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Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (trad. Daremberg)/Tome II/V/14

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Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (1856)
Traduction par Charles Victor Daremberg.
Baillière (IIp. 88-130).
LIVRE QUATORZIÈME[1].


des organes génitaux.


Chapitre premier. — Les parties du corps servent, soit à l’entretien de la vie, soit à son embellissement, soit à la propagation de la race. — Galien a montré que les parties appartenant aux deux premières catégories sont admirablement disposées ; il se propose maintenant d’étudier du même point de vue les organes de la génération.


La nature a trois buts principaux dans la structure des parties des animaux ; elle les a créées, en effet, soit pour l’entretien de la vie, comme l’encéphale, le cœur, le foie, soit pour les commodités de la vie, comme les yeux, les oreilles, les narines et les mains, soit pour la perpétuité de la race, comme les parties génitales externes, les testicules et la matrice ; or, nous avons précédemment démontré en détail qu’aucune des parties créées pour la vie et aussi qu’aucune de celles qui doivent embellir la vie, n’avait pu être mieux disposée qu’elle n’est actuellement. Il nous reste encore a expliquer dans ce livre les parties destinées chez nous à la perpétuité de la race.


Chapitre ii. — Comme la nature ne pouvait attacher une immortalité réelle à ses œuvres, elle leur a donné une immortalité apparente, en assurant la perpétuité de la race.


Avant tout, la nature aurait désiré, si cela eût été possible, créer son œuvre immortelle. La matière ne le permettent pas (car un composé de veines, d’artères, de nerfs, d’os, de chairs ne saurait être incorruptible), elle a inventé l’expédient qu’elle a pu pour lui obtenir l’immortalité[2], semblable à un habile fondateur de cité qui ne s’inquiète pas seulement que sa ville soit actuellement peuplée, mais qui pourvoit aussi à ce qu’elle subsiste à tout jamais, ou du moins le plus longtemps possible. Il ne paraît cependant pas qu’aucune ville ait jamais été heureuse à ce point, d’avoir une durée assez longue pour que le temps ait complétement effacé la mémoire de son fondateur. Mais les œuvres de la nature ont vécu des milliers d’années et vivront encore, grâce au moyen admirable qu’elle a inventé pour substituer toujours à l’animal mort un animal nouveau.

Quel est donc ce moyen adopté chez tous les animaux et chez l’homme, pour qu’aucune race ne périsse, pour que chaque race, au contraire, reste intacte et soit immortelle ? C’est ce que je me propose d’expliquer dans ce livre, en commençant par là toute mon exposition. La nature a donné à tous les animaux des organes pour la conception, et elle a attaché à ces organes une certaine force spéciale de plaisir pour la génération, elle a rempli l’âme de l’être qui doit en user d’un désir étonnant et inexprimable de leur usage[3], en sorte que, surexcités, aiguillonnés par ce désir, les animaux, bien que dénués de raison et de toute espèce d’entendement, bien que jeunes, pourvoient à la perpétuité de la race, comme s’ils étaient complètement raisonnables. La nature, en effet, sachant, on doit le penser, que la substance dont elle les créait n’était pas susceptible d’une sagesse parfaite, a donné aux animaux pour remplacer cette sagesse, le seul appât qui pût assurer le salut et la conservation de la race, en attachant un plaisir très-vif à l’usage des parties.


Chapitre iii. — Galien se propose de traiter seulement des parties génitales de l’homme (c’est-à-dire du singe), réservant pour un autre ouvrage l’étude de ces parties chez les animaux. — De l’heureuse situation de l’utérus ; que la structure de son col est en rapport parfait avec les besoins de la conception, et particulièrement avec l’entrée et l’élaboration du sperme. — De l’utilité de ses divers états de rigidité et de dilatation, ou d’abaissement et d’occlusion.


Il est juste d’admirer d’abord cet ingénieux expédient de la nature, puis la structure des organes, laquelle est naturellement pour chaque animal en rapport avec la forme de son corps. Puissiez-vous un jour apprendre de nous ce qui concerne les autres animaux, quand nous remplirons les lacunes laissées par Aristote (voy. t. I, p. 327, note 1). Pour l’espèce humaine (car c’est de l’homme que ce livre s’est proposé, dès le principe, d’expliquer la structure), tout le monde comprend et reconnaît quel degré d’utilité ont atteint les parties génitales externes par leur situation convenable, leur dimension, leur figure et leur conformation tout entière. Quand vous connaîtrez ensuite l’utilité de chacun des organes profondément cachés, organes que découvre la dissection, vous admirerez, j’en suis certain, l’art qui les a créés.

En effet, chez la femelle, la nature a établi les matrices[4] au-dessous de l’estomac, région qu’elle avait reconnue comme la plus propice à la copulation, à la réception du sperme, et encore à l’accroissement de l’embryon ainsi qu’à l’expulsion du fœtus arrivé à l’état parfait (cf. VII, xxi ; t. I, p. 517)[5]. Vous ne pourriez trouver, en effet, dans tout le corps de l’animal une région plus convenable pour aucun des actes qui viennent d’être énoncés ; celle-ci est la meilleure pour la copulation, comme étant très-éloignée des organes de la face ; elle est la plus favorable à l’accroissement du fœtus, comme étant susceptible de se distendre considérablement sans difficulté, et enfin la plus commode pour l’enfantement, la sortie devant être plus facile pour l’enfant vers les parties inférieures et les jambes. En effet, le col des matrices (ὑστερῶν αὐχήν), que la nature a disposé comme un passage pour l’entrée du sperme et pour la sortie de l’embryon arrivé à son entier développement, aboutit au vagin (γυναικεῖον αἰδοῖον). Quand l’animal a conçu, le col se ferme si exactement, qu’il ne laisse plus ni échapper ni pénétrer la moindre chose ; dans le coït, il se dilate et se tend de telle sorte, que le sperme porté à travers une voie large et facile pénètre aisément au fond des matrices, et dans l’enfantement il se dilate énormément, pour livrer passage au fœtus tout entier. C’est donc avec raison que la nature l’a créé à la fois nerveux (fibreux) et dur : nerveux, pour que tour à tour il se dilate et se contracte considérablement ; dur, afin qu’il n’ait pas à souffrir de pareils changements et qu’il se maintienne droit pour recevoir le sperme. En effet, si, retombant sur lui-même à cause de la mollesse de son tissu, il formait des plis et présentait des flexuosités, le sperme arrêté par eux ne pourrait arriver promptement dans les sinus des matrices, et il y aurait séparation du fluide et du pneuma, bien que leur union soit nécessaire, l’un étant le principe du mouvement, l’autre la matière propre à la production du fœtus.

En effet, ce n’est pas, ainsi que nous l’avons démontré ailleurs (De la semence, I, iv. Cf. Facultés nat., II, iii ; Conserv. de la santé, I, ii. Voy. aussi Dissert. sur la physiol. et Hoffm. l. l., p. 300-2), le sang menstruel qui est la matière première et propre de la production de l’animal. Mais lorsque la partie liquide du sperme entraînée par le pneuma inné tombe sur les tuniques de l’utérus, cette partie étant visqueuse et s’attachant à des corps rugueux, elle s’agglutine promptement[6] comme de la graisse. C’est ainsi qu’en un court instant s’exécutent beaucoup d’actes admirables de la nature au commencement de la génération de l’animal (Voy. la Dissertat. sur la phys. et Hoffm., l. l., p. 303). La matrice elle-même se contracte rapidement sur le sperme ; tout le col, et surtout l’orifice interne, se ferme ; le liquide qui enduit les aspérités (cotylédons ?) de la matrice, en s’étendant sur toute leur surface interne, devient une mince membrane (membrane caduque ?). Le pneuma, exactement retenu de toutes parts par cette membrane et ne pouvant s’échapper, commence alors ses mouvements naturels ; il attire dans la matrice, à travers les artères et les veines qui y aboutissent, une humeur ténue ; il la rend semblable à celles auxquelles lui-même est uni, et bientôt il les fait épaissir et augmenter un peu de volume. Que si, au lieu de pénétrer rapidement dans les sinus de la matrice, il éprouvait sur son chemin quelque retard, il lui arriverait, vu sa légèreté et sa ténuité, de se dégager à l’instant de la partie liquide du sperme, et de se perdre en s’évaporant. Pour que rien de semblable n’ait lieu, la nature a créé le col de la matrice médiocrement dur, afin que tendu et dilaté quand le sperme pénètre, il se dresse et s’élargisse autant qu’il est convenable, pour ne pas gêner la marche du sperme, et pour être en état de refermer ensuite son orifice sur le sperme. S’il était trop dur, il se redresserait aisément, cela est vrai, mais il ne se refermerait pas facilement ni promptement ; au contraire, s’il était plus mou qu’il n’est, il serait plus enclin à s’affaisser tout entier sur lui-même, mais il lui serait difficile de se dresser, de se tendre et de s’élargir. En vue de ces deux utilités si opposées, la nature le dotant de facultés opposées aussi, mais combinées dans une juste mesure, lui attribue d’une part une dureté telle qu’elle permet la dilatation et le degré d’érection convenables pour la réception du sperme, et d’une autre part, tempère cette qualité par une mollesse suffisante pour qu’elle puisse facilement se dilater et se contracter considérablement. Ne vous étonnez donc plus, quand vous voyez en disséquant des animaux, ou que vous trouvez rapporté soit par Hérophile, soit par quelque autre anatomiste, que le col de l’utérus est contourné et tortueux pendant tout le temps où il n’y a ni pénétration du sperme, ni sortie du fœtus ; car c’est la conséquence de la structure que nous venons de décrire, structure qui présente un juste mélange de mollesse et de dureté. En effet, si le col de la matrice était excessivement dur, il ne se contournerait pas en revenant sur lui-même ; mais dans l’état actuel, comme il était préférable qu’il eût un certain degré de mollesse, quand il perd sa tension pour retomber sur lui-même, il forme nécessairement des rides, des plis, des sinuosités, et cela sert précisément beaucoup à empêcher le refroidissement de l’utérus. Aussi dans le flux menstruel et dans les enfantements, les femmes se refroidissent considérablement, parce qu’alors le col de l’utérus (ὁ στόμαχος τῶν ὑστερῶν) devient droit et s’ouvre. S’il en était toujours ainsi, elles resteraient constamment froides.


Chapitre iv. — Du nombre des sinus de la matrice suivant les espèces d’animaux ; que ce nombre est en rapport avec celui des mamelles. Ce n’est pas là une œuvre du hasard. — Comment la nature a su pourvoir par divers expédients à la nourriture des nouveau-nés. — Que les fœtus mâles sont à droite et les fœtus femelles à gauche. — Pourquoi le volume de la vessie surpasse celui de l’utérus pendant la croissance, tandis que c’est le contraire dans l’âge adulte. Pourquoi l’utérus est moins développé à la naissance et pendant la vieillesse que dans l’âge intermédiaire.


La nature a créé un col unique mais non pas une seule cavité pour l’utérus ; chez les porcs et autres animaux dont la portée devait être nombreuse, elle a établi plusieurs cavités[7] ; chez l’homme et les animaux analogues, de même que le corps tout entier est composé de deux parties, droite et gauche, de même il a été établi pour l’utérus une cavité à droite et une autre à gauche. En effet, la nature pourvoyant à ce qu’il ne disparût aucune des espèces d’animaux qui, vu leur faiblesse corporelle, devaient ou vivre très-peu de temps, ou servir de pâture aux animaux plus forts, a inventé pour ceux-ci, comme remède à une destruction continuelle, la génération multipare. C’est donc là une œuvre admirable de la nature ; mais ce qui, j’en suis convaincu, dépassera à vos yeux tout ce qu’il y a de plus admirable, c’est que le nombre des cavités est égal à celui des mamelles (voy. Dissert. précitée et Hoffm., l. l., p. 303).

Les sophistes seraient mal venus à prétendre ici que c’est une cause inintelligente, un hasard inhabile qui a créé deux cavités utérines chez l’homme et un grand nombre chez le porc : le fait qu’il existe autant de mamelles que de cavités utérines, éloigne l’idée que cette disposition est fortuite. En admettant que chez l’homme et le porc cet état de choses puisse résulter du hasard, les plus éhontés même n’oseraient prétendre, à moins d’une extrême stupidité, que ce rapport constant chez tous les animaux entre le nombre des mamelles et celui des cavités utérines, a été réalisé sans l’intervention certaine d’une providence.

