Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (trad. Daremberg)/Tome II/V/13

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Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (1856)
Traduction par Charles Victor Daremberg.
Baillière (IIp. 48-87).
LIVRE TREIZIÈME.


de la structure du rachis[1].


Chapitre premier. — Pourquoi les vertèbres sont articulées, en arrière, non pas au niveau des apophyses épineuses, mais sur les parties latérales et de chaque côté d’une façon identique.


Comme la région postérieure des vertèbres se divise en trois portions, l’une exactement postérieure, celle où se trouve l’épine, les deux autres placées de chaque côté de celle-ci, et bornées par les racines des apophyses transverses, il est évident pour tous que non-seulement il n’était pas préférable, mais même qu’il n’était pas possible de créer les articulations de ces vertèbres dans la partie exactement centrale, préalablement occupée par l’épine. Quant aux deux régions latérales, si, dans l’une, les vertèbres eussent été articulées entre elles, et, dans l’autre, rattachées solidement, d’abord la nature se serait montrée oublieuse de l’équité en distribuant à des régions semblables des avantages inégaux ; en second lieu, elle eût créé le rachis tout entier penchant d’un côté, enfin elle eût encore empêché nécessairement et aboli la moitié des mouvements dont il est doué. En effet, nous ne pourrions pas également tourner de côté et d’autre un rachis créé défectueux d’un côté. Dans la flexion des vertèbres la partie non articulée du rachis, incapable de suivre la partie articulée, aurait gêné le mouvement de celle-ci, en sorte qu’elle aurait perdu non pas seulement la moitié de son action, mais pour ainsi dire toute son action. Telles sont les utilités qui résultent de l’articulation de toutes les vertèbres entre elles de chaque côté de la région postérieure.

Chapitre ii. — Que l’inégalité dans le nombre et la forme des apophyses des vertèbres tient à l’inégalité de grandeur des vertèbres elles-mêmes. — Du mode d’articulation des vertèbres entre elles. — Du nombre des apophyses aux diverses régions du rachis. — Des apophyses articulaires supérieures et inférieures ; de leur direction et de leur mode d’assemblage au cou, au dos et aux lombes. — De la dixième vertèbre dorsale en particulier : Galien la considère comme une clef de voûte qui soutient toute la construction du rachis, ou comme un pivot, centre des mouvements des autres vertèbres. — Théorie des mouvements du rachis.


Si dans certaines vertèbres les apophyses sont allongées et doubles, simples et courtes dans les autres (cf. XII, xv, p. 43, et xvi, p. 45), la cause en est l’inégalité de grandeur de ces vertèbres. En effet ce qui est double et allongé est préférable pour la sécurité et à la fois pour l’égalité du mouvement ; l’articulation simple et courte, outre qu’elle s’échappe aisément, a un mouvement défectueux. Si toutes les vertèbres eussent pu être munies d’apophyses à la fois doubles et allongées, la nature ne nous aurait pas privés de cet avantage ; mais il n’était pas possible d’engendrer sur des vertèbres minces et petites, des apophyses doubles, longues et en même temps résistantes (voy. p. 45, note 4). Nécessairement minces et étroites comme les vertèbres mêmes, ces apophyses auraient été comprimées et écrasées trop aisément. Chacune des vertèbres étant unie par sa face supérieure et par sa face inférieure aux vertèbres voisines, est donc avec raison pourvue de deux apophyses montantes (apoph. articul. supér.), et de deux autres apophyses descendantes (apoph. articul. infér.). Ces deux apophyses sont communes à toutes les vertèbres. Dans les grandes vertèbres (11e et 12e vert. dors. et vert. lomb.Voy. plus loin, p. 51, l. 27), il existe par surcroît, comme nous l’avons dit (lisez : nous le dirons ? — Cf. p. 51 et 54), deux autres apophyses descendantes[2]. En effet, comme les vertèbres s’articulent par la rencontre des apophyses descendantes avec les apophyses ascendantes, la nature, en vue de la solidité, a établi sous l’articulation toute une autre apophyse descendante, et de son extrémité engendrant un fort ligament[3], elle l’a tendu aussi sous toute l’apophyse montante, afin que jamais, dans un brusque mouvement de l’animal, l’articulation ne s’écartât de la situation qui lui est propre.

Si aux trois apophyses indiquées précédemment, savoir, la plus grande de toutes qui forme l’épine, et les deux autres apophyses transverses, vous ajoutez deux apophyses montantes et quatre descendantes, cela fera évidemment neuf en tout. Telles sont précisément et au nombre de neuf, les apophyses que l’on trouve sur les vertèbres lombaires, comme aussi il en existe onze aux vertèbres du cou, sans compter l’apophyse moyenne, laquelle est en avant de la grande apophyse, celle qui est descendante (apophyses artic. sap.)[4] ; car cette apophyse moyenne forme le corps même des vertèbres. Parmi ces apophyses les plus apparentes sont l’apophyse qui constitue l’épine, les deux apophyses transverses et bifides, comme nous l’avons dit (XII, chap. xv, p. 43), puis les quatre autres assignées aux articulations. De plus, deux autres, placées de chaque côté, se surajoutent à l’extrémité supérieure des apophyses ascendantes, et accroissent la cavité qui reçoit l’apophyse descendante de chacune des vertèbres. Il suffit de les regarder pour comprendre à simple vue leur utilité. Pourquoi le corps des vertèbres du cou s’allonge-t-il à sa partie inférieure ? C’est ce que nous dirons un peu plus loin[5], lorsque nous serons arrivé à la fin du sujet qui nous occupe actuellement (voy. chap. iii, p. 59-60).

Il existe sept apophyses à chacune des vertèbres du dos ; néanmoins ces vertèbres n’ont pas toutes une figure semblable. En effet, les neuf vertèbres supérieures ont l’apophyse postérieure (apoph. épineuse) très-grande, comme nous l’avons dit (XII, xv et XVI, p. 43 et 45), les apophyses transverses très-épaisses et les apophyses [articulaires] ascendantes et descendantes à la fois courtes et larges, comme sont celles du cou. La suivante, qui est la dixième, d’ailleurs semblable aux autres (voy. p. 42), n’a pas, comme celles-ci, l’apophyse postérieure allongée, descendante et mince ; les quatre apophyses par lesquelles elle s’articule avec les apophyses situées au-dessus et au-dessous présentent également des différences : les deux supérieures sont semblables aux apophyses ascendantes des neuf précédentes vertèbres ; mais les deux autres apophyses descendantes ressemblent aux apophyses descendantes des vertèbres suivantes. Cette vertèbre seule, entre toutes, offre, en effet, cette particularité que par ses deux articulations elle repose sur chacune des vertèbres voisines, tandis que toutes les autres qui sont rangées au-dessous de celle-ci ont les apophyses montantes concaves et les apophyses descendantes convexes ; de sorte que par leurs apophyses convexes (descendantes) elles reposent sur les vertèbres inférieures, mais que par les apophyses montantes (concaves) elles reçoivent les apophyses situées au-dessus (voy. p. 52). Au contraire, toutes les vertèbres du dos et du cou, lesquelles sont placées au-dessus de cette dixième vertèbre, reçoivent toutes et enveloppent par leurs apophyses descendantes les apophyses montantes devenues insensiblement convexes[6]. La dixième vertèbre du dos, comme nous le disions, ayant, seule entre toutes les vertèbres, les extrémités de l’une et l’autre apophyse articulaire légèrement convexes, repose sur les deux vertèbres voisines, dont les articulations inférieures et supérieures se terminent en des cavités à bords relevés. ― Les deux vertèbres suivantes ont les apophyses qui constituent l’épine aussi bien que les apophyses montantes et les descendantes par lesquelles elles s’articulent l’une avec l’autre, semblables à celles des vertèbres lombaires ; de plus, ces deux dernières vertèbres du dos (voy. p. 49, l. 18 suiv.) ont en bas, pour les protéger, deux autres apophyses descendantes établies sous les articulations, lesquelles, disions-nous (un peu plus haut : p. 49, l. 24), engendrent de forts ligaments. En revanche, ce sont les seules vertèbres qui n’ont pas de chaque côté les apophyses obliques que précédemment nous nommions transverses[7]. Nous devons expliquer la cause de la différence qui existe entre ces vertèbres ; car la nature ne fait rien en vain.

Nous avons montré (XII, xv ; p. 42) que la vertèbre centrale du rachis, lequel se termine par une épine en forme de voûte[8], est avec raison la seule qui ait l’apophyse postérieure (apoph. épin.) droite et sans inclinaison. Or, cette vertèbre centrale est précisément la dixième vertèbre dorsale. La nature, en effet, a partagé en cet endroit le rachis tout entier en parties parfaitement égales, eu égard à la dimension et non pas au nombre des vertèbres. Car les vertèbres supérieures sont bien plus nombreuses, mais les vertèbres inférieures l’emportent sur celles-ci par le volume de leur corps autant qu’elles leur cèdent pour le nombre. Il convient d’admirer comme parfaitement équitable la nature qui a mesuré l’égalité des parties non pas sur l’apparence , mais sur la réalité. C’est donc à bon droit que cette vertèbre, qui a une position choisie parmi toutes les autres et qui possède aussi une apophyse de forme spéciale, a encore des articulations de forme particulière (voy. p. 51). En effet, pour que le rachis se fléchisse également par toutes ses articulations, la vertèbre centrale devait rester immobile à sa place, tandis que toutes les autres devaient s’écarter insensiblement les unes des autres et de celle-ci, les vertèbres supérieures se dirigeant en haut, les vertèbres inférieures en bas. La nature, dès le principe, créant les articulations propres à ce mouvement, a fait convexes les apophyses ascendantes, et légèrement concaves les apophyses descendantes des vertèbres situées au-dessus de la vertèbre centrale, et, en sens inverse, elle a fait concaves les apophyses ascendantes et convexes les apophyses descendantes des vertèbres situées sous la vertèbre centrale.

Le rachis, comme nous l’avons montré précédemment (XII, xii, p. 36 ; cf. aussi ch. v), opérant ses mouvements droits par la combinaison de mouvements légèrement obliques, et ces derniers mouvements exigeant, pour s’exécuter, que les cavités tournent, de chaque côté, autour de convexités qui demeurent fixes, la nature, avec raison, a rendu immobile dans ses deux articulations la vertèbre centrale, tandis qu’elle faisait toutes les autres vertèbres inférieures immobiles par leurs articulations d’en bas, et les vertèbres supérieures immobiles par leurs articulations d’en haut. En effet, quand nous fléchissons le rachis, les vertèbres placées au-dessous [de la dixième vertèbre dorsale] devaient se porter vers les parties inférieures, et les vertèbres placées au-dessus devaient remonter. Au contraire, quand nous nous relevons et que nous nous redressons, les vertèbres placées au-dessus devaient se mouvoir en s’abaissant, et les vertèbres placées au-dessous, en se relevant. Le but de l’une et de l’autre disposition est celui-ci : dans les mouvements de flexion, les vertèbres s’écartent les unes des autres autant que possible, comme si le rachis avait alors besoin de s’allonger ; et, au contraire, dans les mouvements d’extension, toutes les vertèbres se ramassent l’une sur l’autre, en s’approchant de la vertèbre centrale, comme si le rachis tout entier était alors contraint de se raccourcir[9]. Les cavités des os articulés entre eux (apophyses articulaires), cavités qui tournent de côté et d’autre autour des convexités, sont très-propres aux mouvements obliques : on le comprend aisément, si l’on se rappelle (cf. II, xvii et xviii ; t. I, p. 210 et suiv.) le mouvement du radius et l’articulation de cet os avec l’humérus, et aussi celle du carpe avec l’apophyse mince du cubitus, appelée styloïde par quelques-uns ; car je ne crois pas nécessaire d’ajouter encore un troisième exemple. Mais si cela était nécessaire, rappelez-vous aussi celle du scaphoïde avec l’astragale et celle de l’astragale avec le tarse (cf. III, vii et viii ; t. I, p. 236) ; rappelez-vous comment, dans toutes ces articulations, les mouvements obliques s’exécutent, par la révolution, dans les deux sens, des cavités autour des convexités, qui demeurent immobiles. Une seule cavité tournant autour d’une seule saillie n’engendre que des mouvements obliques latéraux ; mais si deux mouvements obliques, en se combinant, font tourner la partie de chaque côté en s’écartant légèrement du centre, ce mouvement composé doit nécessairement produire un mouvement droit quand tous deux se produisent à la fois : c’est ce que nous avons déjà souvent démontré (cf., par exemple, I, xviii et xix ; t. I, p. 151 et suiv.). Nous avons encore démontré antérieurement (XII, v et xii) que, pour le rachis, il était mieux que les mouvements droits dérivassent de mouvements obliques.

