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Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre H

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Henri Plon (p. 316-350).
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H

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Haagenti, grand président aux enfers. Il paraît sous la figure d’un taureau avec des ailes de griffon. Lorsqu’il se montre portant face humaine, il rend l’homme habile à toutes choses ; il enseigne en perfection l’art de transmuer tous les métaux en or, et de faire d’excellent vin avec de l’eau claire. Il commande trente-trois légions.

Habondia, reine des fées, des femmes blanches, des bonnes, des sorcières, des larves, des furies et des harpies, comme l’assure Pierre Delancre en son livre de l’Inconstance des démons.

Haborym, démon des incendies, appelé aussi Aym. Il porte aux enfers le titre de duc ; il se montre à cheval sur une vipère, avec trois têtes, l’une de serpent, l’autre d’homme, la troisième de chat. Il tient à la main une torche allumée. Il commande vingt-six légions. Quelques-uns disent que c’est le même que Ranm ; ce qui nous paraît au moins douteux.

Haceldama ou Hakeldama, qui signifie héritage ou portion de sang. Ce mot est devenu commun à toutes les langues du Christianisme, depuis le récit sacré qui nous apprend qu’après que Judas se fut pendu, les prêtres juifs achetèrent, des trente pièces d’argent qu’ils lui avaient données pour trahir Notre-Seigneur, un champ qui fut destiné à la sépulture des étrangers, et qui porta le nom d’Haceldama. On montre encore ce champ aux étrangers. Il est petit et couvert d’une voûte sous laquelle on prétend que les corps qu’on y dépose sont consumés dans l’espace de trois à quatre heures.

Hack, démon cité dans les Clavicules dites de Salomon, comme un des plus puissants chefs de l’enfer.

Hakelberg. « L’origine du nom de Woden ou Odin se révèle par la racine étymologique de l’anglo-saxon Woodin, qui signifie le féroce ou le furieux. Aussi l’appelle-t-on dans le Nord le chasseur féroce, et en Allemagne Groden’sheer ou Woden’sheer. Woden, dans le duché de Brunswick, se retrouve sous le nom du chasseur Hakelberg[1]. »

Il était seigneur de Rodenstein, et avait renoncé à sa part de paradis pour qu’il lui fût permis de chasser toujours. Le diable, avec qui il faisait le pacte, lui avait promis qu’il chasserait jusqu’au jour du jugement dernier, Il mourut, et on montre dans la forêt d’Usslar une pierre brute qui est, dit-on, son tombeau, parmi les ruines de son château de Rodenstein. Les savants pensent que cette pierre est un monument druidique. Mais les voisins racontent qu’elle est gardée par les chiens de l’enfer, et que le chasseur indomptable sort de sa tombe à minuit pour chasser avec fureur. Lorsqu’il se laisse voir, c’est un signe de guerre prochaine. Lorsqu’on l’évoque, il se montre ; mais à son aspect effroyable et au bruit de sa suite, le curieux tombe à demi mort dè peur ; et aussitôt la vision s’évanouit[2].

Hakkims, médecins qui guérissent par charmes, en Perse.

Hakkin. Voy. Haouin.

Haleine. Une haleine forte et violente est la marque d’un grand esprit, dit un savant, et au contraire, ajoute-t-il, une haleine faible est la marque d’un tempérament usé et d’un esprit débile…

Hallucination. Walter Scott, dans sa Démonologie, voit la plupart des apparitions comme de véritables hallucinations. Il a raison


quelquefois. Mais il ne faut pas faire de cette explication un système, à la manière des esprits qui veulent tout comprendre, dans un monde où nous sommes environnés de tant de choses que nous ne comprenons pas. C’est une hallucination épidémique ou un singulier mirage, que l’exemple qu’il cite de l’Écossais Patrick Walker, si, en effet, il n’y avait là que les phénomènes d’une aurore boréale. — « En l’année 1686, aux mois de juin et de juillet, dit l’honnête Walker, plusieurs personnages encore vivants peuvent attester que, près le bac de Crosford, à deux milles au-dessous de Lanark, et particulièrement aux Mains, sur la rivière de la Clyde, une grande foule de curieux se rassembla plusieurs fois après midi pour voir une pluie de bonnets, de chapeaux, de fusils et d’épées ; les arbres et le terrain en étaient couverts ; des compagnies d’hommes armés marchaient en l’air le long de la rivière, se ruaient les unes contre les autres, et disparaissaient pour faire place à d’autres bandes aériennes. Je suis allé là trois fois consécutivement dans l’ quelquefois midi, et j’ai observé que les deux tiers des témoins avaient vu, et que l’autre tiers n’avait rien vu. Quoique je n’eusse rien vu moi-même, ceux qui voyaient avaient une telle frayeur et un tel tremblement, que ceux qui ne voyaient pas s’en apercevaient bien. Un gentilhomme, tout près de moi, disait : — Ces damnés sorciers ont une seconde vue ; car le diable m’emporte si je vois quelque chose ! — Et, sur-le-champ, il s’opéra un changement dans sa physionomie. Il voyait… — Plus effrayé que les autres, il s’écria : — Vous tous qui ne voyez rien, ne dites rien ; car je vous assure que c’est un fait visible pour tous ceux qui ne sont pas aveugles. — Ceux qui voyaient ces choses-là pouvaient décrire les espèces de batterie des fusils, leur longueur et leur largeur, et la poignée des épées, les ganses des bonnets, etc. »

Ce phénomène singulier, auquel la multitude croit, bien que seulement les deux tiers eussent vu, peut se comparer, ajoute Walter Scott, à l’action de ce plaisant qui, se posant dans l’attitude de l’étonnement, les yeux fixés sur le lion de bronze bien connu qui orne la façade de l’hôtel de Northumberland dans le Strand à (Londres), attira l’attention de ceux qui le regardaient en disant : — Par le ciel, il remue !… il remue de nouveau ! — et réussit ainsi, en peu de minutes, à faire obstruer la rue par une foule immense : les uns s’imaginant avoir effectivement aperçu le lion de Percy remuer la queue, les autres attendant pour admirer la même merveille.

De véritables hallucinations sont enfantées par une funeste maladie, que diverses causes peuvent faire naître. Leur source la plus fréquente est produite par les habitudes d’intempérance de ceux qui, à la suite d’excès de boisson, contractent ce que le peuple nomme les diables bleus, sorte de spleen ou désorganisation mentale. Les joyeuses illusions que, dans les commencements, enfante l’ivresse, s’évanouissent avec le temps et dégénèrent en impressions d’effroi. Le fait qui va suivre fut raconté à l’auteur par un ami du patient. Lu jeune homme riche, qui avait mené une vie de nature à compromettre à la fois sa santé et sa fortune, se vit obligé de consulter un médecin. Une des choses dont il se plaignait le plus était la présence habituelle d’une suite de fantômes habillés de vert, exécutant dans sa chambre une danse bizarre, dont il était forcé de supporter la vue, quoique bien convaincu que tout le corps de ballet n’existait que dans son cerveau.

— Le médecin lui prescrivit un régime ; il lui recommanda de se retirer à la campagne, d’y observer une diète calmante, de se lever de bonne heure, de faire un exercice modéré, d’éviter une trop grande fatigue. Le malade se conforma à cette prescription et se rétablit.

Un autre exemple d’hallucinations est celui de M. Nicolaï, célèbre libraire de Berlin. Cet homme ne se bornait pas à vendre des livres, c’était encore un littérateur ; il eut le courage moral d’exposer à la Société philosophique de Berlin le récit de ses souffrances, et d’avouer qu’il était sujet à une suite d’illusions fantastiques. Les circonstances de ce fait peuvent être exposées très-brièvement, comme elles l’ont été au public, attestées par les docteurs Ferriar, Hibbert et autres qui ont écrit sur la démonologie. Nicolaï fait remonter sa maladie à une série de désagréments qui lui arrivèrent au commencement de 1791. L’affaissement d’esprit occasionné par ces événements fut encore aggravé par ce fait, qu’il négligea l’usage de saignées périodiques auxquelles il était accoutumé ; un tel état de santé créa en lui la disposition à voir des groupes de fantômes qui se mouvaient et agissaient devant lui, et quelquefois même lui parlaient. Ces fantômes n’offraient rien de désagréable à son imagination, soit par leur forme, soit par leurs actions ; et le visionnaire possédait trop de force d’âme pour être saisi, à leur présence, d’un sentiment autre que celui de la curiosité, convaincu qu’il était, pendant toute la durée de l’accès, que ce singulier effet n’était que la conséquence de sa mauvaise santé, et ne devait sous aucun autre rapport être considéré comme sujet de frayeur. Au bout d’un certain temps, les fantômes parurent moins distincts dans leurs formes, prirent des couleurs moins vives, s’affaiblirent aux yeux du malade, et finirent par disparaître entièrement.

Un malade du docteur Gregory d’Édimbourg, l’ayant fait appeler, lui raconta dans les termes suivants ses singulières souffrances : — J’ai l’habitude, dit-il, de dîner à cinq heures ; et lorsque six heures précises arrivent, je suis sujet à une visite fantastique. La porte de la chambre, même lorsque j’ai eu la faiblesse de la verrouiller, ce qui m’est arrivé souvent, s’ouvre tout à coup : une vieille sorcière, semblable à celles qui hantaient les bruyères de Forrès, entre d’un air menaçant, s’approche, se pose devant moi, mais si brusquement, que je ne puis l’éviter, et alors me donne un violent coup de sa béquille ; je tombe de ma chaise sans connaissance, et je reste ainsi plus ou moins longtemps. Je suis tous les jours sous la puissance de cette apparition. Quelquefois la vieille est une dame qui, en parure de bal, me fait des mines. — Le docteur demanda au malade s’il avait jamais invité quelqu’un à être avec lui témoin d’une semblable visite. Il répondit que non. Son mal était si particulier, on devait si naturellement l’imputer à un dérangement mental qu’il lui avait toujours répugné d’en parler à qui que ce fut. — Si vous le permettez, dit le docteur, je dînerai avec vous aujourd’hui tête cà tête, et nous verrons si votre méchante vieille viendra troubler notre société. Le malade accepta avec gratitude. Ils dînèrent, et le docteur, qui supposait l’existence de quelque maladie nerveuse, employa le charme de sa brillante conversation à captiver l’attention de son hôte, pour l’empêcher de penser à l’heure fatale qu’il avait coutume d’attendre avec terreur. Il réussit d’abord. Six heures arrivèrent sans qu’on y fît attention. Mais à peine quelques minutes étaient-elles [écoulées que le monomane s’écria d’une voix troublée : — Voici la sorcière ! — et, se renversant sur sa chaise, il perdit connaissance. Le médecin lui tira un peu de sang, et se convainquit que cet accident périodique, dont se plaignait le malade, était une tendance à l’apoplexie. Le fantôme à la béquille était simplement une sorte de combinaison analogue à celle dont la fantaisie produit le dérangement appelé éphialte, ou cauchemar, ou toute autre impression extérieure exercée sur nos organes pendant le sommeil.

Un autre exemple encore me fut cité, dit Walter Scott, par le médecin qui avait été dans le cas de l’observer. Le malade était un honorable magistrat, lequel avait conservé entière sa réputation d’intégrité, d’assiduité et de bon sens. — Au moment des visites du médecin, il en était

Une dame en parure de bal


réduit à garder la chambre, quelquefois le lit ; cependant, de temps à autre, appliqué aux affaires, de manière que rien n’indiquait à un observateur superficiel la moindre altération dans ses facultés morales ; aucun symptôme ne faisait craindre une maladie aiguë ou alarmante ; mais la faiblesse du pouls, l’absence de l’appétit, le constant affaiblissement des esprits, semblaient prendre leur origine dans une cause cachée que le malade était résolu à taire. Le sens obscur des paroles de cet infortuné, la brièveté et la contrainte de ses réponses aux questions du médecin, le déterminèrent à une sorte d’enquête. Il eut recours à la famille : personne ne devinait la cause du mal. L’état des affaires du patient était prospère ; aucune perte n’avait pu lui occasionner un chagrin ; aucun désappointement dans ses affections ne pouvait se supposer à son âge ; aucune idée de remords ne s’alliait à son caractère. Le médecin eut donc recours avec le monomane à une explication ; il lui parla de la folie qu’il y avait à se vouer à une mort triste et lente, plutôt que de dévoiler la douleur qui le minait. Il insista sur l’atteinte qu’il portait à sa réputation, en laissant soupçonner que son abattement pût provenir d’une cause scandaleuse, peut-être même trop déshonorante pour être pénétrée ; il lui fit voir qu’ainsi il léguerait à sa famille un nom suspect et terni. Le malade frappé exprima le désir de s’expliquer franchement avec le docteur, et, la porte de la chambre fermée, il entreprit sa confession en ces termes :

« Vous ne pouvez comprendre la nature de mes souffrances, et votre zèle ni votre habileté ne peuvent m’apporter de soulagement. La situation où je me trouve n’est pourtant pas nouvelle, puisqu’on la retrouve dans le célèbre roman de Lesage. Vous vous souvenez sans doute de la maladie dont il y est dit que mourut le duc d’Olivarès : l’idée qu’il était visité par une apparition, à l’existence de laquelle il n’ajoutait aucunement foi ; mais il en mourut néanmoins, vaincu et terrassé par son imagination. — Je suis dans la même position ; la vision acharnée qui me poursuit est si pénible et si odieuse, que ma raison ne suffit pas à combattre mon cerveau affecté : bref, je suis victime d’une maladie imaginaire. »

Le médecin écoutait avec anxiété.

« Mes visions, reprit le malade, ont commencé il y a deux ou trois ans. Je me trouvais de temps en temps troublé par la présence d’un gros chat qui entrait et sortait sans que je pusse dire comment, jusqu’à ce qu’enfin la vérité me fût démontrée, et que je me visse forcé à ne plus le regarder comme un animal domestique, mais bien comme un jeu, qui n’avait d’existence que dans mes organes visuels en désordre, ou dans mon imagination déréglée. Jusque-là je n’avais nullement pour cet animal l’aversion absolue de ce brave chef écossais qu’on a vu passer par les différentes couleurs de son plaid lorsque par hasard un chat se trouvait dans un appartement avec lui. Au contraire, je suis ami des chats, et je supportais avec tranquillité la présence de mon visiteur imaginaire, lorsqu’un spectre d’une grande importance lui succéda. Ce n’était autre chose que l’apparition d’un huissier de la cour. Ce personnage, avec la bourse et l’épée, une veste brodée et le chapeau sous le bras, se glissait à mes côtés, et, chez moi ou chez les autres, montait l’escalier devant moi, comme pour m’annoncer dans un salon, puis se mêlait à la société, quoiqu’il fût évident que personne ne remarquait sa présence, et que seul je fusse sensible aux chimériques honneurs qu’il me voulait rendre. Cette bizarrerie ne produisit pas beaucoup d’effet sur moi : cependant elle m’alarma à cause de l’influence qu’elle pouvait avoir sur mes facultés. Après quelques mois, je n’aperçus plus le fantôme de l’huissier. Il fut remplacé par un autre, horrible à la vue, puisque ce n’est autre chose que l’image de la mort elle-même, un squelette. Seul ou en compagnie, la présence de ce fantôme ne m’abandonne jamais. En vain je me suis répété cent fois que ce n’est qu’une image équivoque et l’effet d’un dérangement dans l’organe de ma vue ; lorsque je me vois, en idée à la vérité, le compagnon d’un tel fantôme, rien n’a de pouvoir contre un pareil malheur, et je sens que je dois mourir victime d’une affection aussi mélancolique, bien que je ne croie pas à la réalité du spectre qui est devant mes yeux. »

Le médecin affligé fit au malade, alors au lit, plusieurs questions. « Ce squelette, dit-il, semble donc toujours là ? — Mon malheureux destin est de le voir toujours. — Je comprends ; il est, à l’instant même, présent à votre imagination ? — Il est présent à l’instant même. — Et dans quelle partie de votre chambre le voyez-vous ? — Au pied de mon lit ; lorsque les rideaux sont entrouverts, il se place entre eux et remplit l’espace

vide. — Aurez-vous assez de courage pour vous lever et pour vous placer à l’endroit qui vous semble occupé, afin de vous convaincre de la déception ? »

Le pauvre homme soupira et secoua la tête d’une manière négative. « Eh bien, dit le docteur, nous ferons l’expérience une autre fois. »

Alors il quitta sa chaise aux côtés du lit ; et se plaçant entre les deux rideaux entr’ouverts, indiqués comme la place occupée par le fantôme, il demanda si le spectre était encore visible, a Non entièrement, dit le malade, parce que voire personne est entre lui et moi ; mais j’aperçois sa tête par-dessus vos épaules. »

Le docteur tressaillit un moment, malgré sa philosophie, à une réponse qui affirmait d’une manière si précise que le spectre le touchait de si près. Il recourut à d’autres moyens d’investigation, mais sans succès. Le malade tomba dans un marasme encore plus profond ; il en mourut, et son histoire laissa un douloureux exemple du pouvoir que le moral a sur le physique, lors même que les terreurs fantastiques ne parviennent pas à absorber l’intelligence de la personne qu’elles tourmentent.

Rapportons encore, comme fait attribué à l’hallucination, la célèbre apparition de Maupertuis à un de ses confrères, professeur de Berlin. Elle est décrite dans les Actes de la Société royale de Berlin, et se trouve rapportée par M. Thiébaut dans ses Souvenirs de Frédéric le Grand. Il est essentiel de prévenir que M. Gleditch, à qui elle est arrivée, était un botaniste distingué, professeur de philosophie naturelle, et regardé comme un homme d’un caractère sérieux, simple et tranquille. Peu de temps après la mort de Maupertuis, M. Gleditch, obligé de traverser la salle dans laquelle l’académie tenait ses séances, ayant quelques arrangements à faire dans le cabinet d’histoire naturelle qui était de son ressort, aperçut en entrant dans la salle l’ombre de M. de Maupertuis, debout et fixe dans le premier angle à main gauche et ses yeux braqués sur lui. Il était trois heures de l’après-midi. Le professeur de philosophie en savait trop sur sa physique pour supposer que son président, mort à Bâle dans la famille de Bernouilli, serait revenu à Berlin en personne. Il ne regarda la chose que comme une illusion provenant du dérangement de ses organes. Il continua de s’occuper de ses affaires sans s’arrêter plus longtemps à cet objet. Mais il raconta cette vision à ses confrères, les assurant qu’il avait vu une figure aussi bien formée et aussi parfaite que M. de Maupertuis lui-même aurait pu la présenter.

Voici un autre petit fait : Un prince, s’étant imaginé qu’il était mort, ne voulut plus prendre de nourriture, quelque chose qu’on lui dît pour lui persuader qu’il vivait. Cette diète hors de raison faisait craindre avec justice des suites fâcheuses, et l’on commençait à perdre toute espérance, lorsqu’un des principaux officiers s’avisa de faire habiller trois valets de chambre en sénateurs romains, tels qu’on les voit représenter sur les théâtres, et les fit placer à une table garnie d’excellents mets, qu’il fit dresser dans la chambre où le prince était couché : le prince voyant cet appareil demanda qui étaient ces étrangers ? « Ce sont, dit l’officier, Alexandre, César et Pompée. — Comment ! répliqua le prince, ils sont morts, et les morts ne mangent point. — Il est vrai, répondit-il, qu’ils sont morts, mais ils mangent de bon appétit. — Si cela est, dit le prince, qu’on me mette mon couvert, je veux manger avec eux. » Ce mort d’imagination se leva, mangea avec ses illustres convives, et cette invention de son officier lui fit recouvrer la santé du corps et de l’esprit qui était en grand danger[3].

