. Voyez Doujat, Hist. du Droit Canon. Voyez au mot Canon, Canons des Apôtres.

DÉCRÉTER, v. ad. Ordonner un décret. Aliquid decernere, decretum facere. On décrète un accusé d’assigné pour être ouï, d’ajournement personnel, ou de prise de corps. Décréter un partage, une information, un consentement, une péréquation de cens ou rente, un héritage, &c. Cette terre a été décrétée dans les formes, c’est-à-dire qu’on en a fait le décret pour le payement des créanciers & la sureté de l’acquéreur. Un Procureur est responsable pendant dix ans des formalités de ce qu’il a fait décréter. Alicujus bona præconis voci subjicere. Ce mot de décréter a une construction particulière dans le style du Palais, & on l’emploie comme un verbe impersonnel ; par exemple, Il a été décrété de prise de corps contre un tel, les voleurs contre lesquels il a été décrété de prise de corps, ont pris la fuite.

Décréter une Coutume, c’est la revêtir de Lettres-Patentes pour lui donner force de loi.

Décrété, ée. part.

DECRETISTE. s. m. Raimond, Comte de Toulouse, ayant fait sa paix avec l’Eglise & avec le Roi de France (Saint Louis) au commencement de l’année 1229. fut engagé à donner quatre mille marcs d’argent pour entretenir des Maîtres à Toulouse, pendant dix ans, savoir, deux Docteurs en Théologie ; deux Décrétistes, c’est-à-dire, Canonistes qui expliquoient le Décret de Gratien ; six Maîtres des Arts libéraux, & deux de Grammaire. C’est l’institution de l’Université de Toulouse. Fleury. Ainsi le Décrétiste est un Canoniste chargé d’expliquer dans une école publique le décret de Gratien.

☞ Dans quelques endroits on appelle Décrétiste celui qui poursuit la vente par décret d’un bien saisi réellement.

DÉCREUSER. v. a. Terme de Teinture. Voyez Décruser

DÉCRI. s. m. Défense par un cri public & par autorité du Juge, de se servir dans le commerce de certaines espèces d’or ou d’argent, &c. ou de vendre ou porter certaines étoffes, débiter certaines marchandises. &c. Interdictio alicujus rei. On n’oseroit exposer de la monnoie légere après le décri qu’on en a fait. Les manufacures exposées après le décri sont sujettes à confiscation. Son plus grand usage est pour la diminution ou suppression des monnoies. Acad. Fr. On lui a fait un remboursement la veille du décri.

Décri, se dit aussi figurément de la perte du crédit & de la réputation. Famæ & æstimationis imminutio. La mauvaise conduite de cette personne l’a fait tomber dans le décri.

Décri, se dit encore de la diminution de la valeur des choses par l’usage, parce qu’on n’en fait plus de cas. Pretii, famæ, leporis, elegantiæ imminutio. En France les pointes, les allusions, les anagrames, les bouts rimés, sont dans le décri. Tout ce qui est à la vieille mode est dans le décri. Les balades, les rondeaux, par la mort de Voiture retournèrent dans leur ancien décri. Saras. Quand la vieillesse trop hâtée amène les rides, le décri vient, & on ne sait plus quel personnage on doit faire. S. Evr.

DÉCRIER. v. a. Défendre par ordonnance ou cri public une monnoie, des marchandises, des dentelles, des étoffes, l’usage, le cours de quelque chose. Rei alicujus usum interdicere. On a décrié les manufactures étrangères pour mieux débiter les marchandises du pays. On a décrié cette monnoie, parce qu’il s’y en étoit mêlé de fausse.

Décrier, signifie figurément, décréditer, ôter l’honneur, la gloire, la réputation. De alicujus famâ, existimatione detrahere, maledicere. Il se dit des personnes & des choses. Cet homme a bien des ennemis qui le décrient. Les mécontens tâchent toujours de décrier le gouvernement. Les dévots s’attribuent l’autorisé de censurer le prochain, & de le décrier, sous prétexte de ne haïr que le vice. S. Evr. La flatterie corrompt la vertu, & la médisance la décrie. Flech. Décrier la bonne vie d’une personne. Ab. Décrier quelqu’un dans l’esprit du Peuple. Pasc. Ce seroit assez pour décrier le plus beau Roman du monde. Mol. Le véritable emploi de la Comédie, c’est de recommander la vertu, & de décrier le vice. Evr.

On dit proverbialement, qu’un homme est décrié comme la vieille monnoie, pour dire, qu’il est perdu de réputation, qu’il n’a ni crédit, ni estime dans le monde.

Décrié, ée. part. Existimatione, famâ damnatus.

☞ DÉCRIRE. v. a. dans la signification de transcrire, n’est pas François.

Décrire, signifie proprement dépeindre par le discours, représenter une chose avec toutes ses circonstances, de manière qu’on la reconnoisse. Describere, depingere, adumbrare. Ce Géographe a bien décrit toute l’Asie. Ce Poëte a bien décrit cette bataille. Cet Historien a bien décrit les mœurs de son temps. Ce Satyrique a fort bien décrit un tel ridicule, il n’y a personne qui ne le reconnoisse.

D’un bal, dans un Sermon, il décrit l’ordonnance. Vill.

Un ris qui ne se peut décrire,
Un air que les autres n’ont pas,
Que l’on voit, & qu’on ne peut dire. Voit

On dit aussi en Géométrie, Décrire un cercle, une ellipse, une parabole, pour dire les tracer avec un compas ou avec un autre instrument.

☞ On dit aussi en Géométrie qu’un point décrit une ligne droite ou courbe par son mouvement, lorsqu’on suppose que ce point se meut & trace cette ligne en se mouvant. De même la ligne par son mouvement décrit une surface, une surface décrit un solide. Efficere, generare.

Décrire, signifie aussi, Définir imparfaitement les choses, en donner une idée générale. Un Grammairien doit se contenter de décrire les choses, il n’est pas obligé de les définir exactement, comme un Philosophe. Voyez Description.

Décrit, ite, part. pass.

DÉCROCHEMENT. s. m. L’action de décrocher ou de se décrocher. M. de Reaumur emploie ce terme. La carabine tira, Ragotin crut en avoir au travers du corps : son cheval crut la même chose, & broncha si rudement, que Ragotin en perdit le pommeau qui lui servoit de siége, tellement qu’il se pendit quelque temps aux crins du cheval, un pied accroché par son éperon à la selle, & l’autre pied & le reste du corps attendant le décrochement de ce pied accroché, pour donner en terre, de compagnie avec la carabine, l’épée, le baudrier & la bandoulière. Enfin le pied se décrocha, ses mains lâchèrent le crin, & il fallut tomber : ce qu’il fit bien plus adroitement qu’il n’avoit monté. Scarron. Roman Com. t. 1. c. 20. p. 239.