Si vous vous rappelez tous ces faits, vous admirez déjà grandement, je pense, l’art de la nature, qui a trouvé pour les vertèbres le meilleur emboîtement, le mouvement le plus convenable, le nombre et la grandeur des apophyses, en un mot, toutes choses parfaitement d’accord entre elles et s’adaptant à tous les usages du rachis. En effet, les deux dernières vertèbres du dos, placées au bas de toutes les autres, possèdent, non sans raison, au lieu d’apophyses transverses, des apophyses descendantes établies sous les articulations (cf. chap. ii, p. 49, note 1 et p. 52) ; l’une de ces vertèbres reçoit la dernière des fausses côtes, qui est très-courte, très-mince, et dont le mouvement est faible et imperceptible ; l’autre donne attache à un des faisceaux du diaphragme : elles n’avaient donc pas besoin, comme les autres vertèbres thoraciques, d’apophyses transverses fortes, appuyées sur la partie des côtes située en cet endroit, et en même temps articulées solidement avec cette partie ; à la place de ces apophyses, elles possèdent des apophyses descendantes semblables à celles des vertèbres lombaires voisines.

Chapitre iii. — Pourquoi la première vertèbre (atlas) est dépourvue d’apophyse épineuse. — Art admirable de la nature dans la disposition des trous de conjugaison. Dangers qui résulteraient d’une autre disposition. Ils ne pouvaient se trouver ni plus en avant ni plus en arrière. — Particularités relatives aux trous de conjugaison des vertèbres lombaires, dorsales et cervicales. — Direction que prennent les nerfs en traversant les trous de conjugaison, eu égard aux diverses régions du rachis. — Le mode de structure qui assure la sécurité aux nerfs procure en même temps au rachis la mobilité dans certaines de ses parties et la solidité dans toutes les autres.


La nature, si rigoureusement équitable dans toutes ces parties, aurait-elle injustement privé de son apophyse postérieure la seule première vertèbre du cou ? Ou bien une telle disposition était-elle encore préférable ? Je pense que si vous vous rappelez les explications que j’ai données dans le livre précédent (chap. iv et viii, p. 8 et 20), vous n’avez pas besoin d’une plus longue démonstration ; car nous disions dans ce livre (p. 21) que les muscles droits et courts qui relèvent la tête entière occupaient toute son articulation. C’est donc avec raison que l’apophyse de cette partie n’existe pas à la première vertèbre où sa place est occupée par les muscles. Il n’eût pas été sage, en effet, de priver les animaux d’un tel mouvement ; en le conservant, il n’était pas possible de disposer sous les muscles une apophyse osseuse aiguë. En effet, non-seulement elle leur eût enlevé la place, mais encore elle eût été un obstacle à leurs mouvements, en les contondant, en les piquant, en les blessant, en les lésant de toutes les façons. C’est à cause de cela que la première vertèbre n’a pas reçu d’apophyse postérieure. Je voudrais que vous pussiez donner une attention spéciale aux œuvres dans lesquelles la nature, s’écartant de la similitude de structure pour des organes semblables, ne rejette pas témérairement cette similitude et ne lui substitue pas la première conformation venue, mais seulement celle qui convient à ces organes. Ce n’est pas, en effet, fortuitement ni au hasard que la dixième vertèbre dorsale, seule de toutes les vertèbres, a l’apophyse postérieure droite, tandis que chacune des autres en a une inclinée (voy. p. 42 et 52) ; ce n’est pas en vain non plus que les deux vertèbres suivantes sont dépourvues d’apophyses transverses (cf. chap. ii, p. 52) comme la première vertèbre cervicale l’est d’apophyse postérieure ; au contraire, chacune de ces dispositions a été évidemment adoptée par la nature comme préférable.

C’est ainsi encore que dans la première vertèbre seule les trous [de conjugaison], par lesquels les nerfs s’échappent de la moelle épinière, n’ont pas été creusés par elle de la même façon que dans les autres vertèbres du cou (voy. chap. iv). Dans toutes celles-ci, en effet, à l’endroit où elles s’unissent les unes aux autres, se trouve sur les parties latérales (lame) le trou de conjugaison en forme de demi-cercle allongé et pénétrant intérieurement jusqu’à la moelle ; en sorte que de la réunion de ces deux demi-cercles résulte un espace assez large pour le nerf épais qui doit le traverser. La première n’a un trou semblable ni dans ses parties qui s’articulent avec la deuxième vertèbre, ni moins encore dans les parties supérieures qui s’articulent avec la tête (voy. p. 62), l’art qui a présidé à la conformation des animaux ayant ici encore pourvu avec soin et veillé à ce que tous les nerfs issus de la moelle fussent garantis d’une lésion, qui aurait atteint d’abord les nerfs eux-mêmes et de plus les vertèbres, si ces nerfs fussent sortis d’une autre région. Vous pouvez ici encore, en examinant les trous de conjugaison, considérer combien il était préférable pour les vertèbres d’être seulement percées en cet endroit, et combien en même temps il en résultait de sécurité pour les nerfs. En effet, comme les trous sont situés sous les racines des apophyses montantes et des apophyses descendantes, ces trous eux-mêmes et les nerfs qui les traversent sont protégés de toutes parts et ne sauraient être établis ailleurs plus convenablement. Se porter en arrière des apophyses n’eût pas été une position sûre pour les nerfs eux-mêmes, obligés par là de parcourir un long trajet avant d’arriver aux parties antérieures de l’animal, et dénués de toute protection. Les placer plus en avant qu’ils ne sont, aurait nui aux vertèbres qu’on aurait dû percer de trous trop profonds, aurait affaibli le ligament vertébral et aurait incommodé les organes situés dans ces régions du rachis. Or aucune de ces considérations n’est à dédaigner ni à négliger pour un sage Créateur.

En effet la lésion d’un nerf occasionnée par les dangers que ferait courir le trajet serait préjudiciable aux parties antérieures de l’animal, puisqu’elles devaient à la fois participer à la sensation et au mouvement. Si les vertèbres eussent été percées à l’endroit où elles ont le plus d’épaisseur, et où elles s’insèrent l’une sur l’autre, la sécurité de leur emboîtement serait par là nécessairement compromise, comme si l’on perçait un mur de trous larges et nombreux. Le ligament qui les unit, ligament qui devait offrir une certaine résistance, comme nous l’avons dit précédemment (XII, xv, p. 42), et ainsi que nous le dirons plus tard (chap. iii, p. 60), deviendrait lui-même tout à fait faible ; car il ne conserverait plus sa continuité dans toute l’étendue du rachis, mais il serait pour ainsi dire déchiré et éraillé en une multitude d’endroits, comme il le serait actuellement s’il lui arrivait quelque chose de semblable. Les parties situées en avant sur les vertèbres sont, au dos, certaines veines qui alimentent le thorax, la plus grande de toutes les artères (aorte) et l’œsophage ; aux lombes, la portion inférieure de l’artère précitée, la portion de la veine cave située en cet endroit, et les grands muscles nommés psoas ; au cou se trouvent les muscles fléchisseurs de la tête et la portion supérieure de l’œsophage. Aucune de ces parties énoncées qui sont énumérées plus haut (XII, x et xiii, p. 28 et 37) et qui occupent la région antérieure du rachis ne pouvait être transportée ailleurs avec avantage. La nature donc, dans son admirable prévoyance, à l’endroit où se terminent les parties latérales (lames) des vertèbres, a fait sortir les nerfs de l’épine, afin de leur épargner toute lésion, afin aussi d’éviter un affaiblissement au système du rachis, de ne pas rompre la continuité des ligaments, et de prévenir les risques qu’auraient courus les nerfs dans un trajet long et périlleux. La région qui leur est actuellement attribuée est parfaitement sûre, attendu que la nature oppose comme un rempart les apophyses articulaires ascendantes et descendantes.

Aux lombes, c’est par cette région qu’il faut commencer, puisqu’elle a des vertèbres et des apophyses considérables, si vous examinez l’une des apophyses descendantes qui, disions-nous précédemment (XIII, ii, p. 49-50), en se terminant par un fort ligament, procure un avantage non médiocre aux apophyses ascendantes qui constituent les articulations, vous trouverez qu’elle n’offre pas cette seule utilité, mais que bien plutôt elle a été disposée en vue du nerf au moment où il s’échappe de la moelle. En effet, étendue derrière le nerf, elle lui sert véritablement de rempart et de protection contre le choc des corps quelconques ; elle les reçoit la première et les repousse, s’il doit y avoir blessure, contusion ou toute autre lésion, avant que le nerf soit atteint, c’est elle qui supporte tout. On peut donc constater que cette apophyse articulaire est considérable dans les vertèbres lombaires, puisque celles-ci sont les plus fortes, et qu’elle ressemble aux deux dernières apophyses du thorax (voy. p. 54).

Dans les dix autres vertèbres de cette dernière région, ce sont les apophyses transverses sur lesquelles se portent et s’articulent les côtes qui fournissent aux nerfs l’utilité que leur procure l’apophyse articulaire aux lombes. En effet, comme les vertèbres [dorsales], quoique plus petites que les vertèbres inférieures (vert. lombaires), avaient besoin de cette apophyse considérable, et comme il n’y avait plus de place pour une apophyse articulaire [additionnelle] : descendante, la nature a dû nécessairement employer à un usage qui lui est primitivement étranger, une partie (apoph. transv.) disposée pour une certaine fin. En effet cette partie est grande, forte et dans une situation très-favorable pour protéger le nerf.

Les vertèbres du cou garantissent et défendent sûrement la sortie des nerfs, à l’aide des apophyses transverses qui, disions-nous (XII, xvi et XIII, iii), sont bifides[10]. Dans toutes ces vertèbres, la première exceptée, la sortie des nerfs s’effectue à chacune des extrémités latérales [des lames] ; attendu qu’au cou chacune des deux vertèbres qui s’unissent concourent autant qu’il est possible, comme nous l’avons dit précédemment (voy. plus haut, p. 56), à engendrer le trou par où passe le nerf ; mais dans toutes les vertèbres des lombes le nerf marche presque [exclusivement] sur l’extrémité antérieure de la lame de la vertèbre supérieure précédente, et cela parce que l’apophyse [articulaire] qui le protège naît à peu près de ce point, et que les vertèbres lombaires étant grandes, une seule suffit à donner au nerf un passage convenable. Au contraire, dans le cou le peu de volume des vertèbres ne permettait pas qu’une seule livrât passage au nerf, c’est pourquoi la nature, à l’extrémité de chacune d’elles, a creusé une sorte de demi-cercle ; mais elle s’est bien gardée de perforer les vertèbres elles-mêmes, dans la crainte de les exposer, elles si minces, à une trop forte épreuve et de mettre leur extrême faiblesse en évidence. C’est pour cette raison que la nature a prolongé à leur partie inférieure [et antérieure] les corps mêmes des vertèbres, corps qui reposent les uns sur les autres (cf. ch. ii, p. 50) ; elle les a creusés à la partie supérieure, afin que les apophyses ascendantes de la vertèbre située au-dessous, apophyses qui contribuent à engendrer la cavité du corps des vertèbres, et qui embrassent l’extrémité allongée de la vertèbre située au-dessus, concourent aussi à la production du trou commun. En effet, à la partie externe de ces apophyses se trouve une espèce de demi-cercle ; et après lui viennent les articulations des vertèbres ; au milieu d’elles sort le nerf protégé par toutes les saillies environnantes, en même temps qu’il semble creuser légèrement l’une et l’autre vertèbre. En disjoignant, en séparant complétement l’une de l’autre les vertèbres, vous ne croiriez pas qu’elles ont été ainsi creusées, mais il vous semblera que cela provient d’une disposition conséquente nécessaire (primitive) des apophyses articulaires de l’une et de l’autre vertèbre.