Halphas, grand comte des enfers. Il paraît sous la forme d’une cigogne, avec une voix bruyante. Il bâtit des villes, ordonne les guerres et commande vingt-six légions[4]. C’est peut-être le même que Malphas.

Haltias. Les Lapons donnent ce nom aux vapeurs qui s’élèvent des lacs, et qu’ils prennent pour les esprits auxquels est commise la garde des montagnes.

Hamlet, prince de Danemark, à qui apparut le spectre de son père pour demander une vengeance dont il se chargea. Shakspeare a illustré cette sombre histoire. On montre toujours sur une colline voisine d’Elseneur la tombe d’Hamlet, que des croyances peureuses entourent et protègent.

Hammerlein. C’est le nom que donnait au démon qui le dominait un possédé cité par Brognoli dans son Alexiacon, Cet homme ne put être délivré.

Handel, célèbre musicien saxon. Se trouvant en 1700 à Venise, dans le temps du carnaval, il joua de la harpe dans une mascarade. Il n’avait alors que seize ans, mais son nom dans la musique était déjà très-connu. Dominique Scarlati, habile musicien d’alors sur cet instrument, l’entendit et s’écria : « Il n’y a que le Saxon Handel ou le diable qui puisse jouer ainsi… »

Hanneton. Il y a dans la Cafrerie une sorte de hanneton qui porte bonheur quand il entre dans une hutte. On lui sacrifie des brebis. S’il se pose sur un nègre, le nègre en devient tout fier.

Hannon, général carthaginois, distingué par cette fourberie : il nourrissait des oiseaux à qui il apprenait à dire : Hannon est un dieu ; puis il leur donnait la liberté.

Hantise, fréquentation. Le mot hanter est toujours pris en mauvaise part : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. » Les maisons où paraissent des démons s’appellent des maisons hantées. Sous le titre de la Maison hantée, le comte Yermolof a écrit avec beaucoup de charme une tradition de Moscou. Cette maison avait été habitée par un alchimiste qui évoquait les esprits élémentaires. Une salamandre la hantait, et on disait que depuis qu’elle avait brûlé quelques-uns des évocateurs, elle gémissait tous les jours à minuit, sans qu’on vît jamais rien et sans qu’on pût rien découvrir dans la chambre où l’alchimiste avait opéré.

Hapi. Voy. Apis.

Haquart. Rémi, dans sa Démonologie, rapporte qu’une sorcière nommée Françoise Haquart, condamnée au feu en 1587, avait livré sa fille Jeanne au démon lorsqu’elle n’avait encore que sept ans. Une femme chrétienne se chargea de cette enfant, et pour la protéger contre le démon, elle la mit coucher entre deux pieuses servantes. Mais, à la vue de tous les voisins, elle fut enlevée et resta longtemps suspendue en l’air, pendant que les servantes criaient : « Seigneur Jésus, sauvez-nous. » Elle resta huit jours sans prendre aucun aliment, et on ne la délivra que par l’exorcisme.

Haquin. Les anciennes histoires Scandinaves font mention d’un vieux roi de Suède, nommé Haquin, qui commença à régner au troisième siècle et ne mourut qu’au cinquième, âgé de deux cent dix ans, dont cent quatre-vingt-dix de règne. Il avait déjà cent ans lorsque, ses sujets s’étant révoltés contre lui, il consulta l’oracle d’Odin qu’on révérait auprès d’Upsal. Il lui fut répondu que s’il voulait sacrifier le seul fils qui lui restait, il vivrait et régnerait encore soixante ans. Il y consentit, et ses dieux lui tinrent parole. Bien plus, sa vigueur se ranima à l’âge de cent cinquante ans ; il eut un fils à nouveau et successivement cinq autres, depuis cent cinquante ans jusqu’à cent soixante. Se voyant près d’arriver à son terme, il tâcha encore de le prolonger ; et les oracles lui répondirent que s’il sacrifiait l’aîné de ses enfants, il régnerait encore dix ans ; il le fit. Le second lui valut dix autres années de règne, et ainsi de suite jusqu’au cinquième. Enfin il ne lui restait plus que celui-là ; il était d’une caducité extrême, mais il vivait toujours ; ayant voulu sacrifier encore ce dernier rejeton de sa race, le peuple, lassé du monarque et de sa barbarie, le chassa du trône ; il mourut, et son fils lui succéda. Delancre dit que ce monarque était grand sorcier, et qu’il combattait ses ennemis à l’aide des éléments. Par exemple il leur envoyait de la pluie ou de la grêle.

Haridi, serpent honoré à Akhmin, ville d’Égypte. Il y a quelques siècles qu’un derviche nommé Haridi y mourut ; on lui éleva un tombeau, surmonté d’une coupole, au pied de la montagne ; les peuples vinrent lui adresser des prières. Un autre derviche profita de la crédulité des bonnes gens, et leur dit que Dieu avait fait passer l’esprit du défunt dans le corps d’un serpent. Il en avait apprivoisé un de ceux qui sont communs dans la Thébaïde et qui ne font pas de mal ; ce reptile obéissait à sa voix. Le derviche mit à l’apparition de son serpent tout l’appareil du charlatanisme ; il éblouit le vulgaire et prétendit guérir toutes les maladies. Quelques succès lui donnèrent la vogue. Ses successeurs n’eurent pas de peine à soutenir une imposture lucrative ; ils s’enrichirent en donnant à leur serpent l’immortalité et poussèrent l’impudence jusqu’à en faire un essai public ; le serpent fut coupé en morceaux en présence de l’émir, et déposé sous un vase pendant deux heures. À l’instant où le vase fut levé, les serviteurs du derviche eurent sans doute l’adresse d’en substituer un semblable ; on cria au prodige, et l’immortel Haridi acquit un nouveau degré de considération.

Paul Lucas raconte que, voulant s’assurer des choses merveilleuses que l’on racontait de cet animal, il fit pour le voir le voyage d’Akhmin ; qu’il s’adressa à Assan-Bey, lequel fit venir le derviche avec le serpent ou l’ange, car tel est le nom qu’on lui donnait, et que ce derviche tira de son sein en sa présence l’animal merveilleux. C’était, ajoute-t-il, une couleuvre de médiocre grosseur et qui paraissait fort douce.

Haro, famille noble d’Espagne, qui prétend descendre d’une fée.

Harold-Germson, roi de Norvège qui, voulant châtier l’Islande, envoya un habile et savant troldman (magicien) espionner le pays après avoir étudié ses abordages. Le troldman, pour n’être pas deviné, se changea en baleine, et nagea vers l’Islande. Il vit venir à lui dans une nacelle un Islandais qui, étant aussi magicien, le reconnut sous son déguisement ; le prétendu batelier siffla ; et les ladwaiturs, génies protecteurs de l’Islande, dûment avertis, s’élancèrent en formes de dragons et firent tomber sur la baleine une trombe de venin. Le troldman déguisé s’échappa et courut dans un autre site sous la forme d’un énorme oiseau. Le magicien islandais l’attaqua avec une pique ;

Le magicien islandais l’attaqua avec une pique. — Page 322.


l’oiseau blessé tomba ; le troldman en sortit encore et se métamorphosa en un taureau monstrueux ; c’était auprès de Bridafort ; échouant de nouveau, il reparut en géant ; mais toujours sans succès ; et Harold-Germson ne put avoir les renseignements qu’il voulait.

Tout ce récit nous vient d’une saga due à un vieux barde idolâtre, et c’est une altération de la vérité. Il s’agit là des efforts que firent les rois Scandinaves Olof Triggvason et Harald ou Harold-Germson pour convertir l’Islande au christianisme. Ce ne furent pas des magiciens, mais des missionnaires qu’ils y envoyèrent ; et il fallut des efforts immenses pour établir dans cette île sauvage un peu de christianisme, qui depuis est tombé, avec celui des autres pays du Nord, dans le luthéranisme, tout en conservant ses magiciens ou sorciers, qui florissent encore de nos jours[5].

Harpe. Chez les Calédoniens, lorsqu’un guerrier célèbre était exposé à un grand péril, les harpes rendaient d’elles-mêmes un son lugubre et prophétique ; souvent les ombres des aïeux du guerrier en pinçaient les cordes. Les bardes alors commençaient un chant de mort, sans lequel aucun guerrier n’était admis dans le palais de nuages, et dont l’effet était si salutaire que les fantômes retournaient dans leur demeure pour y recevoir avec empressement et revêtir de ses armes fantastiques le héros décédé.

Harppe. Thomas Bartholin, qui écrivait au dix-septième siècle, raconte, après une ancienne magicienne nommée Landela, dont l’ouvrage n’a jamais été imprimé, un trait qui doit être du treizième siècle ou du quatorzième. — Un homme du Nord, qui se nommait Harppe, étant à l’article de la mort, ordonna à sa femme de le faire enterrer tout debout devant la porte de sa cuisine, afin qu’il ne perdît pas tout à fait l’odeur des ragoûts qui lui étaient chers, et qu’il pût voir à son aise ce qui se passerait dans sa maison. La veuve exécuta docilement et fidèlement ce que son mari lui avait commandé. Quelques semaines après la mort de Harppe, on le vit souvent apparaître, sous la forme d’un fantôme hideux, qui tuait les ouvriers et molestait tellement les voisins, que personne n’osait plus demeurer dans le village. Un paysan, nommé Olaùs Pa, fut assez hardi pour attaquer ce vampire, car c’en était un ; il lui porta un grand coup de lance, et laissa la lance dans la plaie. Le spectre disparut. Le lendemain, Olaùs fit ouvrir le tombeau du mort ; il trouva sa lance dans le corps de Harppe, au même endroit où il avait frappé le fantôme. Le cadavre n’était pas corrompu ; on le tira de terre ; on le brûla, on jeta ses cendres à la mer, et on fut délivré de ses funestes apparitions[6].

« Le corps de Harppe, dit ici Dom Calmet (si l’on admet la vérité de ce fait), était donc réellement sorti de terre lorsqu’il apparaissait. Ce corps devait être palpable et vulnérable, puisqu’on trouva la lance dans la plaie. Comment sortit-il de son tombeau, et comment y rentra-t-il ? C’est la difficulté ; car qu’on ait trouvé la lance et la blessure sur son corps, cela ne doit pas surprendre, puisqu’on assure que les sorciers, qui se métamorphosent en chiens, en loups-garous, en chats, etc., portent dans leurs corps humains les blessures qu’ils ont reçues aux mêmes partiesdes corps dont ils se sont revêtus, et dans lesquels ils apparaissent. » Le plus croyable sur cette histoire peu avérée est probablement qu’elle est fort altérée. Voy. Vampires.

Harvilliers (Jeanne), sorcière des environs de Compiègne, au commencement du seizième siècle. Dans son procès, elle raconta que sa mère l’avait présentée au diable dès l’âge de douze ans ; que c’était un grand nègre vêtu de noir ; qu’il arrivait, quand elle le voulait, botté, éperonné et ceint d’une épée ; qu’elle seule le voyait, ainsi que son cheval, qu’il laissait à la porte. — La mère de Jeanne avait été brûlée comme sorcière. Elle, qui du reste avait commis d’autres crimes, fut également brûlée, à l’âge de cinquante ans, le dernier jour d’avril de l’année 1578[7].

Harvis. C’est le nom qu’on donne aux sorciers de l’Égypte moderne.

« De tout temps, dit M. Théodore Pavie, l’Égypte a eu des sorciers. Les devins qui luttèrent contre Moïse firent tant de prodiges, qu’il fallut au législateur des Hébreux la puissance invincible dont Jéhovah l’avait doué pour triompher de ses ennemis. La cabalistique, la magie, les sciences occultes, importées par les Arabes en Espagne, puis dans toute l’Europe, où déjà elles avaient paru sous d’autres formes à la suite des barbares venus d’Orient par le Nord, n’étaient que des tentatives pour retrouver ces pouvoirs surnaturels, premier apanage de l’homme, alors qu’il commandait aux choses de la création en les appelant du nom que la voix de l’Éternel leur avait imposé. Désormais, soit que les lumières de la vérité, plus répandues, rendent moins faciles les expériences des sorciers dégénérés, soit que l’homme en avançant dans les siècles perde peu à peu ce reste d’empire sur la matière, qu’il cherche aujourd’hui à dompter par l’analyse des lois auxquelles elle obéit, toujours est-il que la magie est une science perdue ou considérée comme telle. L’Égypte cependant prétend en avoir conservé la tradition ; et les devins du Caire jouissent encore, sur les bords du Nil, d’une réputation colossale. Il ne s’agit pas pour eux précisément de jeter des sorts, de prédire des malheurs ; ils n’ont pas la seconde vue du Tyrol ou de l’Écosse ; leur science consiste à évoquer, dans le creux de la main d’un enfant pris au hasard, telle personne éloignée dont le nom est prononcé dans l’assemblée, et de la faire dépeindre par ce même enfant, sans qu’il l’ait jamais vue, sous des traits impossibles à méconnaître. Le plus célèbre des harvis a eu l’honneur de travailler devant plusieurs voyageurs européens, dont les écrits ont été lus avec avidité, et il a généralement assez bien réussi pour que sa gloire n’ait eu rien à souffrir de ces rencontres périlleuses. Voir cet homme, assister à une séance de magie, juger par mes propres yeux de l’état de la sorcellerie en Orient, ces trois désirs me tentaient violemment : l’occasion s’en présenta.

» C’était au Caire, dans une des hôtelleries de cette capitale de l’Égypte. À la suite de quelques discussions qui s’étaient élevées entre nous au sujet du grand harvi, il fut unanimement résolu de le faire appeler. La table était presque toute composée d’Anglais. Vers la fin du dîner, le sorcier arriva. Il entre, fait un léger signe de tête, et va s’asseoir au coin du divan, dans le fond du salon. Bientôt, après avoir accepté le café et la pipe, comme chose due à son importance, il se recueille, tout en parcourant l’assemblée d’un regard scrutateur. Le devin est né à Alger ; sa physionomie n’a rien de gracieux, son œil est perçant et peu ouvert ; sa barbe grisonnante laisse voir une bouche petite, à lèvres minces et serrées ; ses traits, plus fins que ceux d’un Égyptien, n’ont pas non plus le calme impassible et sauvage du Bédouin ; il est grand, fier, dédaigneux, et se pose en homme supérieur. Tandis que nous achevions de fumer, celui-ci son chibouk, celui-là son narguilé, le harvi, immobile dans son coin, cherchait à lire sur nos visages le degré de croyance que nous étions disposés à lui accorder ; puis tout à coup il tira de sa poche un calam (sorte de plume) et de l’encre, demanda un réchaud, et se mit à écrire ligne à ligne, sur un long morceau de papier, de mystérieuses sentences. Dès qu’il eut jeté dans le feu quelques-unes de ces lignes, déchirées successivement, le charme commençant à opérer, un enfant fut introduit. C’était un Nubien de sept à huit ans, esclave au service de l’un de nos convives, récemment arrivé de son pays, noir comme l’encre du harvi, et affublé du plus simple costume turc.

L’Algérien et son Nubien.

Le sorcier prit la main de l’enfant, y laissa tomber une goutte du liquide magique, l’étendit avec sa plume de roseau, et abaissant la tête du patient sur ses doigts, de manière qu’il ne pût rien voir, il le plaça dans un coin de l’appartement, près de lui, le dos tourné à l’assemblée.

— Lady K… ! s’écria le plus impétueux des spectateurs. — Et l’enfant, après avoir hésité quelques instants, prit la parole d’une voix faible.

— Que vois-tu ? lui demanda son maître, tandis que le harvi, de plus en plus sérieux, marmottait des vers magiques, tout en brûlant ses papiers, dont il tira une grande poignée de dessous sa robe. — Je vois, répondit le petit Nubien ; je vois des bannières, des mosquées, des chevaux, des cavaliers, des musiciens, des chameaux…

— Toutes choses qui n’ont rien à faire avec Lady K…, me dit tout bas un esprit fort. — Shouf ta’ib ! Shouf ta’ib ! regarde bien ! criait le spectateur qui voulait évoquer lady K… L’enfant se taisait, balbutiait ; puis il déclara qu’il voyait une personne. — Est-ce une dame, un monsieur ? — Une dame ! — Le harvi s’aperçut à nos regards qu’il avait déjà converti à moitié les plus incrédules. — Et comment est cette dame ?

— Elle est belle, reprit l’enfant, bien vêtue et bien blanche ; elle a un bouquet à la main ; elle est près d’un balcon, et regarde un beau jardin.

— On dirait que ce négrillon a vu quelquefois les portraits de Lawrence, dit le maître de l’esclave à son voisin ; il a deviné juste, et pourtant jamais rien de semblable ne s’est présenté à ses yeux. — Et puis, reprit l’enfant après quelques secondes, car il parlait lentement et par mots entrecoupés, cette belle dame a trois jambes ! L’effort que fit le harvi pour ne pas anéantir le négrillon d’un coup de poing se trahit par un sourire forcé. Il lui répéta avec une douceur contrainte, une grâce pleine de rage : — Shouf ta’ib ! regarde bien ! L’enfant tremblait ; toutefois il affirma que le personnage évoqué dans le creux de sa main avait trois jambes.

» Aucun de nous ne put se rendre compte de l’illusion ; mais on fit retirer le petit nègre, qui fut remplacé par un autre en tout semblable. Durant cette interruption, le sorcier avait marmotté bon nombre de phrases magiques et brûlé force papiers. L’assemblée fumait, le café circulait sans cesse : l’animation allait croissant. On convint d’évoquer cette fois sir F. S…, facile à reconnaître, puisqu’il a perdu un bras. Le nouveau négrillon prit la place du premier, abaissa de même sa tête sur la goutte d’encre, et l’on fit silence. — Sir F. S… ! dit une voix dans l’assemblée, et l’enfant répéta, syllabe par syllabe, ce nom tout à fait barbare pour lui. Ainsi que son prédécesseur, il déclara voir des chevaux, des chameaux, des bannières et des troupes de musiciens : c’est le prélude ordinaire, le chaos qui se débrouille avant que la lumière magique de la goutte d’encre éclaire le personnage demandé. Le harvi ne comprend ni le français, ni l’anglais, ni l’italien ; mais, habitué à lire dans les regards du public, il devina qu’on lui proposait un sujet marqué par quelque signe particulier. Jadis on lui avait demandé de faire paraître Nelson, à qui, comme chacun sait, il manquait un bras et une jambe, et il avait rencontré juste, grâce à la célébrité du héros. Cette fois, il eut vent de quelque tour de ce genre ; aussi, après bien des réponses confuses, l’enfant s’écria : — Je vois un monsieur ! c’est un chrétien, il n’a pas de turban : son habit est vert… Je ne vois qu’un bras ! À ces mots, nous échangeâmes un sourire, comme des gens qui s’avouent vaincus : il fallait croire à la magie… Mais mon voisin l’esprit fort, après avoir fait bouillonner l’eau de son narguilé avec un bruit effroyable, regarda le harvi. Je remarquai que notre pensée avait été mal interprétée par le devin, et qu’il chancelait dans son affirmation, supposant que nous avions ri de pitié. Il demanda donc à l’enfant : — Tu ne vois qu’un bras ? Et l’autre ? L’enfant ne répondit pas, et il se fit un grand silence. On entendit les petits papiers s’enflammer plus vivement sur le réchaud. — L’autre bras, reprit le négrillon… je le vois : ce monsieur le met devant son dos, et il tient un gant de cette main !… »

Ainsi le harvi qui opéra devant M. Th. Pavie ne fut pas heureux ou ne fut pas adroit[8]. M. Léon de Laborde avait été plus favorisé ; car voici un fragment curieux qu’il a publié en 1833 dans la Revue des deux mondes, et qu’on retrouve dans ses Commentaires géographiques sur la Genèse.

