Discours sur la première décade de Tite-Live/Livre premier/Chapitre 48

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Livre premier
Traduction par Jean Vincent Périès.
Discours sur la première décade de Tite-Live, Texte établi par Ch. LouandreCharpentier (p. 258).



CHAPITRE XLVIII.


Pour empêcher qu’une magistrature ne soit donnée à un méchant ou à un homme incapable, il faut la faire briguer par un homme plus pervers et plus incapable encore, ou par l’homme le plus illustre et le plus vertueux.


Quand le sénat craignait que les tribuns armés de la puissance consulaire ne fussent tirés du sein du peuple, il usait de l’un de ces deux moyens : ou il faisait briguer cette dignité par les hommes les plus renommés de la république, ou bien il corrompait quelque plébéien sordide et sans aveu, et l’engageait à se mêler aux autres plébéiens d’un mérite supérieur qui la sollicitaient ordinairement, et à la demander ainsi qu’eux. Dans ce dernier cas le peuple aurait rougi d’accorder ; dans le premier, il avait honte de refuser. Cela rentre encore dans le sujet du précédent chapitre, où j’ai prouvé que le peuple se trompe sur les objets généraux, mais qu’il est éclairé sur les particuliers.