C’est ainsi que la nature a mis à l’abri des lésions toutes les vertèbres, et surtout les vertèbres cervicales comme étant les plus petites ; c’est ainsi qu’elle a employé tous les expédients pour éviter de percer les corps mêmes des vertèbres, afin de ne pas créer sans force et ces vertèbres et tout le système du rachis, qui est pour ainsi dire la carène et la base de l’animal entier (cf. XII, x, p. 28).

Dans les vertèbres lombaires, comme il vient d’être dit, nous pouvons voir clairement que le nerf marche sur les côtés des parties inférieures [du corps] de chaque vertèbre. Dans les vertèbres dorsales il se porte encore évidemment à l’extrémité de [la lame de] la vertèbre supérieure, non plus, cependant, de la même façon, mais comme paraissant toucher aussi la vertèbre inférieure. Dans les vertèbres du cou, qui sont les plus petites de toutes, chacune d’elles a concouru également au passage du nerf, la nature ayant créé entre chacune des apophyses articulaires une cavité si peu sensible qu’aucune de leurs parties ne paraît avoir été creusée, mais que cette cavité semble une conséquence nécessaire de leur structure.

La nature n’avait-elle donc en vue que la génération des trous de conjugaison quand elle allongeait les parties inférieures et creusait les parties supérieures des seules vertèbres du cou, ou bien voulait-elle atteindre un autre but plus utile ?

Pourquoi a-t-elle terminé toutes les autres vertèbres par un plan uni, égal de toutes parts et parfaitement lisse (corps des vert.), les rattachant par ce plan les unes aux autres ; et pourquoi, dans les seules vertèbres du cou, n’a-t-elle pas employé le même emboîtement ? La raison en est que chacune des vertèbres avait un double but primitif dans sa structure : d’assurer, comme carène et comme base, l’assiette de tout le rachis ; et, de plus, de lui procurer le mouvement comme partie de l’animal ; toutes les vertèbres au-dessous du cou ayant un plus grand besoin de solidité, et les vertèbres supérieures un plus grand besoin de mouvement. Si vous réfléchissez, en effet, que fléchir, relever, tourner de côté le cou de diverses manières, vite et pendant longtemps, sont des actes plus nécessaires pour un grand nombre de fonctions que de mouvoir le rachis tout entier, vous louerez, je pense, la nature qui a choisi pour chacune des régions du rachis l’attribution qui lui convenait : pour le cou, le mouvement, pour tout le reste, la solidité de l’assiette. Mais les vertèbres inférieures ne pouvaient reposer solidement les unes sur les autres sans une large base et sans un ligament robuste, ni les vertèbres supérieures se mouvoir aisément sans une apophyse (le corps) allongée et sans un ligament lâche[11]. Or, toutes les articulations douées d’un mouvement varié se terminent, comme nous l’avons démontré (II, xvii), par des têtes arrondies. Si donc la nature n’avait eu aucun souci d’assurer l’assiette des vertèbres du cou, et les avait disposées seulement pour la facilité du mouvement, comme l’humérus et le fémur, elles les eût terminées comme le sont ces os, par des tètes arrondies ; mais elle n’a pas oublié non plus leur autre utilité et les a allongées de la façon la plus convenable pour se mouvoir, non-seulement avec aisance, mais encore avec sécurité. Elle prend encore en vue de la sécurité des précautions non médiocres, les unes communes à toutes les vertèbres, les autres particulières et tout à fait spéciales à celles du cou.

Chapitre iv. — Récapitulation des moyens pris par la nature pour la sécurité des vertèbres cervicales. — Dispositions particulières relatives à la sortie de la première paire des nerfs cervicaux, et dispositions qui dépendent du rapport de l’atlas avec la tête et avec l’axis. — Explication de quelques points de la structure de l’atlas eu égard à la sortie du premier nerf cervical.


Tous les ligaments qui enveloppent les vertèbres de toutes parts, ceux des apophyses latérales (voy. chap. ii, p. 49 et note 2) et encore plus ceux des apophyses postérieures (ligam. surépin.) sont communs à toutes les vertèbres (voy. XII, viii, ix et xv). Les muscles qui se trouvent aux vertèbres du cou présentent une force, un nombre et une dimension spéciale remarquable ; en effet, des muscles nombreux, grands et forts, entourent ces vertèbres bien qu’elles soient petites (voy. XII, iii, iv). Les extrémités latérales [des lames] qui engendrent [presque] toute la cavité supérieure [du corps de la vertèbre] pressent et maintiennent les prolongements (corps) des vertèbres supérieures qui entrent dans ces cavités. Grâce à toutes ces dispositions, les vertèbres cervicales ne sont pas moins garanties que les autres, bien qu’elles aient un mode d’assemblage beaucoup plus lâche. C’est ainsi que la nature a pourvu à la sécurité des vertèbres du rachis tout entier, et qu’elle a ouvert aux nerfs le passage le plus convenable.

Quant à la première vertèbre (atlas), très-différente des autres, si on se rappelle les articulations que nous y avons signalées dans le livre précédent (chap. v ; voy. aussi XIII, iii, p. 55-56), on voit que le nerf (première paire cervicale) ne pouvait trouver un passage ni aux parties supérieures qui s’articulent avec la tête, ni aux parties inférieures qui la rattachent à la deuxième vertèbre (axis), ni, comme dans les autres vertèbres, aux parties latérales. En effet, son mouvement est fort (voy. note 1 de la p. 11) et rend sa position très-variable, car tantôt elle embrasse exactement les saillies (condyles) de la tête ou les convexités (apoph. articul.) de la deuxième vertèbre et tantôt elle s’en écarte considérablement. Ainsi il y avait danger, si le nerf eût été établi aux articulations mêmes, qu’il ne fût comprimé par un rapprochement trop étroit ou rompu par un écart trop considérable des articulations, outre que la vertèbre elle-même est si mince en cet endroit qu’elle n’a pu être creusée. Pour ces raisons donc, les nerfs ne pouvant naître avec sécurité ni des parties latérales, comme cela se voit aux autres vertèbres, ni de l’endroit où la couronne de la tête[12] enveloppe la deuxième vertèbre (voy. p. 56), la nature a percé la première vertèbre, à l’endroit où elle a le plus d’épaisseur, de trous très-petits à sa partie supérieure, près de son articulation avec la tête, de sorte qu’elle a garanti par tous les moyens possibles contre les lésions, et la vertèbre elle-même et le nerf[13]. Il est évident pour tous que le nerf éloigné des articulations devait avoir une position plus sûre. Il est évident encore que la vertèbre étant percée de trous extrêmement étroits à l’endroit où elle a le plus d’épaisseur, est elle-même à l’abri de tout danger. C’est pourquoi si quelqu’un prétendait que toutes les heureuses dispositions que nous avons signalées pour toutes les autres vertèbres sont l’effet, non pas de la prévoyance et de l’habileté de la nature, mais du hasard, il n’oserait certes pas ajouter, je pense, que les trous de la première vertèbre ont été aussi créés par le hasard. Il est, en effet, d’une complète évidence qu’il valait mieux que les nerfs ne sortissent pas aux deux extrémités de la vertèbre, en raison de quoi elle a été percée ; on voit encore qu’il y avait danger, pour une vertèbre si mince, d’être percée ; en conséquence, elle n’a que des trous fort étroits et dans les parties où elle est le plus épaisse. Or, cette épaisseur plus considérable de la première vertèbre, la nature l’a ménagée non pas inutilement, ni sans but, mais en premier lieu, afin qu’elle fût percée en cet endroit sans danger, et en second lieu afin qu’elle reçût à sa partie inférieure les saillies (apoph. articul.) de la deuxième vertèbre, et, à sa partie supérieure, les éminences de la tête (condyles de l’occipital) ; car il était mieux que dans les endroits où elle devait éprouver le plus de fatigue, elle fût douée d’une force particulière.

Chapitre v. — Sortie à travers les trous de conjugaison, et distribution des huit paires de nerfs cervicales et de la première paire dorsale. — Particularités relatives à l’origine et à l’insertion du nerf phrénique sur le diaphragme.


La nature qui a exécuté avec tant de soin toutes ces choses aurait-elle distribué l’un et l’autre nerf (branches antér. et post. de la prem. paire cervic.) qui s’échappent de la première vertèbre à des parties qui ne devraient pas les recevoir, ou bien faut-il ici encore l’admirer pour les avoir distribués tous deux aux muscles établis sur cette vertèbre ou dans son voisinage ? En effet, comme le mouvement leur était nécessaire, il était raisonnable aussi qu’ils reçussent un nerf des parties de la moelle qui sont les plus proches. Pour tous les autres muscles qui entourent le cou et qui meuvent la tête, n’était-il pas mieux qu’ils reçussent spécialement[14] de la portion de la moelle qui est au cou le principe de leurs nerfs ? Comme la première paire est grêle, et qu’il était par conséquent impossible d’en distribuer une partie à la tête[15], la nature s’est servie pour cela de la seconde ; et l’un et l’autre nerf[16] s’échappent à travers les muscles superposés (les complexus et les splénius). D’abord une partie de cette seconde paire (grand et petit nerfs sous-occipitaux) arrive obliquement à la région postérieure et supérieure [du cou] ; puis de là se dirigeant obliquement encore vers la partie antérieure et supérieure, elle se distribue ainsi dans toute la tête, dans les parties voisines des oreilles et dans les parties postérieures jusqu’au sommet et jusqu’au commencement du bregma (sinciput) ; mais il en sera parlé de nouveau au seizième livre (chap. vi) dans l’exposition des nerfs. Toutes les autres branches de la deuxième paire (branche post.) se sont partagées sur les muscles voisins qui exécutent les mouvements des premières vertèbres entre elles et avec la tête (oblique inférieur ou grand oblique ; grand droit antérieur, long du cou). Ces nerfs ne pouvaient sortir ni des trous latéraux, comme cela a lieu pour la troisième paire et pour la suivante, ni de la deuxième vertèbre elle-même creusée et percée comme la première ; il leur était impossible de sortir de trous latéraux pour la cause signalée à propos de la première vertèbre (chap. v) ; ils ne pouvaient non plus sortir d’aucune autre partie de la vertèbre, puisque la seconde est en partie recouverte par la première. La nature a donc disposé à l’endroit où cela était seulement possible de chaque côté de l’épine, entre la première et la deuxième vertèbre, un certain espace par lequel sort la deuxième paire de nerfs, sans qu’elle soit exposée à aucune lésion par suite du mouvement de ces vertèbres.

La troisième paire cervicale issue de la moelle sort du trou commun formé par la deuxième et la troisième vertèbres, pour se distribuer aux muscles qui meuvent les mâchoires et à ceux qui renversent le cou tout entier avec toute la tête. La portion de cette paire qui se porte en avant (branche antérieure) s’unit à deux autres paires (branches anastomotiques du plexus cervical), à la deuxième dont nous parlions plus haut, et à la quatrième dont nous allons parler. Je ferai connaître avec exactitude dans le seizième livre (chap vi) quels nerfs sont fournis par leur anastomose aux parties antérieures du cou. Pour le présent, il suffit de savoir que la troisième et la quatrième paires fournissent des nerfs aux muscles communs du cou et de la tête et aux muscles moteurs des mâchoires, comme aussi à toutes les parties qui sont en arrière des oreilles (branche caniculaire).

La paire qui vient après les quatre déjà nommées, c’est-à-dire la cinquième, sort à l’endroit où la quatrième vertèbre s’unit à la cinquième ; aussitôt sortie, elle se distribue comme les précédentes. Une portion de cette paire se porte profondément en arrière, aux muscles communs du cou et de la tête, une autre partie se distribue en avant aux muscles moteurs des mâchoires et aux muscles fléchisseurs de la tête. Une troisième partie, située au milieu des précédentes, arrive au sommet de l’omoplate ; elle se distribue aux muscles de cette région et à la peau qui les enveloppe ; de même aussi chacune des branches précédentes envoie des rameaux à la peau. À la racine des nerfs, une partie de cette paire vient se mêler aux deux paires voisines, la sixième et la quatrième ; le nerf ténu qui de la quatrième paire descend pour s’unir à la cinquième, paraît surtout se confondre avec elle là où le nerf du diaphragme après avoir reçu son plus grand volume aux dépens [des paires de nerfs qui sortent au travers] des vertèbres de cette région, se dirige, un de chaque côté, le long des membranes (médiastins) qui divisent le thorax (cf. p. 66-67, et chap. ix).