« L’Orient, cet antique pays, ce vieux berceau de tous les arts et de toutes les sciences, fut aussi et de tout temps le domaine du savoir occulte et des secrets puissants qui frappent l’imagination des peuples. J’étais établi au Caire depuis plusieurs mois (1827), quand je fus averti un matin par lord Prudhoe qu’un Algérien[9], sorcier de son métier, devait venir chez lui pour lui montrer un tour de magie qu’on disait extraordinaire. Bien que j’eusse alors peu de confiance dans la magie orientale, j’acceptai l’invitation ; c’était d’ailleurs une occasion de me trouver en compagnie fort agréable. Lord Prudhoe me reçut avec sa bonté ordinaire et cette humeur enjouée qu’il avait su conserver au milieu de ses connaissances si variées et de ses recherches assidues dans les contrées les plus difficiles à parcourir. Un homme grand et beau, portant turban vert et benisch de même couleur, entra : c’était l’Algérien. Il laissa ses souliers sur le bout du tapis, alla s’asseoir sur un divan et nous salua tous, à tour de rôle, de la formule en usage en Égypte. Il avait une physionomie douce et affable, un regard vif, perçant, je dirai même accablant, et qu’il semblait éviter de fixer, dirigeant ses yeux à droite et à gauche plutôt que sur la personne à laquelle il parlait ; du reste, n’ayant rien de ces airs étranges qui dénotent des talents surnaturels et le métier de magicien. Habillé comme les écrivains ou les hommes de loi, il parlait fort simplement de toutes choses et même de sa science, sans emphase ni mystère, surtout de ses expériences, qu’il faisait ainsi en public et qui semblaient à ses yeux plutôt un jeu, à côté de ses autres secrets qu’il ne faisait qu’indiquer dans la conversation. On lui apporta la pipe et le café, et pendant qu’il parlait, on fit venir deux enfants sur lesquels il devait opérer.

» Le spectacle alors commença. Toute la société se rangea en cercle autour de l’Algérien, qui fit asseoir un des enfants près de lui, lui prit la main et sembla le regarder attentivement. Cet enfant, fils d’un Européen, était âgé de onze ans et parlait parfaitement l’arabe. Achmed, voyant son inquiétude au moment où il tirait de son écritoire sa plume de jonc, lui dit : — N’aie pas peur, enfant, je vais t’écrire quelques mots dans la main, tu y regarderas, et voilà tout. L’enfant se remit de sa frayeur, et l’Algérien lui traça dans la main un carré, entremêlé bizarrement de lettres et de chiffres, versa au milieu une encre épaisse et lui dit de chercher le reflet de son visage. L’enfant répondit qu’il le voyait. Le magicien demanda un réchaud qui fut apporté sur-le-champ ; puis il déroula trois petits cornets de papier qui contenaient différents ingrédients, qu’il jeta en proportion calculée sur le feu. Il l’engagea de nouveau à chercher dans l’encre le reflet de ses yeux, à regarder bien attentivement, et à l’avertir dès qu’il verrait paraître un soldat turc balayant une place. L’enfant baissa la tête ; les parfums pétillèrent au milieu des charbons : et le magicien, d’abord à voix basse, puis l’élevant davantage, prononça une kyrielle de mots dont à peine quelques-uns arrivèrent distinctement à nos oreilles. — Le silence était profond ; l’enfant avait les yeux fixés sur sa main ; la fumée s’éleva en larges flocons, répandant une odeur forte et aromatique. Achmed, impassible, semblait vouloir stimuler de sa voix, qui de douce devenait saccadée, une apparition trop tardive, quand tout à coup, jetant sa tête en arrière, poussant des cris et pleurant amèrement, l’enfant nous dit, à travers les sanglots qui le suffoquaient, qu’il ne voulait plus regarder, qu’il avait vu une figure affreuse ; il semblait terrifié. L’Algérien n’en parut point étonné, il dit simplement : — Cet enfant a eu peur, laissez-le ; en le forçant, on pourrait lui frapper trop vivement l’imagination.

» On amena un petit Arabe au service de la maison et qui n’avait jamais vu ni rencontré le magicien ; peu intimidé de tout ce qui venait de se passer, il se prêta gaiement aux préparatifs et fixa bientôt ses regards dans le creux de sa main, sur le reflet de sa figure, qu’on apercevait même de côté, vacillant dans l’encre. — Les parfums recommencèrent à s’élancer en fumée épaisse, et les formules parlées en un chant monotone, se renforçant et diminuant par intervalles, semblaient devoir soutenir son attention : — Le voilà, s’écria-t-il, et nous remarquâmes l’émotion soudaine avec laquelle il porta ses regards sur le centre des signes magiques. — Comment est-il habillé ? — Il a une veste rouge brodée d’argent, un turban et des pistolets à sa ceinture. — Que fait-il ? — Il balaye une place devant une grande tente riche et belle ; elle est rayée de rouge et de vert avec des boules d’or en haut. — Regarde qui vient à présent ? — C’est le sultan suivi de tout son monde. Oh ! que c’est beau !… Et l’enfant regardait à droite et à gauche, comme dans les verres d’une optique dont on cherche à étendre l’espace. — Comment est son cheval ? — Blanc, avec des plumes sur la tête. — Et le sultan ? — Il a une barbe noire, un benisch vert.

» Ensuite l’Algérien nous dit : Maintenant, messieurs, nommez la personne que vous désirez faire paraître ; ayant soin seulement de bien articuler les noms, afin qu’il ne puisse pas y avoir d’erreur. Nous nous regardâmes tous, et, comme toujours, dans ce moment personne ne retrouva un nom dans sa mémoire. — Shakspeare, dit enfin le major Félix, compagnon de voyage de lord Prudhoe. — Ordonnez au soldat d’amener Shakspeare, dit l’Algérien. — Amène Shakspeare ! cria l’enfant d’une voix de maître. — Le voilà ! ajouta-t-il après le temps nécessaire pour écouter quelques-unes des formules inintelligibles du sorcier. Notre étonnement serait difficile à décrire, aussi bien que la fixité de notre attention aux réponses de l’enfant. — Comment est-il ? — Il porte un benisch noir ; il est tout habillé de noir, il a une barbe. — Est-ce lui ? nous demanda le magicien d’un air fort naturel, vous pouvez d’ailleurs vous informer de son pays, de son âge. — Eh bien, où est-il né ? dis-je. — Dans un pays tout entouré d’eau. Cette réponse nous étonna encore davantage. — Faites venir Cradock, ajouta lord Prudhoe avec cette impatience d’un homme qui craint de se fier trop facilement à une supercherie. Le caouas (soldat turc) l’amena. — Comment est-il habillé ? — Il a un habit rouge, sur sa tête un grand tarbousch noir, et quelles drôles de bottes ! je n’en ai jamais vu de pareilles : elles sont noires et lui viennent par-dessus les jambes.

» Toutes ces réponses dont on retrouvait la vérité sous un embarras naturel d’expressions qu’il aurait été impossible de feindre, étaient d’autant plus extraordinaires qu’elles indiquaient d’une manière évidente que l’enfant avait sous les yeux des choses entièrement neuves pour lui. Ainsi, Shakspeare avait le petit manteau noir de l’époque, qu’on appelait benisch, et tout le costume de couleur noire qui ne pouvait se rapporter qu’à un Européen, puisque le noir ne se porte pas en Orient, et en y ajoutant une barbe que les Européens ne portent pas avec le costume franc, c’était une nouveauté aux yeux de l’enfant. Le lieu de sa naissance, expliqué par un pays tout entouré d’eau, est à lui seul surprenant. Quant à l’apparition de M. Cradock, qui était alors en mission diplomatique près du pacha, elle est encore plus singulière ; car le grand tarbousch noir, qui est le chapeau militaire à trois cornes, et ces bottes noires qui se portent par-dessus la culotte, étaient des choses que l’enfant avouait n’avoir jamais vues auparavant ; et pourtant elles lui apparaissaient.

» Nous fîmes encore apparaître plusieurs personnes ; et chaque réponse, au milieu de son irrégularité, nous laissait toujours une profonde impression. Enfin le magicien nous avertit que l’enfant se fatiguait ; il lui releva la tête, en lui appliquant ses pouces sur les yeux et en prononçant des paroles mystérieuses ; puis il le laissa. L’enfant était comme ivre : ses yeux n’avaient point une direction fixe, son front était couvert de sueur ; tout son être semblait violemment attaqué. Cependant il se remit peu à peu, devint gai, content de ce qu’il avait vu ; il se plaisait à le raconter, à en rappeler toutes les circonstances, et y ajoutait des détails commeà un événement qui se serait réellement passé sous ses yeux.

» Mon étonnement avait surpassé mon attente ; mais j’y joignais une appréhension plus grande encore ; je craignais une mystification, et je résolus d’examiner par moi-même ce qui, dans ces apparitions, en apparence si réelles et certainement si faciles à obtenir, appartenait au métier de charlatan, et ce qui pouvait résulter d’une influence magnétique quelconque. Je me retirai dans le fond de la chambre, et j’appelai Bellier, mon drogman. Je lui dis de prendre à part Achmed et de lui demander si, pour une somme d’argent, qu’il fixerait, il voulait me dévoiler son secret ; à la condition, bien entendu, que je m’engagerais à le tenir caché de son vivant. — Le spectacle terminé, Achmed, tout en fumant, s’était mis à causer avec quelques-uns des spectateurs, encore surpris de son talent ; puis après il partit. J’étais à peine seul avec Bellier, que je m’informai de la réponse qu’il avait obtenue. Achmed lui avait dit qu’il consentait à m’apprendre son secret.

» Le lendemain nous arrivâmes à la grande mosquée El-Ahzar, près de laquelle demeurait Achmed l’Algérien. Le magicien nous reçut poliment et avec une gaieté affable ; un enfant jouait près de lui : c’était son fils. Peu d’instants après, un petit noir d’une bizarre tournure nous apporta les pipes. La conversation s’engagea. Achmed nous apprit qu’il tenait sa science de deux cheicks célèbres de son pays et ajouta qu’il ne nous avait montré que bien peu de ce qu’il pouvait faire. — Je puis, dit-il, endormir quelqu’un sur-le-champ, le faire tomber, rouler, entrer en rage, et au milieu de ses accès le forcer de répondre à mes demandes et de me dévoiler tous ses secrets. Quand je le veux aussi, je fais asseoir la personne sur un tabouret isolé, et, tournant autour avec des gestes particuliers, je l’endors immédiatement ; mais elle reste les yeux ouverts, parle et gesticule comme dans l’état de veille.

» Nous réglâmes nos conditions ; il demanda quarante piastres d’Espagne et le serment sur le Koran de ne révéler ce secret à, personne. La somme fut réduite à trente piastres ; et le serment fait ou plutôt chanté, il fit monter son petit garçon et prépara, pendant que nous fumions, tous les ingrédients nécessaires à son opération. Après avoir coupé dans un grand rouleau un petit morceau de papier, il traça dessus les signes à dessiner dans la main et les lettres qui y ont rapport ; puis, après un moment d’hésitation, il me le donna. J’écrivis la prière que voici sous sa dictée : « Anzilou-Aiouha-el-DjenniAiouha-el-Djennoun-Anzilou-Bettakki-Matalahoutouhou-Aleikoum-Taricki-Anzilou-Taricky. » — Les trois parfums sont : « Takeh-Mabachi, — Ambar-Indi. — Kousombra-Djaou. »

» L’Algérien opéra sur son enfant devant moi. Ce petit garçon en avait une telle habitude que les apparitions se succédaient sans difficulté. Il nous raconta des choses fort extraordinaires, et dans lesquelles on remarquait une originalité qui ôtait toute crainte de supercherie. J’opérai le lendemain devant Achmed avec beaucoup de succès, et avec toute l’émotion que peut donner le pouvoir étrange qu’il venait de me communiquer. À Alexandrie je fis de nouvelles expériences, pensant bien qu’avec cette distance je ne pourrais avoir de doute sur l’absence d’intelligence entre le magicien et les enfants que j’employais, et, pour en être encore plus sûr, je les allai chercher dans les quartiers les plus reculés ou sur les routes, au moment où ils arrivaient de la campagne. J’obtins des révélations surprenantes, qui toutes avaient un caractère d’originalité encore plus extraordinaire que ne l’eût été celui d’une vérité abstraite. Une fois entre autres, je fis apparaître lord Prudhoe, qui était au Caire, et l’enfant, dans la description de son costume, se mit à dire : — Tiens, c’est fort drôle, il a un sabre d’argent. Or, lord Prudhoe était le seul peut-être en Égypte qui portât un sabre avec un fourreau de ce métal. De retour au Caire, je sus qu’on parlait déjà de ma science, et un matin, à mon grand étonnement, les domestiques de M. Msarra, drogman du consulat de France, vinrent chez moi pour me prier de leur faire retrouver un manteau qui avait été volé à l’un d’eux. Je ne commençai cette opération qu’avec une certaine crainte. J’étais aussi inquiet des réponses de l’enfant que les Arabes qui attendaient le recouvrement de leur bien. Pour comble de malheur, le caouas ne voulait pas paraître, malgré force parfums que je précipitais dans le feu, et les violentes aspirations de mes invocations aux génies les plus favorables : enfin il arriva et, après les préliminaires nécessaires, nous évoquâmes le voleur. Il parut. Il fallait voir les têtes tendues, les bouches ouvertes, les yeux fixes de mes spectateurs, attendant la réponse de l’oracle, qui en effet nous donna une description de sa figure, de son turban, de sa barbe : — C’est Ibrahim, oui, c’est lui, bien sûr ! — s’écria-t-on de tous côtés ; et je vis que je n’avais plus qu’à appuyer mes pouces sur les yeux de mon patient, car ils m’avaient tous quitté pour courir après Ibrahim. Je souhaite qu’il ait été coupable, car j’ai entendu vaguement parler de quelques coups de bâton qu’il reçut à cette occasion… »

Hasard. Le hasard, que les païens appelaient la Fortune, a toujours eu un culte étendu, quoiqu’il ne soit rien par lui-même. Les joueurs, les guerriers, les coureurs d’aventures, ceux qui cherchent la fortune dans les roues de la loterie, dans l’ordre des cartes, dans la chute des dés, dans un tour de roulette, ne soupirent qu’après le hasard ! Qu’est-ce donc que le hasard ? Un événement fortuit amené par l’occasion ou par des causes qu’on n’a pas su prévoir, heureux pour les uns, malheureux pour les autres. « Un Allemand sautant en la ville d’Agen sur le gravier, l’an 1597, au saut de l’Allemand, mourut tout roide au troisième saut. Admirez le hasard, la bizarrerie et la rencontre du nom, du saut et du sauteur, dit gravement Delancre : Un Allemand saute au saut de l’Allemand, et la mort, au troisième saut, lui fait faire le saut de la mort… » On voit qu’au seizième siècle même on trouvait aussi des hasards merveilleux dans les jeux de mots.

Le Hasard ou la Forlune.


Hasparius-Eubedi. Saint Augustin cite cet homme de son diocèse comme ayant eu sa maison infestée par les esprits malins. Un prêtre qu’il envoya l’en délivra[10].

Hatchy. Voy. Hrachich.

Hatton II, surnommé Bonose, usurpateur du siège archiépiscopal de Mayence ; il vivait en 1074. Il avait refusé de nourrir les pauvres dans un temps de famine, et avait même fait brûler une grange pleine de gens qui lui demandaient du pain : il périt misérablement. On rapporte que cet intrus, étant tombé malade dans une tour qui est située en une petite île sur les bords du Rhin, y avait été visité de tant de rats, qu’il fut impossible de les chasser. Il se lit transporter ailleurs, dans l’espoir d’en être délivré, mais les rats, s’étant multipliés, le suivirent à la nage, le joignirent et le dévorèrent. Poppiel II, roi de Pologne, souillé de crimes, fut pareillement dévoré par les rats.

Haussy (Marie de), sorcière du seizième siècle, qu’une autre sorcière déclara dans sa confession avoir vue danser au sabbat avec un sorcier de la paroisse de Faks, lequel adorait le diable[11].

Hécate, diablesse qui préside aux rues et aux carrefours. Elle est chargée, aux enfers, de la police des chemins et de la voie publique. Elle a trois visages : le droit de cheval, le gauche de chien, le mitoyen de femme. Delrio dit : « Sa présence fait trembler la terre, éclater les feux et aboyer les chiens. » Hécate, chez les anciens, était aussi la triple Hécate : Diane sur la terre, Proserpine aux enfers, la lune dans le ciel. Ce sont, au dire des astronomes, les trois phases de la lune.

Hécatonchires. Ce.sontles géants marins qui se révoltèrent contre Jupiter avec les Titans. Ils doivent leur nom à cette circonstance qu’ils avaient cent bras et cinquante têtes.

Hécla. Les Islandais prétendaient autrefois que l’enfer était dans leur île, et ils le plaçaient dans le goufre du mont Hécla. Ils croyaient aussi que le bruit produit par les glaces, quand elles se choquent et s’amoncellent sur leurs rivages, vient des cris des damnés tourmentés par un froid excessif, et qu’il y a des âmes condamnées à geler éternellement, comme il y en a qui brulent dans des feux éternels.

Cardan dit que cette montagne est célèbre par l’apparition des spectres et des esprits. Il pense avec Leloyer[12] que c’est dans cette montagne de l’Hécla que les âmes des sorciers sont punies après leur mort.

Hecdekin ou Hodeken. En l’année 1130, un démon que les Saxons appelaient Hecdekin ou Hodeken, c’est-à-dire l’esprit au bonnet, à cause du bonnet dont il était coiffé, vint passer quelques mois dans la ville d’Hildeshéim, en basse Saxe. L’évêque d’Hildeshéim en était aussi le souverain. En raison de ces deux titres, le démon crut devoir s’attacher à sa maison. Il se posta donc dans le palais et s’y lit bientôt connaître avantageusement, soit en se montrant avec complaisance à ceux qui avaient besoin de lui, soit en disparaissant avec prudence lorsqu’il devenait importun, soit en faisant des choses remarquables et difficiles. — Il donnait de bons conseils dans les affaires diplomatiques, portait de l’eau à la cuisine et servait les cuisiniers. La chose s’est passée dans le douzième siècle:les mœurs étaient alors plus simples qu’aujourd’hui.