DÉCROCHER. v. a. Détacher quelque chose d’une cheville, d’un clou, d’un crochet où elle étoit attachée. Uncino aliquid expedire. Décrocher une tapisserie, une jupe accrochée avec une agraffe.

Décrocher, chez les Fondeurs de caractères. C’est avec un crochet de fer séparer la lettre du moule dans lequel elle a été fondue.

Décroché, ée. part. Unco expeditus.

DÉCROCHOIR. s. m. Instrument propre à décrocher une chose accrochée, arrêtée avec un crochet. Cet ange porte fermement attaché un crochet de fer qu’on nomme le décrochoir, parce que ce crochet attrape successivement tous les loquets, & forçant leur ressort, les dégage ou décroche de dessous les mentonnets qui tenoient les couvercles assujettis. Des Billettes, Acad. des Sc. 1699. Mém. p. 195.

DÉCROIRE. v. n. Ne croire pas. Dissentire, dissentiri. Fidem amittere, derogare. L’usage de ce mot est fort borné. Il ne se dit que par antithèse, qui exprime l’incertitude de l’opinion d’un homme sur quelque chose. Je ne la crois ni ne la décrois. On doute des vérités de foi, quand on ne les croit, ni les décroit, & que l’esprit est en balance. Confer. d’Ang. Ce mot est peu d’usage, & ne doit s’employer que dans la conversation & le style familier.

DÉCROISSANCE. Décroissement. Pomey.

DÉCROISSEMENT. s. m. Diminution sensible d’un corps en sa propre substance. Diminutio, imminutio, decrementum. Il faut faire bouillir cette décoction, ce syrop, jusqu’au décroissement d’un tiers, pour les faire cuire à propos. Décroissement.

Décroissement, en parlant du corps humain, diminution du corps humain en hauteur & en substance, qui se fait par dégrés, effet nécessaire de l’âge. État opposé à celui d’accroissement.

Décroissement, se dit aussi figurément. Le décroissement de la vie est sensible. Boss.

DÉCROÎTRE, v. n. Diminuer de hauteur, de quantité. Decrescere, diminui, imminui. Les eaux du Déluge furent quarante jours à décroître. Le Nil croît quarante jours, & en décroît autant. Ab. La lune décroît, est hors de son plein, les jours décroissent. La rivière est bien décrue.

Il se dit aussi en termes de Palais. Si le Testateur associe dans un même usufruit plusieurs personnes, celles qui meurent, celles qui abandonnent, celles qui n’acceptent pas, le laissent entier aux autres ; c’est tantôt un droit d’accroître, tantôt un droit de retenir, & de non décroître. Pelisson.

Décru, ue. part. Imminutus.

DÉCROTTER, v. a. Nettoyer, ôter la crotte des souliers, des habits, des meubles. Lutum decutere, purgare.

Décrotté, ée.

DÉCROTTEUR. s. m. Celui qui décrotte. Rabelais dit décrotteurs de Vigiles, dans un sens burlesque & métaphorique, qui est le même que celui de débrideur. Voyez ce mot.

DÉCROTTOIRE. s. f. Petite brosse faite avec du poil de pourceau, ou de sanglier, qu’on laisse fort court, & qui sert à décrotter les souliers. Peniculus setis asper. Celles qui sont moins fortes, dont le poil est plus long, s’appellent polissoires.

On dit d’une personne qui a la peau rude, qu’Elle a la peau rude comme des décrottoires.

DÉCROUTER. v. a. Terme de Vénerie. On dit des cerfs quand ils vont au frayoir, qu’ils vont décrouter leur tête. Arborum ad truncum affricare cornua, eâque frictione crustas detergere.

DÉCRUER. v. a. Terme de teinture. Lixiviam facere. Les teinturiers sont obligés de décruer le fil écru c’est-à-dire de le lessiver avec bonnes cendres & de le laver en eau claire avant que de le teindre.

DÉCRUMENT, ou DÉCRUEMENT. s. m. Terme de Teinture de fil. C’est la préparation que les Teinturiers donnent au fil écru, avant que de le mettre à la teinture.

DÉCRUSEMENT. s. m. C’est le premier apprêt qu’on donne à la soie, en mettant les cocons dans l’eau bouillante, afin que par cette forte chaleur humide, certaine colle qui tient les filets collés ensemble, & qui vient de la bave ou salive du ver à soie, s’amolisse & soit détrempée dans l’eau. Par ce moyen elle se détache & se dévide plus facilement de dessus les cocons.

Décrusement est aussi, en termes de Teinturiers en soie, la première préparation qu’ils y donnent après l’avoir dévidée de dessus les cocons, pour la disposer à la teinture. Opération qui consiste à la faire cuire avec du savon blanc, à la laver ensuite & dégorger dans de l’eau claire ; après quoi on la fait tremper dans un bain d’alun froid. Sericum sapone purgare, ut colores imbibat.

DÉCRUSER les soies. C’est en faire le décrusement, soit pour les filer, de dessus les cocons, soit pour les préparer à la teinture. Voy. Décrusement.

☞ DÉCUIRE. v. a. Terme de confiseur. Faire qu’une chose soit moins cuite, ou corriger le défaut qui vient d’une trop grande cuisson. On le dit des sirops & des confitures où l’on met de l’eau pour les rendre plus liquides, quand ils sont trop cuits.

☞ On dit aussi décuire, en parlant du sucre : c’est le rendre tel qu’il étoit avant la cuisson, en le faisant passer dans l’eau.

Décuire est aussi réciproque, & se dit des sirops & des confitures qui n’ont pas eu une cuisson suffisante, & qui se liquéfient trop. Plus justò liquefieri. Quand les confitures se décuisent, il faut les cuire une seconde fois.

Décuire, dans quelques Auteurs de Philosophie hermétique, se prend pour cuire, & signifie la même chose. En ce sens il vient de decoquere, dont il a la signification.

Décuit, ite. part. pass. & adj. Plus justo liquefactus.

DÉCUPELER. v. a. Terme de Chimie. Il signifie la même chose que décanter. Voyez ce mot.