La sixième paire qui s’échappe au-dessous de la cinquième vertèbre, s’unit en très-grande proportion avec les paires voisines ; toutefois la plus grande partie arrive à la face concave des omoplates (br. sous-scapulaire infér.). Elle concourt aussi par ses parties antérieures (filet du n. sous-clavier) à augmenter le volume du nerf diaphragmatique ; elle envoie également à toutes les vertèbres de cette région certains petits ramuscules, comme font les autres paires de nerfs cervicales ; du reste j’exposerai plus exactement[17] la distribution de chacune d’elles en particulier dans le livre consacré aux nerfs (l. XVI, au chap. vi). Je n’avais actuellement d’autre but que d’indiquer sommairement chacune des paires ; de dire, par exemple, que la septième paire sort au-dessous de la sixième vertèbre du trou commun à cette vertèbre et à la septième, qu’elle s’unit dans une proportion considérable aux deux paires environnantes (plexus brachial), mais que la plus grande partie de cette paire se rend au bras ; que la huitième paire sortant de la moelle après la septième vertèbre va en grande partie à l’avant-bras, et qu’elle aussi s’unit et se confond avec les paires environnantes. C’est ainsi encore qu’une partie assez considérable de la paire suivante (première paire dorsale), laquelle s’unit à la huitième paire cervicale, parvient jusqu’aux mains[18].

Ces nerfs (la première paire dorsale) sont situés dans le premier espace intercostal et y occupent une place très-restreinte, les premières côtes étant elles-mêmes très-petites. C’est pourquoi la nature a commencé à former le thorax à partir de la septième vertèbre, bien que les bras n’eussent pas encore tous leurs nerfs, attendu qu’elle pouvait employer la paire suivante (la première dorsale) à la fois pour le premier espace intercostal et pour le bras. De la moelle cervicale elle a encore admirablement ramené les nerfs au diaphragme ; et pour les muscles intercostaux, elle les a tirés de chacune des vertèbres avoisinantes. En effet, le diaphragme diffère de tous les autres muscles, non-seulement par la forme, mais encore par la situation et par l’action (voy. VII, xxi ; t. I, p. 515 suiv.). Il a une forme arrondie ; sa position est oblique, il aboutit par ses parties antérieures et supérieures au sternum, de là il se porte, sans s’arrêter, en arrière et en bas, jusqu’à ce qu’il arrive en contact avec le rachis, sur lequel il s’insère à la région des lombes. La tête du diaphragme, c’est-à-dire le point où pour tous les muscles les fibres se rattachent (voy. VII, xvi ; t. I, p. 497), n’est pas, comme on pourrait le penser, dans la région du sternum, ni dans celle des reins, mais dans la partie moyenne (centre) de tout le muscle, laquelle est nerveuse (fibreuse). Les nerfs qui mettent les fibres en mouvement devaient donc dériver de quelque région élevée pour étendre leur action d’une manière égale à toutes les parties. Avec la conformation actuelle du diaphragme, la tête du muscle doit en occuper le centre ou les points les plus distants du centre qui circonscrivent le cercle tout entier, et par lesquels il s’attache sur les parties environnantes. Mais si le diaphragme existe pour mouvoir le thorax, il devait nécessairement avoir des extrémités pour s’unir au thorax et une tête placée à la partie opposée ; or cette tête ne pouvait trouver une situation plus convenable que le centre du muscle où aboutit évidemment la paire de nerfs. Si, au contraire, les nerfs se fussent insérés au diaphragme sur un des points par lesquels ce muscle se rattache au thorax, ils se seraient terminés dans sa partie moyenne et la plus fournie de nerfs (tissu fibreux) ; or, les nerfs moteurs doivent s’insérer, non pas à l’extrémité des muscles, mais à leur principe. C’est pourquoi le diaphragme est la seule des parties situées au-dessous des clavicules qui reçoive ses nerfs de la moelle cervicale ; aucune des autres parties inférieures n’en reçoit. En effet, conduire [dans tous les cas] les nerfs par un long trajet, quand on pouvait les tirer des parties voisines, c’eût été le fait d’un Créateur ignorant de ce qui est préférable ; mais dans la circonstance présente il était utile que des nerfs suspendus arrivassent au diaphragme, après avoir traversé tout le thorax. Or, ces nerfs devant être nécessairement suspendus et s’insérer sur la partie élevée du diaphragme (cf. VI, iii ; t. I, p. 386), la nature s’est servie des membranes qui séparent le thorax (médiastins) pour assurer leur trajet ; étendus le long de ces membranes et portés par elles, ils en reçoivent appui et soutien.


Chapitre vi. — Pourquoi le thorax commence après la septième vertèbre cervicale, et pourquoi, chez l’homme et les animaux analogues, le cou est composé de sept vertèbres. — Que le larynx est dans un rapport exact avec la longueur du cou. — Que la capacité du thorax offre également une juste proportion eu égard aux fonctions qu’il remplit et aux organes qu’il renferme.


Le thorax même commence à se former après la septième vertèbre, quand il n’y avait plus de nerfs à envoyer à aucune des parties inférieures, ni au cou ni aux bras. Il était mieux, en effet, que la moelle thoracique fournît de près des nerfs à toutes les parties de cette région. En conséquence, des nerfs de chaque espace intercostal, une branche assez considérable s’échappe à travers les muscles, et vient, en suivant la racine des côtes elles-mêmes, se ramifier dans les organes voisins du rachis ; puis, en suivant les convexités de chaque côte, elle se distribue dans les parties qui entourent le thorax, et aussi, en s’approchant du sternum, aux parties adjacentes. Si donc toutes les parties placées au-dessus du thorax devaient tenir leurs nerfs de la moelle du cou qui est proche, si toutes les parties du thorax devaient les tenir de la moelle du dos qui est également proche, si le diaphragme était la seule des parties inférieures qui dût recevoir ses nerfs du cou, et si toutes ces parties ont reçu leurs nerfs à travers les vertèbres susdites, le cou devait se terminer là, et après lui la nature devait commencer à fabriquer le thorax. C’est donc avec raison que chez l’homme, le singe et les autres animaux de nature analogue, le cou est composé de sept vertèbres. Nous avons démontré (VII, i, t. I, p. 524 suiv.) ses deux utilités, l’une selon nous, relative à la création du larynx, l’autre concernant les animaux à longues jambes qui, recueillant sur terre leur nourriture, suppléent à l’absence de mains par la longueur de leur cou. Mais nous ne traitons pas actuellement de ce sujet.

Chez l’homme et les animaux analogues, le cou est à bon droit formé de sept vertèbres ; en effet, cette longueur est très-convenable pour le larynx, et toutes les parties pour lesquelles il valait mieux recevoir leurs nerfs de la moelle du cou, reçoivent ce qui leur suffit. Dans nos Commentaires Sur la voix (voy. t. I, p. 380, note 2), nous avons démontré que le larynx, organe principal de la voix (voy. VII, v, t. I, p. 465, et la note 2 ; voy. XVI, iv, et Dissert. sur l’anatomie), nécessairement situé au cou, s’allonge évidemment dans le moment où il est tendu, et qu’il prend des proportions si exactes en arrivant au dernier degré de flexion, qu’il ne laisse aucune place vide et qu’il ne heurte pas les os placés au-dessus et au-dessous de lui, en haut la mâchoire inférieure, en bas la clavicule.

Comme toutes les parties du corps ont des dimensions parfaitement proportionnées entre elles, le thorax doit avoir une capacité convenable, non pas en ce qui le concerne seulement, mais encore eu égard aux autres parties. Si donc nous avons suffisamment démontré (VI, ii, t. I, p. 380 et notes 2 et 3. — Cf. Dogmes d’Hipp. et de Plat., II, iv) que ni la respiration, ni la voix ne sauraient exister sans le thorax, et que d’abord le cœur et avec lui le poumon ont besoin de son secours, la nature a dû, en construisant le thorax, avoir en vue ces quatre résultats : la voix, la respiration, le volume du cœur, le volume du poumon. Vous pouvez d’abord considérer le volume du poumon qui ne pouvait être ni plus considérable, ni moindre qu’il n’est à la division de la trachée-artère ; car tant qu’elle avance en se divisant, elle doit être jusqu’à sa terminaison entourée par la chair du poumon (cf. VII, iii ; t. I, p. 458 suiv.). La trachée a donc eu la largeur et la longueur convenables pour la respiration et la voix, comme l’indique l’œuvre elle-même[19]. La production du poumon suit pas à pas celle de la trachée, et la grandeur du thorax dépend de celle du poumon ; or, puisqu’il était mieux que toute sa capacité fût remplie par cet organe, comme il a été démontré dans les livres sur la respiration, vous reconnaîtrez que le cœur a aussi dans la poitrine une position et une grandeur convenables, pour peu que vous vous rappeliez ce que nous en avons dit précédemment (VI, ii et xxi ; t. I, p. 379 et 453).


Chapitre vii. — Que les vertèbres augmentent de volume depuis le cou jusqu’au sacrum. — De l’utilité de l’os sacrum. — Des nerfs lombaires et sacrés. — Récapitulation.


Que le thorax ait la grandeur convenable, cela ressort de ce que je viens de dire ; que les vertèbres doivent aussi augmenter peu à peu de dimension, cela encore a été démontré précédemment (XII, xiii, p. 37). C’est un procédé qui paraît admirablement observé par la nature, car toujours les vertèbres inférieures sont plus grandes que les vertèbres superposées, de façon à porter celles-ci sans peine et à être à leur tour portées, sans les incommoder, par celles qui suivent. Le thorax demandait douze vertèbres ainsi proportionnées. Tel est en effet le nombre des vertèbres, tel est leur accroissement progressif, et telle est aussi la génération du thorax tout entier. Les cinq vertèbres suivantes du rachis (lombes) sont disposées d’après le même principe que celles du cou. En effet, comme les nerfs partis de la moelle se distribuent dans les muscles du rachis, dans ceux de l’hypogastre et dans les autres qui peuvent être situés dans cette région, les premières branches de nerfs devaient être envoyées dans ces parties, et après cela aux jambes ; puis commençait à prendre naissance l’os sacré, destiné à la fois à servir de base au rachis et de point d’appui aux os ischions et iliaques. Sans ces os il n’était pas possible de créer ceux du pubis, si utiles, si nécessaires à l’animal ; et l’articulation des jambes avec l’ischion n’existerait absolument pas. C’est, en effet, d’abord en vue des jambes, puis de la vessie, de l’utérus et du rectum, que la nature a créé l’os large appelé par quelques-uns os sacré. De même que le nerf issu du premier espace intercostal se rend presque tout entier à la main, de même ici le nerf qui sort de l’os large par le premier trou (première paire lombaire) s’unit à ceux qui descendent à la jambe ; de sorte qu’au-dessous du diaphragme, les paires de nerfs issus de la moelle se rendant aux muscles précités et aux jambes ont besoin de cinq vertèbres ; et, de son côté, la sixième paire qui vient après a besoin des premiers trous de l’os sacré. Il existe dans l’os sacré trois autres paires qui se distribuent dans les parties adjacentes, car il était raisonnable que celles-ci reçussent aussi leurs nerfs des parties voisines.

Mais nous traiterons en particulier [au livre XVIe] de tout ce qui concerne la distribution des nerfs. Tel n’est pas notre but actuel ; nous voulons seulement parler du nombre des vertèbres et en même temps de la grandeur de l’os sacré. Il est déjà clair que c’est avec raison que le cou est formé de sept vertèbres, le thorax qui lui fait suite de douze, et après lui les lombes de cinq, que l’os sacré a sa grandeur actuelle et que toutes les autres parties du rachis sont telles qu’elles sont. De plus l’os sacré a une apophyse cartilagineuse (coccyx) à son extrémité, pour le même usage que celle du sternum, que l’épine de tout le rachis, que les têtes des fausses côtes et toutes les parties proéminentes et dénudées. Nous en avons déjà parlé souvent (VII, xxi ; XI, xii ; XII, xv ; t. I, p. 515, 680, et t. II, p. 41). Au sacrum cette apophyse est articulée avec la dernière vertèbre des lombes (sacrum), de la même façon que celle-ci l’est avec les autres.