Il fréquentait donc la cuisine et le salon ; et les marmitons, le voyant de jour en jour plus familier, se divertissaient en sa compagnie. — Mais un soir un d’eux se porta contre lui aux injures, quelques-uns disent même aux voies de fait. Le démon en colère s’alla plaindre au maître d’hôtel, de qui il ne reçut aucune satisfaction; alors il crut pouvoir se venger. Il étouffa le marmiton, en assomma quelques autres, rossa le maître d’hôtel, et sortit de la maison pour n’y plus reparaître[13].

Héhugaste, sylphide qui se familiarisait avec l’empereur Auguste. Les cabaîistes disent qu’Ovide fut relégué à Tomes pour avoir surpris Auguste en tête-à-tête avec elle ; que la sylphide fut si piquée de ce que ce prince n’avait pas donné d’assez bons ordres pour qu’on ne la vît point, qu’elle l’abandonna pour toujours[14].

Hékacontâlithos. Pierre qui en renferme soixante autres diverses, que les troglodytes offraient au diable dans leurs sorcelleries[15].

Héla, fille d’Angerbode et reine des trépassés chez les anciens Germains. Son gosier, toujours ouvert, ne se remplissait jamais. Elle avait le même nom que l’enfer. La mythologie Scandinave donne le pouvoir de la mort à Héla, qui gouverne les neuf mondes du Niflheim. Ce nom signifie mystère, secret, abîme. Selon la croyance populaire des paysans de l’antique Cimbrie, Héla répand au loin la peste et laisse tomber tous les fléaux de ses terribles mains en voyageant la nuit sur le cheval à trois pieds de l’enfer (Helhest). Héla et les loups de la guerre ont longtemps exercé leur empire en Normandie. Cependant, lorsque les hommes du Nord de Hastings devinrent les Normands de Rollon, ils semblent n’avoir pas perdu le souvenir de leurs vieilles superstitions aussi rapidement que celui de leur langue maternelle. D’Héla naquit Hellequin, nom dans lequel il est facile de reconnaître HelaKïon, la race d’Héla déguisée sous l’orthographe romaine. Ce fut le fils d’Héla que Richard Sans peur, fils de Robert le Diable, duc de Normandie, rencontra chassant dans la forêt. Le roman raconte qu’Hellequin était un cavalier qui avait dépensé toute sa fortune dans les guerres de Charles-Martel contre les Sarasins païens. La guerre finie, Hellequin et ses fils, n’ayant plus de quoi soutenir leur rang, se jetèrent dans de mauvaises voies. Devenus de vrais bandits, ils n’épargnaient rien ; leurs victimes demandèrent vengeance au ciel, et leurs cris furent entendus. Hellequin tomba malade et mourut ; ses péchés l’avaient mis en danger de damnation éternelle : heureusement ses mérites comme champion de la foi contre les païens lui servirent. Son bon ange plaida pour lui, et obtint qu’en expiation de ses derniers crimes, la famille d’Hellequin errerait après sa mort, gémissante et malheureuse, tantôt dans une forêt, tantôt dans une autre, n’ayant d’autres distractions que la chasse au sanglier, mais souvent poursuivie elle-même par une meute d’enfer, punition qui durera jusqu’au jugement dernier.

Hélène ou Oléine, reine des Adiabénites, dont le tombeau se voyait à Jérusalem, non sans artifice, car on ne pouvait l’ouvrir et le fermer qu’à certain jour de l’année. Si on l’essayait dans un autre temps, tout était rompu[16].

Hélène ou Sélène, compagne mystérieuse de Simon le magicien[17].

Hélénéion, plante que Pline fait naître des larmes d’Hélène auprès du chêne où elle fut pendue, et qui avait la vertu d’embellir les femmes et de rendre gais ceux qui en mettaient dans leur vin.

Helgafell, montagne et canton d’Islande, qui a joui longtemps d’une grande réputation dans l’esprit des Islandais. Lorsque des parties plaidaient sur des objets douteux, et qu’elles ne pouvaient s’accorder, elles s’en allaient à Helgafell pour y prendre conseil : on s’imaginait que tout ce qui s’y décidait devait avoir une pleine réussite. Certaines familles avaient aussi la persuasion qu’après leur mortelles devaient revenir habiter ce canton. La montagne passait pour un lieu saint. Personne n’osait la regarder qu’il ne se fût lavé le visage et les mains.

Helhest, cheval à trois pieds de l’enfer. Voy. Héla.

Hélias. « Apparition admirable et prodigieuse arrivée à Jean Hélias, le premier jour de l’an 1623, au faubourg Saint-Germain à Paris. » — C’est un gentilhomme qui conte[18] : « Étant allé le dimanche, premier jour de l’année 1623, sur les quatre heures après midi à Notre-Dame, pour parler à M. le grand pénitencier sur la conversion de Jean Hélias, mon laquais, ayant décidé d’une heure pour le faire instruire, parce qu’il quittait son hérésie pour embrasser la vraie religion, je m’en fus passer le reste du jour chez M. de Sainte-Foi, docteur en Sorbonne, et me retirai sur les six heures. Lorsque je rentrai, j’appelai mon laquais avant de monter dans ma chambre ; il ne me répondit point. Je demandai s’il n’était pas à l’écurie ; on ne m’en sut rien dire. Je montai, éclairé d’une servante ; je trouvai les deux portes fermées, les clefs sur les serrures. En entrant dans la première chambre, j’appelai encore mon laquais, qui ne répondit point ; je le trouvai à demi couché auprès du feu, la tête appuyée contre la muraille, les yeux et la bouche ouverts ; je crus qu’il avait du vin dans la tête ; et, le poussant du pied, je lui dis : — Levez-vous, ivrogne ! — Lui, tournant les yeux sur moi : — Monsieur, me dit-il, je suis perdu ; je suis mort ; le diable tout à l’heure voulait m’emporter. — Il poursuivit qu’étant entré dans la chambre, ayant fermé les portes sur lui et allumé le feu, il s’assit auprès, tira son chapelet de sa poche et vit tomber de la cheminée un gros charbon ardent entre les chenets. Aussitôt on lui dit : — Eh bien, vous voulez donc me quitter ? — Croyant d’abord que c’était moi qui parlais, il répondit : — Pardonnez-moi, monsieur, qui vous a dit cela ? — Je l’ai bien vu, dit le diable ; vous êtes allé tantôt à l’église. Pourquoi voulez-vous me quitter ? je suis bon maître ; tenez, voilà de l’argent ; prenez en tant qu’il vous plaira. — Je n’en veux point, répondit Hélias. Le diable, voyant qu’il refusait son argent, voulut lui faire donner son chapelet. — Donnez-moi ces grains que vous avez dans la main, dit-il, ou bien jetez-les au feu. Mon laquais répondit : — Dieu ne commande point cela ; je ne veux pas vous obéir. Alors le diable se montra à lui ; et voyant qu’il était tout noir, Hélias lui dit : — Vous n’êtes pas mon maître, car il porte une fraise blanche et du clinquant à ses habits. Au même instant, il lit le signe de la croix et le diable incontinent disparut… »

Était-ce une hallucination ?

Héliodore, magicien qui se donna au démon et que quelques-uns croient être le même que Diodore ; il fit à Catane des prodiges que la Sicile raconte encore. On le compare à Simon le magicien, à Virgile et aux plus célèbres enchanteurs. Comme Faust était servi par Méphistophélès, Héliodore était servi par un autre démon nommé Gaspard. Il faisait accepter des pierres pour de l’or. Il voyageait sur un cheval qui était un démon. Il fascinait ceux qui voulaient l’arrêter en prenant une figure et des formes qui n’étaient pas les siennes. On lit dans la vie de saint Léon, traduite du grec en 1826, qu’un jour l’impudent magicien, entrant dans la basilique où saint Léon célébrait les saints mystères, annonça que, par son charme, il allait le faire danser avec tous ses prêtres. Mais le saint descendit de l’autel, le lia de son étole et le conduisit à un bûcher préparé, où il resta avec lui jusqu’à ce que cet homme vendu au diable fût réduit en cendres.

Héliogabale, empereur de Rome ; il s’occupait de nécromancie, quoiqu’il méprisât toute religion. Bodin assure qu’il allait au sabbat et qu’il y adorait le diable.

Héliotrope. On donnait ce nom à une pierre précieuse, verte et tachetée ou veinée de rouge, à laquelle les anciens ont attribué un grand nombre de vertus fabuleuses, comme de rendre invisibles ceux qui la portaient.

L’héliotrope, plante qui suit, dit-on, le côlirs du soleil, a été aussi l’objet de plusieurs contes populaires.

Hellequin, fils d’Héla. Pour sa légende, Voy. Héla.

Helsingeland, contrée de la Suède qui a une femme blanche. On dit qu’elle ne fait que du bien. On l’appelle la dame de l’Helsingeland[19].

Hennisseur (Le), lutin flamand, ainsi nommé à cause de son cri qui est celui d’un cheval en hilarité.

Hénoch. Les rabbins croient qu’Hénoch, transporté au ciel, fut reçu au nombre des anges, et que c’est lui qui est connu sous les noms de Métraton et de Michel, l’un des premiers princes du ciel, lequel tient, registre des mérites et des péchés des Israélites. Ils ajoutent qu’il eut Dieu et Adam pour maîtres. Saint Jude, dans son Épître, parlant de plusieurs chrétiens mal convertis, dit « C’est d’eux qu’Hénoch, qui a été le septième depuis Adam, a prophétisé en ces termes : — Voilà le seigneur qui va venir avec la multitude de ses saints pour exercer son jugement sur tous les hommes, et pour convaincre tous les impies. »

Le Livre d’Hénoch, tel que nous l’avons, passe pour apocryphe et n’est probablement pas celui que cite saint Jude.

Henri III, fils de Catherine de Médicis ; il était infatué de superstitions. Ses contemporains le représentent comme sorcier. Dans un des pamphlets qu’on répandit contre lui, on lui reproche d’avoir tenu au Louvre des écoles de magie et d’avoir reçu en présent des magiciens un esprit familier nommé Terragon (voyez ce mot), du nombre des soixante esprits nourris à l’école de Soliman. Cette accusation de sorcellerie est, dit-on, ce qui mit le poignard dans les mains de Jacques Clément. Les ennemis de ce mauvais prince avaient tenté auparavant de le faire mourir en piquant ses images en cire, ce qui s’appelait envoûter.

Voici l’extrait d’un pamphlet intitulé les Sorcelleries de Henri de Valois et les oblations qu’il faisait au diable dans le bois de Vincennes, Didier Millot, 1589, pamphlet qui parut quelques mois avant l’assassinat de Henri III :« Henri de Valois, d’Épernon et les autres mignons faisaient quasi publiquement profession de sorcellerie, étant commune à la cour entre iceux et plusieurs personnes dévoyées de la religion catholique ; on a trouvé chez d’Épernon un coffre plein de papiers de sorcellerie, auxquels il y avait divers mots hébreux, chaldaïques, latins et plusieurs caractères inconnus, des rondeaux ou cernes, desquels alentour il y avait diverses figures et écritures ; même des miroirs, onguents ou drogues, avec des verges blanches, lesquels semblaient être de coudrier, que l’on a incontinent brûlés pour l’horreur qu’on en avait. On a encore trouvé dernièrement au bois de Vincennes deux satyres d’argent, de la hauteur de quatre pieds. Ils étaient au-devant d’une croix d’or, au milieu de laquelle on avait enchâssé du bois de la vraie croix de Notre Seigneur Jésus-Christ. Les politiques disent que c’étaient des chandeliers. Ce qui fait croire le contraire, c’est que dans ces vases, il n’y avait point d’aiguille qui passât pour y mettre un cierge ou une petite chandelle. Ces monstres diaboliques ont été vus par messieurs de la ville. Outre ces deux diables, on a trouvé une peau d’enfant, laquelle avait été corroyée, et sur icelle y avait aussi plusieurs mots de sorcellerie et divers caractères… » Le fait est que les Valois s’occupaient de sciences occultes. On fit l’anagramme du nom de Henri III : Henri de Valois, où l’on trouve Vilain Hérode.

Henri III, empereur d’Allemagne. Étant encore très-jeune, Henri III obtint d’un clerc une petite canule d’argent avec laquelle les enfants s’amusent à jeter de l’eau. Pour l’engager à lui faire ce modique présent, il avait promis à ce clerc que, dès qu’il serait monté sur le trône, il ne manquerait pas de le faire évêque. C’était à une époque où le saint-siége ne cessait de travailler à éteindre la simonie, fréquente surtout en Allemagne. Henri devint empereur en 1139 ; il se souvint de sa parole et l’exécuta. Mais il ne tarda guère à tomber dans une fâcheuse maladie ; il fut trois jours à l’extrémité sans aucun sentiment. Un faible mouvement du pouls fit juger seulement qu’il y avait encore quelque lueur d’espérance de le ramener à la vie. Le prince recouvra en effet la santé. Aussitôt il fit appeler ce prélat, qu’il avait fait si précipitamment évêque, et, de l’avis de son conseil, il le déposa. Afin de justifier un jugement aussi bizarre, il assura que, pendant les trois jours de sa léthargie, les démons se servaient de cette même canule d’argent, qui avait été le prix de l’évêché, pour lui souffler un feu si violent que notre feu élémentaire ne saurait lui être comparé. Ce fait singulier est rapporté par Guillaume de Malmesbury, historien du douzième siècle.

Henri IV, empereur d’Allemagne, l’un des monstres de l’histoire. Excommunié, il eut une mort misérable[20]. Son fils, Henri V, marcha sur ses traces.

Henri IV, roi d’Angleterre. Il poursuivit les sorciers ; mais il encouragea d’autres philosophes. Au rapport d’Evelyn, dans ses Numismata, Henri IV fut réduit à un tel degré de besoin par ses folles dépenses, qu’il chercha à remplir ses coffres avec les secours de l’alchimie. L’enregistrement de ce singulier projet contient les protestations les plus solennelles et les plus sérieuses de l’existence et des vertus de la pierre philosophai, avec des encouragements à ceux qui s’occuperont de sa recherche, et leur affranchissement de toute espèce de contrariétés de la part des statuts et prohibitions antérieures. On avait prédit à ce roi Henri IV qu’il mourrait à Jérusalem. Il se garda bien d’y aller. Mais il tomba malade subitement dans l’abbaye de Westminster et y mourut dans une chambre appelée Jérusalem.

Henri VIII. Le Néron de l’Angleterre servait le diable, aussi bien que Luther, Calvin et consorts.

Henri IV, roi de France. On fit une recherche assez curieuse sur le nombre quatorze relativement à Henri IV. Il naquit quatorze siècles, quatorze décades, et quatorze ans après l’ère chrétienne. Il vint au monde le ik décembre et mourut le 14 mai. Il a vécu quatre fois quatorze ans, quatorze semaines, quatorze jours. Enfin, dans son nom de Henri de Bourbon ; il y a quatorze lettres.

Henri le Lion. C’est le duc Henri de Brunswick, qui partit à la croisade vers la fin du douzième siècle, et fut jeté en revenant dans une île déserte, où un lion s’attacha à lui. Il y avait sept ans qu’il soupirait là après sa patrie, lorsque le diable se présenta à ses regards, offrant de le remettre dans son palais, s’il voulait lui vendre son âme, marché qu’il accepta. Il fut donc reporté chez lui en un clin d’œil, lui et son lion. Mais on ajoute qu’il disparut en 1195, emporté par la même voie qui l’avait tiré du désert. — C’est une calomnie, et le lion un conte[21].


Hépatoscopie ou Hiéroscopie, divination qui avait lieu par l’inspection du foie des victimes dans les sacrifices, chez les Romains. Quelques sorciers modernes cherchaient aussi l’avenir dans les entrailles des animaux. Ces animaux étaient ordinairement ou un chat, ou une taupe, ou un lézard, ou une chauve-souris, ou un crapaud, ou une poule noire. Voy. Aruspices.

Héra. C’est en Westphalie une bonne fée qui parcourt les airs entre Noël et l’Épiphanie, répandant sur la terre l’abondance et le bonheur.

Héra.


Héraïde. Voy. Hermaphrodites.

Herbadilla. Autrefois, il y avait à la place du lac de Grand-Lieu en Bretagne un vallon délicieux:et fertile qu’ombrageait la forêt de Vertou. Ce fut là que se réfugièrent les plus riches citoyens de Nantes, et qu’ils sauvèrent leurs trésors de la rapacité des légions de César. Ils y bâtirent une cité qu’on nomma Herbadilla, à cause de la beauté des prairies qui l’environnaient. Le commerce centupla leurs richesses; mais en même temps le luxe charria jusqu’au sein de leurs murs les vices des Romains. Ils provoquèrent le courrouxdu ciel. Un jour que saint Martin de Vertou, fatigué de ses courses apostoliques, se reposait près d’Herbadilla, à l’ombre d’un chêne, une voix Lui cria : Fidèle confesseur de la foi, éloigne-toi de la cité pécheresse. Saint Martin s’éloigne, et soudain jaillissent, avec un bruit affreux, des eaux jusqu’alors inaperçues, et qui faisaient éruption d’une caverne profonde. Le vallon où s’élevait la Babylone des Bretons fut tout à coup submergé. À la surface de cette onde sépulcrale vinrent aboutir par milliers des bulles d’air, derniers soupirs de ceux qui expiraient dans l’abîme. Pour perpétuer le souvenir du châtiment, Dieu permet que l’on entende encore au fond de cet abîme les cloches de la ville engloutie, et que l’orage y vive familièrement. Auprès est une île au milieu de laquelle s’élève une pierre en forme d’obélisque. Cette pierre ferme l’entrée du gouffre qui a vomi les eaux du lac, et ce gouffre est la prison d’un géant formidable qui pousse d’horribles rugissements. C’est une légende.

À quatre lieues de cet endroit, vers l’est, on trouve une grande pierre qu’on appelle la vieille de Saint-Martin ; car il est non de savoir que cette pierre, qui pour bonne raison garde figure humaine, fut jadis une femme véritable, laquelle, s’étant retournée malgré la défense en sortant de la ville d’Herbadilla, fut transformée en statue[22]. Voy. Is.

Herbe de coq. Les habitants de Panama vantent beaucoup une herbe qu’ils appellent herbe de coq, et dont ils prétendent que l’application est capable de guérir sur-le-champ un poulet à qui l’on aurait coupé la tête, en respectant une seule vertèbre du cou. Des voyageurs sollicitèrent en vain ceux qui faisaient ce récit de leur montrer l’herbe ; ils ne purent l’obtenir, quoiqu’on leur assurât qu’elle était commune : d’où l’on doit conclure que ce n’est qu’un conte populaire[23].

Herbe d’or. Voy. Baaras.

Herbe maudite. Les paysans normands croient qu’il existe une fleur qu’on appelle l’herbe maudite : celui qui marche dessus ne cesse de tourner dans un même cercle, et il s’imagine qu’il continue son chemin, sans avancer d’un pas au delà du lieu où l’herbe magique l’a enchaîné.