DÉCUPLE. ad. Terme d’Arithmétique qui exprime proprement le rapport qu’il y a entre une chose & une autre qu’elle contient dix fois, qui vaut dix fois autant. Decuplus. La distance de la terre à Saturne est au moins décuple de celle de la terre au soleil. La Bruyere. Les Sectateurs d’Aristote croient que l’air venant à se raréfier au décuple, change nécessairement de nature, & prend la forme de feu. Rohault. Les Grecs gardoient dans leurs nombres la progression décuple, comme les Arabes l’ont retenue. Huet.

Décuple & décuplé sont deux choses tout-à-fait différentes. Une chose est à une autre en raison décuple, lorsqu’elle est dix fois aussi grande : & deux nombres sont en raison décuplée de deux autres nombres, lorsqu’ils sont comme la racine dixième de ces nombres. Encyc.

DÉCUPLER. v. a. Augmenter de dix fois autant. Cet homme a décuplé la fortune que son père lui avoit laissée ; c’est-à-dire, qu’il est dix fois plus riche qu’il n’étoit à la mort de son père. Vous ne porterez pas un coup inutile, & chacun de vous se décuplera en quelque sorte. L’abb. Terrasson. Pour décupler une somme, il ne faut qu’y ajouter un zéro.

DÉCURIE. s. f. Compagnies de dix personnes rangées sous un chef nommé Décurion. Decuria. La Cavalerie Romaine étoit rangée par Décuries. Romulus divisa chacune des trois Tribus du peuple en dix Centuries, & chaque Centurie en dix Décuries, à laquelle commandoit le Décurion. M. de Giry de l’Académie Françoise, dans sa Traduction de l’Apologétique de Tertullien, emploie le mot dizaine au lieu de Décurie. Voy. DIXAINE.

On appelle Décurie dans le Collège, une troupe de dix Ecoliers qui ont un autre Ecolier à leur tête.

DÉCURION. s. m. Chef d’une Décurie, tant dans la milice Romaine, que dans le Collège ou Assemblée du peuple. Decurio.

Décurion. C’étoit aussi le nom qu’on donnoit aux Sénateurs des Colonies Romaines qui formoient une cour de juges ou de conseillers qui représentoient le Senat Romain dans les villes municipales. Civitatum patres curiales : honorati municipiorum senatores. Leur chef se nommoit curia decurionum, & minor senatus. On les appela Décurions, parce que leur corps est composé de dix personnes. Les villes d’Italie, au moins celles qui étoient colonies, avoient part sous Auguste aux Elections des Magistrats Romains : car les Décurions, ou Sénateurs de ces villes donnoient pour cela leurs suffrages, que l’on envoyoit scellés à Rome, un peu avant l’élection. Suet, L. II, c. 46. Tillem.

Décurion étoit encore le nom de quelques Prêtres qui semblent ne l’avoir été que pour quelques sacrifices & quelques cérémonies, ou religions particulières, pour les Sacrifices des familles & des maisons privées. Ils étoient choisis par Décuries, comme Struvius le conjecture ; & c’est pour cela qu’on les nommoit Décurions. Quoi qu’il en soit de l’origine de ce nom, une inscription qui se trouve dans Gruter, p. cccxlii, n. 3. prouve ce que nous avons dit de leur fonction ; la voici : Anchialus. cub. aed. q. ter. in. aede. decurio. adlectus. ex. consensv decvrionvm. familiae volvntate. Voilà un Décurion qui l’étoit dans la maison d’un particulier, de Q Terentius.

On appelle aussi Décurion dans le Collège, un Ecolier qui est à la tête de dix autres.

DÉCUSSATION. s. f. Terme d’Optique & de Géométrie. C’est le point où des rayons, ou des lignes se croisent tel que le foyer d’une lentille, d’un miroir, &c. Conjunctio radiorum in decussim. Il se fait une décussation des rayons de la lumière dans le cristallin, avant que de s’aller peindre sur la rétine. Il faut qu’il y ait une double décussation dans l’action de la vue, pour faire voir les objets redressés.

DÉCUSSOIRE. s. m. Decussorium. Instrument de Chirurgie, qui, par sa pression sur la dure-mere, cause une évacuation du pus qui s’est amassé entre le crâne & cette membrane, par l’ouverture que le trépan a faite. Blancard cité par James. Voyez la figure de cet instrument dans Paré, L. VI, cap. 21.

DED.

☞ DÉDAIGNER, v. a. Traiter avec une sorte de mépris ceux dont nous faisons peu de cas, que nous croyons au-dessous de nous par la naissance, les biens ou les talens. Fastidire, dedignari. Quelque supériorité qu’un membre de Compagnie ait sur ses confrères, il ne doit point les dédaigner. Je les dédaigne si fort, que je ne puis en médire. Vous dédaignez notre amitié.

Gardez-vous de rien dédaigner,
Sur-tout quand vous avez à-peu-près votre compte. La Font.

☞ On dit neutralement, il dédaigne de nous parler. Il dédaigne de nous rendre visite.

On l’emploie avec la négative ordinairement ; pour dire, Daigner. Ne dédaignez pas de me faire cet honneur, &c.

Dédaigné, ée. part.

DÉDAIGNEUR. adj. pris substantivement. Terme d’Anatomie. Nom du quatrième muscle de l’œil. Indignatorius. Il retire l’œil vers le petit angle, & fait regarder par dessus l’épaule. Dionis. C’est de-là que lui vient son nom, parce que c’est ainsi que l’on regarde quand on veut marquer du mépris & de l’indignation. Il se nomme autrement Abducteur. Voyez ce mot.

Dédaigneur, euse. adj. Qui marque du dédain. Les Athéniens étoient fous de la liberté, idolâtres de leur patrie, admirateurs de leurs usages, dédaigneux ou indifférens pour tout ce qui n’étoit point d’eux. Journ. des Sav. Mars 1731. on dit dédaigneux.

DÉDAIGNEUSEMENT. adv. D’une manière dédaigneuse. Fastidiosè.

DÉDAIGNEUX, euse. adj. qui marque du dédain. Fastidiosus. C’est une beauté fière & dédaigneuse. Ces Critiques impitoyables qui prennent un air dédaigneux sur tout ce qu’on dit en leur présence, sont l’effroi des conversations. Bell. Voy. FIER. Il faut éviter de parler, & encore plus de badiner avec les personnes fières. Pour les dédaigneuses, il faut les fuir, ou ne les joindre que pour les mortifier.