Chapitre viii. — Galien, voulant compléter ce qu’il a dit touchant l’épine, revient sur l’utilité des disques intervertébraux et de la synovie qui les lubrifie. — En quoi la moelle et ses enveloppes ressemblent à l’encéphale et à ses enveloppes, et sur quoi portent les différences. — Motifs de ces différences et de ces ressemblances. — Utilité de l’humeur visqueuse qui lubrifie toutes les parties douées de quelque mouvement.


Un ligament solide (disques intervertébraux, cf. XII, xvi, et aussi XIII, iv, p. 46 et 61) rattache si exactement les parties antérieures (le corps) de toutes les vertèbres, qu’aux yeux de beaucoup de médecins elles paraissent non pas rattachées, mais soudées les unes aux autres. Ce ligament aboutit en arrière (c’est-à-dire dans l’intérieur du canal) à la tunique qui enveloppe les membranes de la moelle ; en avançant un peu à la partie antérieure, il s’insère de chaque côté sur le cartilage qui lubrifie les vertèbres. Le corps de toutes les vertèbres en s’éloignant de la symphyse antérieure, s’écarte légèrement en arrière, et tout l’intervalle qui les sépare alors se trouve rempli par une humeur blanche et visqueuse semblable à celle qui est répandue dans presque toutes les autres articulations. Aussi l’utilité d’une telle humeur est commune à toutes les parties destinées à un mouvement rapide, comme nous l’avons démontré précédemment (I, xv ; t. I, p. 139). Tel est le spectacle admirable que présentent toutes les œuvres de la nature. L’une et l’autre membrane de la moelle ressemblent exactement pour l’aspect à celles qui embrassent circulairement l’encéphale tout entier, si ce n’est qu’au rachis il n’y a point d’intervalle comme cela a lieu à la tête ; les différences consistent donc en ce que la dure-mère touche et embrasse circulairement toute la pie-mère , et qu’une troisième tunique très-forte et très-nerveuse (fibreuse) les enveloppe extérieurement[20].

Quelle est donc la cause de ces dispositions, car la nature ne fait rien en vain ? Comme la moelle épinière présente des conditions qui lui sont communes avec l’encéphale et des conditions qui lui sont propres, elle offre une structure semblable dans les parties semblables, et une structure spéciale et différente pour les parties spéciales. Les conditions communes sont qu’elle a une substance semblable à celle de l’encéphale, et qu’elle est le principe des nerfs. Les conditions particulières sont que l’encéphale enveloppé par un os immobile a des pulsations et par conséquent des mouvements, tandis que la moelle entourée de vertèbres mobiles n’a pas de mouvements. C’est donc avec raison qu’à la moelle et au cerveau, il a été donné également deux membranes, l’une pour relier leurs vaisseaux et maintenir leur substance qui est si molle, l’autre pour les protéger et les garantir contre les os qui les entourent ; c’est aussi avec raison que ces os mêmes les ont enveloppés comme une palissade, comme un mur capable de recevoir sans en être endommagé, les chocs des corps qui auraient pu les diviser, les contondre et les blesser d’une façon quelconque.

Voici maintenant les particularités qui les distinguent : l’encéphale ayant un battement, la dure méninge (dure-mère) en est assez éloignée pour lui permettre de se dilater ; la moelle n’ayant pas de battement, la dure membrane s’unit avec la mince (pie-mère) sans laisser aucun intervalle. D’autre part, comme il n’existe point de mouvement apparent dans les os de la tête, et qu’il en existe un puissant dans ceux du rachis, l’encéphale n’a pas extérieurement d’autre enveloppe que la dure-mère, tandis que la moelle a cette troisième tunique nerveuse, épaisse et forte, que nous mentionnions tout à l’heure (p. 71). En effet, comme la moelle suit les flexions, les incurvations et les extensions[21] successives du rachis, elle eût été bientôt brisée, si elle n’eut été entourée d’un semblable tégument. Une humeur visqueuse lubrifie cette tunique et aussi le ligament qui rattache les vertèbres, comme elle lubrifie toutes les articulations, la glotte, le larynx, le canal urinaire (office rempli aux yeux par la graisse), en un mot tous les organes destinés à un mouvement continuel qui souffriraient du dessèchement et perdraient leur action (cf. I, xv ; VII, xvii ; X, xi ; XI, x ; t. I, p. 139, 510, 511, 635, 636, 674, 675 ; et XIV, xi. Cf. aussi Gal. Comm. III in lior. De artic., § 30, t. XVIIIa, p. 526, 528). C’est ainsi que l’on frotte avec une liqueur visqueuse les essieus des chars de transports ou de guerre pour leur épargner un effort pénible et pour accélérer leur course.


Chapitre ix. — Admirables dispositions prises par la nature pour l’origine et pour la distribution des vaisseaux du rachis. — Galien, revenant sur les nerfs phréniques, montre que la nature ne pouvait les tirer que des quatrième, cinquième et sixième paires cervicales. — Raisons de cette disposition.


La nature, en disposant avec tant de soin tout ce qui concerne la moelle épinière et le rachis, ne leur aurait-elle envoyé ni veines, ni artères, ou les a-t-elle fait venir d’une région qui ne convenait pas, ou bien sont-elles en nombre insuffisant, ou trop grandes, ou plus petites qu’il ne fallait ? Ou bien est-il juste ici encore d’admirer la nature qui, des vaisseaux adjacents (branches spinales des intercostales) a tiré des ramifications pour chaque partie du rachis, pour chaque vertèbre une paire (ζεῦγος) d’une grandeur telle, qu’en se divisant elle suffit exactement à tous les corps qui environnent cette vertèbre ? Mais comme pour chaque vertèbre il naissait une seule paire (ζεῦγος) de nerfs, il est évident que le nombre de ces paires de nerfs devait être nécessairement égal à celui des artères et des veines. Il faut donc qu’on accepte pour les artères et les veines les explications que nous donnions (chap. iv) en exposant le lieu de leur origine, et qu’on admire ici encore la nature qui a su choisir le lieu de leur production le plus sûr pour les vaisseaux mêmes et aussi pour les vertèbres. En effet elle a employé un seul des trous dont nous parlions précédemment (cf. XIII, ii, p. 56) dans l’exposition des nerfs (trou de conjugaison) pour y faire passer les trois organes, conduisant le nerf de dedans en dehors, l’artère et la veine de dehors en dedans.

Rappelez-vous ici encore ce que nous avons démontré ailleurs (Facultés natur., III, xv), savoir : que chaque partie de l’animal tire à lui la nourriture des vaisseaux voisins, qu’elle ne pourrait la tirer si le trajet était trop long, et qu’en conséquence les vaisseaux se ramifient continuellement ; examinez aussi les trous étroits situés en avant de chacune des grandes vertèbres et par lesquels pénètrent les vaisseaux nourriciers. Mais dans les petites vertèbres vous ne trouverez aucune de ces dispositions, la nature sachant que la puissance attractive qui s’exerce par les os sur les vaisseaux voisins peut encore demeurer intacte pour les petites vertèbres, tandis que dans les grandes vertèbres elle est détruite par la longueur de la distance ; aussi dans les petites vertèbres, il suffit des deux trous précités (trous de conjugaison), par où entrent les veines et les artères et par où sortent les nerfs. Pour les grandes vertèbres, la nature a disposé, comme cela est nécessaire, non-seulement ces trous, mais encore ceux qui servent aux vaisseaux nourriciers. C’est pour cette raison, je pense, que sur tous les grands os, tels que l’humérus, le fémur, le cubitus et le tibia, viennent s’insérer de petits vaisseaux (vaisseaux nourriciers) et que les petits os n’avaient pas besoin de vaisseaux semblables[22]. De même donc que ce n’est pas de loin, ni par un long détour, mais des artères et des veines voisines, que les ramifications des vaisseaux ténus arrivent à toutes les autres parties de l’animal et également à celles du rachis, de même aussi les nerfs qui sortent de la portion de la moelle voisine de chaque vertèbre se distribuent dans les régions voisines de chaque vertèbre, la nature se gardant en tous lieux de mener par un long trajet les vaisseaux ténus à moins d’obstacle supérieur. Mais nous en dirons davantage à ce sujet dans le traité où nous étudions ensemble tous les vaisseaux (De la dissect. des vaisseaux, chap. xi. Voy. Dissert. sur l’anat.). Je sais que souvent déjà j’ai ajourné ce traité ; j’y parlerai aussi des vertèbres du cou, parce que seules elles ont des trous à leurs apophyses transverses (cf. note 1, p. 58) ; quant aux vaisseaux qui les traversent, bien que beaucoup d’anatomistes ne les connaissent pas, il n’est pas difficile de les trouver, quand on veut, surtout si l’on a lu mon Manuel des dissections[23]. On verra plus loin, dans le XVIIe livre, à propos des vaisseaux, quelle est l’utilité d’un tel trajet.

Maintenant je n’ajoute plus qu’une seule considération et je passe aux omoplates. Cette considération consiste à indiquer l’usage pour lequel la nature a, des régions précitées, engendré les nerfs du diaphragme. Nous avons en effet démontré précédemment (chap. v, p. 66, et ch. ix) qu’il vaut mieux que ces nerfs s’insèrent au centre du diaphragme, et que pour cette raison ils vont en descendant. Pourquoi d’abord la nature ne les a-t-elle pas fait naître du cerveau, puisque de cette façon ils pourraient rester suspendus ? Mais s’il était préférable qu’ils naquissent du cou, pourquoi, négligeant les trois premières paires, a-t-elle tiré pour eux de la quatrième paire quelques filaments ténus, de la cinquième une portion considérable, de la sixième une autre moindre que cette dernière et plus forte que la précédente ? Elle aurait pu les engendrer des trois premières paires ou des trois dernières paires du cou, si elle pensait qu’il valait mieux former un faisceau en les tirant de plusieurs sources, afin que si une ou deux des racines venaient à être lésées, le diaphragme eût, du moins, la dernière qui fonctionnât. Il est de toute évidence que les nerfs issus de la moelle cervicale sont plus forts, et, par cette raison, plus propres à un mouvement actif. La nature a évité d’établir leur principe près du thorax, pour leur épargner la flexion anguleuse qu’ils auraient été obligés de subir pour se diriger vers les membranes qui divisent le thorax le long desquelles[24] ils devaient être fixés en descendant vers le diaphragme (XIII, v, p. 67). Nous avons montré, en effet (XIII, iii, p. 55), que ce n’est pas des parties antérieures, mais des parties latérales du rachis que naissent les nerfs. Issus des régions du rachis que nous indiquons, les nerfs phréniques dans leur marche vers le centre du thorax (car c’est là que sont les membranes qui le divisent), ont une position légèrement inclinée ; nés des régions plus inférieures ils auraient fait une courbe. C’est pourquoi chez les animaux dont le cou est plus long que celui du singe, il ne vient au diaphragme absolument rien des nerfs de la quatrième paire issus de la moelle, ni de la cinquième chez ceux qui ont le cou excessivement long[25] ; car la nature paraît toujours éviter les longs trajets, non-seulement pour les nerfs, mais encore pour les artères, les veines et les ligaments. La longueur que la quatrième paire des nerfs issus du cou atteint chez les singes est dévolue à la sixième chez les animaux doués d’un cou très-long, et à la cinquième chez ceux dont le cou est assez long.


Chapitre x. — De l’utilité de l’omoplate par rapport au bras comme moyen d’articulation, et par rapport au thorax comme moyen de protection. — De l’utilité de l’épine de l’omoplate, de l’acromion et de la clavicule ; de leur utilité pour la protection de l’épaule et pour la sûreté des mouvements du bras.