Herbe qui égare. Il y a, dit-on aussi, dans le Périgord, une certaine herbe qu’on ne peut fouler sans s’égarer ensuite de manière à ne plus retrouver son chemin. Cette herbe, qui n’est pas connue, se trouvait abondamment aux environs du château de Lusignan, bâti par Mél usine ; ceux qui marchaient dessus erraient dans de longs circuits, s’efforçaient en vain de s’éloigner, et se retrouvaient dans l’enceinte redoutée jusqu’à ce qu’un guide préservé de l’enchantement les remît dans la bonne voie.

Herbourt, famille de la grande Pologne dont on a cru que les membres sont changés en oiseaux lorsqu’ils meurent.

Hérésies. Celui qui étudiera un peu attentivevement l’origine des diverses hérésies reconnaîtra que tous les rebelles qui les ont fondées étaient évidemment possédés, d’une manière plus ou moins patente, par quelqu’un de ces anges insurgés qui sont devenus les démons. Ajoutons qu’aucun de ces pervers n’a quitté ce monde par une mort douce.

Hérenberg (Jean — Christophe), auteur de Pensées philosophiques et chrétiennes sur les vampires, 1733.

Hermaphrodites. Longtemps avant Antoinette Bourignon, qui soutint cette singulière thèse au dix-septième siècle, il s’était élevé, sous le pontificat d’Innocent III, une secte de novateurs qui enseignait qu’Adam était à sa naissance homme et femme tout à la fois. Pline assure qu’il existait en Afrique, au delà du désert de Zara, un peuple d’androgynes. — Les lois romaines mettaient les hermaphrodites au nombre des monstres, et les condamnaient à mort. Tite-Live et Eutrope rapportent qu’il naquit auprès de Rome, sous le consulat de Claudius Néron, un enfant pourvu des deux sexes ; que le sénat, effrayé de ce prodige, décréta qu’il fallait le noyer. On enferma l’enfant dans un coffre ; on l’embarqua sur un bâtiment et on le jeta en pleine mer. Leloyer parle longuement d’une femme de Macédoine, nommée Héraïde, qui se maria comme femme, et devint homme ensuite dans une absence de son mari. C’était, dans les vieilles opinions, un hermaphrodite. Mais on ne voit plus d’hermaphrodites aujourd’hui. Les hermaphrodites, dans les contes plus anciens, avaient les deux sexes, deux têtes quatre bras et quatre pieds. Les dieux, dit Platon, avaient d’abord formé l’homme avec deux corps et les deux sexes. Ces hommes doubles étaient d’une force si extraordinaire qu’ils résolurent de faire la guerre aux dieux. Jupiter irrité les partagea pour les affaiblir ; et Apollon seconda le père des dieux dans l’exécution de ses volontés. Voy. Polycrite.

Hermeline, démon familier qui s’appelait aussi Hermione et Hermelinde, et qui fréquenta quarante ans Benedetto Berna, dont François Pic de la Mirandole rapporte lui-même l’histoire. « Cet homme, dit-il, buvait, mangeait, parlait avec son démon, qui l’accompagnait partout sans qu’on le vît ; de sorte que le vulgaire, ne pouvant comprendre le mystère de ces choses, se persuadait qu’il était fou. » Le vulgaire n’avait peut-être pas tort.

Hermès. On vous dira qu’il a laissé beaucoup de livres merveilleux, qu’il a écrit sur les démons et sur l’astrologie. C’est lui qui a décidé que, comme il y a sept trous à la tête, il y a aussi sept planètes qui président à ces trous, savoir : Saturne et Jupiter aux deux oreilles, Mars et Vénus aux deux narines, le soleil et la lune aux deux yeux, et Mercure à la bouche.

Hermialites ou Hermiens, disciples d’un hérétique du deuxième siècle, nommé Hermas ; ils honoraient l’Univers-Dieu, disant à la fois que ce monde est Dieu et que ce monde est l’enfer.

Hermione. Voy. Hermeline.

Hermolao Barbaro, savant du quinzième siècle, qu’on accusa, selon Bodin, d’avoir invoqué le diable pour obtenir l’intelligence de quelques passages difficiles d’Aristote.

Hermotime. On sait que Cardan et une foule d’autres se vantaient de faire voyager leur âme sans que le corps fût de la partie. L’âme d’Hermotime de Glazomène s’absentait de son corps lorsqu’il le voulait, parcourait les pays éloignés, et racontait à son retour des choses surprenantes. Apparemment que Hermotime eut des ennemis. Un jour que son âme était allée en course, et que son corps était comme de coutume semblable à un cadavre, ses ennemis le brûlèrent et ôtèrent ainsi à l’âme le moyen de rentrer dans son étui. Mais, dans d’autres versions, Hermotime est un vampire. Voy. Huet.

Hérodiade. On dit en Catalogne que la danseuse homicide d’Hérode, l’infâme Salomé, fille d’Hérodiade, ayant longtemps couru le monde, se noya dans le Ségré, fleuve qui passe à Lérida, et cause de temps en temps des dévastations. Les bonnes femmes ajoutent qu’Hérode y est enseveli avec elle.

D’autres traditions noient Salomé dans un lac glacé sur lequel elle dansait ; ce qu’elle n’avait cessé de faire depuis son affreuse aventure. La glace se creva sous ses pieds, et, se refermant pendant qu’elle s’enfonçait, lui trancha la tête.

Ce lac est en Suisse, et cette tête danse toujours. Mais peu de gens la peuvent voir. D’autres font noyer cette malheureuse dans le Rhône.

Héron, ermite qui, après avoir passé plus de cinquante ans dans les déserts de la Thébaïde, se laissa persuader par le diable, sous la figure d’un ange, de se jeter dans un puits, attendu que, comme il était en bonne grâce avec Dieu, il ne se ferait point de mal. Il ajouta foi, dit Leloyer, aux paroles du diable, et, se précipitant d’un lieu élevé, dans la persuasion que les anges le soutiendraient, il tomba dans le puits, d’où on le retira disloqué ; il mourut trois jours après[24].

Hertha, femme blanche honorée dans la Poméranie, où elle fait croître l’herbe dans les prairies et remplit les greniers.

Hervilliers (Jeanne). C’est la même que Jeanne Harvilliers.

Hèse (Jean de), voyageur du quinzième siècle, qui a parcouru l’Asie et vu des merveilles, hommes à tête de chien, poissons à face humaine, pygmées, sauvages qui n’ont qu’un œil, etc. M. de Reiffenberg a donné une curieuse analyse de ce voyage singulier, dans le Recueil encyclopédique belge.

Heure. Voy. Minuit. Anges ou démons des heures. Voy. Pierre d’Apone.

Hexagone, habitant de l’île de Chypre, qui vivait très-bien avec les serpents. Il en donna la preuve en se faisant jeter dans une cuve pleine de serpents, lesquels, loin de lui faire aucun mal, l’enlaçaient d’une manière caressante et le léchaient de leurs langues en lui faisant de bons yeux.

Hibou, oiseau de mauvais augure. On le regarde vulgairement comme le messager de la


mort ; et les personnes superstitieuses qui perdent quelque parent ou quelque ami se ressouviennent toujours d’avoir entendu le cri du hibou. Sa présence, selon Pline, présage la stérilité. Son œuf, mangé en omelette, guérit, dit-on, de l’ivrognerie.

Cet oiseau est mystérieux, parce qu’il recherche la solitude, qu’il hante les clochers, les tours et les cimetières. On redoute son cri, parce qu’on ne l’entend que dans les ténèbres ; et, si on l’a vu quelquefois sur la maison d’un mourant, il y était peut-être attiré par l’odeur cadavéreuse, ou par le silence qui régnait dans cette maison. Un philosophe arabe, se promenant dans la campagne avec un de ses disciples, entendit une voix détestable qui chantait un air plus détestable encore. — Les gens superstitieux, dit-il, prétendent que le chant du hibou annonce la mort d’un homme ; si cela était vrai, le chant de cet homme annoncerait la mort d’un hibou. Cependant si le hibou est regardé comme un mauvais présage chez les gens de la campagne, quand on le voit perché sur le haut d’une maison, il est aussi regardé comme d’un bon augure quand il vient se réfugier dans un colombier. Les anciens Francs condamnaient à une forte amende quiconque tuait ou volait le hibou qui s’était réfugié dans le colombier de son voisin[25]. Il y détruisait les souris et les rats ; et c’est une grande maladresse aux laboureurs de tuer le hibou.

On ne peut passer sous silence ses vertus.

Si l’on met son cœur avec son pied droit sur une personne endormie, elle dira aussitôt ce qu’elle aura fait et répondra aux demandes qu’on lui adressera ; de plus, si on met les mêmes parties de cet oiseau sous les aisselles, les chiens ne pourront aboyer après la personne qui les portera ; et enfin, si on pend son foie à un arbre, tous les oiseaux se rassembleront dessus[26].

Hiérarchie. Agrippa disait qu’il y avait autant de mauvais anges que de Dons, qu’il y en

avait neuf hiérarchies de bons et neuf de mauvais. Wierus, son disciple, a fait l’inventaire de la monarchie de Satan, avec les noms et surnoms de soixante-douze princes et de plusieurs millions de diables, nombres fantastiques, qui ne sont appuyés sur d’autres raisons que sur la révélation de Satan même. Voy. Cour infernale.

Hiéroglyphes. Les Égyptiens avaient beaucoup d’idées superstitieuses, s’il faut les juger par leurs hiéroglyphes. Ils expriment le sexe masculin par un vautour, dit un ancien, parce que tous les vautours sont femelles, et que le vent seul féconde leurs œufs ; ils représentaient le cœur par deux drachmes, parce que le cœur d’un enfant d’un an ne pèse que deux gros. Une femme qui n’avait qu’un enfant, ils la figuraient par une lionne, parce que cet animal ne fait qu’un petit (du moins ils le croyaient de la sorte). Ils indiquaient l’avortement par un cheval qui donne un coup de pied à un loup, parce que,


disaient-ils, une cavale avorte si elle marche sur les traces d’un loup[27], etc. M. Champollion donne d’autres explications.

Hiéromnénon, pierre que les anciens employaient dans leurs divinations, mais dont ils ne nous ont laissé aucune description.

Hiéroscopie. Voy. Hépatoscopie.

Himmemberg, contrée du paradis d’Odin. On y arrivait par un pont lumineux, qui est l’arcen-ciel.

Hipokindo, mot qui, prononcé d’une certaine façon, charme les serpents et les empêche de nuire. Paracelse en parle.

Hipparchus. On lui attribue un ouvrage intitulé le Livre des esprits.

Hippocrate, père de la médecine. Les légendes du moyen âge font de lui un grand magicien, et lui prêtent des aventures dans le genre de celles qu’elles attribuent à Virgile[28]. On met sous son nom un Traité des songes dont on recherche les éditions accompagnées des Commentaires de Jules-César Scaliger ; in-8o, Guesne, 1610 ; et un autre livre intitulé les Aspects des étoiles.

Hippogriffe, animal fabuleux, composé du cheval et du griffon, que l’Arioste et les autres romanciers donnent quelquefois pour monture aux héros des romans de chevalerie.

Hippomane, excroissance charnue que les poulains apportent à la tête en naissant, et que la mère mange aussitôt. Les anciens donnaient le nom à hippomane à certains philtres, parce qu’on prétend qu’il y entrait de cette excroissance.

Hippomane est aussi le nom d’une herbe qui fait entrer les chevaux en fureur lorsqu’ils la broutent[29]. — On raconte qu’une cavale de bronze, placée auprès du temple de Jupiter Olympien, faisait hennir les chevaux comme si elle eût été vivante, vertu qui lui était communiquée par l’hippomane qu’on avait mêlée avec le cuivre en la fondant. Voy. Philtres.

Hippomancie, divination des Celtes. Ils formaient leurs pronostics sur le hennissement et le trémoussement de certains chevaux blancs, nourris aux dépens du public dans des forêts consacrées, où ils n’avaient d’autre couvert que les arbres. On les faisait marcher immédiatement après le char sacré. Le prêtre et le roi ou chef du canton observaient tous leurs mouvements, et en tiraient des augures auxquels ils donnaient une ferme confiance, persuadés que ces animaux étaient confidents du secret des dieux, tandis qu’ils n’étaient eux-mêmes que leurs ministres. Les Saxons tiraient aussi des pronostics d’un cheval sacré, nourri dans le temple de leurs dieux, et qu’ils en faisaient sortir avant de déclarer la guerre à leurs ennemis. Quand le cheval avançait le pied droit, l’augure était favorable ; sinon, le présage était mauvais, et ils renonçaient à leur entreprise.

Hippomyrmèces, peuple imaginaire, placé par Lucien dans le globe du soleil. C’étaient des hommes montés sur des fourmis ailées, qui couvraient deux arpents de leur ombre, et qui combattaient de leurs cornes.

Hippopodes, peuple fabuleux qui avait des pieds de cheval, et que les anciens géographes placent au nord de l’Europe.

Hirigoyen, sorcier du commencement du dix-septième siècle, que l’on a vu danser au sabbat avec le diable, qu’il adorait[30].

Hirondelles. Plutarque cite l’histoire d’un nommé Bessus qui avait tué son père et dont on ignorait le crime. Étant un jour près d’aller à un souper, il prit une perche avec laquelle il abattit un nid d’hirondelles. Ceux qui le virent en furent indignés et lui demandèrent pourquoi il maltraitait ainsi ces pauvres oiseaux. Il leur répondit qu’il y avait assez longtemps qu’elles lui criaient qu’il avait tué son père. Toutes stupéfaites de cette réponse, ces personnes la rapportèrent au juge, qui ordonna de prendre Bessus et de le mettre à la torture. Il avoua son crime et fut pendu[31]. Brown, dans son Essai sur les erreurs populaires, dit que l’on craint de tuer les hirondelles, quoiqu’elles soient incommodes, parce qu’on est persuadé qu’il en résulterait quelque malheur. Élien nous apprend que les hirondelles étaient consacrées aux dieux Pénates, et que par cette raison on s’abstenait de les tuer. On les honorait, dit-il, comme les hérauts du printemps, et à Rhodes on avait une espèce de chant pour célébrer le retour des hirondelles.

Histoire. Il y a dans la bibliographie infernale beaucoup d’histoires prodigieuses publiées sans nom d’auteur. Nous n’en citerons que quelques-unes : « Histoire d’une apparition, avec des réflexions qui prouvent la difficulté de savoir la vérité sur le retour des esprits ; in-8o ; Paris, chez Saugrin, 1722, brochure de 24 pages. — Histoire prodigieuse nouvellement arrivée à Paris, d’une jeune fille agitée d’un esprit fantastique, in-8o. — Histoire du diable, in-12 ; Amsterdam, 1729, 2 vol. ; et Rouen, 1730, 2 vol. — Histoire miraculeuse advenue en la Rochette, ville de Maurienne en Savoie, d’une jeune fille ayant été enterrée dans un jardin en temps de peste, l’espace de quinze ans, par lequel son esprit est venu rechercher ses os par plusieurs évidents signes miraculeux ; in-8o, Lyon. — Histoire remarquable d’une femme décédée depuis cinq ans, laquelle est revenue trouver son mari, et parler à lui au faubourg Saint-Marcel ; Paris, 1618, etc. » Voy. Apparitions.

Hocque. Après l’édit de 1682 pour la punition des maléfices, la race des sorciers malfaisants diminua sensiblement en France. Mais il restait encore dans la Brie, aux environs de Paris, une cabale de bergers qui faisaient mourir les bestiaux, attentaient à la vie des hommes, commettaient plusieurs autres crimes et s’étaient rendus formidables à la province. Il y en eut enfin d’arrêtés ; le juge de Pacy instruisit le procès, et par les preuves il parut évident que tous ces maux étaient commis par maléfices et sortilèges.

Les sorts et les poisons dont ces bandits se servaient pour faire mourir les bestiaux consistaient dans une composition qu’ils avouèrent au procès, et qui est rapportée dans les factums, mais remplie de sacrilèges, d’impiétés, d’abominations et d’horreurs, en même temps que de poisons. Ils mettaient cette composition dans un pot de terre, et l’enterraient ou sous le seuil de la porte des étables aux bestiaux, ou dans le chemin par où ils passaient ; et tant que ce sort demeurait en son lieu, ou que celui qui l’avait posé était en vie, la mortalité ne cessait point ; c’est ainsi qu’ils s’en expliquèrent dans leurs interrogatoires.

Une circonstance singulière de leur procès fit croire qu’il y avait un vrai pacte entre eux et le diable pour commettre tous ces maléfices. Ils avouèrent qu’ils avaient jeté des sorts sur les bestiaux du fermier de la terre de Pacy, près de Brie-Comte-Robert, pour venger l’un d’eux que ce fermier avait chassé et mis hors de son service. Ils firent le récit exact de leur composition ; mais jamais aucun d’eux ne voulut découvrir le lieu où ils avaient enterré le sort, et on ne savait, après de semblables aveux, d’où pouvait venir leur réticence sur ce dernier fait. Le juge les pressa de s’en expliquer ; ils dirent que s’ils découvraient ce lieu, et qu’on levât le sort, celui qui l’avait posé mourrait à l’instant.

L’un de leurs complices, nommé Étienne Hocque, moins coupable que les autres, et qui n’avait été condamné qu’aux galères, était à la chaîne dans les prisons de la Tournelle. On gagna un autre forçat nommé Béatrix, qui était attaché avec lui. Ce dernier, à qui le seigneur de Pacy avait fait tenir de l’argent, fit un jour tant boire Hocque qu’il l’enivra, et en cet état le mit sur le chapitre du sort de Pacy. Il tira de lui le secret qu’il n’y avait qu’un berger nommé Bras-de-Fer, qui demeurait près de Sens, qui pût lever le sort par ses conjurations.

Béatrix, profitant de ce commencement de confidence, engagea le vieux berger à écrire à son fils une lettre par laquelle il lui mandait d’aller trouver Bras-de-Fer, pour le prier de lever le sort, et lui défendait surtout de dire à Brasde-Fer qu’il fût condamné et emprisonné, ni que c’était lui, Hocque, qui avait posé ce sort.

Cette lettre écrite, Hocque s’endormit. Mais à son réveil, les fumées du vin étant dissipées, et réfléchissant sur ce qu’il avait fait, il poussa des cris et des hurlements épouvantables, se plaignant que Béatrix l’avait trompé et qu’il serait cause de sa mort. Il se jeta en même temps sur lui et voulut l’étrangler, ce qui excita les autres forçats contre Béatrix, en sorte qu’il fallut que le commandant de la Tournelle vînt avec ses gardes pour apaiser ce désordre et tirer Béatrix de leurs mains.