Penseraient-ils encore que l’afflux du lait aux mamelles, afflux qui s’opère surtout à l’époque où le fœtus est formé, est l’œuvre d’un hasard inintelligent et non pas la marque d’un art admirable ? Mais ce fait seul, à défaut de tout autre, suffira pour convaincre que l’art a présidé à cette création. En effet, attendu que tout être né récemment est mou et débile, il était impossible qu’il digérât dès lors des aliments solides. En conséquence, la nature, comme s’il était encore renfermé dans l’utérus, lui a ménagé un aliment tiré de sa mère. Chez tous les animaux, chez les oiseaux, par exemple, incapables, vu la sécheresse de leur corps, d’entretenir une humeur superflue, la nature a imaginé un autre expédient pour leur faire élever leurs nouveau-nés, en leur inspirant pour leur progéniture une affection étonnante, telle qu’ils combattent pour leurs petits, osent tenir tête à des animaux farouches que naguère ils fuyaient, et fournissent à ces petits une nourriture convenable.

Pour les autres animaux, nous expliquerons peut-être un jour en particulier (voy. t. I, p. 327, note 1) la prévoyance que la nature a montrée dans tous leurs organes ; quant à l’homme (car c’est sur lui qu’a roulé, dès le principe, notre Traité), nous avons démontré que toutes les parties de son corps présentent une structure admirable ; eh bien, les parties relatives à la génération ne le cèdent en rien aux autres. De même, en effet, que la femme a deux cavités utérines qui aboutissent à un seul col, elle a deux mamelles qui sont comme les fidèles servantes, chacune de la cavité correspondante. Aussi Hippocrate a-t-il dit (Aph. V, 38) : « Chez une femme enceinte de deux jumeaux, si l’une des deux mamelles vient à s’affaisser, il y a avortement de l’un d’eux ; du garçon si c’est la mamelle droite qui s’affaisse, de la fille si c’est la gauche. » Cette remarque est d’accord avec cette autre (Aph. V, 48 ; cf. aussi Epid. VI, ii, 25, t. V, p. 291 et la Dissert. sur la phys.) : « Les fœtus mâles se développent de préférence à droite, et les femelles dans la cavité gauche. » Je sais que je touche à une question qui n’est pas de petite importance ; mais je sais aussi qu’on ne saurait expliquer convenablement les utilités des parties génitales sans parler de leurs fonctions naturelles.

J’ai démontré, dès le principe de tout cet ouvrage (I, xvi ; t. I, p. 141), qu’il n’est pas possible de découvrir les utilités d’aucune des parties, d’aucun organe, si l’on ne connaît la fonction de chaque partie spéciale de cet organe. Nous ferons donc maintenant comme nous avons fait dans tout ce qui précède, quand nous exposions les utilités des parties, donnant pour base aux raisonnements actuels les démonstrations faites ailleurs. En effet, dans nos Commentaires sur l’Anatomie d’Hippocrate[8], nous avons disserté longuement sur ce fait qu’un fœtus féminin se trouve rarement renfermé dans la cavité droite[9].

Tous les jours on voit clairement le rapport des mamelles avec les cavités utérines, soit qu’il s’agisse de l’avortement, accident sur lequel Hippocrate (l. l. voy. aussi Aph. V, 37 et 40) nous a donné des renseignements, soit aussi que tout se passe naturellement ; car les mamelles sont petites comme les cavités utérines pendant la croissance des femelles ; dans l’âge adulte et quand arrive l’âge d’engendrer, elles se développent comme les cavités, jusqu’à ce qu’elles aient atteint la dimension convenable ; les deux organes se maintenant alors dans cet état, la fonction de l’utérus sera de recevoir le sperme et d’amener l’embryon à l’état parfait, tandis que celle des mamelles consiste à nourrir l’animal une fois qu’il a vu le jour.

Quand vous disséquez les animaux, si vous faites attention, vous constaterez que la vessie est beaucoup plus volumineuse que l’utérus pendant la croissance, tandis que c’est l’utérus qui est plus ample que la vessie quand les animaux ont atteint tout leur développement. En effet, la vessie croît dans la même proportion que les autres parties du corps, puisqu’elle rend le même service à tous les âges. (Voy. Dissert. sur l’anat. et Soranus dans Oribase Collect. méd., XXIV, xxxi) ; mais la fonction de l’utérus ne peut convenablement s’exercer ni dans la croissance, ni dans la vieillesse des animaux, attendu que les fœtus vivent aux dépens du superflu d’un aliment profitable, lequel ne peut se trouver que chez les animaux arrivés à leur entier développement. Au déclin de l’âge, comme la vigueur décroît, la coction des aliments ne s’accomplit plus avec régularité, en sorte que les animaux doivent se trouver heureux s’ils peuvent consommer une quantité de nourriture suffisante pour leur propre usage. Au contraire, pendant leur croissance, les animaux sont pleins de vigueur ; aussi digèrent-ils une quantité considérable d’aliment utile, mais comme cet aliment doit servir à la fois à la nourriture et à l’accroissement de l’animal, il ne reste rien de superflu. C’est donc seulement chez les animaux entièrement développés, quand la période d’accroissement est terminée et que leur force est encore entière, qu’il y a surabondance d’aliment utile. C’est pourquoi la nature donne aux animaux, à cette époque de la vie, un utérus très-développé, tandis qu’elle laisse l’utérus petit chez les animaux non encore entièrement développés ou vieillissant, attendu qu’une dimension considérable est nécessaire aux uns pour la gestation, et que chez les autres, dont l’utérus ne devait pas fonctionner, cette dimension était complétement inutile.


Chapitre v. — Chaque organe est en quelque sorte un animal qui continue le mouvement formateur et réparateur reçu dès le principe. — Galien se propose de compléter les recherches d’Aristote et d’Hippocrate en ce qui concerne la nature du mâle et celle de la femelle.


Tout cela se passe-t-il ainsi dans les mamelles et les cavités utérines, parce que les organes mêmes, en vertu d’un certain raisonnement, connaîtraient les fonctions qu’ils doivent remplir ? Ou plutôt, dans ces conditions, les organes ne cessent-ils pas d’être organes, et ne deviennent-ils pas des animaux doués de raison, instruits du temps où doit s’accomplir le mouvement et de sa mesure ? Si à leur structure vous ajoutez une certaine nécessité naturelle qui les pousse à exécuter les mouvements dont nous parlions, ces organes en restant des organes et des parties de l’animal, révéleront l’art admirable du Créateur. Par exemple, ceux qui imitent par la mécanique les révolutions périodiques des astres errants, après leur avoir imprimé le premier mouvement au moyen de certains rouages, abandonnent leur œuvre à elle-même, et cependant les astres poursuivent leur cours comme si leur créateur était là présent et continuait à diriger leur marche[10]. Eh bien, c’est de la même façon, je pense, que chacune des parties du corps fonctionne, par une conséquence et une suite du mouvement imprimé dès l’origine première, et qu’elle n’a plus besoin dès lors d’aucune direction. Pour nous, si nous ne pouvons expliquer clairement toutes les œuvres de la nature, car elles sont très-difficiles à décrire, nous devons néanmoins chercher à les comprendre toutes.

Il nous faut d’abord trouver la cause du rapport entre les matrices et les mamelles, puis expliquer pourquoi les fœtus mâles se trouvent dans la cavité droite, et les fœtus femelles dans l’autre, comment se produit le lait, comment les matrices augmentent et diminuent en même temps que les mamelles ; et, avant de traiter toutes ces questions, nous sommes dans l’obligation de décrire la nature du mâle et celle de la femelle. En effet, cette recherche me paraît devoir être le principe et la source de la solution des autres problèmes. Aristote[11] a prétendu avec raison que la femelle est plus imparfaite que le mâle, mais il n’est pas allé jusqu’au bout de son raisonnement ; il me semble même avoir omis pour ainsi dire la tête. Je vais donc tâcher de développer ce raisonnement, en appuyant ma dissertation sur les belles démonstrations données par Aristote, et avant lui par Hippocrate[12], et en ajoutant moi-même ce qui manque pour les compléter.

Chapitre iv. — La femelle diffère du mâle, d’abord en ce qu’elle est plus froide ; en second lieu, parce que ses organes sexuels sont situés en dedans, tandis que ceux du mâle sont à l’extérieur, quoiqu’au fond ces organes soient identiques dans les deux sexes, ce qu’il est facile de comprendre en supposant ceux des mâles repliés en dedans et ceux des femelles tirés au dehors. — Comparaison avec les yeux des asphalax. — De la différence que présentent les divers animaux. Idée de l’échelle des êtres. — La supériorité du mâle sur la femelle tient à la prédominance du chaud. — La femelle devait être plus froide que l’homme, en vue du fœtus qu’elle devait contenir à l’intérieur et alimenter. — Conséquences multiples qui découlent, chez le mâle et chez la femelle, de ce seul principe : le chaud en excès ou en défaut.


La femelle est plus imparfaite que le mâle par une première raison capitale, c’est qu’elle est plus froide : en effet, si parmi les animaux celui qui est chaud est le plus actif, l’animal plus froid doit être plus imparfait que l’animal plus chaud. La deuxième raison ressort de la dissection, et c’est surtout cette raison que tout à l’heure (chap. v, p. 97) j’annonçais devoir être très-difficile à expliquer. Mais puisque l’occasion m’y invite, il faut l’aborder résolûment. Pour vous qui lisez cette partie de mon ouvrage, ne mettez pas en doute la justesse de mes assertions avant de les avoir vérifiées de vos propres yeux (Voy. t. I, note 2 de la p. 149).

La vue des parties complétera, j’en suis sûr, les lacunes du raisonnement ; le voici : Toutes les parties de l’homme se trouvent aussi chez la femme[13]. Il n’y a de différence qu’en un point, et il faut s’en souvenir dans tout le raisonnement, c’est que les parties de la femme sont internes et celles de l’homme externes, à partir de la région dite périnée. Figurez-vous celles qui s’offrent les premières à votre imagination, n’importe lesquelles, retournez en dehors celles de la femme, tournez et repliez en dedans celles de l’homme, et vous les trouverez toutes semblables les unes aux autres. Supposez d’abord avec moi celles de l’homme rentrées et s’étendant intérieurement entre le rectum et la vessie ; dans cette supposition le scrotum occuperait la place des matrices avec les testicules situés de chaque côté à la partie externe ; la verge du mâle deviendrait le col de la cavité qui se produit, et la peau de l’extrémité de la verge qu’on nomme maintenant prépuce, devient le vagin même de la femme. Supposez à l’inverse que la matrice se retourne et tombe en dehors, ses testicules (ovaires) ne se trouveraient-ils pas alors nécessairement en dedans de sa cavité, ne les envelopperait-elle pas comme un scrotum ? Le col jusque-là caché en dedans du périnée, pendant à cette heure, ne deviendrait-il pas le membre viril, et le vagin [avec la vulve] de la femme qui est un appendice cutané de ce col, ne tiendrait-il pas lieu de ce qu’on nomme le prépuce ? Ce renversement serait suivi du changement de position des artères, des veines et aussi des vaisseaux spermatiques ; car on ne saurait trouver dans l’homme une seule partie en surplus, la position seule est changée : les parties internes dans la femme sont externes chez l’homme.