Il est temps de commencer l’étude de l’omoplate[26] et de montrer l’art que la nature y a déployé aussi. Supposez qu’elle n’existe pas du tout chez les animaux, vous ne trouverez aucun moyen de constituer par la pensée l’articulation de l’épaule ; en effet, pour composer cette articulation, la tête de l’humérus réclame impérieusement une cavité dans laquelle elle puisse entrer. C’est en vue de cette cavité qu’a été produit le col de l’omoplate, et qu’à l’extrémité de ce col a été sculptée une cavité d’une grandeur telle qu’elle est particulièrement propre à s’articuler avec la tête de l’humérus. C’est là la première et la plus grande utilité pour laquelle l’omoplate a été créée par la nature. Cet os a encore par surcroît une autre utilité non petite, c’est de protéger les parties latérales du thorax. Voyant de loin ce qui doit nuire, nous mettons à l’abri les parties antérieures, soit en évitant complètement par un saut le coup porté, soit en opposant devant la poitrine quelque moyen de défense, soit en prenant une arme dans les mains (cf. III, ii ; t. I, p. 223) ; souvent nous sommes réduits à écarter le danger avec les mains seules et privées d’armes, pensant dans ce cas qu’il est préférable de les laisser blesser, meurtrir, broyer ou couper que d’abandonner la poitrine exposée aux coups ; car le thorax est l’organe de la respiration, de même que le poumon qui y est renfermé. Le cœur est aussi le principe de toute vie, de sorte que la lésion d’aucun des os de cette partie n’est exempte de danger. À la région postérieure le danger est égal, mais le moyen de le prévoir n’est pas le même, puisqu’il n’y a point d’yeux par derrière. Il fallait que la nature, dans sa justice, trouvât un savant mécanisme pour ne pas laisser cette partie absolument sans protection. D’abord elle a créé une espèce de palissade, de forme variée, au moyen des vertèbres du rachis, auxquelles elle a attaché de nombreuses apophyses, qui sont, ainsi que je l’ai déjà dit (XII, ch. xv et xvi), inclinées, les unes descendantes, les autres montantes (apoph. articulaires), ou dirigées, celles-ci obliquement sur les côtés (apoph. transverses), celles-là horizontalement (apoph. épineuses) sur toute la longueur de la colonne ; puis elle a recouvert l’espace qui se trouve de chaque côté de l’épine jusqu’aux côtes, d’abord par les omoplates, puis par une couche abondante de chairs. C’est pour cela qu’elle a fait naître de l’omoplate une épine qui est particulière à cet os, afin qu’elle devienne comme une seconde palissade pour cette région du thorax.

La nature se sert encore très-avantageusement de l’épine de l’omoplate pour un autre usage ; allongeant un peu, et en droite ligne, son extrémité supérieure et l’unissant à cet endroit à la clavicule, elle produit ce qu’on appelle l’acromion, qui recouvrira et protégera l’articulation de l’épaule, qui en même temps empêchera la tête de l’humérus de se porter en haut et écartera l’omoplate du thorax. En effet, si elle n’avait rien placé dans cette région en avant de l’articulation, cette articulation eût été lésée au premier choc, et la tête de l’humérus se fût très-aisément luxée sur le col de l’omoplate, attendu que la cavité n’est ni profonde, ni munie de rebords élevés. Si la clavicule n’eût pas été placée dans cette région, rien n’eût empêché que l’omoplate, dépourvue de toute fixité, ne fût tombée sur le thorax, et que l’articulation ne fût ainsi fortement serrée contre cette partie et que beaucoup des mouvements du bras ne fussent compromis ; car son éloignement de la poitrine, aussi grand qu’il pouvait l’être, lui permet d’exécuter des mouvements variés. Si l’articulation eût touché les côtes, ou si elle en eût été très-proche, comme cela existe chez les quadrupèdes, nous ne pourrions pas plus porter la main sur le sternum, sur l’articulation opposée, sur le sommet de l’épaule ou sur le cou, que nous ne le pouvons lorsque le bras luxé vient heurter les côtes. La luxation du bras nous rend, en effet, incapables d’étendre la main vers une partie opposée, la convexité des côtes rencontrant le bras et le repoussant dans un sens opposé sur le côté. Ce désavantage existerait lors même que les parties seraient saines, si l’acromion n’était pas très-éloigné de la poitrine[27] ; mais la nature a placé la clavicule entre le thorax et l’omoplate comme un soutien.


Chapitre xi. — Différence de la position de l’omoplate par rapport au thorax, chez l’homme et chez les animaux : utilité respective de cette différence. — Nécessité de la clavicule ; du degré d’écartement qu’elle procure à l’épaule chez l’homme et chez les animaux ; comparaison du singe et de l’homme sous ce rapport. — De la forme de la clavicule : que sa double concavité est destinée à laisser un passage libre aux organes qui traversent le cou de haut en bas ou de bas en haut. — De l’os acromion ; de son union avec l’épine de l’omoplate et avec l’omoplate ; pourquoi il est cartilagineux.


Considérez de nouveau avec moi l’art admirable qui a présidé à la construction des animaux, et combien la nature est juste pour toutes choses. Il est vrai que je me suis proposé de parler de l’homme seulement ; mais souvent on ne peut pas, lors même qu’on l’évite avec soin, s’abstenir de traiter de la structure des animaux sans raison.

Ce n’est pas, en effet, au hasard et en vain que, chez l’homme, la nature a considérablement éloigné du thorax l’articulation de l’épaule, et qu’elle l’en a tout à fait rapprochée chez les quadrupèdes. C’est parce que l’homme devait se servir de ses mains pour des mouvements variés qu’elle lui a ménagé un vaste espace [entre le thorax et l’articulation du bras], tandis que chez les animaux qui n’ont pas de mains, mais des membres antérieurs disposés pour la marche comme les membres postérieurs, elle a dû faire reposer le thorax sur les jambes de devant. C’est aussi pour cela que, chez l’homme, la poitrine est large et qu’elle est en pointe et étroite chez les animaux. Si les choses eussent été disposées à l’inverse de ce qu’elles sont, chez les hommes, les fonctions attribuées aux mains eussent été supprimées, de même que si vous remplaciez le bras par un long morceau de bois étendu depuis le cou jusqu’à l’hypocondre, sur la région moyenne du sternum ; au contraire, si le thorax eût été large chez les autres animaux, il n’eût pu fournir aux membres de devant un appui solide. La nature s’est donc, ici comme toujours, montrée parfaitement sage en donnant une poitrine large à un animal bipède et qui se tient droit, en écartant en dehors l’articulation de l’épaule, en faisant une poitrine en pointe aux animaux quadrupèdes, et en fixant l’omoplate sur le thorax pour affermir les jambes de devant.

La production de la clavicule est aussi une preuve de la même prévoyance de la nature. Comme il fallait que les omoplates fussent écartées en dehors, la nature a placé une clavicule entre l’os du sternum et l’extrémité de l’épine de l’omoplate ; et comme le sternum est long, car il s’étend depuis le bas du cou (fossette sus-sternale, σφάγη) jusqu’aux hypocondres, vous ne trouverez pas pour l’articulation de la clavicule une position plus favorable que celle qu’elle a actuellement. Là où elle s’articule, le sternum a la plus grande largeur et le plus de force, et il ne reçoit aucune côte ; son union avec l’omoplate se fait aussi dans le lieu le plus propice pour écarter convenablement les omoplates, pour protéger l’articulation elle-même, enfin pour éviter les luxations en haut. L’homme, lors même qu’il le voudrait, ne pourrait pas marcher sur les quatre membres, les articulations de l’omoplate étant très-éloignées du thorax. Le singe, qui pour tout le reste est une imitation risible de l’homme, ainsi que je l’ai dit plus haut (I, xxii ; III, xvi ; p. 162 et 276), devait naturellement l’être aussi par ses membres. J’ai dit, dans le livre consacré spécialement aux membres abdominaux (III, xvi — cf. Manuel des dissect., I, vi), combien la structure des jambes du singe s’éloigne de celle des jambes de l’homme, et j’ai établi (I, xii) que cette différence existait aussi pour les mains. C’est surtout par les omoplates et par les clavicules que le singe se rapproche de l’homme, bien qu’il ne doive pas lui être assimilé en ce point, eu égard à la rapidité de la marche. Sous ce rapport, il s’éloigne, en effet, des deux genres d’animaux, n’étant complétement ni bipède ni quadrupède. Comme bipède, il cloche, ne pouvant pas se tenir très-bien debout ; comme quadrupède, il est en quelque sorte estropié et lent dans sa marche, attendu que l’articulation de l’épaule s’écarte beaucoup du thorax ; car, de même que le singe, animal doué d’une âme ridicule, a, pour ce motif, un corps tout à fait ridicule, de même l’homme, animal doué d’une âme raisonnable, et le seul être divin sur la terre, a un corps dont toutes les parties sont parfaitement construites, eu égard à la puissance de son âme. Nous avons montré plus haut (III, iii et iv, t. I, p. 224 et suiv.) que l’homme est le seul animal qui se tienne debout, et aussi que lui seul se sert habilement des mains. Ces avantages ne seront pas moins manifestes si on considère l’articulation de l’épaule, la figure de tout le thorax et la formation de la clavicule ; cela suffit pour montrer l’art de la nature. Mais ce qui me reste à dire le montrera plus manifestement encore.

Pourquoi la nature n’a-t-elle pas étendu une clavicule droite du sternum à l’omoplate ? Pourquoi, au contraire, l’a-t-elle faite, du côté du cou (σφάγη), convexe en dehors et concave en dedans, et du côté de l’omoplate, légèrement concave en dehors et convexe en dedans ? Cette disposition n’a pas été prise au hasard et en vain par la nature. La clavicule est concave du côté du cou par le même motif que le sternum lui-même est concave de ce côté, c’est-à-dire afin de fournir une place suffisante pour le passage des organes qui descendent de haut en bas ou qui montent de bas en haut à travers le cou. Lorsque la clavicule commence à s’éloigner du cou, elle dévie et se tourne peu à peu en avant, jusqu’au sommet de l’acromion, autant que l’extrémité de sa portion convexe s’était portée en arrière ; en sorte que si elle eut marché seulement en arrière, en se portant sur les côtés du cou, elle n’eût pas été assez distante de la poitrine.

Un petit os cartilagineux (voy. Dissert. sur l’anat. et Hoffm., l. l., p. 33), que vous chercheriez vainement sur les singes, unit la clavicule à l’épine de l’omoplate. Car ici, comme dans beaucoup d’autres circonstances, l’organisation du singe est inférieure à celle de l’homme. C’est pour un motif de solidité que l’homme a ici quelque chose de plus que le singe, attendu que l’extrémité des deux os n’est pas attachée seulement par des liens membraneux, mais qu’il existe un troisième os cartilagineux supplémentaire uni aux deux autres os adjacents par de forts ligaments sous lesquels il est caché. Pourquoi est-il cartilagineux, puisqu’il devait proéminer et essuyer le premier la violence des chocs extérieurs ? J’ai traité plus haut cette question, quand je parlais en général des parties du même genre (voy. chap. VII, p. 70).


Chapitre xii. — De la structure et de l’articulation de l’épaule (os et muscles) en général. — Admirable disposition de la tête de l’humérus, de la cavité de l’omoplate, de la capsule articulaire, des ligaments, des tendons ; utilité des apophyses de l’omoplate.