Mais nous autres faiseurs de livres & d’écrits,
Du Lecteur dédaigneux honorables esclaves,
Nous ne saurions briser nos fers & nos entraves. Boil.

☞ DÉDAIN. s. m. Sentiment qui nous empêche de nous familiariser, & qui nous éloigne des personnes que nous croyons au dessous de nous, par la naissance, les biens ou les talens. Dans ce sens il est synonyme avec le mot fierté, pris en mauvaise part, avec cette différence que la fierté est fondée sur l’estime qu’on a de soi-même, & le dédain, sur le peu de cas que l’on fait des autres : ce qui rend celui-ci plus odieux & plus insuportable. Voy. les Syn. fr. Fastidium. Il y a une sorte de gens vains qui se font du dédain, une décoration personnelle, qu’ils produisent comme une étiquette pour annoncer le mérite qu’ils prétendent avoir, & où l’on ne manque pas de lire le contraire de ce qu’ils y croient écrit. Je ne suis point d’humeur à essuyer vos dédains & vos injures. S. Evr.

Quoi ! votre fermeté fait succéder sans peine,
Le respect au dédain, & l’amour à la haine ? Corn.

Malgré tout mon amour, jamais cette inhumaine,
Ne témoigna pour moi que dédains, & que haine. S. Evr.

DÉDALE, s. m. Arrière-petit-fils d’Erectée, Roi d’Athènes, a été le plus habile ouvrier que la Grèce ait jamais produit dans l’Architecture & dans la Sculpture principalement.

DÉDALE. s. m. C’est le synonyme de labyrinthe, auquel on donne ce nom, à cause que Dédale en fut l’inventeur. C’est un lieu où l’œil s’égare, où l’on se perd à cause de l’embarras de détours. Labyrinthus. Les dédales de Versailles, &c. On dit plus communément labyrinthe.

On le dit aussi figurément d’un grand embarras. Si vous entreprenez de débrouiller les affaires de cette maison, c’est un dédale dont vous ne sortirez jamais. Le dédale des loix, des procédures, de la chicane. Anfractus judiciorum.

On y voit tous les jours l’innocence aux abois,
Errer dans les détours d’un dédale de loix. Boil.

Apprenez que souvent le poids d’une cabale
Embarrasse les gens dans un fâcheux dédale. Mol.

DÉDALES. s. f. plu. Terme de Mythologie. Fêtes que les Platéens célébroient depuis leur retour dans leur patrie. Platée, ville de Béotie, avoir été ruinée par les Thebains 371 ans avant J. C. & ses habitans obligés d’aller chercher retraite chez les Athéniens, avec qui ils demeurèrent l’espace de soixante ans, jusqu’au temps d’Alexandre, qui permit aux Platéens de retourner dans leur patrie, & de rebâtir leur ville. Ils instituérent les Dédales en mémoire de cet exil, & comme il avoit duré soixante ans, à chaque soixantième année, ils célébroient cette fête avec une grande magnificence.

DÉDALION. s. m. Fils de Lucifer, & pere de Chione, fut si touché de la mort de sa fille Chione que de désespoir il se précipita du sommet du Mont Parnasse. Il fut métamorphosé en épervier.

DÉDAMER. v. n. Terme du jeu de dames. Retirer une dame du premier rang, c’est-à-dire, du rang qui est le plus proche du joueur, & l’avancer à un autre ; ce qui peut donner lieu à l’adversaire d’aller à dame, c’est-à-dire, de placer une de ses dames à la place que l’on a quittée, & de la damer. Scrupum lusorium e primo ordine removere, amovere. il faut nécessairement dédamer ce coup-ci, ou perdre quelque dame.

Dédamer. Se dit figurément, en style familier, pour quitter la place, le rang que l’on occupoit, se retirer. Dignitatem, honores linquere, recipere se, receptui canere. Si les grands n’étoient nés parmi les couronnes, s’ils n’étoient obligés de maintenir leur dignité, comme chaque particulier l’état où il se trouve ; s’il leur étoit honnête & bien séant de dédamer, je crois que beaucoup suivroient l’exemple des Empereurs Dioclétien, Lothaire & Charles V, qui renoncèrent tous librement, aussi bien qu’Amurath II. &c. Mascur. Ce mot n’est pas d’usage en ce sens.

DÉDAN. s. m. Nom d’homme. Dedanus. Il y en a plusieurs de ce nom dans l’Ecriture. Le premier est originaire de Cham par Chus, Gen. X. 7. 1. Paral. XIX. 9. Le second est descendant d’Abraham, par Cethura, Gen. XV. 3. 1. Paral. XIII. 2. C’est celui-ci qui avoit donné le nom à des peuples dont nous allons parler. Quelques-uns croient aussi que l’Oracle de Dodone, si célèbre parmi les Grecs, tiroit son nom de l’un de ces deux hommes.

Dédan, est aussi le nom d’une ville de l’Idumée, donc parlent Jérémie, XXV. 23. XLIX. 8. & Ezéch. XXV, 13. & XXVII. 20. Bochart, croit qu’elle fut fondée par Dédan fils d’Abraham & de Cethura, dont elle porta le nom. Gen. XXV. 3.

Dédan. Ville dont il est parlé dans Ezéchiel XXVII. 15. & XXXVIII. 13. Bochart, Phaleg. L. IV. C. 6. la place dans l’Arabie heureuse sur la côte du détroit Persique, & prétend que celle qu’on nomme encore aujourd’hui Daden, qu’Orteluis & d’autres Modernes placent entre le détroit de Bassora, & l’embouchure du fleuve Om, qui est le Lar de Ptolomée & le Phalg de Nubiensis, également éloignée de l’un & de l’autre. Ce qui prouve cette situation, c’est qu’Ezéchiel XXVII. 15. parle d’une ville maritime, voisine de plusieurs Îles, & d’où l’on alloit par mer aux Indes ; car l’ivoire & l’ébène que l’on en rapportoit, sont des marchandises des Indes ; que Regma, bâtie par le pere de Dedan, étoit sur cette même côte, comme Bochart le prouve au chapitre précédent ; que la famille de Scheba frere de Dédan étoit aussi voisine de ces lieux, comme il le prouve au chapitre suivant, & qu’Ezéchiel XXXVIII. 13. a joint Scheba & Dédan, comme des lieux voisins ; ainsi il ne faut pas confondre cette ville avec la précédente, qui étoit dans l’Idumée. Ezéchiel les distingue, XXVII. il parle de la première v. 20 & de celle-ci v. 15.