On peut voir quelque chose de semblable dans les yeux des asphalax-zemni[14] ; elles ont en effet l’humeur vitrée, le cristallin et les tuniques qui les enveloppent, lesquelles, disions-nous (X, i et ii, t. I, p. 607 et suiv.), naissent des méninges ; et ces tuniques ne sont pas en moins grand nombre que chez les animaux qui se servent de leurs yeux. Mais chez les asphalax, les yeux n’ont pas été ouverts, ils n’ont pas fait saillie en dehors, ils ont été laissés inachevés, et ont été maintenus dans le même état que ceux des autres animaux encore enfermés dans la matrice[15]. En effet, comme Aristote[16] l’a démontré amplement, la différence dans la nature des divers animaux n’est pas médiocre. Les uns sont très-rapprochés des plantes ; ce sont les plus imparfaits de tous les animaux, n’ayant qu’un seul sens, le toucher ; tels sont la plupart des testacés qui n’ont aucun organe de sensation[17] ; ils n’ont également aucun membre ni aucun viscère distincts[18], et ne diffèrent guère des végétaux. Plus éloignés en sont les animaux pourvus d’un organe du goût, plus encore ceux qui ont en outre l’organe de l’odorat, et, beaucoup plus encore que ces derniers, ceux qui ont aussi le sens de l’ouïe. Sont animaux presque parfaits ceux qui possèdent et ces sens et l’organe de la vue. Tels sont les poissons, mais ils n’ont ni pieds ni mains. Les lions et les chiens ont non-seulement des pieds, mais une sorte de main, et les ours et les singes sont encore sous ce rapport mieux partagés que ceux-ci. L’homme seul a une main parfaite et la raison pour s’en servir, la raison, faculté la plus divine qui existe chez un être mortel (cf. I, iv, t. I, p. 116). De même donc que de tous les animaux l’homme est le plus parfait, de même dans l’espèce humaine l’homme est plus parfait que la femme.

La cause de cette supériorité est la surabondance du chaud ; car le chaud est le premier instrument de la nature[19]. Donc les animaux chez lesquels il est moins abondant doivent nécessairement avoir une conformation moins parfaite ; aussi n’y a-t-il rien d’étonnant que la femelle soit d’autant plus inférieure au mâle qu’elle est plus froide. De même que l’asphalax a des yeux imparfaits (voy. p. 100), mais moins imparfaits que les animaux chez lesquels il n’existe pas même un simple linéament des yeux, de même pour les parties génitales, la femme est plus imparfaite que l’homme. En effet, les parties ont été construites intérieurement, pendant la vie fœtale ; n’ayant pu, faute de chaleur, descendre et faire saillie au dehors, elles ont fait de l’animal un être plus imparfait que l’être achevé de tous points ; mais pour la race en général, ces parties n’ont pas été d’une utilité médiocre, car une femelle était nécessaire (cf. De la semence, II, v, t. IV, p. 640). N’allez pas croire, en effet, que notre Créateur ait volontairement créé imparfaite et comme mutilée la moitié de l’espèce entière, si de cette mutilation ne devait résulter une grande utilité ; nous allons dire quelle est cette utilité[20].

Le fœtus a besoin, pour sa formation première et pour son entier développement ultérieur, d’une quantité considérable de matière. Il faut donc nécessairement de deux choses l’une : ou qu’il dérobe à celle qui le porte sa nourriture, ou qu’il prenne ce qu’elle a en excès. Or, il n’était pas préférable qu’il privât sa mère de nourriture, et il lui était impossible de prendre la nourriture en excès, si la femelle était douée d’une grande chaleur, attendu que la chaleur dissiperait aisément et dessécherait ce superflu. Il était donc convenable que la mère fût froide à un degré tel, qu’elle ne pût dissiper tous les aliments cuits et digérés. En effet, ce qui est trop froid ne peut même pas cuire l’aliment ; d’un autre côté, ce qui est parfaitement chaud, ayant une grande puissance de coction, en a une grande aussi pour dissiper. Le corps qui n’est pas trop éloigné de la chaleur parfaite, est susceptible, puisqu’il n’est pas tout à fait froid, de cuire l’aliment et en même temps d’en laisser une partie superflue, puisqu’il n’est pas excessivement chaud. Telle est l’utilité de la froideur de la femelle.

La conséquence immédiate de cette froideur était l’imperfection des parties incapables, par défaut de chaleur, de se porter au dehors, ce qui est un second avantage et le plus important pour la perpétuité de l’espèce. Car en faisant saillie, les parties intérieures devenaient le scrotum ; mais ce scrotum, en demeurant dans l’intérieur, a constitué la matrice, organe propre à recevoir et à retenir le sperme, à nourrir et à parfaire le fœtus[21]. Par conséquent encore, la femme devait avoir les testicules plus petits et plus imparfaits, et le sperme qui y est renfermé moins abondant, plus froid, plus humide ; car cela dérive nécessairement du défaut de chaleur. Aussi un semblable sperme ne devait pas suffire pour engendrer un être animé. Jusqu’à quel degré il est utile, car il n’a pas été créé en vain, la suite du discours (voy. chap. xi) le fera connaître.

Le mâle a des testicules d’autant plus forts qu’il est plus chaud. Le sperme qui y naît arrivant au dernier degré de coction, est le principe formateur de l’animal. D’un seul principe sagement imaginé par le Créateur, celui d’après lequel la femelle est plus imparfaite que le mâle, découlent donc toutes les dispositions utiles à la génération de l’animal : l’impossibilité pour les parties de la femme de saillir au dehors, l’accumulation d’un superflu d’aliment utile, un sperme imparfait, un organe creux propre à recevoir le sperme parfait ; chez le mâle toutes choses contraires : un membre allongé très-convenable pour la copulation et l’émission du sperme, et ce sperme même abondant, épais et chaud.

Chapitre vii. — Le sperme de la femme n’est pas fécond par lui-même ; il a besoin d’être mêlé au sperme du mâle ; mais les mouvements de l’un et l’autre sperme sont de même nature, quoique le mouvement de l’un soit plus faible que celui de l’autre. — Les oiseaux pondent des œufs sans le concours du mâle ; mais ce sont des œufs inféconds ; cette ponte même est impossible chez les autres animaux, attendu qu’ils ne sont ni assez chauds ai assez secs pour que la femelle mette au jour un pareil produit. La formation des môles chez la femme exige le rapprochement sexuel. — Époque de la distinction des sexes pendant la vie fœtale. — À quelles causes tient cette détermination sexuelle ? D’abord à la disposition différente des vaisseaux utérins et testiculaires, à droite et à gauche, d’où résulte une différence dans le tempérament des parties auxquelles se rendent ces vaisseaux. D’un autre côté, la supériorité est assurée aux parties droites, à cause de leurs rapports directs avec le foie. — Opinion d’Hippocrate sur ce point. — Comment il faut entendre que le testicule droit est plus fort que le gauche. Exception à la règle. — Pourquoi les fœtus mâles sont à droite et les fœtus femelles à gauche.


Ne pensez donc pas que le sperme se meuve d’après un certain principe pour la génération des mâles, et d’après un autre pour celle des femelles[22]. Dans ce cas, en effet, il n’existerait pas de principe d’un animal identique si le sperme était sujet à des mouvements tout à fait différents. Mais, comme il est dit maintenant, le sperme femelle est plus imparfait dans son mouvement, et le sperme mâle plus parfait. On attribuerait avec raison ce mouvement plus imparfait ou plus parfait à l’inégalité dans le froid et le chaud ; et c’est à ce seul principe, si vous connaissez exactement la nature, que vous rapporterez toutes ces particularités. Mais, comment donc ce principe même se développe-t-il dans les fœtus ? Ceux qui croient que la femelle émet un sperme fécond ne trouvent pas étonnant que le fruit conçu soit une femelle, quand les mouvements de ce sperme sont plus forts que ceux du mâle. Mais d’abord ces gens ne comprennent pas qu’ils supposent deux principes de mouvement en lutte l’un avec l’autre. En effet, si le sperme de la femelle a essentiellement un principe de mouvement, il a absolument le même que celui du mâle, et a besoin d’être mêlé à ce dernier et d’agir ainsi désormais avec lui. Ou s’il n’a pas besoin de cette union, qui empêchera la femelle répandant sa semence au dedans d’elle-même d’amener à perfection le fœtus ? Et cependant cela ne se voit pas, il est donc évident qu’elle a absolument besoin du sperme mâle. Si elle en a besoin, celui-ci se mêle nécessairement au sien et tous deux combinent leur mouvement en un seul ; car il n’est pas possible que l’un se mouvant d’une façon et l’autre d’une autre façon, ils concourent à la génération d’un animal unique. En un mot, s’imaginer qu’il y a un chemin et un ordre de mouvement pour le sperme femelle et d’autres pour le sperme mâle, c’est le fait d’hommes qui raisonnent sans expérience des choses de la nature ; en effet, que ce soit le sperme même de la femelle ou le sang découlant dans les matrices qui apporte un principe de mouvement, il participe exactement au même mouvement que le sperme du mâle.

Cela est visible chez les poules[23] ; elles pondent en effet sans la fréquentation du mâle les œufs qu’on nomme clairs (œufs sans germe, ὑπηνέμια), auxquels il manque évidemment quelque chose pour être parfaits puisqu’ils ne peuvent donner naissance à des animaux. Pour la forme ils sont absolument semblables aux autres œufs, cela est parfaitement certain ; il ne leur manque pour être parfaits que la seule chaleur du mâle. La même chose ne saurait exister chez les animaux qui marchent ; comme ils ont tous le corps beaucoup plus humide que celui des oiseaux[24], la femelle en a un tout à fait dénué de vigueur et incapable d’un mouvement assez décisif pour imprimer à un produit de conception une forme régulière. Il n’y a que l’espèce d’animaux douée d’un tempérament assez sec pour que l’humidité froide du sperme de la femelle puisse être absorbée jusqu’à un certain point, qui soit capable, sans le concours du mâle, d’engendrer une production semblable à ce qu’est l’œuf véritable chez ces animaux. Trouverions-nous dans les animaux qui marchent une production analogue à l’œuf autre que celle appelée môle par les médecins, laquelle est une certaine chair inactive et informe.

Si donc on prétend que la semence de la femme arrive à ce seul résultat, il est clair d’abord qu’on lui attribue une action créatrice bien chétive, laquelle existerait peut-être dans le seul flux menstruel, en second lieu qu’on se trompe dans l’exposition des faits : car jamais on n’a vu une femme concevoir une môle ou tout autre produit analogue[25] sans le concours de l’homme, comme on voit les femelles des poules pondre des œufs sans la coopération des mâles. Il vaut donc mieux supposer que le sperme du mâle est le principe du mouvement et admettre que le sperme de la femelle contribue avec le sien à la génération de l’animal. Jusqu’à quel point y contribue-t-il, c’est ce que je dirai bientôt quand j’aurai d’abord terminé la présente dissertation.

En vertu de ce principe unique, les anatomistes eux-mêmes vous en instruiront, au moment où le sperme descend dans l’utérus, et même longtemps encore après, il n’y a de forme pour aucune des parties génitales et l’on ignore si le fœtus même est mâle ou femelle ; plus tard seulement la distinction s’aperçoit et devient nette, la cause de ce fait tenant en partie au sperme lui-même, en partie à la matrice. Comment l’une de ces causes réside-t-elle en lui dès l’origine, comment l’autre survient-elle plus tard, c’est, il me semble, ce que je vais prouver non par des raisons plausibles, mais par des démonstrations évidentes trouvées en disséquant, et par lesquelles, j’en suis sûr, l’art de la nature vous paraîtra admirable, si vous prêtez votre attention à mes paroles.

La veine cave, à l’endroit où elle naît du foie, et se recourbe encore suspendue pour se diriger vers le rachis, a le rein droit situé à sa partie droite, puis en avançant un peu plus bas, à sa gauche le rein gauche. De cette veine dérive vers chacun des reins un vaisseau veineux très-considérable et de plus au bas de chacun de ceux-ci se voient deux autres vaisseaux également grands, issus de la grande artère couchée le long du rachis ; or, comme les veines pénètrent aussi dans les reins, attendu que le rein droit est situé proche du foie et le rein gauche un peu plus bas, ainsi qu’il a été dit à propos des organes de l’alimentation[26] (cf. V, v ; t. I, p. 350 et suiv.), on remarque pour les vaisseaux seulement qui se rendent aux reins, une particularité qui ne se trouve dans aucun autre des rameaux issus de la veine cave ni de ceux qu’engendre la grande artère (aorte). En effet tous ces rameaux sortent par paires du même point de l’un et de l’autre vaisseau ; au contraire, pour les veines et les artères issues des grands vaisseaux et qui se rendent aux reins (artères et veines émulgentes), ils n’ont pas leur origine au même point, mais autant le rein droit est plus élevé, autant le lieu d’origine des vaisseaux qui s’y rendent est aussi plus élevé que celui des vaisseaux destinés à l’autre rein. À la suite de ces vaisseaux les artères et les veines qui se rendent par paires aux parties génitales pouvaient se détacher du même point. En effet les unes ne vont pas à un organe élevé et les autres à un organe bas, puisque la matrice gauche a la même situation que la matrice droite, et que les deux testicules sont sur la même ligne. Pourquoi donc, parmi les vaisseaux qui s’y rendent, ceux qui vont à la matrice droite et au testicule du même côté naissent-ils des grands troncs vasculaires couchés sur le rachis, la veine de la veine cave, l’artère de la grande artère (vaisseaux utéro-ovariques) ? Pourquoi ceux qui vont au testicule gauche chez les mâles, ou à la matrice de ce côté chez la femelle (il y en a deux aussi, une artère et une veine), naissent-ils non plus des mêmes grands vaisseaux, mais de ceux qui se portent aux reins[27] ? C’est évidemment pour que le testicule gauche chez les mâles et la matrice gauche chez la femme reçoivent un sang encore impur et chargé de superfluités, humide et séreux ; de là il résulte aussi que les organes eux-mêmes qui reçoivent le sang, n’ont pas un tempérament identique. De même en effet que le sang pur est plus chaud que le sang chargé de superfluités, de même aussi les parties droites nourries par ce sang sont plus chaudes que les parties gauches.