Mais il est temps maintenant de passer à l’articulation de l’épaule et de montrer d’abord avec combien de raison la nature a fait la tête de l’humérus exactement ronde, et la cavité qui termine le col de l’omoplate petite et en même temps abaissée ; ensuite de parler des muscles qui meuvent cette articulation, de dire quels ils sont, en quel nombre, de quelle forme, quelle utilité ils ont chacun en particulier, et de prouver qu’il n’était pas plus avantageux de les faire ou plus ou moins nombreux, ou plus grands, ou plus petits, ou de leur donner une autre position. Pour peu qu’on se rappelle ce qui a été dit dans les premiers livres de ce traité (II, xvii ; t. I, p. 210), on comprendra avec quelle [évidente] utilité la tête de l’humérus a été faite ronde et la cavité de l’omoplate peu profonde et abaissée. Tout le bras étant créé en vue de mouvements nombreux et variés, il fallait que la tête de l’humérus fût ronde, attendu qu’on ne pouvait pas trouver une forme plus favorable pour la facilité des mouvements, et que la cavité qui est en rapport avec elle ne fût ni trop profonde, ni terminée par un rebord trop élevé ; en effet, si l’humérus était renfermé dans une cavité étroite, et s’il était serré circulairement par des rebords élevés, il ne pourrait pas du tout se mouvoir facilement de tous côtés, ce qui était pour lui une condition non moins impérieuse que la solidité de l’articulation ; car c’est en vue de la facilité des mouvements que tout le bras a été créé. Ainsi peu s’en est fallu que la tête de l’humérus ne fût perpétuellement en danger de se luxer, puisqu’elle repose sur une cavité étroite, de telle sorte que, dans une grande partie de son étendue, elle déborde et se trouve suspendue sans soutien. Pourquoi donc le bras ne se luxe-t-il pas toujours dans les mouvements violents ? car, à ne considérer que la structure dont nous venons de parler, cela devrait lui arriver à chaque instant. Vous admirerez encore ici l’art dé la nature, si vous considérez ce qu’elle a fait en vue de la solidité. Outre l’enveloppe périphérique (capsule) qui se retrouve à toutes les articulations [énarthrodiales], elle a créé trois forts ligaments qui attachent l’os du bras au col de l’omoplate, de plus les deux apophyses recourbées (acromion et apoph. coracoïde) qui protégent l’articulation, enfin de chaque côté de très-grands muscles qui la maintiennent fortement au contact. Le ligament membraneux (capsulaire), large, qui est commun à toutes les articulations [de cette espèce, énarthrose], naît ici du pourtour de la cavité de l’omoplate (cavité glénoïde), et après avoir enveloppé exactement l’articulation, il se fixe à la racine de la tête de l’humérus (col anatomique) ; des trois autres ligaments, deux sont parfaitement ronds comme des nerfs, et le troisième est légèrement aplati. Le premier (tendon de la courte portion du biceps) naît de l’apophyse ancyroïde (coracoïde) ; le second (tendon de la longue portion du biceps), qui est le plus grand des trois, procède du col de l’omoplate, et particulièrement du point où le rebord de la cavité de cet os qui lui est sus-jacente, est le plus élevé. La tête de l’humérus lui fournit, à sa partie antérieure et supérieure, un point d’appui très-sûr, attendu qu’elle présente une cavité déclive semblable à une large entaille (coulisse bicipitale), et dont la dimension correspond exactement à celle du ligament lui-même ; l’autre ligament, le premier dont j’ai parlé, est étendu le long des parties internes de la tête de l’humérus ; le troisième (tendon du sous-scapulaire ?) procède du lieu même où le second prend naissance ; mais il est situé obliquement au-dessous de ce second ligament, et se fixe à la racine de la tête de l’humérus, de la même façon que le ligament large qui entoure toute l’articulation, et dont il semble, en effet, être une partie. Les deux premiers tendons se rendent au muscle qui est étendu le long de l’humérus, et que nous avons dit s’insérer sur la tête du radius (tubérosité bicipitale) quand nous traitions de la main (II, xvi ; t. I, p. 205). On peut donc voir encore ici l’habileté de la nature (habileté que j’ai déjà démontrée mille fois) en ce qu’elle donne, par une position favorable, plusieurs espèces d’utilité à un organe unique. Tous les muscles ayant besoin, comme je l’ai dit dans les traités qui leur sont spécialement consacrés (De la dissection et Du mouvem. des muscles. Cf. aussi XII, iii, p. 5 suiv.), de participer à la substance ligamenteuse, la nature a formé les ligaments pour être utiles à la fois aux muscles et à l’articulation de l’épaule. En rapprochant et en serrant les surfaces articulaires, ils empêchent les os de s’échapper ; et en se répandant dans le muscle, ils lui fournissent par eux-mêmes une solidité suffisante. L’articulation de l’épaule est aussi fortement maintenue et par les ligaments et par les apophyses de l’omoplate, en haut par celle qui touche à l’acromion, et qui est appelée par quelques anatomistes coracoïde (apoph. acromion) ; en dehors, par l’apophyse ancyroïde qu’on nomme aussi sigmoïde (apoph. coracoïde ; voy. Dissert. sur l’anat.). Enfin, elle est serrée circulairement et de tous côtés par les grands muscles avec leurs tendons, muscles qui meuvent l’articulation, et dont il est temps de nous occuper.


Chapitre xiii. — Insertion et action des muscles qui se fixent, d’une part sur l’humérus, et de l’autre sur l’omoplate, la clavicule et le thorax, et qui meuvent, soit le bras seulement, soit le bras et l’épaule. — Des différences que présentent les muscles qui abaissent et les muscles qui élèvent le bras ou l’épaule. — Des muscles propres à l’épaule.


Ces muscles s’implantent par leur extrémité inférieure sur l’os du bras ; les uns relèvent le membre, les autres l’abaissent. Ceux-ci le rapprochent de la poitrine, ceux-là l’en éloignent ; il en est enfin qui lui font opérer des mouvements de rotation. Le muscle qui rapproche de la poitrine procède de la région mammaire ; il est de moyenne grandeur (petit pectoral). Sa première action est de tirer le bras légèrement, en sorte qu’il produit un mouvement d’adduction plutôt avec abaissement. Un autre, au rebours de celui-ci, procédant des parties les plus élevées du sternum (faisceau du grand pectoral), est l’agent d’un mouvement d’adduction plutôt avec élévation. Il existe, en outre, un troisième muscle qu’on peut regarder comme ayant une double origine, ou comme formé par deux muscles, car on peut admettre l’une ou l’autre manière de voir. Ils naissent sur toute la ligne du sternum (faisceaux moyen et infér. du grand pectoral) ; ils attirent vers le sternum le bras tout entier qui reste en parfait équilibre quand tous deux agissent : quand l’un des deux agit seul, si c’est le muscle qui procède de la partie inférieure du sternum, il rapproche le bras de la poitrine en l’abaissant ; si c’est l’autre, il l’en éloigne en l’élevant ; mais ce n’est ni un mouvement d’abaissement ni un mouvement d’élévation semblables à celui qu’opèrent le premier et le second muscle cités plus haut que produit ce dernier faisceau ; car le petit muscle (petit pectoral), qui vient de la région mammaire, est des quatre muscles cités plus haut celui qui opère le plus grand mouvement d’abaissement ; celui, au contraire, qui produit le plus grand mouvement d’élévation est l’une des portions du muscle du sommet de l’épaule (faisceau claviculaire du deltoïde), laquelle prend son origine à la clavicule ; car ce muscle a deux têtes ; l’une procède des parties internes du sommet de l’épaule, c’est la partie même qui s’étend à la clavicule ; l’autre vient des parties externes et s’étend un peu sur l’épine de l’omoplate, sur les parties les plus déclives. Quand cette tête agit seule, elle élève légèrement le bras, en le faisant dévier un peu latéralement de la ligne moyenne et exactement droite. Quand c’est l’autre, celle qui aboutit à la clavicule, elle fait dévier le membre vers la partie interne ; quand toutes deux agissent avec une force égale, elles placent le bras dans une élévation directe et moyenne, ne l’inclinant d’aucun côté. Les deux autres muscles (sus et sous-épineux), placés de chaque côté de l’épine de l’omoplate, ont une action identique ; s’ils agissent simultanément, ils impriment au bras un mouvement régulier d’élévation ; s’ils agissent isolément, ils inclinent légèrement le membre sur le côté en même temps qu’ils l’élèvent. Outre les muscles qui ont été énumérés, il y en a encore un huitième (petit rond) qui naît sur la plus grande partie du bord inférieur de l’omoplate, et qui tire le bras vers la région externe (abduction), étant l’antagoniste des muscles pectoraux chargés de rapprocher, en l’élevant, le bras de la poitrine. Il y a encore deux muscles (portion du peaucier et grand dorsal) dont la fonction consiste à porter, par un mouvement de circumduction, le bras en dehors et en bas (abduction et abaissement) ; mais le muscle qui écarte le plus énergiquement le bras en dehors est celui qui naît à l’extrémité du bord inférieur de l’omoplate (grand rond). L’autre (sous-scapulaire), qui occupe toute la face creuse de cet os (fosse sous-scapulaire) opère plutôt un mouvement de circumduction et d’abaissement du bras qu’il ne porte ce membre en dehors. Il reste un autre muscle (Voy. Dissert. sur l’anat.) qui porte le bras à la fois en bas et en arrière ; après lui vient l’autre petit muscle dont on a déjà parlé (petit pectoral), et qui porte le bras en bas sans le faire dévier d’aucun côté (c’est-à-dire : ni en avant, ni en arrière). Ce muscle suffisait à la nature, bien qu’il fût le plus petit de tous, attendu la propension naturelle du membre tout entier à se porter en bas ; il faut une force considérable pour élever un tel poids, mais toute espèce de corps peut être abaissée, même sans le concours d’une force psychique.

En conséquence il est juste d’admirer la nature qui, pour élever le bras, a créé le muscle du sommet de l’épaule (deltoïde) très-fort et à deux têtes, et deux autres muscles de chaque côté de l’épine de l’omoplate (sus et sous-épineux), et qui n’a fait qu’un petit muscle (petit pectoral) pour être leur antagoniste. Du reste, les muscles inférieurs de la poitrine (faisceaux du grand pectoral), comme s’ils avaient une aponévrose commune, lui viennent généralement en aide. Le muscle de la partie inférieure du dos (grand dorsal) lui prête aussi quelquefois son concours. Quand les quatre muscles tirent ensemble en vue de quelque action violente, le bras est fortement porté en bas ; mais quand il n’y a lieu à aucune action de cette nature, le petit muscle suffit.

Ici, comme partout ailleurs, la nature a mesuré avec discernement la grandeur des muscles. Elle a fait le plus grand de tous le muscle qui naît sur le sternum par une double attache, et qui de là va se fixer sur l’humérus dans le sens de la longueur de cet os, pour rapprocher le membre de la poitrine (faisceaux du grand pectoral). Si vous prétendez, ce qui est préférable, que ce sont deux muscles réunis et non un muscle à deux têtes, vous louerez encore davantage l’équité de la nature qui a fait le muscle le plus élevé beaucoup plus grand que celui qui est le plus bas, puisqu’il était chargé de la fonction la plus énergique : car il a été dit un peu plus haut que les muscles qui élèvent les membres réclament une force beaucoup plus grande, ayant à lutter contre la tendance vers le bas, tandis que les muscles qui les tirent en bas non-seulement ne sont pas gênés par cette tendance, mais sont même aidés considérablement par elle, attendu qu’elle agit dans le sens même de ces muscles ; ils peuvent donc, sans grande force, accomplir leurs fonctions. C’est pour cela que les muscles qui opèrent un mouvement de rotation dans une articulation quelconque sont robustes et ont des tendons très-nerveux (fibreux), parce que ce mouvement est le plus fort de tous, et qu’il dépasse par sa puissance un mouvement simple. Si vous supposiez plusieurs mouvements se succédant l’un à l’autre, il faudrait calculer combien ils l’emportent sur un seul : de même songez avec moi que le mouvement de circumduction du bras équivaut à plusieurs mouvements qui se succèdent. La nature vous paraîtra peut-être avoir oublié sa sagesse ordinaire si vous examinez le muscle qui, des parties inférieures du dos (grand dorsal), se porte en haut sur l’humérus ; en effet, il ne devait pas être très-grand, puisqu’il est chargé de porter le bras en bas ; et vous accuseriez à bon droit la nature si le muscle n’était qu’un abaisseur. Toutefois, dans l’état actuel des choses, puisqu’il opère en outre chez l’animal deux autres mouvements, la rotation du bras en arrière et l’abaissement de toute l’omoplate, votre accusation serait sans fondement.