Au reste dans ce dernier endroit d’Ezéchiel XXVII 15. Les Interprètes Grecs traduisent בנידדן, enfans de Dédan, υἱοὶ Ῥοδίων, Enfans des Rhodiens, ce qui a fait dire à Villalpandus & à d’autres après lui, que Dédan est l’Isle de Rhodes, que c’est là son premier nom ; que de Dédan on a fait Rhedan & ensuite Rhodon, Rhodos. Mais Saint Jérôme & après lui, Bochart, soutiennent que c’est une faute de l’Interprète ou du Copiste de l’exemplaire qu’il avoit ; que l’un ou l’autre a lu רדן, Redan pour דדן, Dédan, trompés par la ressemblance qu’ont en Hébreu le ר, R, & le D ד. En effet, ajoute Bochart, qui dira que les Tyriens achetoient l’ivoire & l’ébène des Rhodiens, étant beaucoup plus facile aux Tyriens qu’aux Rhodiens, d’aller aux endroits d’où l’on tire ces marchandises ?

DÉDANIM. Habitant de la ville de Dédan en Idumée. Is. XXI. 13. car en cet endroit le Prophète parle de l’Idumée, comme il paroît par le v. 11. 15. 14. où il menace l’Idumée, ou Duma, les montaignes de Seïr, l’Arabie, la terre australe, par rapport à la Judée.

☞ DEDANS. adv. Intùs, intrà, intrò. Ce mot est relatif à un lieu.

☞ Nicot le dérive du Grec ἔνδεν, qui signifie intus dedans. Borel prouve par plusieurs exemples qu’on disoit autrefois Ens, entes aulieu de dire dedans.

☞ M. de Voltaire dans son édition de Corn. dit qu’on ne peut employer le mot dedans que dans un sens absolu & que ce fut toujours un solécisme de lui donner un régime. Etes-vous hors du cabinet ? non, je suis dedans. Mais il est toujours mal de dire, dedans ma chambre, dehors de ma chambre.

Dans les murs, hors des murs, tout parle de sa gloire. Corn.

☞ Suivant M. de Voltaire Corn. n’auroit pas parlé françois s’il eût dit dedans les murs, dehors les murs. Quoique dedans, dessus, dessous ne soient qu’adverbes, & qu’on ne doive les employer que dans un sens absolu : cependant la Fontaine a dit dessus la foi d’autrui, Malherbe, dessous cet égide. Corneille jusque dedans mon cœur, &c. &c. Il ne faut pas suivre ces exemples & on doit croire avec M. de Voltaire que ce sont autant de solécismes. Ainsi l’on ne dit point dedans la ville, mais dans la ville, dedans une heure, mais dans une heure. Corn. dict.

☞ Suivant Vaug. Le mot dedans est préposition lorsqu’il est précédé d’une autre préposition. Il passe par dedans la ville. Per urbem. Il n’est guère tolérable que dans cette phrase.

On dit proverbialement d’un homme qui a du savoir, mais qui ne peut pas le faire paroître, qu’il a l’esprit en dedans.

Au dedans. adv. Intùs. Le mal est au dedans. Patru. Une maison si savante au dedans & au dehors, & qui a des sphères pour girouettes, méritoit un tel hôte que vous. Balz. Extrinsecùs & intrà.

On dit, en matière d’affaires, qu’un homme n’est ni dehors, ni dedans, pour dire, qu’il est encore incertain du bon ou du mauvais succès.

En termes de Marine, on dit, mettre les voiles dedans, pour dire les ferler, les plier & serrer pour naviger à sec, à mâts & à cordes. Complicare vela. Quand on voit l’orage, il faut mettre les voiles dedans.

Dedans. s. m. La partie intérieure de quelque chose. On le dit au propre & au figuré. Pars interior. Les dehors du Louvre sont beaux, mais le dedans est toute autre chose. On croit aisément que le dedans est en bon état, quand on ne voit point d’irrégularité au dehors. S. Evr. Les dedans de ce Palais étoient aussi agréables que les dehors paroissoient affreux Bouh. Xav. Liv. V. Il sut si bien composer son extérieur, que personne ne s’apperçut des troubles & des agitations du dedans. Id. A quoi sert cet extérieur si bien composé, quand le dedans est plein de trouble & de confusion ? Flech.

Si je combats l’amour ce n’est qu’en apparence ;
Et ce qu’à l’étouffer ma vertu fait d’efforts,
Punit bien le dedans des feintes du dehors. Corn.

☞ M. de Voltaire dans ses remarques sur Polyeucte, prétend que ces mots le dehors, le dedans ne sont pas du style noble.

Dedans, Intérieur. Le dedans est renfermé par les dehors. L’intérieur est caché par l’extérieur. Syn. Fr. Il faut savoir pénétrer dans l’intérieur des hommes, pour n’être pas la dupe de leur extérieur. Un bâtiment doit être commode en dedans, & régulier en dehors. Les Politiques ne montrent jamais l’intérieur de leur ame, ils retiennent au dedans d’eux-mêmes tous les mouvemens de leurs passions.

En termes de Manège, quand on dit, Ce Cavalier en disputant le prix de la bague, a eu deux dedans, on entend qu’il a enlevé la bague deux fois & une atteinte, c’est-à-dire, qu’il y a touché. Bis annulum trajecit, percussu, attigit. On dit aussi, le talon du dedans, la jambe du dedans, la rêne du dedans, par opposition à celle du dehors. On dit encore, qu’un cheval a la tête & les hanches en dedans, quand on fait passager, ou que l’on porte un cheval de biais, ou de côté sur deux lignes. On dit enfin, mettre un cheval dedans ; pour dire, le dresser, le mettre bien dans la main & dans les talons. Ce cheval s’est fort bien mis dedans, c’est-à-dire, qu’il s’est bien dressé.

On dit aussi, en Fauconnerie, mettre un oiseau dedans, pour dire, l’appliquer actuellement à la chasse. Volatilem prædam accipitri agitandam dare.

En termes de Joueurs de Paume, on appelle un jeu à dedans, celui qui a du côté par où l’on entre une seconde galerie, & du côté de la grille une bosse pour compenser les avantages de part & d’autre ; & on oppose le jeu de dedans à un jeu de paume carré.

En termes de Trictrac, mettre dedans, c’est avancer une dame seule entre deux cases faites, & risquer qu’elle soit battue.