Dès le principe, d’ailleurs, ces parties avaient une supériorité naturelle. Nous avons souvent en effet démontré la justesse de cette remarque d’Hippocrate[28], que les parties situées en ligne droite (c’est-à-dire, directement au-dessous les unes des autres) tirent nécessairement un plus grand profit de leurs communications réciproques. Ne vous étonnez donc plus si la matrice droite et le testicule situé de ce côté, en raison non-seulement de la différence de leur nourriture, mais encore de leur situation en ligne droite avec le foie, sont beaucoup plus chauds que la matrice et le testicule gauches. Or, si cela est démontré, et si l’on convient que le mâle est plus chaud que la femelle, il n’est plus illogique de prétendre que les parties droites engendrent les mâles et les parties gauches les femelles. Voici comment Hippocrate (Épid. VI, iv, 21) s’exprime à cet égard : « À la puberté, suivant le testicule qui apparaît au dehors (c’est-à-dire qui se développe le plus), on engendrera des garçons, si c’est le droit ; des filles, si c’est le gauche. » En effet, à l’époque où il y a turgescence des parties génitales, où la voix se transformant, devient plus grave et plus rude, ce qu’on appelle être en puberté, Hippocrate conseille d’observer laquelle des parties est la plus forte ; les parties qui se gonflent et s’accroissent d’abord sont à coup sûr les plus fortes.

Ici une distinction est nécessaire pour que personne ne se méprenne à notre langage : On dit en deux sens qu’une partie est plus forte et plus faible que l’autre ; l’un s’entend simplement et naturellement eu égard au genre tout entier ; l’autre de la conformation particulière d’un individu isolé. En effet, dans tous les genres d’animaux le cœur est plus fort que le foie, les artères sont plus fortes que les veines, les nerfs que les chairs, et toutes les parties droites que les parties gauches ; mais il peut arriver chez Dion ou Théon, par exemple, que la moitié droite de la tête ou l’œil situé de ce côté soit plus faible que l’autre. De même le testicule droit est généralement plus fort que le testicule gauche ; mais chez tel ou tel en particulier, il peut arriver que le gauche soit le plus fort. Le plus souvent, en effet, le testicule gauche est plus variqueux que le droit, et par conséquent le scrotum qui l’entoure est plus lâche. D’un autre côté vous trouverez des cas assez nombreux où le testicule droit est affecté d’une débilité congénitale ; dans ces cas le testicule gauche est plus fort. Si par hasard le rein droit se trouve placé près de l’autre (ce qui arrive quelquefois, quoique rarement), on voit alors, des vaisseaux qui s’y distribuent, partir des rameaux qui se rendent, chez le mâle, au testicule droit ; chez la femelle à la matrice située de ce côté[29]. En résumé, toute partie de l’animal affectée d’un vice congénital de conformation, même peu prononcé, reste pendant toute la vie plus exposée à la maladie et plus faible. Ce vice a pour cause première la copulation intempestive du mâle et le régime observé ensuite par la femelle devenue grosse (cf. XI, x, t. I, p. 675-6). Mais cela constitue une autre question. Quand le testicule droit est plus faible que l’autre, le gauche se développe le premier à l’époque qu’on nomme puberté. On peut augurer de là que l’animal procréera des femelles ; de même si le testicule gauche se comporte normalement, et que le testicule droit, au moment de la puberté, se développe le premier, cet animal procréera des mâles, autant qu’il est en lui. En effet, avec le principe surajouté de la femelle, il arrive parfois que le sperme générateur d’une femelle, échauffé par la matrice droite, produit un fœtus mâle, et que le sperme générateur d’un mâle, refroidi par la matrice gauche, se transforme en un produit contraire. Car le sperme, se trouvant légèrement plus froid et la matrice étant beaucoup plus chaude, il n’est pas étonnant qu’elle lui cède ce qui lui manquait. Mais si le sperme était excessivement refroidi, et qu’il pénétrât dans la matrice droite quand l’animal est vieux, cette matrice ne lui serait d’aucun secours. Ainsi donc il existe un double principe de la génération des mâles, l’un chez les femelles, c’est la matrice droite ; l’autre chez les mâles, c’est le testicule droit ; et comme la matrice ordinairement plus influente rend le fœtus semblable à elle-même, parce qu’elle a avec lui un plus long contact, on a raison de prétendre que, dans la plupart des cas, les fœtus mâles se trouvent dans la matrice droite et les femelles dans la matrice gauche ; car le plus souvent elle s’assimile le sperme. Mais il peut arriver que, vaincue par la puissance de chaleur du sperme, elle laisse le fœtus devenir mâle de femelle qu’il était. Ces cas sont rares, attendu qu’ils exigent un grand excès de chaleur. Aussi le plus souvent le mâle se trouve dans la matrice droite, la femelle dans la matrice gauche ; la cause en est dans le principe des vaisseaux qui nourrissent les matrices.


Chapitre viii. — Les mamelles et les matrices sont mises en étroite sympathie au moyen des vaisseaux. — Fraternité entre le lait et le sang menstruel, établie par Hippocrate et confirmée par les faits.


Je vais expliquer pourquoi il existe entre les mamelles et les matrices une sympathie si étroite. Ce fait même démontrera encore un certain art admirable de la nature. Comme la nature avait en effet disposé les deux appareils pour l’accomplissement d’une seule œuvre, elle les a unis par les vaisseaux qui, disions-nous dans le livre sur le thorax (VII, xxvii ; t. I, p. 520-21), vont aux mamelles ; pour cela elle a fait descendre des veines et des artères dans les hypocondres et dans tout l’hypogastre, puis elle les a rattachées à celles qui remontent des parties inférieures et qui fournissent les vaisseaux à la matrice et au scrotum. Chez les animaux, ce sont en effet les seuls vaisseaux qui, nés des régions supérieures du diaphragme, se rendent à la partie basse du corps, et les seuls qui des parties inférieures remontent ; car les parties en question sont les seules qui aient besoin d’être rattachées par des vaisseaux, afin que, pendant le temps où le fœtus se développe et se forme dans les matrices, les veines communes aux deux parties versent à ce dernier seul de la nourriture, et qu’au moment où il est venu au monde toute la nourriture reflue aux mamelles. C’est pourquoi il ne saurait y avoir coïncidence entre le flux menstruel régulier et la sécrétion lactée chez la femelle. En effet, l’une des parties est toujours desséchée par le flux du sang vers l’autre partie.

Dans les époques intermédiaires à la grossesse, quand les femmes sont dans la vigueur de l’âge, la nature évacue chaque mois tout leur sang superflu accumulé, au moyen des vaisseaux afférents aux matrices. Quand elles sont grosses, le fœtus tire de ces vaisseaux sa nourriture. Mais les veines situées dans cette région sont si larges et si longues, qu’elles peuvent abondamment fournir à la nourriture du fœtus et toujours accumuler quelque chose de superflu. Ce sang donc, pendant tout le temps de la grossesse, amassé dans ces communs vaisseaux ainsi qu’en des réservoirs de nourriture, les soulève, les distend complétement, les déborde, pour ainsi dire, et cherche alors une région où il puisse se transporter. Il n’en trouve pas d’autre que les mamelles, et il y est lancé à la fois par les veines distendues et surchargées, et par la masse entière du ventre qui, vu l’état de grossesse pesant et pressant sur lui, le pousse vers la région qui s’ouvre devant lui. Telle est, dit Hippocrate (Épid., II, iii, 17), la fraternité qui existe entre le lait et le sang menstruel[30]. Il résulte de là que si le fœtus devient malade, au point de ne plus tirer à lui une nourriture suffisante, ou s’il survient chez la femme une affection telle qu’elle ne lui fournisse plus le sang nécessaire, la succession des opérations de la nature est intervertie, bouleversée ; les mamelles contractent nécessairement des affections opposées ; elles se remplissent prématurément de lait quand le fœtus est débile, et après s’atrophient par suite des besoins des matrices. Aussi Hippocrate (Aph. V, 52 ; cf. V, 39) a-t-il dit : « Chez une femme enceinte, si beaucoup de lait coule des mamelles, c’est une preuve que le fœtus est faible. » En effet tout le sang superflu laissé dans les veines par le fœtus remonte alors aux mamelles ; ce fœtus ne pouvant, vu sa faiblesse, attirer à lui une quantité d’aliments suffisante. Quand Hippocrate dit encore (Aph. V ; 37) : « Une femme enceinte dont les mamelles s’affaissent subitement, avortera, » il faut entendre dans ce cas-là que le fœtus est fort, mais qu’il n’a pas une nourriture abondante ; il commence donc par tirer le sang des veines communes aux matrices, ce qui dessèche les mamelles, et la femme ne tarde guère à avorter par manque absolu de nourriture pour le fœtus. Mais toutes ces questions sont des problèmes physiques (cf. t. I, p. 522, note 1) que nous avons dû traiter à cause d’une certaine parenté avec le sujet que nous nous proposons d’étudier. Le but même de nos explications était de faire connaître l’utilité des rapports qui existent entre les mamelles et les matrices, et l’utilité des vaisseaux venus du rein du même côté pour se rendre au testicule gauche et à la mamelle gauche. La nature a imaginé toutes ces dispositions, préparant aux fœtus un principe double de génération, afin que parmi eux il s’en trouvât de mâles et de femelles. Telle est la réalité de ces faits.


Chapitre ix. — De la cause organique et matérielle du plaisir qui accompagne l’acte vénérien, et du désir immodéré qui y convie les animaux. — Cette cause réside dans l’humeur séreuse et mordicante que les vaisseaux du côté gauche (voy. chap. vii) versent dans les organes génitaux, dans un pneuma abondant et chaud qui cherche à s’exhaler, dans le liquide prostatique, enfin dans le sperme lui-même.


Pourquoi une très-vive jouissance est-elle attachée à l’usage des parties génitales, pourquoi chez tous les animaux arrivés à la vigueur de l’âge cet usage est-il précédé d’un désir furieux[31] ? C’est ce que nous allons dire. Nous ne recherchons pas la cause, première et principale, car nous avons dit précédemment (chap. ii ; cf. aussi chap. iii) que la nature a imaginé ces moyens pour assurer l’éternelle jeunesse[32] et la perpétuité de l’espèce ; il s’agit de la cause matérielle et organique. Si ce désir, si cette jouissance existent chez les animaux, ce n’est pas seulement parce que les dieux créateurs de l’homme ont voulu leur inspirer un violent désir de l’acte vénérien, ou attacher à son accomplissement une vive jouissance ; mais parce qu’ils ont disposé la matière et les organes pour obtenir ces résultats.

En effet, les artères et les veines qui de la région des reins se rendent aux parties génitales, longent le fond des matrices et se portent aux deux côtés (vaisseaux utéro-ovariques), où ils se partagent en deux branches. L’une d’elles quittant ce lieu, pénètre dans les testicules de la femme (branches ovariques) situés à côté des matrices ; l’autre arrivant au fond des matrices, s’y ramifie tout entière de diverses façons (branches utérines). Là s’unissent les extrémités des vaisseaux qui se distribuent dans le sinus gauche de la matrice avec les extrémités des autres vaisseaux ramifiés dans le sinus droit, en sorte que la matrice droite reçoit une quantité imperceptible mais cependant réelle d’humeur séreuse (voy. plus haut chap. vii, p. 107-108). Cette humeur devait, outre l’utilité précédemment indiquée, en présenter une autre très-importante, parce qu’elle a une âcreté et un mordant d’une nature très-propre à exciter à l’usage des parties et à procurer une jouissance dans l’accomplissement de leurs fonctions.