Cependant la lettre fut envoyée au seigneur, qui la fit remettre à son adresse. Bras-dë-Fer vint à Pacy, entra dans les écuries, et, après avoir fait des figures et des imprécations, il trouva effectivement le sort qui avait été jeté sur les chevaux et sur les vaches ; il le leva et le jeta au feu, en présence du fermier et de ses domestiques. Mais à l’instant il parut chagrin, témoigna du regret de ce qu’il venait de faire et dit que le diable lui avait révélé que c’était Hocque, son ami, qui avait posé le sort en cet endroit, et qu’il était mort à six lieues de Pacy, au moment où ce sort venait d’être levé…

En effet, par les observations qui furent faites au château de la Tournelle, il y a preuve qu’au même jour et à la même heure où Bras-de-Fer avait commencé à lever le sort, Hocque, qui était un homme des plus forts et des plus robustes, était mort en un instant dans des convulsions étranges, et se tourmentant comme un possédé, sans vouloir entendre parler de Dieu ni de confession…

Bras-de-Fer avait été pressé de lever aussi le sort jeté sur les moutons, mais il dit qu’il n’en ferait rien, parce qu’il venait d’apprendre que ce sort avait été posé par les enfants de Hocque, et qu’il ne voulait pas les faire mourir comme leur père. Sur ce refus, le fermier eut recours aux juges du lieu. Bras-de-Fer, les deux fils et la fille de Hocque furent arrêtés avec deux autres bergers, leurs complices, nommés Jardin et le Petit-Pierre ; leur procès instruit, Bras-deFer, Jardin et le Petit-Pierre furent condamnés à être pendus et brûlés, et les trois enfants de Hocque bannis pour neuf ans[32]

Bras-de-Fer


Hodeken. Voy. Hecdekix.

Hoffmann. Célèbre auteur allemand de contes nocturnes ou fantastiques, et d’autres écrits, où le surnaturel a une place très-originale.

Holda. La holda était, chez les anciens Gaulois, une espèce de sabbat nocturne, où des sorciers faisaient leurs orgies avec des démons transformés en danseuses. Voy. {{DIv|Brnsozia. On parle encore en Allemagne de holda, la bonne fJeuse (sorte de fée qui remplace, dans les opinions populaires, une divinité antique). Elle visite sans être vue la maison du laboureur, elle charge de laine les fuseaux des ménagères diligentes et répand l’abondance autour d’elle[33]. Mais dans d’autres contrées, holda est la reine des sorcières.

Hollandais errant. C’est un vaisseau fantastique qui apparaît, dit-on, dans les parages du cap de Bonne-Espérance. Ce vaisseau déploie toutes ses voiles lorsque aucun navire n’oserait en risquer une seule. On est partagé d’opinions sur la cause de ce prodige ; d’après la version la plus répandue, c’était, dans l’origine, un navire richement chargé à bord duquel se commit un horrible forfait. La peste s’y déclara, et les coupables errèrent vainement de port en port, offrant leur riche cargaison pour prix d’un asile. On les repoussait partout, de peur de la contagion. Les matelots disent que la Providence, pour perpétuer le souvenir de ce châtiment, permet que le Hollandais cirant apparaisse encore dans ces mers où la catastrophe eut lieu. Cette apparition est considérée comme un mauvais augure par les navigateurs[34].

Le Hollandais errant, sujet de beaucoup de traditions, s’appelle aussi le Voltigeur hollandais.

Hollere, magicien danois qui s’était acquis, au treizième siècle, la réputation d’un homme à miracles, et qui n’était qu’un sorcier adroit. Pour passer la mer, il se servait d’un os gigantesque, marqué de quelques charmes et caractères magiques. Sur ce singulier esquif, il traversait l’Océan comme s’il eût été aidé de voiles et poussé par les vents. Il fut maltraité par les autres sorciers, ses envieux, qui l’obligèrent à quitter le pays[35].

Holzhauser (Barthélémy), pieux allemand, né en 1613, célèbre par des visions sur lesquelles nous ne saurions nous prononcer[36] et qui sont admises comme respectables. Sa vie a été publiée, en 1836, par M. l’abbé Tresvaux, qui l’avait traduite de l’Italien.

Homme. Il paraît qu’il n’y a que l’homme à qui la nature ait donné une figure droite et la faculté de contempler les cieux. Seul parmi les animaux il a l’épine du dos et l’os de la cuisse en ligne droite. C’est un fait, dit Aristote, que si l’homme est le seul à qui il arrive des illusions nocturnes, c’est parce qu’il n’y a proprement que lui qui se couche sur le dos, c’est-à-dire de manière que l’épine et la cuisse fassent une ligne droite, et que l’une et l’autre, avec les bras, soient parallèles à l’horizon. Or, les animaux ne peuvent pas se coucher ainsi : quoique leur épine soit parallèle à l’horizon, leurs épaules sont détournées et forment deux angles.

Lisez Hérodote, Plutarque et autres historiens, vous verrez qu’il existe des contrées fabuleuses où les hommes ont une tête de dogue ou de bichon, des pays où ils n’ont qu’un œil, d’autres où ils n’ont qu’un pied, sur lequel ils sautent, de sorte que quand ils veulent courir, ils sont obligés de se mettre deux et de se tenir par le bras ; d’autres enfin où ils n’ont point de tête, etc.[37]. Homme noir. L’homme noir qui promet aux pauvres de les faire riches s’ils veulent se donner à lui, n’est autre que le diable. — On lit ce qui suit dans la Légende dorée : — Un chevalier qui dépensait sa fortune en libéralités, devint pauvre et tomba dans une grande tristesse. Occupé de ses chagrins, il s’égara dans une solitude ; il y vit un homme noir, d’une taille haute, monté sur un beau cheval. Ce cavalier lui demanda la cause de sa douleur, et quand il l’eut apprise, il lui dit :« Si vous voulez me rendre hommage, je vous donnerai plus de richesses que vous n’en avez perdu. » Le chevalier promit à l’étranger de faire ce qu’on exigerait. « Eh bien ! reprit le diable (car c’était lui), retournez à votre maison, vous trouverez dans tel endroit de grandes sommes d’or et une quantité de pierres précieuses. Quant à l’hommage que j’attends de vous, c’est que vous ameniez votre femme ici dans un an. » Le chevalier s’engagea, regagna sa maison, trouva les trésors indiqués, reprit son habitude de largesses, et à la fin de l’année, il songea à tenir ce qu’il avait promis. Il appela sa femme. « . Vous allez monter à cheval et venir avec moi, lui dit-il, nous avons un voyage à faire. » C’était une dame pieuse, qui avait grande dévotion à la sainte Vierge. Elle fit sa prière et suivit son mari sans demander où il la conduisait. Après avoir marché une heure, les deux époux rencontrèrent une église. La dame voulant y entrer, descendit de cheval ; son mari l’attendit à la porte. À peine fut-elle dans l’église qu’elle s’endormit ; la sainte Vierge ayant pris sa figure, rejoignit le chevalier et partit avec lui au rendez-vous. Lorsqu’ils arrivèrent au lieu désigné, le démon y parut avec fracas. Mais en apercevant la dame que le chevalier lui


amenait, il trembla, c Homme perfide, s’écria-t-il, est-ce ainsi que tu devais reconnaître mes bienfaits ? Je t’avais prié de m’amener ta femme, et tu viens ici avec la mère de Dieu, qui va me renvoyer aux enfers ! » Le diable dut en effet se retirer. Le chevalier éperdu se jeta à genoux devant Notre-Dame, et retourna à l’église où sa femme dormait encore. Les deux époux rentrèrent chez eux ; ils se dépouillèrent des richesses qu’ils tenaient du diable ; mais ils n’en furent pas plus pauvres, parce qu’ils reconnurent que les biens matériels ne sont pas les vraies richesses[38].

Le père Abram rapporte l’anecdote suivante, dans son histoire manuscrite de l’université de Pont-à-Mousson : « Un jeune garçon de bonne famille, mais peu fourni d’argent, se mit à servir dans l’armée parmi les valets. De là ses parents l’envoyèrent aux écoles ; mais ne s’accommodant pas de l’assujettissement que demandent les études, il résolut de retourner à son premier genre de vie. En chemin il rencontra un homme vêtu de soie noire, mais de mauvaise mine, qui lui demanda où il allait et pourquoi il avait l’air triste ? — Je suis, ajouta-t-il, en état de vous mettre à votre aise, si vous voulez vous donner à moi. Le jeune homme, croyant qu’il parlait de l’engager à son service, lui demanda un moment pour y penser. Mais, commençant à se défier des magnifiques promesses que l’étranger lui faisait, il le considéra de plus près, et ayant remarqué qu’il avait le pied gauche fendu comme celui d’un bœuf, il fut saisi de frayeur, fit le signe de la croix et invoqua le nom de Jésus. Le spectre s’évanouit. Trois jours après, la même figure lui apparut de nouveau et lui demanda s’il avait pris sa résolution ? Le jeune homme répondit qu’il n’avait pas besoin de maître. L’homme noir jeta à ses pieds une bourse pleine d’écus, dont quelques-uns paraissaient d’or et nouvellement frappés. Dans la même bourse il y avait une poudre que le spectre disait très-subtile. Il lui donna ensuite des conseils abominables et l’exhorta à renoncer à l’usage de l’eau bénite et à l’adoration de l’hostie. Le jeune homme eut horreur de ces propositions ; il fit le signe de la croix sur son cœur, et en même temps il se sentit jeté si rudement contre terre qu’il y demeura une demi-heure. S’étant relevé, il retourna chez ses parents, fit pénitence et changea de conduite. Les pièces qui paraissaient d’or et nouvellement frappées, ayant été mises au feu, ne se trouvèrent être que du cuivre. » Ainsi, bonnes gens, défiez-vous de l’homme noir.

Homme rouge, — démon des tempêtes. « La nuit, dans les affreux déserts des côtes de la Bretagne, près Saint-Paul-de-Léon[39], des fantômes hurlants parcourent le rivage. L’homme rouge en fureur commande aux éléments et précipite dans les ondes le voyageur qui trouble ses secrets et la solitude qu’il aime. » On a cru un moment dans le peuple qu’un petit homme rouge mystérieux avait apparu à Napoléon Ier pour lui annoncer ses revers.

Hongrois. Voy. Ogres.

Honorius. Voy. Grimoire.

Hopkins, juge anglais qui, du temps de Charles Ier, fit mourir une multitude de malheureuses accusées de sorcellerie. Il continua ses fonctions sous le long parlement, et Grey rapporte qu’il possédait une liste de trois mille personnes suppliciées en ce temps-là, le plus grand nombre par ce juge qui se croyait doué d’un talent sans pareil pour deviner les sorcières. Jamais l’Église catholique n’eût souffert ces abominations. Cet homme faisait avouer, par des tortures de cinq à six jours, tout ce qu’il voulait.

Nous empruntons quelques détails sur lui à de curieuses recherches publiées par le Droit :

« Un certain Matthew Hopkins fut nommé rechercheur de sorcières (witch finder) pour quatre comtés, et dans l’espace d’un an, dans la seule ville d’Essex, il ne fit pas pendre moins de soixante malheureuses femmes. Ce misérable prétendait avoir acquis une expérience infaillible pour les reconnaître à de certaines taches sur la peau, certains signes, certaines veines qu’il regardait comme autant de tétines pour allaiter de petits démons. Son épreuve favorite était celle de l’eau. Si les sorcières prétendues revenaient à la surface de l’eau et nageaient, il les déclarait coupables, les faisait retirer de l’eau et brûler ; si au contraire elles enfonçaient, elles étaient simplement noyées, mais leur innocence était reconnue. Cette épreuve venait peut-être d’une parole fort sage que sa Très-Sacrée Majesté le roi Jacques avait souvent à la bouche, à savoir que, comme quelques personnes avaient renoncé aux avantages de leur baptême par l’eau, de même l’eau refusait à son tour de les recevoir dans son sein.

« À la fin Hopkins, ce qui est assez original, devint lui-même suspect de sorcellerie ; on lui fit subir l’épreuve qu’il avait souvent fait subir aux autres ; il eut la maladresse de nager ; il fut tout naturellement déclaré coupable, pendu et brûlé vif.

« Il ne fut pas le seul rechercheur de sorcières ; bien d’autres se mêlèrent de ce métier, qui ne laissait pas que d’être lucratif, puisqu’il leur procurait vingt schellings (25 francs) par chaque exécution. »

Hoppo, maître sorcier et vrai coquin, qui fut poursuivi à Berne. Il était de la secte des Lollards et faisait des disciples. Nous ignorons sa fin.

Horey, nom que les nègres de la côte occidentale d’Afrique donnent au diable, qui n’est sans doute qu’un nègre aposté par les marabouts. Les cérémonies de la circoncision ne manquent jamais d’être accompagnées des mugissements du Horey. Ce bruit ressemble au son le plus bas de la voix humaine. Il se fait entendre à peu de distance et cause une frayeur extrême aux jeunes gens. Dès qu’il commence, les nègres préparent des aliments pour le diable et les lui portent sous un arbre. Tout ce qu’on lui présente est dévoré, dit-on, sur-le-champ, sans qu’il en reste un os. Si la provision ne lui suffit pas, il trouve le moyen d’enlever quelque jeune homme non encore circoncis. Les nègres prétendent qu’il garde sa proie dans son ventre, et que plusieurs jeunes gens y ont passé jusqu’à dix ou douze jours. Après sa délivrance, la victime qui a été avalée demeure muette autant de jours qu’elle en a passé dans le ventre du diable. Les nègres parlent avec effroi de cet esprit malin, et l’on ne peut qu’être surpris de la confiance avec laquelle ils assurent avoir été non seulement enlevés, mais avalés par ce monstre.

Hornock, docteur suédois, qui raconte avec complaisance le supplice de soixante-deux femmes et de quinze enfants, accusés d’avoir été au sabbat et d’y avoir soigné le diable, qui s’y trouvait malade… Ce spectacle, car il donne ce nom à l’exécution d’une pareille sentence, eut lieu le 25 août 1672, « par un temps superbe. »

Horoscopes. Un maréchal ferrant de Beauvais avait fait tirer l’horoscope de son fils. L’astrologue, après avoir examiné les divers aspects


des astres, découvrit que l’enfant était menacé de mourir à quinze ans d’un coup de tonnerre. Il désigna en même temps le mois, le jour et l’heure où l’événement devait avoir lieu ; mais il ajouta qu’une cage de fer sauverait le jeune homme. Quand le temps arriva, le père chercha comment la cage de fer pourrait éviter à son fils une mort si prématurée ; il pensa que le sens de l’oracle était probablement d’enfermer ce jour-là son enfant dans une cage de fer bien fermée. Il se mit à travailler à la construction de cette cage sans en parler à personne. Le moment arriva. Une nuée paraissait se former dans le ciel, et justifiait jusqu’alors le dire de l’astrologue. Il appella donc son fils et lui annonça que son étoile le condamnait à être tué du tonnerre, un peu avant midi, s’il n’avait heureusement trouvé le moyen de le soustraire à sa mauvaise planète ; il le pria d’entrer dans la cage de fer. Le fils, un peu plus instruit que son père, pensa que, loin de le garantir du tonnerre, cette cage ne servirait au contraire qu’à l’attirer ; il s’obstina à rester dans sa chambre, où il se mit à réciter l’Évangile de saint Jean. Cependant les nuages s’amoncellent, le temps se couvre, le tonnerre gronde, l’éclair brille, la foudre tombe sur la cage de fer et la réduit en poudre. Le maréchal surpris bénit pour la première fois le ciel d’avoir rendu son fils désobéissant, et vit toutefois l’oracle accompli. Du moins tel est le conte. Voy. Astrologues.

Horoscopes tout faits, ou moyen de connaître sa destinée par les constellations de la naissance. Nous empruntons ces plaisanteries, qui ont été si sérieuses pour nos pères, et que l’Église a toujours combattues, aux divers livres sur la matière, traitée par Jacques de Hagen et par cent autres, du ton le plus grave. Les auteurs qui ont écrit sur les horoscopes ont établi plusieurs systèmes semblables à celui-ci pour la forme, et tout différents pour les présages. Les personnes qui se trouvent ici nées avec le plus heureux naturel, seront ailleurs des êtres abominables. Les astrologues ont fondé leurs oracles sur le caprice de leur imagination, et chacun d’eux nous a donné les passions qui se sont rencontrées sous sa plume au moment où il écrivait. Qui croira aux présages de sa constellation, devra croire aussi à tous les pronostics de l’almanach journalier, et avec plus de raison encore, puisque les astres ont sur la température une influence qu’ils n’ont pas tant sur nous. Enfin, si la divination qu’on va lire était fondée, il n’y aurait dans les hommes et dans les femmes que douze sortes de naturels, dès lors que tous ceux qui naissent sous le même signe ont les mêmes passions et doivent subir les mêmes accidents ; et tout le monde sait si dans les millions de mortels qui habitent la surface du globe, il s’en trouve souvent deux dont les destinées et les caractères se ressemblent.

La Balance. (C’est la balance de Thémis qu’on a mise au nombre des constellations. Elle donne les procès.) La Balance domine dans le ciel depuis le 22 septembre jusqu’au 21 octobre. — Les hommes qui naissent dans cet espace de


temps naissent sous le signe de la Balance. — Ils sont ordinairement querelleurs. Ils aiment les plaisirs, réussissent dans le commerce, principalement sur les mers, et feront de grands voyages. Ils ont en partage la beauté, des manières aisées, des talents pour la parole ; cependant ils manquent à leurs promesses et ont plus de bonheur que de soin. Ils auront de grands héritages. Ils seront veufs de leur première femme et n’auront pas beaucoup d’enfants. Qu’ils se défient des incendies et de l’eau chaude. — La femme qui naît sous cette constellation sera aimable, gaie, agréable, enjouée, assez heureuse. Elle aimera les fleurs ; elle aura de bonnes manières ; la douce persuasion coulera de ses lèvres. Elle sera cependant susceptible et querelleuse. — Elle se mariera à dix-sept ou à vingt-trois ans. Qu’elle se défie du feu et de l’eau chaude.

Le Scorpion. (C’est Orion, que Diane changea en cet animal, et qu’on a mis au nombre des constellations. Il donne la malice et la fourberie.) Le Scorpion domine dans le ciel du 22 octobre au 21 novembre. — Ceux qui naissent sous cette constellation seront hardis, effrontés, flatteurs, fourbes et cachant la méchanceté sous une aimable apparence. On les entendra dire une chose, tandis qu’ils en penseront une autre. Ils seront généralement secrets et dissimulés. Leur naturel emporté les rendra inconstants. Ils jugeront mal des autres, conserveront rancune, parleront beaucoup et auront des accès de mélancolie. Ils n’aimeront à rire qu’aux dépens d’autrui, auront quelques amis et l’emporteront sur leurs ennemis. — Ils seront sujets aux coliques et peuvent


s’attendre à de grands héritages. — La femme qui naît sous cette constellation sera adroite et trompeuse. Elle se conduira moins bien avec son premier mari qu’avec son second. Elle aura les paroles plus douces que le cœur. Elle sera enjouée, gaie, aimant à rire, mais aussi aux dépens des autres. Elle fera des inconséquences, parlera beaucoup, pensera mal de tout le monde. Elle deviendra mélancolique avec l’âge. — Elle aura un cautère aux épaules à la suite d’une maladie d’humeurs.

Le Sagittaire. (C’est Chiron le Centaure, qui apprit à Achille à tirer de l’arc, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne l’amour de la chasse et des voyages.) Le Sagittaire domine dans le. ciel du 22 novembre au 21 décembre. — L’homme qui naît sous cette constellation aimera les voyages et s’enrichira sur les mers. Il sera d’un tempérament robuste, aura de l’agilité et se montrera d’un esprit attentif. Il se fera des amis dont il dépensera l’argent. Il aura un goût déterminé pour l’équitation, la chasse, les courses, les jeux de force et d’adresse, et les combats. Il sera juste, secret, fidèle, laborieux, sociable, et aura autant d’amour-propre que d’esprit. — La femme qui nait sous cette constellation sera d’un esprit inquiet et remuant ; elle aimera le travail. Son âme s’ouvrira aisément à la pitié ; elle aura du goût pour les voyages et ne pourra rester longtemps dans le même pays. Elle sera présomptueuse et douée de quelques qualités tant de l’esprit que du cœur. — Elle se mariera à dix-neuf ou à vingt-quatre ans. Elle sera bonne mère.