En termes de Jardinage, on dit, le dedans d’un arbre pour signifier l’espace qui est au milieu des branches. Il faut être soigneux d’ôter toutes les branches qui se jettent au dedans de l’arbre. Liger.

DÉDICACE. s. f. Consécration d’un Temple, d’un Autel, d’une statue, &c. en l’honneur de quelque divinité. Dedicatio, consecratio. L’usage des dédicaces est très-ancien, soit parmi les Adorateurs du vrai Dieu, soit chez les Payens. Les Hébreux l’appellent חכה, hhanuchab, qui signifie Initiation, Dédicace, & que les Interprètes Grecs ont traduit par Ἐγκαίνια, & Ἐγκαινισμος, Renouvellement. Nous trouvons dans l’Ecriture des dédicaces du tabernacle, des autels, du premier & du second temple : des maisons même des particuliers. Nombr. VII. 10. 11. 84. 88. Deut. XX. 5. 80. 88. III des Rois V. 63. II. Paral. VII. 5. 9. I. Esdr. VI. 16. 17. II. Esdr. XII. 27. Ps. XXIX. 1. I. Machab. IV. 56. 59. II. Mach. II. 9. 12. 20. Hebr. IX. 18. Il y en a aussi des vases & des vêtemens des Lévites & des Prêtres, & des hommes mêmes : mais, dans le Christianisme, nous appelons ces cérémonies consécrations, bénédictions, ordinations, & non point dédicace, qui ne se dit que des lieux. Voyez donc sur cela le mot CONSÉCRATION, & tous ces autres mots. Salomon fit la dédicace du temple qu’il avoit bâti avec une magnificence, & des dépenses étonnantes.

Les Payens avoient aussi des dédicaces des temples, des autels, des statues de leurs Dieux, &c. Nabuchodonosor fit la dédicace de sa statue, Dan. III. 2. &c. Pilate dédia à Jérusalem des boucliers dorés à Tibère. Philon, De Legat. ad Caium p. 799. Pétrone voulut dédier une statue à l’Empereur dans la même ville, Ib. 791. Lycophron parle de la dédicace du temple de Parthénope ; Tacite, Hist. L. IV. C. 53. parle de la dédicace du Capitole rebâti par Vespasien, &c. Ces dédicaces se faisoient par des sacrifices propres de la divinité, à l’honneur de laquelle on les entreprenoit ; mais elles ne se pratiquoient point sans permission. Chez les Grecs on ne sait pas trop qui les donnoit : chez les Romains c’étoit le Magistrat. L’histoire d’Auguste est pleine de ces permissions accordées aux Provinces & aux Villes, par l’Empereur & le Peuple Romain.

Les Juifs célèbrent tous les ans la dédicace du temple pendant huit jours. Elle fut ordonnée par Judas Machabée & toute la Synagogue, l’an 148 de l’ère Syro-Macédonienne, c’est-à-dire, 164 ans avant J. C. le 25. du IXe. mois qu’on appeloit Cisleu, & qui répond en partie au mois de Novembre, & en partie au mois de Décembre. Les Payens avoient même de ces Anniversaires de dédicace, comme celle du temple de Parthénope, dont parle Lycophron.

Dans le Christianisme, dédicace ne se dit que d’une Eglise, & c’en est la Consécration faite par un Evêque avec beaucoup de cérémonies prescrites par l’Eglise. Les Chrétiens se voyant en liberté sous Constantin, à la place des Eglises ruinées, on en bâtissoit partout de nouvelles. Leurs Dédicaces étoient des fêtes magnifiques : les Evêques s’y assembloient en grand nombre, les peuples y accouroient en foule. Fleur. A la dédicace de l’Eglise de Tyr, Eusèbe Evêque de Césarée, prononça un Panégyrique. Id. S. Athanase fut accusé d’avoir célébré l’office dans la grande Eglise d’Alexandrie avant qu’elle fût dédiée. Oui, dit-il, on l’a fait, je le confesse, mais nous n’avons pas célébré la dédicace ; il n’étoit pas permis de le faire sans votre ordre. S. Athanase ne méprisoit donc pas cette cérémonie de la dédicace des Eglises, puisqu’il se détend si sérieusement sur ce point, mais il croyoit que l’on pouvoit, en cas de nécessité, se servir d’une Eglise avant qu’elle fut dédiée. Id. Le Concile de la Dédicace, est un Concile d’Antioche qui s’y tint en 341. à l’occasion de la dédicace d’une grande Eglise que Constantin y avoit fait bâtir.

La dédicace des temples ou Eglises des Chrétiens ayant commencé à se faire solemnellement sous l’Empire de Constantin, comme on l’a dit ; on la faisoit ordinairement dans un Synode, ou pour le moins on assembloit plusieurs Evêques pour rendre la cérémonie plus auguste. Nous avons dans Eusèbe la description de celle des Eglises de Jérusalem & de Tyr, sous Constantin, & beaucoup d’autres dans des Auteurs postérieurs. Dans le Sacramentaire du Pape Gelase ; la dédicace du baptistère est marquée séparément de celle de l’Eglise, qui se faisoit alors avec moins de cérémonies, que dans les derniers temps.

On appelle aussi dédicace de l’Eglise, une Fête qui se célèbre tous les ans, le même jour, en mémoire de sa consécration, & qui est marquée par des cierges qu’on met à tous les piliers. Consecrati templi anniversarius dies. La dédicace est une Fête double qui se célèbre avec son octave.

Dédicace, terme de littérature. Adresse d’un livre qu’on fait à quelqu’un par une épitre ou par une inscription à la tête de l’ouvrage. Dedicatio. Votre Majesté n’a que faire de toutes nos dédicaces. Mol. Furetière dit, dans son Roman Bourgeois, que le premier inventeur des dédicaces fut un Mendiant.

Tu verras les Auteurs,
Dégrader les Héros pour te mettre en leurs places,
De tes titres pompeux enfler leurs dédicaces ? Boil.

DÉDICATEUR. s. m. Auteur qui dédie un livre à quelqu’un.

Rien n’est si fâcheux qu’un Auteur
Qui s’érige en dédicateur. De Malezieu.

Le mot de Dédicateur est grave & sérieux, & c’est dans ce sens que M. Bayle a dit dans ses Nouv. de la République des Let. Septemb. 1685. que M. de La Fontaine s’acquitta d’une manière fine, nouvelle & courte de sa charge de Dédicateur.