S’il faut en preuve des grandes et admirables œuvres de la nature apporter de petits et misérables exemples pour éclaircir notre explication, songez qu’à l’égard de ces humeurs séreuses échauffées, il s’opère quelque chose de semblable à ce qui arrive souvent par suite de l’amas sous-cutané d’une humeur mordicante, dont le mouvement excite un titillement et une démangeaison agréable. Lors donc qu’il existe non pas seulement une humeur semblable qui a besoin d’être évacuée et qui, en conséquence, stimule et pousse à l’excrétion, mais encore un pneuma abondant et chaud, lequel demande à s’exhaler, on doit penser que la jouissance doit être excessive et incroyable[33]. Si de plus ces parties ont été douées par la nature d’une sensibilité bien supérieure à la peau, en vue de la même utilité, il ne faut plus s’étonner de la vive jouissance dont ces parties sont le siège, ni du désir précurseur de cette jouissance ; on doit l’attribuer à ce que le plus souvent aussi les vaisseaux afférents au rein droit envoient directement des ramifications à la matrice (voy. p. 106-107). En effet, ces superfluités séreuses devant avoir une double utilité, la première d’augmenter le froid des parties gauches, la seconde d’attacher à l’usage des organes un puissant désir et une vive jouissance ; la première existe toujours dans les parties gauches, la seconde existe parfois dans les parties droites au moyen des longs vaisseaux.

Ces conditions trouvent encore un autre appui non médiocre dans les corps glanduleux situés de chaque côté du col de la vessie (prostate), lesquels renferment une humeur semblable au sperme, mais beaucoup plus ténue. Nous dirons bientôt de quelle nature elle est (chap. xi, p. 118). Quant au sperme lui-même, il est chargé de pneuma et comme écumeux, en sorte que s’il vient à se répandre au dehors, il offre bientôt un volume beaucoup moindre qu’au moment de son émission ; il se sèche rapidement à cause de sa viscosité[34], au lieu de persister longtemps comme la pituite et le phlegme qui ne se sèchent pas et conservent le même volume. En effet, ces humeurs sont ténues, aqueuses et non cuites ; celle qui constitue le sperme est épaisse, visqueuse et pleine de pneuma vital.


Chapitre x. — Comment le sperme est élaboré dans les vaisseaux et dans les testicules ou les ovaires ; comment il devient de plus en plus blanc au fur et à mesure qu’il avance vers ses réservoirs, où il prend une couleur exactement blanche. — Disposition des canaux déférents. — À quoi sert l’érection générale des organes génitaux qui accompagne l’acte vénérien.


Lors donc que le sperme pénètre dans une région convenable, il devient le principe générateur d’un animal ; quand il tombe au contraire dans une région qui n’est pas favorable, le pneuma l’abandonne bientôt en s’échappant, et il ne reste que l’humeur visqueuse qui s’affaisse sur elle-même. Voici la cause de la génération de cette viscosité (voy. aussi XVI, x) : Parmi les vaisseaux afférents aux matrices, lesquels se distribuent à leurs côtés mêmes, comme nous l’avons dit (chap. ix, p. 113), la partie descendante se contourne en replis tout à fait semblables à ceux des vaisseaux qui se rendent aux testicules des mâles. La veine est superficielle, l’artère est profonde, toutes deux faisant des circuits innombrables comme les vrilles de la vigne enroulées en mille spirales. Dans ces circuits le sang et le pneuma portés aux testicules subissent une coction aussi exacte que possible ; on voit clairement que l’humeur contenue dans les premières spirales a encore l’apparence du sang, que dans les suivantes elle devient de plus en plus blanche jusqu’à ce qu’elle acquière une entière blancheur dans les dernières de toutes, dans celles qui aboutissent aux testicules. Les testicules creux et caverneux reçoivent l’humeur qui a déjà subi un commencement de coction dans les vaisseaux, la cuisent à leur tour, et chez les mâles la rendent parfaite pour la procréation de l’être animé, parce qu’ils sont plus volumineux, plus chauds, et que le sperme y arrive élaboré déjà plus complétement par suite de la longueur des circuits et de la puissance des vaisseaux. Les testicules des femelles élaborent le sperme d’une manière moins parfaite, parce qu’ils sont plus petits, plus froids, et que son élaboration est moins avancée quand ils la reçoivent.

Pourquoi, en séjournant dans les vaisseaux, le sang devient-il blanc ? C’est ce qu’on trouvera, je pense, aisément, si l’on se rappelle les démonstrations que nous avons données [à la fin de] notre traité Sur les facultés naturelles. Nous y avons prouvé que toute partie rend son aliment semblable à elle-même. Qu’y a-t-il donc encore d’étonnant si les tuniques des vaisseaux qui sont blanches teignent le sang de leur propre couleur ? Pourquoi, dira-t-on peut-être, cette transformation ne se voit-elle dans aucun des autres vaisseaux ? La réponse est facile : c’est que dans aucun autre vaisseau le sang ne séjourne aussi longtemps. En effet, dans aucun des autres vaisseaux il n’existe, je ne dis pas un tel entrelacement de replis, mais simplement un seul repli. Si le sang y séjournait au lieu de s’écouler et de vider la place rapidement, on pourrait voir dans plus d’une autre partie de l’animal un suc semblable, quoique l’humeur spéciale inhérente à chaque vaisseau, attachée à ses tuniques pour les nourrir, soit de même nature. Ainsi il n’y a rien d’étonnant, si par la stagnation du sang, dans les replis désignés plus haut, il s’accumule du suc spermatique.

Lors donc que les testicules, après l’avoir reçu, l’auront élaboré, ceux des mâles complétement, ceux des femelles imparfaitement, il est évident qu’un autre vaisseau devra le prendre à son tour et le conduire vers les voies d’excrétion. Ici il est impossible, si l’on est familiarisé avec la dissection des parties, de ne pas admirer l’art de la nature. Comme le mâle devait émettre le sperme au dehors, tandis que la femme devait le répandre au dedans d’elle-même, il en résulte que les vaisseaux qui le prennent à la sortie des testicules (canaux déférents) se sont dirigés, ceux des mâles vers la verge, et ont débouché dans le canal qui s’y trouve et par lequel l’urine est portée au dehors (canal de l’urèthre) ; tandis que ceux des femmes se sont insérés sur les matrices mêmes et ont été dirigés de façon à verser le sperme dans la cavité interne (trompes). Ce sont là des dispositions admirables ; celles dont nous allons parler le sont plus encore : en effet, les deux spermes ayant une utilité différente, puisqu’ils diffèrent de quantité et de puissance, les vaisseaux spermatiques ne se ressemblent non plus ni de forme, ni de largeur, ni de longueur. Celui du mâle, large et long, forme pour ainsi dire des sinuosités quand il s’approche de la verge ; celui de la femelle, au contraire, est étroit et court. Celui-ci en effet, bien que petit et mince, suffisait pour recevoir et amener un sperme peu abondant et ténu. Pour celui du mâle, s’il n’eût été à la fois long, large et sinueux, comment aurait-il reçu un sperme abondant et épais, comment l’aurait-il aisément fait avancer, et comment l’aurait-il lancé d’un seul coup dans les matrices ?

On doit admirer ces œuvres de la nature, comme aussi l’érection générale des parties génératrices dans le coït, érection dont l’effet simultané est de maintenir droit et ouvert le col de la matrice, tandis que, nous le disions précédemment, le sperme est éjaculé. Les épilepsies graves et l’affection nommée gonorrhée peuvent vous instruire combien contribue à l’émission du sperme cette espèce de spasme qui accompagne l’acte vénérien. En effet, dans les épilepsies graves[35], le corps entier et avec lui les parties génitales étant en proie à un spasme violent, il y a émission de sperme. Dans la gonorrhée les vaisseaux spermatiques seuls sont affectés. Cette tension, qu’ils subissent dans les susdites maladies, a lieu aussi dans le coït et cause l’émission du sperme. Nous avons dit précédemment (chap. ix) comment la nature du sperme suscite le désir vénérien et produit la jouissance dans l’usage des parties.


Chapitre xi. — Utilité de la semence de la femme. — Utilité du liquide muqueux qui s’échappe chez l’homme (avec le sperme) et chez la femme pendant le coït. — Des parastates glanduleux et des parastates variqueux. — Des cornes de l’utérus. — Des deux espèces de canaux, afférents et déférents, que Galien suppose exister dans l’utérus.


Le sperme de la femme, outre qu’il contribue à la génération de l’animal, est aussi utile à ces fins[36] : car, en excitant la femme à l’acte vénérien, et en ouvrant le col de la matrice durant le coït, le sperme est d’une utilité non médiocre. Nous devons dire en quoi la femme contribue à la génération de l’animal, après avoir rappelé ce que nous avons dit dans notre traité Sur le sperme (I, iii, iv, vii ; II, i, iv). Nous y avons démontré que le sperme reste dans l’intérieur des matrices, comme disait Hippocrate (De la générat., § 5, t. VII, p. 477. Cf. Arist. Hist. anim., VII, iii, Generat. anim., II, iii, med.), quand la femme doit concevoir, et que le sperme du mâle est le principe de formation des membranes et aussi de celle de tous les vaisseaux. Ce sperme donc reçoit un surcroît de coction et se trouve nourri tout d’abord par le sperme féminin, dont la nature se rapproche plus de la sienne que le sang ; or, tout ce qui se nourrit se développe plus aisément à l’aide d’une substance similaire. C’est de lui que se forme la membrane allantoïde, nous l’avons démontré dans notre traité Sur le sperme[37].

Le liquide engendré dans les corps glanduleux (prostate)[38] s’écoule dans le méat urinaire, chez le mâle pour être porté avec le sperme dans la matrice ; chez la femelle il se déverse au dehors et s’écoule à travers le vagin. Les utilités de ce fluide sont à la fois chez le mâle et la femelle d’exciter à l’acte vénérien, de provoquer la jouissance durant le coït et de lubrifier le canal urinaire. Il présente de plus une utilité spéciale chez le mâle[39], comme le sperme chez la femelle, car il existe une grande ressemblance entre le sperme des testicules de la femelle et le liquide contenu dans les corps glanduleux chez le mâle. En effet, la force et la chaleur du mâle élaborent le liquide de ces corps, de sorte qu’il ne le cède en rien au sperme de la femelle. C’est pourquoi je pense, on n’hésite pas à nommer vaisseaux spermatiques les conduits qui partent de ces corps, et Hérophile le premier les a appelés parastates adénoïdes (glanduleux) réservant le nom de parastates cirsoïdes (variqueux — canal déférent)[40], à ceux qui naissent des testicules. Mais, comme la femme est plus froide que le mâle, ses parastates adénoïdes ne renferment qu’une humeur non élaborée et ténue, laquelle n’est d’aucune utilité pour la génération de l’être animé ; c’est donc avec raison qu’elle s’écoule après avoir rempli ses fonctions utiles. L’autre, au contraire, celui de l’homme, est attiré dans la matrice. Non-seulement ce fluide excite à l’acte vénérien, mais encore il procure du plaisir en s’écoulant et lubrifie le canal urinaire ; c’est ce que démontrent les faits suivants : Ce liquide coule évidemment du vagin chez la femme au moment où elle ressent du coït la plus vive jouissance, et se répand visiblement sur le membre de l’homme. Les eunuques eux-mêmes paraissent éprouver une certaine jouissance de cet écoulement[41]. Après cela vous n’avez pas à rechercher une preuve plus convaincante de ce que j’avance. La nature même de ce liquide indique qu’il est propre à humecter et à amollir le canal de l’urèthre. Ayant en effet une certaine viscosité et l’épaisseur de l’huile, il lubrifie le canal pour qu’il ne se dessèche pas, ne s’affaisse pas et ne s’oppose pas au rapide passage de l’urine et du sperme.