Le Capricorne. (C’est la chèvre Amalthée qui allaita Jupiter, et qui fut mise au nombre des constellations. Elle donne l’étourderie.) Le Capricorne domine dans le ciel du 22 décembre au 21 janvier. Celui qui naît sous cette constellation sera d’un naturel irascible, léger, soupçonneux, ami des procès et des querelles ; il aimera le travail, mais il hantera de mauvaises sociétés. Ses excès le rendront malade. Rien n’est plus inconstant que cet homme, s’il est né dans la nuit. Il sera enjoué, actif et fera quelquefois du bien. Son étoile le rendra heureux sur mer. Il parlera modérément, aura la tête petite et les yeux enfoncés. Il deviendra riche et avare dans les dernières années de sa vie. Les bains, dans ses maladies, pourront lui rendre la santé. — La femme qui naît sous cette constellation sera vive, gaie, et cependant tellement timide dans ses jeunes années, qu’un rien pourra la faire rougir. Mais son caractère deviendra plus ferme et plus hardi dans l’âge plus avancé. Elle se montrera toujours bonne, avec un peu de jalousie. Elle parlera sagement, évitera les inconséquences, sera bonne fille et bonne mère ; elle aimera à voyager, et sera d’une beauté moyenne.

Le Verseau. (C’est Ganymède, fils de Tros, que Jupiter enleva pour verser le nectar aux dieux, et qu’on a mis au nombre des constellations. Il donne la gaieté.) Le Verseau domine dans le ciel du 22 janvier au 21 février. — L’homme qui naît sous cette constellation sera aimable, spirituel, ami de la joie, curieux, sujet à la fièvre, facile aux projets, pauvre dans la première partie de sa vie, riche ensuite, mais modérément. Il sera bavard et léger, quoique discret. Il fera des maladies, courra des dangers. Il aimera la gloire, vivra longtemps, et aura peu d’enfants. — La femme qui naît sous cette constellation sera constante, généreuse, sincère et libérale. Elle aura des chagrins, sera en butte aux adversités, et fera de longs voyages. Elle sera sage et enjouée.

Les Poissons. (Les dauphins qui amenèrent Amphitrite à Neptune furent mis au nombre des constellations. Ils donnent la douceur.) Les Poissons dominent dans le ciel du 22 février au 22 mars. — Celui qui naît sous cette constellation sera officieux, gai, aimant à jouer, d’un bon naturel, heureux hors de sa maison. Il ne sera pas riche dans sa jeunesse. Devenu plus aisé, il prendra peu de soin de sa fortune, et ne profitera pas des leçons de l’expérience. Des paroles indiscrètes lui attireront quelques désagréments. Il sera présomptueux. — La femme qui naît sous cette constellation sera belle. Elle éprouvera des ennuis et des peines dans sa jeunesse. Elle aimera à faire du bien. Elle sera sensée, discrète, économe, médiocrement sensible, et fuira le monde. Sa santé, faible jusqu’à vingt-huit ans, deviendra alors plus robuste. Elle aura cependant de temps en temps des coliques.

Le Bélier. (C’est le bélier qui portait la toison d’or, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne les emportements.) Le bélier domine dans le ciel du 23 mars au 21 avril. — Ceux qui naissent sous cette constellation sont irascibles, prompts, vifs, éloquents, studieux, violents, menteurs, enclins à l’inconstance. Ils tiennent rarement leur parole et oublient leurs promesses. Ils courront des dangers avec les chevaux. Ils aimeront la pêche et la chasse. — La femme qui naît sous cette constellation sera jolie, vive et curieuse. Elle aimera les nouvelles, aura un grand penchant pour le mensonge, et ne sera pas ennemie de la bonne chère. Elle aura des

colères, sera médisante dans sa vieillesse et jugera sévèrement les femmes. Elle se mariera de bonne heure et aura beaucoup d’enfants.

Le Taureau. (C’est le taureau dont Jupiter prit la forme pour enlever Europe, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne la hardiesse et la force.) Le Taureau domine dans le ciel du 22 avril au 21 mai. — L’homme qui naît sous cette constellation est audacieux ; il aura des ennemis qu’il saura mettre hors d’état de lui nuire. Le bonheur ne lui sera pas étranger. Il voyagera dans des pays lointains. Sa vie sera longue et peu sujette aux maladies. — La femme qui naît sous cette constellation est douée de force et d’énergie. Elle aura du courage ; mais elle sera violente et emportée. Néanmoins elle saura se plier à son devoir et obéir à son mari. On trouvera dans cette femme un fonds de raison et de bon sens. Elle parlera pourtant un peu trop. Elle sera plusieurs fois veuve et aura quelques enfants, à qui elle laissera des richesses.

Les Gémeaux. (Les Gémeaux sont Castor et Pollux qu’on a mis au nombre des constellations. Ils donnent l’amitié.) Les Gémeaux dominent dans le ciel du 22 mai au 21 juin. — Celui qui naît sous cette constellation aura un bon cœur, une belle figure, de l’esprit, de la prudence et de la générosité. Il sera présomptueux, aimera les courses et les voyages, et ne cherchera pas beaucoup à augmenter sa fortune ; cependant il ne s’appauvrira point. Il sera rusé, gai, enjoué ; il aura des dispositions pour les arts. — La femme qui naît sous cette constellation est aimante et belle. Elle aura le cœur doux et simple. Elle négligera peut-être un peu trop ses affaires. Les beaux-arts, principalement le dessin et la musique, auront beaucoup de charmes pour elle.

10° L’Écrevisse. (C’est le cancer ou l’écrevisse qui piqua Hercule tandis qu’il tuait l’hydre du marais de Lerne, et qui fut mise au nombre des constellations. Elle donne les désagréments.) L’Écrevisse domine dans le ciel du 22 juin au 21 juillet. — Les hommes qui naissent sous cette constellation sont sensuels. Ils auront des procès et des querelles, dont ils sortiront souvent à leur avantage ; ils éprouveront de grands périls sur mer. Cet horoscope donne ordinairement un penchant à la gourmandise ; quelquefois aussi de la prudence, de l’esprit, une certaine dose de modestie. — La femme qui naît sous cette constellation est assez belle, active, emportée, mais facile à apaiser. Elle ne deviendra jamais très-grasse ; elle aimera à rendre service, sera timide et un peu trompeuse.

11° Le Lion. (C’est le lion de la forêt de Némée, qu’Hercule parvint à étouffer, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne le courage.) Le Lion domine dans le ciel du 22 juillet au 21 août. — Celui qui naît sous cette constellation est brave, hardi, magnanime, fier, éloquent et orgueilleux. Il aime la raillerie. Il sera souvent entouré de dangers ; ses enfants feront sa consolation et son bonheur. Il s’abandonnera à sa colère et s’en repentira toujours. Les honneurs et les dignités viendront le trouver ; mais auparavant il les aura cherchés longtemps. Il aura de gros mollets. — La femme qui naît sous cette constellation sera vive, colère et hardie. Elle gardera rancune. Elle parlera beaucoup, et ses paroles seront souvent amères. Au reste, elle sera belle ; elle aura la tête grosse. — Qu’elle se tienne en garde contre l’eau bouillante et le feu. Elle sera sujette aux coliques d’estomac. Elle aura peu d’enfants.

Le dessin aura du charme pour elle. Page 243.

12° La Vierge. (C’est Astrée qu’on a mise au nombre des constellations. Elle donne la pudeur.) La Vierge domine dans le ciel du 22 août au 21 septembre. — L’homme qui naît sous cette constellation est bien fait, sincère, généreux, spirituel, aimant les honneurs. Il sera volé. Il ne saura garder le secret des autres ni le sien. Il aura de l’orgueil, sera décent dans son maintien, dans son langage, et fera du bien à ses amis. Il sera compatissant aux maux des autres. Il aimera la propreté et la toilette. — La femme qui naît sous cette constellation sera chaste, honnête, timide, prévoyante et spirituelle. Elle aimera à faire et à dire du bien. Elle rendra service toutes les fois qu’elle le pourra ; mais elle sera un peu irascible. Cependant sa colère ne sera ni dangereuse ni de longue durée…

On peut espérer que le lecteur ne s’arrêtera à cette ridicule prescience, que pour se divertir un instant.

Horst (Conrad), conseiller ecclésiastique du grand duché de Hesse, a publié en allemand un livre intitulé Bibliothèque magique, ou la magie, la théurgie, la nécromancie, etc. Nous y avons trouvé quelques faits.

Hortensius (Martin), célèbre professeur de mathématiques à Amsterdam, donnait dans les petitesses de l’astrologie. Dans un voyage qu’il fit en Italie, il voulut se mêler de faire son horoscope, et dit à deux jeunes Hollandais de sa compagnie qu’il mourrait en 1639, et que pour eux ils ne lui survivraient pas longtemps. Il mourut en effet l’été de cette année-là. Les Hollandais en furent si frappés, que l’un d’eux mourut bientôt après, et que l’autre qui était fils de Daniel Heinsius, était devenu si languissant, qu’au rapport de Descartes, qui fait mention de cette aventure, il semblait faire tout son possible pour ne pas démentir l’astrologue[40].

Hortilopits ( Jeanne), sorcière du pays de Labour, arrêtée comme telle en 1603, dès l’âge de quatorze ans, et châtiée pour avoir été au sabbat.

Houille. Le charbon de terre qui se trouve dans le Hainaut et dans le pays de Liège, et que l’on y brûle communément, porte le nom de houille, à cause d’un certain maréchal nommé Prudhomme-le-Houilleux, qui, dit-on, en fit la première découverte au onzième siècle ; et des doctes assurent qu’un fantôme, sous la figure d’un vieillard habillé de blanc, ou sous celle d’un ange, lui montra la première mine et disparut.

D’autres contes populaires font intervenir un gnome ou un gobelin dans la découverte de la houille, qui eut lieu au douzième siècle, selon les uns, au onzième, selon d’autres, mais qui est beaucoup plus ancienne[41] ; car il en est question dans Job.

Houmani, génie femelle qui gouverne la région des astres chez les Orientaux. Voy. SchadaSchivaoun.

Houris, vierges merveilleuses du paradis de Mahomet ; elles naîtront des pépins de toutes les oranges servies aux fidèles croyants dans ce séjour fabuleux. Il y en aura de blanches, de jaunes, de vertes et de rouges. Leur crachat sera nécessairement parfumé.

Hrachich, matière enivrante qui produit des hallucinations singulières. Sa préparation n’est pas un secret ; les Arabes nous ont appris que ce qui causait l’ivresse n’était autre chose que de là graine et de la racine de chanvre infusées, qu’on fait bouillir dans du beurre, et dont on forme une friandise en la mêlant avec du sucre, des amandes ou des pistaches. On le vend en tablettes grandes comme la main, et la moitié suffit pour procurer l’ivresse. On le prend aussi en liqueur. Voici une anecdote qui a été racontée dans le Sémaphore de Marseille :

« Quatre jeunes gens de notre ville ont voulu ces jours derniers, à leurs risques et périls, s’expérimenter sur le hrachich ; mais leur curiosité a failli leur être funeste. On s’était réuni dans une bastide des environs de Saint-Loup ; M. B…, négociant d’Alexandrie, fournissait le hrachich, et aidait de ses conseils l’inexpérience de ses trois compagnons. Avant toute chose, on prit du café, du café ordinaire, et on mit dans chaque tasse deux ou trois morceaux de sucre raffiné tout simplement ; puis on passa au hrachich. Chaque convive avala courageusement sa cuillerée ; le poison n’était pas mauvais au goût, au contraire, il fut trouvé fort agréable ; immédiatement après on se mit à table, et ce ne fut que vers la fin du repas que se manifestèrent chez nos amis de vrais symptômes de désorganisation cérébrale, précurseurs des hallucinations étranges qui allaient bientôt les assaillir.

» La première impression physique qu’on reçoive distinctement en se permettant cette débauche, est celle-ci : un grand coup de bâton qu’on vous assène sur la nuque ; c’est l’initiation, et il faut convenir qu’elle est parfaitement turque. Mais la transition de l’état normal à l’extase consiste à sentir sa tête se détacher doucement du corps et prendre une vie joyeusement séparée de ce grossier amas de matières qu’elle n’a plus besoin de gouverner. La tête se soutient en l’air d’une façon fantastique, comme celle des chérubins dans les églises au milieu des nuages ; après quoi tout est bouleversé, et le désordre s’empare de l’esprit, plus ou moins, selon les tempéraments et en raison de l’habitude.

» À la bastide de M. B…, eut lieu une scène comique et douloureuse à la fois ; sitôt que ces messieurs arrivèrent à cette période de l’influence du hrachich, M. B… lui-même, jeune homme connu par sa gaieté expansive et franche, et par une organisation ardente, se prit à pleurer et à sangloter dans d’effrayantes convulsions ; M. V… d’une complexion délicate et nerveuse, se crut mort ; il s’étendit sur le plancher et croisa ses mains sur sa poitrine ; il lui semblait qu’on l’avait placé sur un catafalque noir dans une chapelle ardente ; il entendait les chants des moines, et à travers cela les coups de marteau qui clouaient le cercueil dans lequel il était renfermé. Un autre se persuada qu’il avait des ailes, il s’élança hors de la chambre, et franchissant les degrés comme un oiseau, il alla se poser sur la table du salon au rez-de-chaussée. À cette table dînaient plusieurs dames de la famille de M. B…, qu’on n’avait pas voulu, par convenance, rendre témoins des effets du hrachich. Qu’on se figure le désastre !… les plats, les cristaux, les bouteilles renversés et brisés, et l’effroi de ces dames !… Force fut d’aller chercher du secours dans le voisinage. Les amis arrivèrent de tous côtés et on parvint, à grand’peine, à maîtriser les plus furieux.

» Il serait trop long d’entrer dans le récit détaillé du drame qui se déroula bien avant dans la nuit chez M. B… Il suffit de savoir que ces messieurs furent livrés durant leur longue excitation, aux conceptions les plus folles, aux fantaisies les plus bizarres, aux féeries les plus étincelantes. À les voir dans l’état où ils étaient, tous les assistants consternés les croyaient pour jamais privés de la raison. Le jeune négociant d’Alexandrie, qui avait une mince lueur de perception au sein du désordre général, gémissait au fond de l’âme du triste résultat de la partie, et craignait de les avoir empoisonnés tout de bon. Cependant deux d’entre eux en ont été quittes pour cinq ou six jours de douleurs de tête, sans compter l’atonie morale qu’ils n’ont pas encore tout à fait secouée ; M. V… seul se trouva beaucoup plus fatigué que les autres. Une véritable congestion cérébrale a mis ses jours en danger, et il ne s’en est tiré que grâces aux soins empressés du docteur Cauvière, qui l’a tout de suite saigné abondamment. »

Quand on est dans des dispositions de gaieté et de bonheur, dit M. Granal, le hrachich pris, en dose raisonnable, vous promène à travers les mille et mille caprices de l’imagination la plus riche ; je crois qu’on y acquiert la perception d’un monde invisible, de ce monde de fées et de génies que nos yeux ne peuvent voir dans l’état naturel. On ne connaît pas l’auteur des Mille et une Nuits, je crois le tenir ; c’est, j’en suis sûr, le hrachich en personne. J’ai vu peu de cas de sombre fureur ; quelquefois des accès de colère très-passagers, le plus souvent la gaieté la plus folle. J’ai retenu une seule fois, un hrachach (preneur de hrachich) qui, se croyant oiseau, voulait s’envoler de la fenêtre sur un arbre du jardin. Il avait dénoué les deux bouts de sa ceinture de soie, et, les tenant dans ses mains, il s’écriait : « Je suis oiseau de paradis, je vais m’envoler. » Heureusement, on mit l’oiseau en cage ; un autre entendait le langage des serpents, et, ce qui est plus fort, il le parlait ; je n’en compris pas un mot, bien que je fusse monté à son diapason. Il paraîtra extraordinaire que les individus dans cette situation ne se méprennent pas sur le compte les uns des autres ; ils se traitent de fous sans façon ; mais, si une personne dans son état de bon sens se moque d’eux et les contrarie, ils se fâchent, s’irritent, entrent en fureur ou tombent dans la tristesse. Sentir sa tête se détacher du corps est encore un des effets du hrachich, mais ce n’est pas un effet nécessaire ; il en est qui sentent toujours leur tête sur leurs épaules. Dans une de ces parties, j’ai vu un cas à peu près semblable. Un de mes amis s’écriait : « Ne me touchez pas, je suis statue, vous allez me briser ; et, quelqu’un l’ayant touché ; « Voilà » qui est bien, dit-il ; ma tête roule par ici, mes » bras par là, mes jambes s’en vont chacune de leur côté. »

« J’ajouterai, dit encore M. Granal, que le Vieux de la Montagne exaltait ses sectaires par l’emploi de cette drogue : de là le nom de hrachachin, qui est le pluriel de hrachach, qui veut dire preneur de hrachich, d’où vient le nom français d’assassins. Auriez-vous pensé que ces moLs assassiner, assassin, avaient une parenté quelconque avec le hrachich ? C’est pourtant la vérité. »

Huarts, lutins des forêts de Normandie, qui ont le cri du cha t-huant, et qui huèrent Richard sans Peur, croyant l’effrayer. Ils sont de la suite du démon Brudemort.

Hubner (Etienne), revenant de Bohême. Plusieurs auteurs ont dit qu’il parut, quelque temps après sa mort, dans sa ville, et qu’il embrassa même quelques-uns de ses amis qu’il rencontra[42].

Hudemuhlen, château de Lunebourg, qui fut infesté au temps de la réforme par un lutin qui se disait chrétien, mais qui paraissait peu catholique. Il chantait sans se montrer, et frappait comme les esprits de nos jours.