DÉDICATOIRE. adj. Ne se dit qu’en cette phrase, Epitre dédicatoire, pour dire, celle par laquelle on dédie un ouvrage à quelqu’un. Somme dédicatoire, ou Traité des dédicaces, est une satyre contre le faux Mécénas insérée dans le Roman Bourgeois. On dit que l’Arioste & le Tasse on été très-malheureux en Epitres dédicatoires. Théodore de Gaza, pour une Epitre dédicatoire qu’il fit au Pape Sixte IV. du livre d’Aristote de la nature des Animaux, n’en reçut pour récompense que le remboursement de la reliure. Il n’est pas permis de s’émanciper, & de se servir de mots douteux dans une Epitre dédicatoire comme dans le cours d’un grand ouvrage. Vaug. Une Epitre dédicatoire n’est pas une chose aisée ; on s’est déjà servi de tous les tours de souplesse qui y peuvent entrer. Bayl.

DÉDIER. v. a. Consacrer une Eglise, la destiner au culte de Dieu sous l’invocation de quelque Saint. Dedicare, consecrare. L’Eglise de Paris est dédiée à Dieu sous l’invocation de Notre-Dame. Les Payens ont dédié des temples, des autels, des statues à leurs faux Dieux, à leurs Empereurs.

Dédier signifie dans le langage ordinaire, destiner à quelque chose de saint, à une profession sainte. Destinare, addicere. Ses parens le dédièrent ds bonne heure à l’état Ecclésiastique. Il se dédia au service de Dieu.

Dédier. Signifie aussi, adresser un livre, un ouvrage à quelqu’un par une épitre ou par une inscription à la tête de l’ouvrage. Librum dicare, dedicare, honori & meritis alicujus. L’Auteur qui rabaisse trop le livre qu’il dédie n’est pas judicieux en faisant un si mauvais présent. M. Scud.

Ce n’est que maroquin perdu,
Que les livres que l’on dédie. Scarron.

DÉDIÉ. ée. part.

DÉDIRE. v. a. Je dédis, tu dédis, il dédit, nous dédisons, vous dédisez, & selon quelques-uns, vous dédites. Molière a dit.

Puisque je l’ai promis ne m’en dédites pas. Mol.

☞ Mais il ne faut pas l’imiter en cela. Le reste du verbe se conjugue comme dire. Dédire quelqu’un, c’est désavouer ce qu’il s’est avancé de dire ou de faire pour nous. Improbare, irrita habere quæ alius nostro nomine fecit ; nolle præstare quæ promesit alter nostro nomine. Il ne se dit guère qu’avec la négative. Vous voulez que cette affaire aille ainsi, je ne vous en dédirai pas. Vous me conseillez de payer cent écus de ce cheval, je ne vous en dédirai pas. Si mon Courtier en a offert davantage en mon nom, je l’en dédirai. Vous n’en serez pas dédit.

Dédire, avec le pronom personnel, signifie, rétracter sa parole. Revocare quod dictum est. On dit que c’est un privilége de Normandie, de se pouvoir dédire. Cela vient de ce que par la vieille Coutume de Normandie, il étoit permis de se dédire dans les 24 heures après la signature d’un contrat. On donnoit ce temps-là pour en délibérer, & il étoit libre de l’anuller, ou de le ratifier. Il avoit promis relie chose ; il s’est dédit.

Se dédire, se dit aussi de ceux qui disent le contraire de ce qu’ils ont dit. Palinodiam canere ; recantare dicta. Quand un témoin se dédit après la confrontation, il lui faut faire son procès. On oblige ceux qui ont dit des injures atroces, d’en faire réparation à l’Audience, & de s’en dédire. C’est un homme qui n’a point d’opinion que celle qu’on veut lui donner & qui, par une complaisance fade, se dédit tant qu’il vous plaît. M. Scud. Se dédire de ses anciennes maximes. Ablan.

☞ En parlant de ceux qui sont trop engagés dans une affaire pour reculer, pour ne la pas suivre, on dit figurément, qu’ils ne sauroient s’en dédire. La cause est appelée, il faut qu’on plaide, on ne s’en peut plus dédire. L’affaire est trop engagée ; il faut la suivre ; il n’y a plus moyen de vous en dédire.

Dédit, ite, part.

☞ DÉDIT. s. m. Révocation d’une parole donnée. Il n’est guère d’usage que dans cette phrase familière. Il a son dit & son dédit, pour dire qu’on ne peut pas se fixer à sa parole.

Dédit, se dit plus communément dans le commerce ; & signifie peine stipulée par un marché, ou dans un contrat, ou dans un compromis entre deux ou plusieurs personnes, contre celui qui ne le voudra pas exécuter. Multa. Il lui a vendu cette charge & a stipulé un dédit de mille écus.

En la Coutume de Bordeaux, dédit & dédire signifie simplement dénégation, & dénier, ou soutenir le contraire, & non pas changer d’avis.

DÉDOMMAGEMENT. s. m. Réparation du dommage. Damni reparatio, compensatio. Quand on a mis le feu par malheur en quelque maison, on est obligé au dédommagement. Les fausses prudes tâchent de trouver dans leur modestie forcée, & dans leur déchaînement contre toutes les jolies femmes, le dédommagement de leur beauté. Damna formaæ rependere.

Pour se payer des frais d’un amour inutile,
Cléon au Châtelet fait assigner Camille.
Et poursuit de son cœur le dédommagement. Vill.

DÉDOMMAGER, v. a. Réparer un dommage. Voyez ce mot. Damnum refarcire, rependere, compensare. On a ruiné sa maison ; mais il en a été bien dédommagé. Une jeune femme cherche quelquefois à se dédommager de l’ennui que lui donne un vieil époux. Bell. L’orgueil se dédommage toujours, & ne perd rien, lors même qu’il renonce à la vanité. Rochef.

DÉDOMMAGÉ, ée. part.

☞ DÉDORER. v. a. Oter, effacer la dorure d’une chose, en tout ou en partie. Aurum alicui rei illitum detergere. Dédorer une chose à force de la toucher, de la manier.

☞ Il est aussi verbe réciproque, & signifie perdre peu-à-peu de sa dorure. Les choses dorées, la vaisselle de vermeil se dédorent avec le temps.

Dédoré, ée, part.