Nous avons démontré (VII, xiii, xvii ; XI, x ; XIII, viii ; t. I, p. 497, 510, 674 ; t. II, p. 72) qu’il existait plusieurs autres glandes en vue de la même utilité, par exemple celles du pharynx et de la langue, celles de la trachée-artère et des intestins. Nous avons vu dernièrement un homme chez qui toutes les parties génitales étaient grêles, atrophiées, ridées et desséchées, en sorte qu’il lui était impossible d’uriner s’il ne s’était d’abord accumulé dans sa vessie une grande quantité d’urine, attendu que son canal était sec et que les parois retombaient sur elles-mêmes. Cet homme avait donc besoin qu’une urine abondante s’élançât d’en haut avec une force et une impétuosité capables d’ouvrir le méat ; autrement il ne pouvait uriner. Sa guérison a témoigné de la justesse de notre opinion sur la cause du mal. En effet, en humectant toute cette région avec des onguents huileux, en réparant ses forces par l’alimentation, car tout le corps généralement et surtout les parties affectées étaient excessivement maigres, nous avons rendu la santé à cet homme.

Dans le coït l’humeur [prostatique] s’échappe abondamment avec le sperme ; le reste du temps elle coule peu à peu ; aussi ne s’en aperçoit-on pas. En conséquence un individu chez qui les excès vénériens avaient épuisé cette humeur, et qui avait peine à uriner, comme dans le cas précédent, ne nous a-t-il pas paru mal traité par la prescription d’un régime fortifiant[42].

La prévoyance de la nature se manifeste dans toutes ces dispositions, et de plus encore dans la création de ce qu’on nomme cornes. En effet, si nous avons justement démontré dans notre traité Sur les facultés naturelles (I, xiii suiv. ; III, iii) que toutes les parties, et les matrices ne sont pas exceptées, possèdent une faculté attractive de la qualité propre, il faut absolument que ces matrices trouvent un canal disposé pour l’attraction d’une humeur qui leur convient. Or l’humeur la plus propre aux matrices, et pour la réception de laquelle elles existent, c’est le sperme. Le sperme étant de deux espèces, il existe également des canaux de deux formes : l’un, destiné à attirer le sperme du mâle, a reçu des anatomistes le nom de col ; il débouche, disions-nous, dans le vagin de la femme. Les cornes sont destinées à amener le sperme des testicules propres à la femme (ovaires) ; aussi elles sont tournées vers les fosses iliaques, et se rétrécissant peu à peu, elles se terminent par des extrémités excessivement étroites, chacune d’elles se rattachant au didyme (διδύμος, ovaire) situé de son côté. C’est le nom qu’Hérophile donne au testicule. Le canal qui s’y rattache est analogue au parastate variqueux des mâles et que tout à l’heure nous appelions vaisseau spermatique (voy. note 4 de la p. 118). On y trouve aussi chez la femelle des plans musculeux[43], qui chez les mâles se portent des muscles hypogastriques aux testicules. Ainsi en cela encore la femelle possède toutes les parties qui existent chez le mâle (voy. chap. vi). Si chez elle les unes sont moins grandes, les autres plus grandes, il faut encore admirer en cela l’art de la nature, qui chez la femme n’a créé trop petite aucune des parties qui devaient être grandes, ni trop grande aucune des parties qui devaient être petites.

Chapitre xii. — Situation, trajet et structure des vaisseaux spermatiques chez le mâle et chez la femelle. — Nouvelles preuves de l’habileté de la nature tirées des dispositions de ces vaisseaux dans les poissons et dans les oiseaux.


Il était mieux, nous l’avons dit précédemment (chap. x et xi), que chez les mâles les testicules et les conduits spermatiques fussent plus grands [que chez les femelles]. Cela étant préférable, la nature avec raison redressant les cornes des matrices, les a rapprochées des testicules (ovaires), de façon que le vaisseau spermatique qui s’y rattache soit petit ; elle a fait le contraire chez le mâle, nous l’avons expliqué dans ce livre (chap. xi). En effet, les testicules étant situés de chaque côté à la racine de la verge (καυλός), c’est le nom du membre viril, si la nature n’avait pas imaginé un autre expédient dans la conformation des vaisseaux spermatiques, non-seulement elle ne les eût pas faits plus grands que ceux de la femelle, mais encore elle les eût faits plus petits. Elle a trouvé pour eux un long circuit, en les dirigeant d’abord vers les fosses iliaques, puis en les faisant redescendre à travers les parties internes jusqu’à la naissance de la verge, où ils devaient lancer le sperme (canaux éjaculateurs). C’est en cet endroit qu’elle les a rendus sinueux, les élargissant et les dilatant considérablement, disposant de tous côtés autant que possible des réceptacles nombreux pour un sperme abondant.

Si vous ne prêtez pas à mes discours une attention distraite, et si, venant à disséquer des animaux, vous voyez de vos propres yeux les œuvres de la nature, vous remarquerez que chez les mâles les vaisseaux spermatiques n’ont pas une médiocre supériorité sur ceux des femelles, et vous trouverez qu’ils sont en longueur, en profondeur, en largeur bien plus considérables. C’est par ces causes mêmes que chez les femmes les testicules sont excessivement petits et se trouvent de chaque côté des matrices dans les régions épigastriques, et que ceux des hommes, d’une dimension bien plus grande, ont été placés à l’écart au bas des régions du ventre, afin de ne le toucher en aucune façon. En effet, si elle les eût également placés dans le ventre, outre qu’ils eussent été à l’étroit et qu’ils eussent diminué l’espace que devaient occuper les parties situées en cette région, la longueur des vaisseaux spermatiques aurait été diminuée ; c’eût été une conséquence nécessaire. Dans l’état présent, ces vaisseaux, qui tour à tour remontent et redescendent (voy. Arist., Hist. anim., III, i, et Gen. anim., I, 4), ont une longueur considérable. Dans l’autre supposition, ils se borneraient à redescendre, et perdraient ainsi toute la moitié de leur longueur actuelle. Au contraire, les testicules de la femme étant eux-mêmes tout à fait petits et ne devant engendrer que de petits canaux, trouvent dans leur disposition actuelle une situation très-favorable, étant placés de chaque côté de la matrice un peu au-dessus des cornes.

La grandeur des vaisseaux spermatiques chez les mâles témoigne d’une prévoyance non médiocre de la nature ; c’est ce que confirme la vue des poissons et surtout des oiseaux[44]. En effet, comme chez ces animaux les vaisseaux spermatiques doivent, en vue d’une nombreuse procréation, amasser un sperme abondant, et comme il était préférable, en conséquence, qu’ils fussent placés dans une région chaude, afin d’élaborer plus aisément et de transformer en sperme utile l’afflux d’humeur, la nature ne s’est pas contentée de les établir près des conduits sécréteurs du sperme (car cette situation les eût raccourcis), mais leur faisant parcourir une longue distance, elle les a attachés au diaphragme. Or, c’est la plus chaude de toutes les régions, attendu qu’elle est abritée par quatre viscères : en haut le cœur et le poumon, en bas le foie et la rate. De plus, il existe au milieu [du corps ?] un intervalle (c’est-à-dire une place libre ?) très-considérable que devaient occuper tout entier les vaisseaux spermatiques ; d’où il semble que la nature ait admirablement disposé toutes choses dans chaque espèce animale. Un jour, peut-être, nous parlerons des autres animaux (Voy. p. 327, note 1). Chez l’homme (car c’est lui que concerne le présent ouvrage), qui a une épine plus courte non-seulement que les poissons et les oiseaux, mais que tous les autres animaux, à proportion des autres parties, et les testicules eux-mêmes très-forts, une telle situation n’était pas convenable. En effet, indépendamment des autres causes, l’homme n’a pas besoin d’un sperme abondant comme les poissons et les oiseaux ; d’un autre côté les testicules de l’homme tout éloignés qu’ils sont des organes chauds, vu leur volume et leur chaleur propre, peuvent engendrer un sperme suffisant. Voilà assez de détails sur leur situation.


Chapitre xiii. — De la protection que les vaisseaux spermatiques reçoivent des os du bassin, chez le mâle et chez la femelle. — Disposition et utilité des vaisseaux destinés à nourrir les organes génitaux mâle et femelle, et des nerfs qui accompagnent ces vaisseaux. — Que le volume de ces nerfs est exactement proportionné aux usages qu’ils ont à remplir.


Quant à la grandeur des vaisseaux spermatiques (c’est le point de départ de notre digression), il faut admirer la nature qui, à leur sortie des testicules les dirigeant d’abord vers les fosses iliaques, les a ramenés de nouveau vers le membre du mâle, puis les a ouverts dans le canal qui part de la vessie, et par lequel l’urine est excrétée. Si la nature mérite notre admiration, c’est non-seulement pour avoir imaginé un si long circuit en vue de la longueur, mais encore pour avoir pourvu à la sécurité de ces vaisseaux. En effet, le conduit qui commence à partir du péritoine (canal inguinal. — Voy. Dissert. sur l’anat.) et dont elle s’est servie comme d’un tuyau pour amener les vaisseaux nourriciers des testicules, elle l’emploie pour faire remonter le vaisseau spermatique, faisant de ce seul conduit une protection commune aux trois espèces de vaisseaux[45]. De là les ramenant en bas, elle les garantit latéralement par les ischions,en avant par le pubis, en arrière par l’os large (sacrum).

Comment s’opère cette merveilleuse combinaison des susdits os ? c’est ce qu’on a de la peine à expliquer. À l’extrémité de l’épine se trouve l’os large appelé sacré. De chaque côté s’unissent à lui deux os d’une dimension beaucoup plus considérable et d’une forme beaucoup plus variée, dirigés pour leur plus grande partie vers les fosses iliaques (os des iles), s’avançant un peu sur les côtés et en bas (ischion), et à leurs parties antérieures (pubis), ils marchent à la rencontre l’un de l’autre par des apophyses arrondies d’une dimension notable et dans cet endroit ils se rattachent entre eux au moyen d’un cartilage. Toutes ces parties susdites, les unes plus, les autres moins, ayant leurs surfaces internes convexes ou concaves et polies, forment une voûte osseuse qui couvre et protége à la fois toutes les autres parties de l’animal renfermées dans l’intérieur de la cavité, et aussi les vaisseaux spermatiques[46]. La vessie est située la première sous les os du pubis. C’est ainsi que les anatomistes appellent ordinairement les apophyses arrondies des os dont nous parlions précédemment, et qui, disions-nous, adhèrent les unes aux autres. Après la vessie se trouvent chez la femelle les matrices, et après celles-ci le rectum. Chez les mâles, c’est principalement à travers cette région que descendent les vaisseaux spermatiques. Ces vaisseaux étant longs, et se trouvant dans la nécessité de subir une tension et un violent mouvement spasmodique pendant le coït, ont reçu de la nature une tunique très-robuste. Ce mouvement des vaisseaux étant plus prononcé chez le mâle que chez la femelle, la tunique chez le mâle a été fortifiée pour les parastates variqueux. De même les parastates glanduleux (prostates ; voy. p. 118, note 4) ont été créés beaucoup plus faibles que ceux-ci, attendu qu’ils sont très-petits et renferment une humeur de consistance légère. Telle est l’équité de la nature ; elle répartit selon l’importance des organes la force et la faiblesse, l’épaisseur et la ténuité, et toutes les autres qualités.

Si en disséquant vous examinez les dimensions de chacune des veines, des artères et des nerfs qui vont aux parties génitales, vous admirerez, j’en suis sûr, la justice du Créateur. En effet, les nerfs sont d’une dimension médiocre, les veines et les artères non-seulement sont très-considérables, mais encore y arrivent par doubles paires ; il en vient une des régions des reins, laquelle, disions-nous (chap. VII, p. 107-108), se distribue dans les testicules et au fond des matrices, une autre dérivée des vaisseaux, couchée sur l’os sacré (vaisseaux hypogastriques), s’insère sur les parties inférieures à l’endroit d’où partent chez la femme le col de l’utérus, et chez le mâle ce qu’on nomme la verge (vaisseaux utérins et vaginaux ; vaisseaux honteux internes chez l’homme.) En effet, toute la partie inférieure des matrices, le col même des matrices et de plus toutes les parties du vagin et de la vulve de la femme, comme aussi toutes celles du membre viril, sont nourries par ces vaisseaux.