Huet (Pierre-Daniel), célèbre évêque d’Avranches, mort en 1721. — On trouve ce qui suit dans le Huetiana, ou Pensées diverses de M. Huet, évêque d’Avranches[43], touchant les broucolaques et les tympanites des îles de l’Archipel. « C’est une chose assez étrange que ce qu’on rapporte des broucolaques des îles de l’Archipel. On dit que ceux qui, après une méchante vie, sont morts dans le péché, paraissent en divers lieux avec la même figure qu’ils portaient pendant leur vie ; qu’ils font souvent du désordre parmi les vivants, frappant les uns, tuant les autres ; rendant quelquefois des services utiles, et donnant toujours beaucoup d’effroi. Ils croient que ces corps sont abandonnés à la puissance du démon, qui les conserve^ les anime et s’en sert pour la vexation des hommes. Le Père Richard, jésuite, employé aux missions de ces îles, il y a environ cinquante ans, donna au public une relation de l’île de Saint-Erini ou de Sainte-Irène, qui était la Thera des anciens, dont la fameuse Cyrène fut une colonie. Il a fait un grand chapitre de l’histoire des broucolaques. Il dit que, lorsque le peuple est infesté de ces apparitions, on va déterrer le corps, qu’on trouve entier et sans corruption, qu’on le brûle, ou qu’on le met en pièces, principalement le cœur ; après quoi les apparitions cessent et le corps se corrompt[44]. Le mot de Broucolaques vient du Grec moderne Bourcos qui signifie de la boue, et de Laucos qui signifie fosse, cloaque, parce qu’on trouve ordinairement, comme on l’assure, les tombeaux où l’on a mis ces corps, pleins de bouc. Je n’examine point si les faits que l’on rapporte sont véritables, ou si c’est une erreur populaire ; mais il est certain qu’ils sont rapportés par tant d’auteurs habiles et dignes de foi, et par tant de témoins oculaires, qu’on ne doit pas prendre parti sans beaucoup d’attention. Il est certain aussi que cette opinion, vraie ou fausse, est fort ancienne, et les auteurs en sont pleins. Lorsqu’on avait tué quelqu’un frauduleusement et par surprise, les anciens habitants croyaient ôter au mort le moyen de s’en venger en lui coupant les pieds, les mains, le nez et les oreilles. Cela s’appelait Acroteriazein. Ils pendaient tout cela au cou des défunts, ou ils le plaçaient sous leurs aisselles, d’où s’est formé le mot Mascalizein qui signifie la même chose. On en lit un témoignage exprès dans les Scholies grecques[45] de Sophocle. C’est ainsi que fat traité par Ménélas Déiphobs, mari d’Hélène, et ce fut en cet état qu’il fut vu d’Énée dans les enfers.

     Atque hic Priamidem laniatum corpore toto
     Deïphobum vidit, lacerum crudeliter ora,
     Ora, manusque ambas, populataque tempora raptis
     Auribus, et truncas inhonesto vulnere nares.

« Suétone écrit qu’après la mort violente de Caligula, son corps n’ayant été brûlé qu’à moitié et enterré fort superficiellement, la maison où on l’avait tué et les jardins où il était mis en terre furent inquiétés de spectres toutes les nuits, jusqu’à ce que cette maison fut brûlée, et que les sœurs du défunt eussent rendu plus régulièrement à son corps les derniers devoirs. Servius[46] marque expressément que les âmes des morts (dans l’opinion des anciens) ne trouvaient le lieu de leur repos qu’après que le corps était entièrement consumé. Les Grecs aujourd’hui sont encore persuadés que les corps des excommuniés ne se corrompent point, mais s’enflent comme un tambour et en expriment le bruit quand on les frappe ou qu’on les roule sur le pavé. C’est ce qui les fait appeler toupi ou tympanites. »

Hugon, espèce de mauvais fantôme, à l’existence duquel le peuple de Tours croit très-fermement. Il servait d’épouvantail aux petits

enfants, pour qui il était une manière de Croquemitaine. C’est de lui, dit-on, que les réformés sont appelés huguenots, à cause du mal qu’ils faisaient et de l’effroi que semait leur passage au seizième siècle, qu’ils ont ensanglanté et couvert de débris.

Hugues, bourgeois d’Epinal. Voy. Esprits.

Hugues le Grand, chef des Français, père de Hugues Capet. Gualbert Radulphe rapporte qu’il était guetté par le diable à l’heure de la mort. Une grande troupe d’hommes noirs se présentant à lui, le plus apparent lui dit : Me connais-tu ? — Non, répondit Hugues ; qui peux-tu être ? — Je suis, dit l’homme noir, le puissant des puissants, le riche des riches ; si tu veux croire en moi, je te ferai vivre. Quoique ce capitaine eut été assez dérangé dans sa vie, il fit le signe de la croix. Aussitôt cette bande de diables se dissipa en fumée[47].

Huile bouillante. Les habitants de Ceylan et des côtes du Malabar emploient l’huile bouillante comme épreuve. Les premiers n’y recourent que dans les affaires de grande importance, comme lorsqu’ils ont des procès pour leurs terres, et qu’il n’y a point de témoins. On se servait autrefois en Europe de l’épreuve par l’huile bouillante pour les causes obscures. L’accusé mettait le poing dans la chaudière ; s’il le retirait sans brûlure, il était acquitté.

Huile de baume. « L’huile de baume, extraite du marc de l’eau céleste, dissipera la surdité, si on en met dans les oreilles trois gouttes de temps en temps, en bouchant lesdites oreilles avec du coton imbibé de ce baume. Il guérit toute sorte de gale et de teigne les plus invétérées, apostèmes, plaies, cicatrices, ulcères vieux et nouveaux, morsures venimeuses de serpents, de scorpions, etc., fistules, crampes et érésypèles, palpitation de cœur et des autres membres, le tout par fomentation et emplâtre. Crollius en fait tant d’estime, qu’il le nomme par excellence huile mère de baume[48]. »

Huile de talc. Le talc est la pierre philosophal fixée au blanc. Nos anciens ont beaucoup parlé de l’huile de talc, à laquelle ils attribuaient tant de vertus que presque tous les alchimistes ont mis en œuvre tout leur savoir pour la composer. Ils ont calciné, purifié, sublimé le talc et n’en ont jamais pu extraire cette huile précieuse. — Quelques-uns entendent, sous ce nom, l’élixir des philosophes hermétiques.

Hu-Jum-Sin, célèbre alchimiste chinois qui trouva, dit-on, la pierre philosophale. Ayant tué un horrible dragon qui ravageait le pays, HuJum-Sin attacha ce monstre à une colonne qui se voit encore aujourd’hui, et s’éleva ensuite dans le ciel. Les Chinois, par reconnaissance, lui érigèrent un temple dans l’endroit même où il avait tué le dragon.

Hulin, petit marchand de bois d’Orléans. Étant ensorcelé à mort, il envoya chercher un sorcier qui se vantait d’enlever toutes les maladies. Le sorcier répondit qu’il ne pouvait le guérir, s’il ne donnait la maladie à son fils qui était encore à la mamelle. Le père y consentit. La nourrice, ayant entendu cela, s’enfuit avec l’enfant pendant que le sorcier touchait le père pour lui ôter le mal. Quand il eut fait, il demanda où était l’enfant. Ne le trouvant pas, il commença à s’écrier ; — Je suis mort, où est l’enfant ? — Puis il s’en alla très-piteux ; mais il n’eut pas plutôt mis les pieds hors la porte, que le diable le tua soudain. Il devint aussi noir que si on l’eût noirci de propos délibéré ; car la maladie était restée sur lui[49].

Humbert de Beaujeu. Geoffroi d’Iden lui apparut après sa mort pour réclamer des prières[50].

Humma, dieu souverain des Cafres, qui fait tomber la pluie, souffler les vents, et qui donne le froid et le chaud. Ils ne croient pas qu’on soit obligé de lui rendre hommage, parce que, disent-ils, il les brûle de chaleur et de sécheresse sans garder la moindre proportion.

Hunéric. Avant la persécution d’Hunéric, fils de Genseric, roi des Vandales, qui fut si violente contre les catholiques d’Afrique, plusieurs signes annoncèrent, dit-on, cet orage. On aperçut sur le mont Ziquen un homme de haute stature, qui criait à droite et à gauche : « Sortez, sortez. » On vit aussi à Carthage, dans l’église de Saint-Fauste, une grande troupe d’Éthiopiens qui chassaient les saints comme le berger chasse ses brebis. Il n’y eut guère de persécution d’hérétiques contre les catholiques plus forte que celle-là[51].

Huns. Les anciens historiens donnent à ces peuples l’origine la plus monstrueuse. Jornandès raconte[52] que Philimer, roi des Goths, entrant dans les terres gétiques, n’y trouva que des sorcières d’une laideur affreuse ; qu’il les repoussa loin de son armée ; qu’elles errèrent seules dans les déserts, où des démons s’unirent avec elles. C’est de ce commerce infernal que naquirent les Huns, si souvent appelés les enfants du diable. Ils étaient d’une difformité horrible. Les historiens disent qu’à leurs yeux louches et sauvages, à leur figure torse, à leur barbe de bouc, on ne pouvait s’empêcher de les reconnaître pour enfants de démons. Besoldus prétend, après Servin, que le nom de Huns vient d’un mot tudesque, ou celtique, ou barbare, qui signifie puissants par la magie, grands magiciens. Bonnaire dit, dans son Histoire de France, que les Huns, venant faire la guerre à Cherebert, ou Caribert, furent attaqués près de la rivière d’Elbe par Sigebert, roi de Metz, et que les Francs furent obligés de combattre contre les Huns et contre les spectres dont ces barbares avaient rempli l’air, par un effet de la magie ; ce qui rendit leur victoire plus distinguée. Voy. Ogres.


La Huppe.

Huppe, oiseau commun, nommé par les Chaldéens Bori, et par les Grecs Isan. Celui qui le regarde devient gros ; si on porte les yeux de la huppe sur l’estomac, on se réconciliera avec tous ses ennemis. Enfin, c’est de peur d’être trompé par quelque marchand qu’un homme de précaution a sa tête dans une bourse[53].

Hus, l’un des précurseurs de Luther. Il fit faire des progrès à la confrérie occulte des sorciers.

Hutgin, démon qui trouve du plaisir à obliger les hommes, se plaisant en leur société, répondant à leurs questions, et leur rendant service quand il le peut, selon les traditions de la Saxe. Voici une des nombreuses complaisances qu’on lui attribue : — Un Saxon partant pour un voyage, et se trouvant fort inquiet sur la conduite de sa femme, dit à Hutgin ; — Compagnon, je te recommande ma femme ; aie soin de la garder jusqu’à mon retour. — La femme, aussitôt que son mari fut parti, voulut se donner des licences ; mais le démon l’en empêcha. Enfin le mari revint ; Hutgin courut au devant de lui et lui dit : — Tu fais bien de revenir, car je commence à me lasser de la commission que tu m’as donnée. Je l’ai remplie avec toutes les peines du monde ; et je te prie de ne plus t’absenter, parce que j’aimerais mieux garder tous les pourceaux de la Saxe que ta femme[54]. On voit que ce démon ne ressemble guère aux autres.


Hvergelmer, fontaine infernale. Voy. Niflheim.

Hyacinthe, pierre précieuse que l’on pendait au cou pour se défendre de la peste. De plus, elle fortifiait le cœur, garantissait de la fondre et augmentait les richesses et les honneurs.

Hydraoth, magicien célébré par le Tasse : il était père du Soudan de Damas et oncle d’Armide, qu’il instruisit dans les arts magiques[55].

Hydromancie ou Hydroscopie, art de prédire l’avenir par le moyen de l’eau ; on en attribue l’invention aux Perses. Les doctes en distinguent plusieurs espèces :1° Lorsqu’à la suite des invocations et autres cérémonies magiques, on voyait écrits sur l’eau les noms des personnes ou des choses qu’on désirait connaître ; et ces noms se trouvaient écrits à rebours ; 2° on se servait d’un vase plein d’eau et d’un anneau suspendu à un fil, avec lequel on frappait un certain nombre de fois les côtés du vase ; 3° on jetait successivement, et à de courts intervalles, trois petites pierres dans une eau tranquille et dormante, et, des cercles qu’en formait la surface, ainsi que de leur intersection, on tirait des présages ; 4° on examinait attentivement les divers mouvements et l’agitation des flots de la mer. Les Siciliens et les Eubéens étaient fort adonnés à cette superstition ; 5° on tirait des présages de la couleur de l’eau et des figures qu’on croyait y voir. C’est ainsi, selon Varron, qu’on apprit à Rome quelle serait l’issue de la guerre contre Mithridate. Certaines rivières ou fontaines passaient chez les anciens pour être plus propres que d’autres à ces opérations ; 6° c’était encore par une espèce d’hydromancie que nos pères les Gaulois éclaircissaient leurs soupçons sur la fidélité des femmes : ils jetaient dans le Rhin, sur un bouclier, les enfants dont elles
venaient d’accoucher ; s’ils surnageaient, ils les tenaient pour légitimes, et pour bâtards s’il allaient au fond[56] ; 7° on remplissait d’eau une coupe ou une tasse, et, après avoir prononcé dessus certaines paroles, on examinait si l’eau bouillonnait et se répandait par-dessus les bords ; 8° on mettait de l’eau dans un bassin de verre ou de cristal ; puis on y jetait une goutte d’huile, et l’on s’imaginait ; voir dans cette eau, comme dans un miroir, ce dont on désirait d’être instruit ; 9o les femmes des Germains pratiquaient une neuvième sorte d’hydromancie, en examinant, pour y deviner l’avenir, les tours et détours et le bruit que faisaient, les eaux des fleuves dans les gouffres ou tourbillons qu’ils formaient. ; 10° enfin, on peut rapporter à l’hydromancie une superstition qui a longtemps été en usage en Italie. Lorsqu’on soupçonnait des personnes d’un vol, on écrivait leurs noms sur autant de petits cailloux qu’on jetait dans l’eau. Le nom du voleur ne s’effaçait pas. Voy. Oomancie, Cagliostro, etc.

Hyène. Les Égyptiens croyaient que la hyène changeait de sexe chaque année. On donnait le nom de pierres de la hyène à des pierres qui, au rapport de Pline, se trouvent dans le corps de la hyène, lesquelles, placées sous la langue, attribuaient à celui qui les portait le don de prédire l’avenir.

Hyène.


Hyméra. — Une femme de Syracuse, nommée Hyméra, eut un songe, pendant lequel elle crut monter au ciel, conduite par un jeune homme qu’elle ne connaissait point. Après qu’elle eut vu tous les dieux et admiré les beautés de leur séjour, elle aperçut, attaché avec des chaînes de fer, sous le trône de Jupiter, un homme robuste, d’un teint roux, le visage tacheté de lentilles. Elle demanda à son guide quel était cet homme ainsi enchaîné ? Il lui fut répondu que c’était le mauvais destin de l’Italie et de la Sicile, et que, lorsqu’il serait délivré de ses fers, il causerait de grands maux. Hyméra s’éveilla là-dessus, et le lendemain elle divulgua son rêve.

Quelque temps après, quand Denys le Tyran se fut emparé du trône de la Sicile, Hyméra le vit entrer à Syracuse, et s’écria que c’était l’homme qu’elle avait remarqué si bien enchaîné dans le ciel. Le tyran ayant appris cette singulière circonstance, fit mourir la songeuse[57].

Hynerfanger (Isaac), juif cabaliste du treizième siècle, qui fut considéré comme un puissant magicien.

Hypnotisme. C’est le nom qu’on a donné à un procédé du docteur Braid (Anglais), lequel consiste, au moyen du sommeil nerveux ou magnétique, à produire un état de catalepsie artificielle, et permet ainsi de faire des opérations chirurgicales sans douleur actuelle. On pourrait expliquer par là quelques faits de sorcellerie.



  1. Traditions populaires. Quarterly Rewiev.
  2. Voyez le chevalier Hakelberg, dans les Légendes infernales.
  3. Un tableau de Restout, peintre célèbre, mort en 1768, donna lieu à une aventure assez plaisante. Le tableau représentait la destruction du palais d’Armide. Un Suisse, qui était dans le vin, se passionna pour ce palais, à peu près comme don Quichotte pour don Galiféros et la belle Mélissande. Il prit son sabre, et frappant à grands coups sur les démons qui démolissaient cet édifice, il détruisit l’effet magique du tableau et le tableau lui-même.
  4. Wierus, in Pseudomonarchia dœm.
  5. Voyez la belle et savante introduction de M. Léouzon-le-Duc à sa traduction du Glaive runique de Nicander.
  6. Bartholini, De causa contemptus mortis, etc., lib. II
  7. M. Jules Garinet, Hist. de la magie en France, p. 433.
  8. L’extrait qu’on vient de lire de M. Théodore Pavie a vu le jour en 1839.
  9. Ce n’était pas celui que vit plus tard M. Pavie.
  10. La Cité de Dieu, liv. XXII, ch. viii.
  11. Delancre, Tableau de l’inconstance des démons. p. 44.
  12. Hisloire des spectres, p. 549.
  13. Trithème, Chronique d’Hirsauge.
  14. Lettres cabalistiques, t. I er, p. 64.
  15. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., p. 48.
  16. Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits, p. 61. Voyez sur cette reine les Légendes du Nouveau Testament.
  17. Voyez, dans les Légendes infernales, celle de Simon le magicien.
  18. Recueil de dissertations de Lenglet-Dufresnoy, t. II, p. 459.
  19. Voyez Hodéaldis, dans les Légendes des esprits et démons.
  20. Voyez à ce sujet les Légendes des croisades.
  21. Voyez cette aventure dans les Légendes infernales.
  22. M. de Marchangy, Tristan le voyageur, t. 1, p. 115.
  23. La Harpe, Histoire abrégée des voyages.
  24. Lenglet-Dufresnoy, Dissertations sur les apparitions, 1. 1, p. 159, et Bodin, Démonomanie des sorciers, p. 279.
  25. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. I, p. 439.
  26. Des admirables secrets d’Albert le Grand, p. 407.
  27. Brown, Essai sur les erreurs populaires, t. II, p. 69.
  28. Voyez ces légendes, dans les Légendes infernales.
  29. Manuel lexique de l’abbé Prévost.
  30. De l’inconstance des démons, etc., p. 444.
  31. Taillepied, Apparitions des esprits, p. 40.
  32. Le commissaire Delamarre, Traité de la police.
  33. M. Ozanam, De l’établissement du christianisme en Allemagne.
  34. Walter Scott, Mathilde de Rokeby, chant IIe.
  35. Jugements de Dieu, de Chassanion, p. 114.
  36. Biographia venerabilis servi Dei Bartholomœi Holzhauser, etc., Bambergœ, 1784, in-8o. Accedunt ejusdem in Apocalypsim commentarii plane admirabiles. — Visiones venerabilis servi Dei Bartholomœi Holzhauser, etc., cligna ceci nostri memoria ad ejus Biographiam appendix, Bambergae, 1793, in-8 « .
  37. M. Saignes, Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 10.
  38. Voyez, dans les Légendes infernales, la légende du Sire de Champ-Fleury.
  39. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. I.
  40. Baillet, Vie de Descartes.
  41. Voyez la légende du houilleur, dans les Légendes des esprits et des démons.
  42. Lenglet-Dufresnoy, Dissertations, t. I.
  43. in-4°, Paris, 1722.
  44. Relation de l’île Sanierini, par le P. Richard, ch. xviii.
  45. Vide Elect., v. 448 ; Meursium in Lycophronem, p. 309 ; Stanleium in Æschil. Cœph. v. 437,
  46. In Æneid., liv. IV, vers. 418
  47. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. III, p. 273.
  48. Le Petit Albert, p. 412.
  49. Bodin, Démonomanie, p. 330.
  50. Voyez cette légende du purgatoire dans les Légendes de l’autre monde.
  51. Leloyer, Histoire des spectres, p. 272.
  52. De rébus gothicis.
  53. Secrets d’Albert le Grand, p. 111.
  54. Wierus, De prœstigiis dœm., etc.
  55. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., liv. I, p. 57.
  56. Voyez, dans les légendes de l’histoire de France, Une famille gauloise avant César.
  57. Valère-Maxime.