Mais revenons maintenant à l’omoplate. Puisqu’en vue de la communauté des sujets nous avons parlé d’un des muscles qui la meuvent, il nous faut étudier cette partie en commençant par le muscle qui nous occupe (grand dorsal), et que la nature a opposé tout seul aux muscles nombreux qui élèvent l’omoplate ; dans ce but elle l’a fait partir des vertèbres inférieures[28] du thorax, et l’a roulé immédiatement sur les parties voisines de l’omoplate (angle). Par suite de cette union, ce muscle abaisse l’omoplate, tandis que la partie qui va se fixer au bras et qui est continue [avec le faisceau destiné à l’omoplate] a été faite en vue du mouvement [de rotation du bras] dont je viens de parler. Quant à la partie qui s’enroule à l’extrémité inférieure (angle) de l’omoplate, elle abaisse aussi cet os ; car il était mieux de pouvoir mettre en mouvement non-seulement l’articulation de l’épaule, mais aussi quelquefois l’omoplate tout entière ; attendu que nous ne nous bornons pas à des mouvements d’élévation et d’abaissement, mais que nous portons l’épaule, en arrière, vers le rachis, et en avant vers le cou et vers la poitrine. — L’omoplate est soulevée par le muscle large et long (trapèze) qui, partant du rachis, se porte à l’os postérieur de la tête (occipital), et par le muscle mince qui s’étend du même os à la base même du rachis (peaucier, chez le singe). Deux autres muscles (petit et grand rhomboïdes) la portent en arrière sur le rachis : le plus élevé des deux l’incline en haut sur les vertèbres du cou, le plus inférieur vers celles du dos ; quand ils agissent simultanément, elle est entraînée vers le rachis, directement eu égard à sa propre position. Le muscle qui procède de l’apophyse transverse de la première vertèbre et s’insère à l’extrémité de l’omoplate vers l’acromion[29] est particulièrement aussi chargé du mouvement d’élévation : il entraîne en même temps l’épaule sur les côtés du cou. De même, le petit muscle (omoplato-hyoïdien) qui part de l’os lambdoïde (hyoïde) la tire sur les parties antérieures : en effet, ce muscle s’insère à l’os de l’omoplate proche de l’acromion (derrière l’échancrure coracoïdienne. Voy. Dissert. sur l’anat.). Des muscles (faisceaux du grand pectoral) qui du sternum se dirigent vers l’omoplate, le plus élevé me semble non-seulement entraîner la tête de l’humérus, mais aussi l’omoplate, puisqu’il s’insère au ligament (capsule) qui entoure toute l’articulation ; car les tendons de cette espèce n’agissent pas seulement sur les os auxquels ils s’insèrent ; leur action s’étend quelquefois aussi sur ceux qui leur sont unis d’une manière quelconque. Ce muscle paraît naître de la tête de l’humérus par une partie large et aponévrotique et de tout le ligament articulaire à sa région antérieure. À tous ces muscles, un seul (petit pectoral) est [surtout] opposé en bas, c’est celui dont nous avons parlé en premier lieu, et qui ne devait pas être tout à fait petit, puisqu’il avait deux autres utilités : abaisser le bras et le tourner vers le côté externe.

Certes, il est temps de mettre fin à ce livre ; dans celui qui vient immédiatement après, je passe aux organes génitaux, et je montrerai aussi dans leur structure l’art de la nature.


  1. Le plan que Galien a suivi dans les livres XII et XIII pour l’exposition de la structure du rachis est assez défectueux ; il en résulte des répétitions fréquentes et un perpétuel morcellement. J’ai tâché, en multipliant les renvois aux passages parallèles, de remédier à ce vice de méthode.
  2. Dans ma Dissert. sur l’anat., je figurerai ces apophyses, qui, de chaque côté, se détachent en avant des apophyses articulaires, qui sont propres à certains animaux et d’où résulte un engrenage pour l’apoph. articul. supérieure.
  3. Chez l’homme, les apophyses articulaires sont maintenues au côté externe par des fibres ligamenteuses irrégulières, plus multipliées aux régions cervicale et dorsale qu’aux lombes, et au côté interne par le ligament jaune. Chez les animaux, même chez le singe, et c’est à eux que correspond la description de Galien, une véritable capsule fibreuse entoure ces apophyses, surtout aux lombes.
  4. Les textes imprimés portent : Χωρὶς τῆς πρώτης τῆς μεγάλης τῆς κατάντους. Mais B donne la seule leçon admissible ici : Χώρις τῆς μέσης τῆς πρόσω τῆς μεγ. τῆς κατάντους. Voy. aussi Hoffmann, Append., § 1188. C’est également ce texte que représente la traduction latine. — Il s’agit ici du corps même de la vertèbre, comme Galien le dit lui-même.
  5. Μικρὸν ὕστερον, B. Ces deux mots manquent dans les textes imprimés.
  6. Il est facile de se rendre compte d’une façon générale des dispositions que Galien décrit ici avec une rare exactitude, du moins quand il s’agit du singe. Si l’on entre dans les détails, et surtout si on veut démontrer avec précision que l’auteur avait sous les yeux le squelette du singe et non celui de l’homme, les figures deviennent nécessaires, et la discussion prend d’assez grandes proportions ; je dois donc encore ici renvoyer à la Dissert. sur l’anatomie.
  7. C’est là une erreur peut-être plus apparente que réelle, attendu que les apoph. transv. des 11e et 12e vert. dors., chez le singe, se rapprochent par leur forme et leur direction des apoph. supplément., dont il a été question p. 49, note 1. Voy. aussi p. 54 et les fig. dans les Dissert. précitée.
  8. Le texte vulg. porte : Τὸν μέσον τῆς ῥάχεως ὅλης σπόνδυλον εἰς περιφερῆ τελευτῶντα ἅκανθαν οἷον ψαλίδα. — D’après ce texte, c’est la 10e vertèbre qui présente la forme d’une voûte ; mais la suite du raisonnement et le passage parallèle du chap. xv du livre XII, p. 42, donne raison à B, qui porte : τελευτώσης, au lieu τελευτῶντα, de sorte qu’il ne s’agit plus d’une seule vertèbre, mais de l’ensemble des apophyses épineuses ou du rachis lui-même pour former la voûte.
  9. Ici encore Galien donne libre carrière à son imagination : les mouvements réels de la colonne vertébrale, soit les mouvements directs d’avant en arrière, ou d’arrière en avant, sont très-bornés, particulièrement dans la région dorsale, à cause du sternum et des côtes ; ils sont un peu plus étendus à la région lombaire, et plus encore à la région cervicale ; les grands mouvements se passent dans l’articulation du bassin avec le fémur. Du reste, si on fait abstraction des obstacles qui s’opposent à l’étendue des mouvements du rachis, les vertèbres libres et mues dans le sens de la flexion, ou dans celui de l’extension, surtout les vertèbres dorsales et les cervicales, se comporteraient à peu près comme le dit Galien. — Les mouvements obliques, qui comprennent sans doute l’inclinaison latérale et la circumduction, se passent bien plus dans les disques intervertébraux que dans les articulations ; les articulations permettent ces mouvements, mais dans des limites très-restreintes, plutôt qu’elles ne les opèrent. — Cf. p. 11 note 1.
  10. Cf. p. 45, note 4. — Galien ne fait mentionner dans ce livre (ch. ix, p. 74) le canal par où passe l’artère vertébrale. Voy. Dissert. sur l’anatomie.
  11. Hoffmann (l. l., p. 291) veut ici changer le texte ; mais avec le texte ordinaire confirmé par les manuscrits, le sens est très-régulier.
  12. Par couronne de la tête, Galien (Des os, chap. viii) et Pollux (II, 131) entendent les condyles de l’occipital ; je voudrais donc lire première et non seconde vertèbre ; à moins qu’ici (ce qui paraît peu probable) Galien n’appelle aussi l’atlas couronne.
  13. Chez l’homme, la première paire cervicale s’échappe entre l’occipital et l’atlas par l’échancrure de l’atlas, qui laisse pénétrer l’artère vertébrale dans le crâne ; chez le magot cette échancrure est convertie en canal osseux.
  14. Μάλιστα. Ce mot, qui manque dans les textes vulgaires, paraît nécessaire, car Galien a sans doute fait allusion ici aux rameaux que les muscles du cou reçoivent directement ou par anastomoses du nerf facial et du spinal.
  15. La première paire cervicale se distribue aux muscles grands et petits droits post. ; grands complexus ; petits et grands obliques (branche post.) ; — petits et grands droits antér. de la tête, et droit latéral (branche antér.). — Cette branche antérieure fournit encore, outre quelques rameaux articulaires ou ganglionnaires, un rameau anastomotique considérable à la seconde paire, pour concourir à la formation du plexus cervical.
  16. Διεκπίπτει γε τῶν ἐπικειμένων μυῶν ἑκάτερον τῶν νεύρων. — Il s’agit ici non de la première et de la seconde paire, car la première reste profonde, mais de deux grandes divisions de la seconde (branches antérieure et postérieure). — Il faut noter à cette occasion que Galien décrit chaque paire cervicale à part, et ne tient qu’indirectement compte des plexus cervical et brachial. Cette méthode rend souvent pour nous fort difficile, et parfois impossible, la détermination des branches qu’il énumère, puisqu’en réalité ce sont les plexus formés par l’intrication des nerfs cervicaux, et non les troncs mêmes de ces nerfs, qui fournissent le plus grand nombre de branches terminales ou afférentes. Du reste Galien se sert indifféremment du mot νεῠρον, pour désigner le tronc et les branches ; on remarquera aussi qu’il divise toujours la seconde paire cervicale en deux groupes, un occipital et un cervico-facial, mais que ces groupes ne répondent pas à une division bien exacte par branches. — Voy. la Dissert. sur l’anatomie et le chap. vi du XVIe livre.
  17. Ἀκριβέστερον, B. Ce mot manque dans le texte vulgaire, mais il est représenté dans la traduction latine.
  18. La branche antérieure du premier nerf dorsal concourt, par son rameau supérieur, à la formation du plexus brachial ; mais on ne peut pas dire que cette branche elle-même aille directement au bras et à plus forte raison à la main, car l’intrication est telle qu’on ne distingue plus, après les anastomoses, les divers éléments dont chacun des nerfs du bras est formé.
  19. Ailleurs (Comm. IV in Epid. VI, § 24 ; t. XVIIb, p. 201-2) Galien dit : « J’ai démontré dans mon traité Sur la voix qu’une forte voix n’était pas possible si on n’inspirait pas rapidement une grande quantité d’air ; or, cela a lieu quand la trachée et le larynx sont largement ouverts. Nous avons dit aussi, dans le même traité, que si tout le thorax est large, on a non-seulement une forte voix, mais encore prolongée, comme est celle des crieurs publics, lorsqu’ils crient ce qu’on appelle le pied (espèce d’édit).
  20. Voy. pour tout ce paragraphe extrêmement obscur, mon Exposition des connaissances de Galien sur l’anat. du système nerveux, p. 39, et la Dissert. sur l’anat.
  21. Καὶ κυρτοῦσθαι καὶ ἐκτείνεσθαι, B. Les deux premiers mots manquent dans vulg., qui a τείνεσθαι.
  22. Ai-je besoin de relever ici cette erreur théorique de Galien ?
  23. Ceci se trouve dans la partie encore inédite. Voy. Dissert. sur l’anat.
  24. Le texte porte καθ᾽ὄν (sc. θώρακον), mais il est évident qu’il faut lire καθ᾽οὕς (sc. ὑμένας). L’anatomie exige cette leçon, confirmée d’ailleurs par un passage parallèle de Galien (liv. XIII, chap. v, p. 65) et par une des phrases qui suivent celle qui nous occupe.
  25. Ces propositions sont-elles purement théoriques, ou reposent-elles sur des faits d’observation ? C’est ce qu’il m’est difficile de décider dans ce moment. Des recherches ultérieures d’anatomie comparée me permettront sans doute, dans la Dissertation sur l’anatomie, de porter quelque lumière sur cette question.
  26. Dans Galien ὠμοπλάτη signifie à la fois l’omoplate proprement dite, ou l’ensemble de l’épaule. Ici ce mot est pris dans son sens le plus restreint.
  27. Le texte vulgaire, évidemment corrompu, n’a point de sens ; il porte ταῦτα οὖν ἐγίνετο ἂν ἡμιν τὰ παθήματα κᾂν τῷ κατὰ φύσιν ἔχειν. Πλεῖστον μὲν γὰρ ἀπήχθη τοῦ στερνοῦ τὸ ἀκρώμιον. Mais d’abord B met sur la voie de la vraie leçon, car il donne εἰμί avant πλεῖστον ; en second lieu, la traduction latine a nisi ; enfin dans le passage parallèle de Théophile (V, ix, p. 200, éd. Greenhill), on lit : εἰ μὴ πλεῖστον μὲν ἀπήχθη. On suit ainsi pas à pas les transformations du texte. Εἰμί se substitue par iotacisme à εἰ μὴ ; comme le membre de phrase n’a plus après cela de construction possible, on introduit γὰρ, on met un point après ἔχειν et l’on ne tient plus compte de εἰμί, qui finit même par disparaître.
  28. Le texte vulg. porte : Ἐκ τοῦ κάτω τοῦ θώρακος σπονδύλου, B a : ἐκ τοῦ… σπονδύλων ; il y a donc un des éléments de la vraie leçon, et il faut lire ἐκ τῶν… σπονδύλων ; puisque le grand dorsal prend son origine supérieure à dater des six ou sept dernières vertèbres dorsales.
  29. Ce muscle est l’acromio-trachélien, propre aux singes ; jusqu’à un certain point, il semble un dédoublement de l’angulaire. Voy. p. 24, note 1, et Diss. sur l’anatomie.