Ces vaisseaux offrent deux utilités, l’une comme grands, l’autre comme doubles. Les matrices ayant besoin de nourriture non pas seulement pour elles, mais encore pour le fœtus, exigent par cela même des vaisseaux considérables (cf. Comm. I, in Epid. VI, § 2). Les testicules réclament aussi des vaisseaux considérables non-seulement parce qu’ils se nourrissent, mais encore parce qu’ils engendrent le sperme. Tout le monde comprend que la paire d’artères et de veines qui arrivent aux parties génitales dans le but unique de nourrir, ne devait pas renfermer de sang impur, ni chargé de superfluités, tandis que l’autre paire, destinée non pas seulement à nourrir, mais à fournir quelques autres utilités que nous signalions tout à l’heure (chap. vii, p. 107-108) dans les vaisseaux venus des reins, devait contenir un sang séreux, acre, non entièrement utile. Pour ces motifs donc, les vaisseaux venus de la région de l’os large dérivent des grands vaisseaux situés dans le voisinage. Vous ne sauriez trouver une autre région plus rapprochée qui par une voie plus courte amène aux parties génitale des veines, des nerfs et des artères. La nature, comme déjà souvent nous l’avons répété, est encore dans ce cas fidèle à son principe de mener par le chemin le plus court des aliments aux parties nourries.

En faisant partir des reins l’autre tronc des veines, elle paraîtrait avoir, par oubli de ce principe, commis une erreur, si l’on ne connaissait les utilités précédemment indiquées (chap. vii) des vaisseaux descendus d’en haut. En conséquence, dans la femelle la longueur de l’intervalle est moindre que dans le mâle, les matrices étant situées dans la région du ventre. Chez les mâles, dont les testicules sont suspendus, les veines et les artères qui s’y rendent en partant des reins sont, au contraire, plus longues.

Toutes les choses bien dites s’accordent donc entre elles, outre qu’elles démontrent l’universelle équité de la nature.

C’est ainsi que la paire de nerfs s’étend et se distribue avec les vaisseaux dérivés de la région du sacrum, de la même façon que font tous les nerfs avec les veines et les artères qui aboutissent aux autres parties. Si les vaisseaux nourriciers ont besoin d’être amenés soit par le plus court chemin, soit par des régions sûres, il est juste, évidemment, que les nerfs participent à ces deux avantages, en sorte qu’ils dériveront des mêmes lieux et seront amenés par la même voie. Comme les parties génitales reçoivent par surplus les veines et les artères descendantes, c’est avec raison qu’aucun nerf issu de la région lombaire de la moelle ne les y accompagne ; car il n’était pas également avantageux que ce nerf fût conduit par un long chemin ; mais il convenait que l’épaisseur des nerfs fût exactement mesurée à leur utilité. En effet, la distribution des nerfs dans toutes les parties ayant trois buts, ainsi que nous l’avons démontré précédemment (V, ix ; t. I, p. 361) : la sensation dans les organes sensibles, le mouvement dans les organes moteurs, la connaissance des choses susceptibles de léser dans tous les autres, les matrices tout entières, les testicules et tout ce qui constitue le scrotum[47], avaient besoin de nerfs très-peu nombreux, puisque ces parties ne servent ni pour une sensation exquise, ni pour un mouvement volontaire, ni comme les intestins pour le transport des superfluités.

La verge du mâle, comme aussi le vagin, le col de la matrice et les autres parties qui constituent le pudendum lui-même ayant besoin d’une sensation plus parfaite en vue de la copulation, ont avec raison reçu des nerfs plus nombreux. Si vous vous rappelez que nous avons démontré (IV, vii et xiii ; V, x ; t. I, pp. 287, 313, 363) que le foie, la rate et les reins réclament de très-petits nerfs, si vous songez qu’il en est de même pour les parties génitales, à l’exception du pudendum, si enfin vous voyez en disséquant des animaux que ces parties sont pourvues de petits nerfs comme les susdits viscères, que le pudendum seul en a de plus considérables, vous admirerez encore, j’en suis sûr, l’équité de la nature à cet égard. En conséquence, cette paire de nerfs n’est pas aussi ténue que celles du foie, de la rate et des reins ; elle n’est pas non plus aussi considérable que celle de l’estomac, mais autant que possible elle tient le milieu pour le volume, parce qu’elle offre une double utilité pour les organes génitaux : dans quelques parties elle sert aux mêmes usages que les nerfs du foie et des reins ; et dans le pudendum à remplir les fonctions attribuées aux nerfs gastriques.

Chapitre xiv. — De la structure de la matrice, de ses tuniques et de ses ligaments. — Admirables dispositions prises par la nature pour que cet organe puisse accomplir toutes les fonctions qui lui sont dévolues. — De l’heureuse position de la matrice. — De l’insertion des vaisseaux spermatiques sur l’épididyme, chez les mâles, et de la nécessité de ce corps intermédiaire. — Différences que présentent les femelles sous ce rapport. Raisons de ces différences. — Des muscles crémasters.


Pourquoi existe-t-il deux tuniques dans tous les intestins et dans l’estomac, tandis qu’une seule suffit aux matrices comme aux deux vessies ? (vessie urinaire et vésicule biliaire.) C’est ce qui a déjà été expliqué sommairement, alors que j’exposais la structure des organes de nutrition (IV, viii, et V, xii ; t. I, pp. 290 et 367). Maintenant il est nécessaire de reprendre tout ce qui est utile à l’explication de la structure des matrices. La nature a construit le corps des vessies dur et résistant, attendu que leur fonction consiste uniquement à recevoir les superfluités. Pour les intestins et l’estomac qui sont plutôt des organes de coction que des réceptacles de superfluités, une substance charnue convenait mieux. En effet, la nature ne les a pas créés pour recevoir la bile, le phlegme et les autres superfluités séreuses qui découlent de tout le corps, mais étant crées [primitivement] pour d’autres fonctions ; elle s’en est servie en même temps comme de canaux pour le passage des superfluités. Ainsi donc, il a été donné avec raison à leur corps une forme de substance appropriée à leurs fonctions ; quant au nombre de leurs tuniques, il leur a été attribué [par surcroît], en vue de leur utilité seconde. Car il était à craindre, comme il a été démontré dans les livres qui les concernent, que leur tunique interne ne fût parfois excoriée et lésée. La nature l’a donc revêtue d’une tunique externe, pour que la lésion se bornât à cette seule tunique.

Pour les matrices nourries d’un sang pur et utile, il suffit d’une tunique. Toutefois, comme elles devaient non pas seulement attirer intérieurement le sperme pendant le coït, mais encore le retenir au temps de la gestation et rejeter le produit de la conception quand le fœtus est parfait, la nature, en conséquence, a imaginé de donner à ces matrices toute espèce de fibres. En effet, nous avons souvent démontré à ce sujet (V, xi et xiv ; VI, viii ; t. I, pp. 365, 369, 400 ; Fac. nat., III, viii) que chacun des organes attire à lui en agissant avec les fibres droites, qu’il rejette avec les fibres transversales, et qu’il retient avec toutes les fibres. La membrane [péritonéale — voy. IV, x et xvii] externe qui enveloppe les deux matrices les unit toutes deux, les recouvre et les rattache aux parties voisines.

Il existe encore certains autres ligaments qui les rattachent au corps du rachis et aux autres corps voisins, ligaments très-lâches, comme on n’en saurait trouver dans aucune autre partie (ligaments larges). En effet, aucun autre n’est de nature à se distendre considérablement, puis en se contractant, à revenir à la plus petite dimension possible. Il fallait, en effet, que les ligaments s’étendissent et suivissent dans sa marche tout le viscère errant, qu’ils ne se rompissent pas, qu’ils ne permissent pas à ce viscère de trop s’écarter ou de trop avancer sur des régions étrangères[48].

Quant à la position de la matrice[49], nous avons dit précédemment (cf. chap. iii, p. 91) que le col aboutit au vagin de la femme convenablement placé en cet endroit. Et si ce conduit doit être tourné en bas, il est évident que tout le reste de la cavité doit être nécessairement établi dans la région du ventre. Mais pourquoi trouve-t-on en avant la vessie, en arrière le rectum, au milieu les matrices ? C’est certainement parce qu’il était préférable que, vu leur dilatation considérable pendant la gestation, elles trouvassent à leur partie postérieure un appui du côté du rachis, et à leurs parties antérieures un rempart [dans la vessie]. Mais comme les matrices deviennent excessivement minces au temps de la gestation, parce qu’en s’allongeant elles perdent de leur épaisseur, elles sont conséquemment très-faibles ; de plus elles avancent, tant elles sont gonflées, sur toutes les régions voisines. Ainsi donc, le voisinage des os adjacents n’aurait été pour elles ni sans inconvénient, ni sans danger, si aucune partie n’avait été disposée dans l’intervalle.

Pourquoi la nature, au lieu d’insérer le vaisseau spermatique sur les testicules eux-mêmes, a-t-elle établi entre eux ce qu’on nomme épididyme ? Parce que les testicules eux-mêmes très-lâches, caverneux et mous, n’auraient pu avec sécurité se trouver réunis à des vaisseaux spermatiques denses, forts et durs. La nature a donc ici encore évidemment fait ce que déjà souvent nous avons démontré (cf. particul. VIII, ix ; t. I, p. 564) : Elle ne met pas en contact des corps de substances opposées, elle cherche toujours à établir entre eux quelque lien d’union de nature intermédiaire. En effet, autant les épididymes le cèdent aux vaisseaux spermatiques pour la force, la densité et la dureté, autant ils sont supérieurs aux testicules. Il y a plus, la portion des épididymes en contact avec les vaisseaux spermatiques est très-dure, celle qui est en contact avec les testicules est très-molle, et toutes les parties intermédiaires l’emportent dans une proportion graduée sur leurs voisines. Les parties plus proches des vaisseaux spermatiques sont très-dures, et les plus proches des testicules sont très-molles par la même raison.

Pourquoi les épididymes dans les testicules (ovaires) des femmes ne sont-ils pas visibles et manifestes ? pourquoi vous paraîtront-ils même ou n’exister absolument pas, ou être extrêmement petits ? N’est-ce pas d’abord parce que le testicule (didyme) même de la femme est petit et le vaisseau spermatique également petit, en sorte qu’il n’est pas étonnant que la partie qui les rattache soit petite, et ensuite que la différence entre leurs substances est médiocre et non pas considérable, comme elle est dans le mâle. En effet, les testicules du mâle sont plus humides et plus mous que ceux de la femelle, et ses vaisseaux spermatiques sont plus durs. Le contraire a lieu chez la femelle : les vaisseaux spermatiques sont moins durs par les raisons indiquées, les testicules sont moins poreux, moins lâches et plus humides, parce qu’ils ont une substance plus froide, attendu qu’ils n’ont pas éprouvé, par suite de leur chaleur naturelle, un gonflement et, pour ainsi dire, une fermentation.

C’est donc avec raison que [chez les femmes] les vaisseaux spermatiques et les testicules se rapprochent l’un de l’autre par leurs substances, les testicules ayant été créés plus durs et les vaisseaux spermatiques qui viennent s’y insérer plus mous que chez le mâle. Par conséquent, il n’y avait pas besoin, pour les rattacher, d’un grand ligament qui, s’écartant peu à peu de la dureté de l’un, se rapprochât de la mollesse de l’autre.

Comme les testicules du mâle sont suspendus, il leur arrive à chacun d’eux un muscle (crémasters) des fosses iliaques, afin qu’ils participent au mouvement volontaire.

Nous avons dit dans notre ouvrage Sur le sperme (voy. Dissert. sur la physiol.) ce qu’ajoute le sperme de la femelle à celui du mâle, quelle est la nature de l’un et de l’autre, et nous y avons traité d’autres questions de ce genre. Nous devons ici terminer ce livre ; dans le suivant nous ferons connaître toute l’habileté de la nature en ce qui concerne le fœtus.