DÉDORMIR. v. n. Qui ne se dit que de l’eau qui est trop froide, qu’on approche du feu pour lui ôter sa crudité, ou fondre la glace. Temperare aquæ frigus. De l’eau dédormie. Vous dites que ce pot bout, à peine est-il dédormi. Si ce mot est en usage quelque part, ce ne peut-être que dans quelque province. On dit faire dégourdir de l’eau, la faire tiédir.

Dédormi, ie, part.

DÉDOUBLER, v. a. Oter la doublure d’un habit, d’un meuble, d’une tapisserie. Assutum interius vesti pannum eximere. Il a fait dédoubler son manteau à cause de la chaleur.

Dédoubler, Rendre simple & unique ce qui étoit double. On dit, en termes de guerre, dédoubler les rangs, comme on dit, les doubler. Ordines simplices efficere. Lorsqu’il faut doubler ou dédoubler les rangs pour marcher par plus ou moins de files, il faut faire comprendre aux soldats que l’on double toujours sur la gauche des premiers rangs par la droite des derniers, de même que l’on dédouble toujours par la gauche qui devient pour lors la droite du rang qui va se former ; qu’ils doivent s’accoutumer à se compter d’eux-mêmes, pour savoir ceux qui doivent doubler ou dédoubler, & se remettre insensiblement à leur chef de files en marchant. On ne sauroit trop accoutumer les soldats à doubler & dédoubler, rompre & former leurs rangs. Bombelles.

Dédoubler une pierre. Terme de Carrier. C’est la séparer en deux, dans toute sa longueur, avec des coins de fer en prenant son fil, ou litage. Il faut scier ou couper celles qu’on ne peut pas dédoubler : travail plus long & plus pénible.

Dédoublé, ée, part.

☞ DÉDUCTION. s. f. Mot équivoque & qui, suivant les différens emplois, se prend dans un sens différent. En parlant d’affaires, de calcul, il est synonyme à soustraction ; c’est ainsi que l’on dit qu’un bénéfice, déduction faite des charges, vaut tant ; qu’une succession, déduction faite des frais, des legs, &c, ne monte qu’à telle somme : c’est-à-dire, que les frais, les legs, &c. prélevés & déduits sur le principal, il ne reste de net que telle somme. Deductio.

☞ En logique & dans les autres sciences, déduction signifie une suite de raisonnemens ou de conséquences tirées d’un premier principe, qui, pour que la déduction soit bonne, doit être évident ou reconnu pour vrai. Il faut de plus que chaque conséquence suive exactement de celle qui la précède.

☞ Dans le langage ordinaire ce mot se prend souvent pour énumération en détail. Il nous a fait une longue déduction de ses raisons.

DÉDUIRE, v. a. Soustraire, rabattre, retrancher. Deducere, detrahere. On a couché cette recette tout du long, sauf à déduire. Il ne faut pas compter son bien qu’on n’en ait déduit les dettes.

Déduire, signifie aussi, Tirer une conséquence de quelque principe. Deducere. Vérités fort différentes des principes d’où elles sont déduites. Roh.

Déduire, se dit encore pour raconter fort au long & par le menu ; enarrare, exponere. Un Avocat doit avoir soin de bien déduire & expliquer le fait & les circonstances de sa cause. Si je voulois entreprendre de déduire ce qui s’est passé en Grèce, il faudroit interrompre le fil des affaires d’Asie. Vaug. Déduire ses défenses. Ce mot sent un peu le palais.

Se Déduire, signifioit autrefois se divertir. Delectari, genio indulgere. Ils se déduisoient, ils se divertissoient.

Déduit, ite. part. Un fait bien déduit éclaircit beaucoup une affaire. Narratus, expositus, deductus. Toutes choses déduites & compensées, il est dû tant de reste.

DÉDUIT. s. m. Divertissement, plaisir. Oblectatio, oblectamentum. Il aime le jeu, c’est tout son déduit. Cette femme n’est bonne que pour l’amoureux déduit. On dit aussi le déduit, le plaisir de la chasse.

Ce mot a vieilli, & ne se dit où plus qu’en style badin ou burlesque.

On appelle déduit de Vénerie, de Fauconnerie, tout le train & équipage qui sert à prendre le déduit de la chasse, les Veneurs, les chiens, les oiseaux, les valets. Venantium caterva, canes, accipitres, & reliqua suppellex. Et l’on dit, écarter le déduit, suivre le déduit, devancer le déduit.

DÉDUYER. v. n. Vieux mot. Se récréer, prendre plaisir à faire quelque chose.

DÉDYMNÉE. s. m. Dedymnæus. Premier mois de l’année chez les Achéens, qui répondoit à Janvier. Fabricii Menolog. p. 48.

DÉE.

DÉE, Nom de Rivière. Dea, Deva, Diva, Deuva. Il y a dans la Grande-Bretagne trois rivières de ce nom. L’une, qui est en Angleterre, a sa source dans le Comté de Merioneth, arrose ceux de Denbic & de Chester, & se jette dans la mer à Chester. Une autre qui est dans l’Ecosse méridionale, a sa source aux confins du Comté de Kyle, traverse celui de Galloway, du nord au sud, & se décharge dans la mer d’Irlande vis-à-vis de l’Isle de Man. La troisième est dans l’Ecosse septentrionale, traverse le Comté de Marr, & se décharge dans la mer d’Allemagne à la nouvelle Aberdéen. On pêche beaucoup de saumons dans cette rivière. Il semble que Dée est la même chose qu’en François Dive, rivière de Normandie, Diva.

DÉEL. s. m. Nom d’homme. Deicolus. S. Déel fut Moine à Luxeuil en Franche-Comté sous S. Colomban. Chastelain. Martyrol. T. I. p. 333. Il mourut en Franche-Comté à Lure, dont il a été le premier Abbé. Id. Il eut pour successeurs S. Colombin. L’Auteur du Martyrologe Anglois a fait de S. Déel un Abbé de Sutri en Toscane, où il n’a jamais été. Cela ne peut-être venu que d’avoir lu quelque part Sutrinsis pour Lutrinsis. Id. Le nom de Déel se donne assez ordinairement au baptême en Franche-Comté, surtout dans la maison de Beaufremont, même aux filles que l’on nomme Déele, & en Latin Deicola, qui est le nom dont les Modernes ont appelé ce Saint, à cause que ce mot signifie Adorateur de Dieu, au lieu que son vrai nom est Deicolus, comme on lit dans tous les Manuscrits. Il est nommé S. Diey à la marge de sa vie dans le P. Mabillon, ce qui peut le faire confondre avec S. Dié de Nevers, & avec