  1. Je rappelle que pour ce livre j’ai la collation des deux manuscrits A et B. Voy. dans ce volume la note 1 de la page 1.
  2. Cette phrase est un écho d’Aristote et de Platon. On lit dans Aristote (Gener. anim., II, i, init.) : « Comme parmi les choses qui existent il y en a d’immortelles et de divines, qu’il y en a d’éventuelles qui peuvent être et ne pas être ; comme ce qui est beau et divin est toujours la cause, eu égard à sa nature, de ce qu’il y a de meilleur dans les choses contingentes ; comme ce qui est contingent et non immortel peut être et changer de condition, pour en prendre une plus mauvaise ou une meilleure ; comme enfin l’âme est meilleure que le corps, et que l’animé étant meilleur que l’inanimé, à cause de l’âme, mieux vaut l’être que le non être, le vivre que le non-vivre ; pour toutes ces causes, il y a une génération des animaux ; comme la nature du genre des animaux ne pouvait être immortelle, autant qu’il est permis, ce qui est engendré devient immortel ; donc si l’immortalité est impossible, eu égard au nombre (c’est-à-dire à chaque individu en particulier), car la substance des êtres qui sont, réside dans chacun d’eux en particulier, elle l’est eu égard au genre. Voilà pourquoi il existe toujours un genre d’hommes, d’animaux, de plantes. » — Platon, dans le Banquet (p. 206, c et e), dit que la conception et la génération sont choses divines et immortelles dans un être mortel. Dans le livre IV du traité Des lois (p. 721 c), il invite au mariage, afin que le genre humain devienne immortel. — Quant à la corruption et à la transformation nécessaires de la matière, Galien s’en explique plus longuement dans les traités De la conservation de la santé (I, ii), et Du marasme, chap. ii et iv.
  3. Ici Galien ne fait que résumer un beau passage qui se lit à la fin du VIe livre Des lois (p. 782 d-e) : « Je vois, dit l’Athénien, que chez les hommes tout se réduit à trois sortes de besoins ou à trois appétits, que de leur bon usage naît la vertu, et que le vice naît de l’usage contraire. Les deux premiers de nos besoins ou appétits sont le boire et le manger ; ils naissent avec nous, et produisent dans tout animal un certain désir naturel plein d’impétuosité, incapable d’écouter quiconque dirait qu’il faut faire autre chose que contenter l’inclination et le désir qui nous portent vers les objets, et se délivrer en toute occasion du tourment qui nous presse. Le troisième et le plus grand de nos besoins, comme aussi le plus vif de nos désirs, est celui de la propagation de notre espèce ; il ne se déclare qu’après les autres ; mais à son approche l’homme est saisi des accès d’une fièvre ardente, qui le transporte hors de lui-même et le brûle avec une extrême violence ; telles sont les trois maladies qui poussent l’homme vers ce qu’on appelle le plaisir, et à l’influence desquelles il faut nous arracher pour nous tourner vers la vertu. »
  4. Cette expression, les matrices (αἱ ὑστέραι), appliquée théoriquement par Galien à l’utérus de la femme, remonte à la plus haute antiquité, et tient à ce que les anciens se figuraient que l’utérus humain était, comme celui des animaux sur qui ils pratiquaient leurs dissections, divisé en sinus ou cornes. Quand Galien se sert du singulier, il ne faudrait en tirer aucune conséquence, car il s’agit toujours, quoi qu’il en dise, des matrices d’animaux. — Voy. du reste, touchant ce point important, la Dissertation sur l’anatomie, et Hoffmann, l. l ., p. 300.
  5. On ne peut, sans sourire, lire dans le Banquet (p. 191 b) l’étrange opinion d’Aristophane sur la position des organes génitaux chez les hommes primitifs.
  6. Δίκην ἀλοιφῆς ἑτοίμως (-ης. A), AB., et Théophile, V, xix, p. 210, éd. Greenhill. Ce dernier mot manque dans vulg. La traduction latine a facile.
  7. La question du nombre des sinus dans la matrice chez les mammifères est une des questions les plus compliquées qu’on puisse se proposer dans l’histoire de l’anatomie ancienne ; j’y ai consacré toute une leçon au Collège de France, et je crois avoir triomphé de la plupart des difficultés. On retrouvera les résultats de cette leçon dans la Dissert. sur l’anatomie. Voy. aussi Hoffmann, l. l., p. 303-4.
  8. Ce livre est malheureusement perdu ; il n’en reste que de très-courts fragments, que je ferai connaître dans l’Histoire littéraire de Galien.
  9. C’est aussi le sentiment d’Aristote (Hist. anim., VII, iii, init. — Cf. aussi, Gen. anim., IV, i, p. 394, l. 28). « Quant aux mâles, dit-il, leur mouvement commence vers le quarantième jour, et plus particulièrement à gauche ; celui des femelles se fait sentir au quatre-vingt-dixième jour, et surtout à droite ; mais on ne peut poser aucune règle certaine à cet égard, car j’ai vu beaucoup de femmes enceintes de garçons éprouvant le mouvement à gauche, et réciproquement. » Du temps d’Hoffmann, les médecins voulaient encore diagnostiquer le sexe d’après le côté où se produisaient les mouvements, mais souvent, ajoute-t-il (p. 305), l’événement leur donnait un démenti, et ils s’en allaient hochant la tête.
  10. Ici encore Galien ne fait que copier Aristote, qui se sert de la même comparaison. Voy. son traité De la génération, II, i ; t. III, p. 348, l. 28 et suiv.
  11. « La femelle est, pour ainsi dire, un mâle stérile (De la génér., I. xx, p. 339, l. 9). » — « La femelle est, pour ainsi dire, un mâle mutilé ; les menstrues sont un sperme, mais un sperme impur (Ibid., II, iii, p. 352, l. 40). » — Cf. aussi, De la génér., IV, i et vi, p. 395, l. 4 et suiv. ; p. 409, l. 25.
  12. De la génération, §§ 6 et 7, t. VII, p. 479. « Ceci est encore à noter : la semence de la femme est tantôt plus forte, tantôt plus faible ; de même pour l’homme. Chez l’homme est la semence femelle, et la semence mâle, semblablement, chez la femme. La semence mâle est plus forte que la semence femelle. C’est de la plus forte semence que naîtra le produit. Voici ce qui en est : si la semence plus forte vient des deux côtés, le produit est mâle ; si c’est la semence plus faible, le produit est femelle. Celle des deux qui l’emporte en quantité prédomine aussi dans le produit. Si, en effet, la semence faible est beaucoup plus abondante que la semence forte, la forte est vaincue, et, mêlée à la faible, se transforme en femelle ; si la forte est plus abondante que la faible, la faible est vaincue et se transforme en mâle. De même si, mêlant ensemble de la cire et de la graisse, et mettant plus de graisse, on fait fondre le mélange au feu, tant qu’il sera liquide on ne distinguera pas quelle est la substance qui l’emporte ; mais, après coagulation, on reconnaît que la graisse est plus abondante que la cire. Il en est ainsi pour la semence mâle et pour la semence femelle. — Des faits apparents permettent de conclure que dans l’homme et dans la femme est semence et mâle et femelle ; beaucoup de femmes qui avaient des filles avec leurs maris ont eu des garçons avec d’autres hommes, et les mêmes hommes qui avaient des filles avec ces femmes ont eu des garçons avec d’autres femmes ; et, au rebours, des hommes engendrant des garçons ont, avec d’autres femmes, engendré des filles. Ce discours témoigne que l’homme, comme la femme, a la semence femelle et la semence mâle. Chez ceux qui engendraient des filles, la plus forte a été vaincue par la surabondance de la plus faible, et le produit fut femelle ; chez ceux qui engendraient des garçons, la plus forte l’a emporté et le produit a été mâle. Le même homme ne fournit pas constamment ni une semence forte ni une semence faible ; mais il y a de perpétuelles variations. Il en est de même de la femme. On ne s’étonnera donc pas que les mêmes femmes et les mêmes hommes engendrent et des garçons et des filles. La génération des mâles et des femelles se comporte semblablement chez les bêtes. » (Trad. de M. Littré.)
  13. Voy., touchant l’opinion d’Aristote et des modernes sur la similitude des appareils sexuels chez l’homme et chez la femme, la Dissert. sur l’anat., et Hoffm., l. l., p. 307 et suiv.
  14. Aristote, Hist. anim. I, ix ; IV, viii ; De anim., III, i, init., est aussi d’avis que les yeux des asphalax sont sous la peau. — Voy. encore Galien, De la semence, II, v, t. IV, p. 640. — On admet généralement, en se fondant sur ces passages mêmes (mais c’est une grave erreur), que les anciens regardaient les taupes comme n’ayant point d’yeux. Olivier (Voyage dans l’emp. ottoman, t. II, p. 317-323, et Atlas, pl. 28) a démontré qu’il s’agit dans Aristote, non de la taupe, mais d’un animal qu’il a retrouvé aux environs d’Alep, et qui depuis a reçu le nom d’Asphalax-zemni.
  15. Ὅμοιοι φυλαχθέντες τοῖς τῶν ἄλλων ἔτι κυουμένων. Après ces mots du texte vulgaire mes deux manuscrits ajoutent: Οἱ δὲ ἀσφάλακες οὐδ᾽ αἀξηθέντες βλέπουσιν καιτοί γε ὑπογραφήν τινα ἔχοντες ὀφθαλμῶν. B met de plus ces quatre derniers mots au milieu de la phrase précédente, où ils ne trouvent évidemment aucune place, et de plus le copiste a intercalé dans le texte, à la uite d’ὀφθαλμῶν, la note marginale suivante : Ἔν τισι καὶ τοῦτο εὑρίσκεται. Cela (c’est-à-dire la phrase dont je viens de reproduire le texte) se trouve dans quelques manuscrits. Peut-être, et c’est l’opinion la plus vraisemblable, οἱ δε ἀσφ. — ὀφθ. (les taupes en grandissant ne voient point, bien qu’elles aient une certaine ébauche d’yeux) est-il une addition récente ; peut-être aussi tout ce passage a été oublié à cause de la similitude des désinences κυουμένων et ὀφθαλμῶν. — Suivant Daleschamps, ce membre de phrase se trouve au vieil exemplaire. Il manque dans les traductions latines. Hoffmann, dans son Appendix var. lect. le regarde comme inutile.
  16. On trouvera, dans la Dissert, sur l’anat., la traduction de l’analyse des chapitres i et ii du VIIIe livre de l’Hist. des animaux, chapitres auxquels Galien fait ici allusion.
  17. Sur cette erreur de Galien, voy. Dissert. sur la phys., et Hoffmann, p. 309.
  18. Ἀλλ᾽ οὐδὲ κώλον ἢ σπλάγχνον ὑπάρχει τὸ διηρθρώμενον. — Ce membre de phrase, qui est donné par mes deux manuscrits, et qui est aussi représenté dans les traductions latines, manque dans les textes vulgaires.
  19. Voy. Dissert, sur la phys. et Hoffmann, l. l., p. 309.
  20. Pour ce passage et pour le commencement de la phrase suivante, le texte de B est mutilé ; celui de A donne, après les mots nous allons le dire, une addition considérable, dont on ne retrouve aucune trace ni dans le texte vulgaire, ni dans les traductions latines. Je la considère plutôt comme une glose passée dans le texte de ce Mss. En voici le sens général : « Dans tout être qui est engendré il y a deux principes : la matière qui constituera l’animal, et l’art, qui est à son tour le principe du mouvement. La matière est fournie par l’un des parents, le principe formateur par l’autre. Les deux principes ne peuvent pas être fournis par le même, attendu que le même individu ne peut pas être à la fois le principe de deux effets contraires : de l’actif et du passif, de ce qui crée et de ce qui a créé, de ce qui meut et de ce qui est mû, de ce qui arrange et de ce qui est arrangé. »
  21. Théophile (V, xxvi, éd. Greenhill, p. 221-2), moins ami que Galien des spéculations théoriques, après avoir rappelé cette opinion que les parties génitales sont restées à l’intérieur chez les femmes à cause du défaut de chaleur, s’exprime ainsi : « Il serait plus vrai de dire que les parties sexuelles ont été ainsi conformées en vue de la perpétuité de la race, pour recevoir et retenir le sperme, etc. »
  22. Voy. Dissert. sur la physiologie, et Hoffmann, p. 310 et suiv.
  23. Ceux qui prétendent, dit Aristote (Hist. anim., VI, ii, § 5 ; t. III, p. 105, l. 6), que les œufs clairs sont des restes de ceux qui proviennent d’un coït antérieur, ne sont pas dans la vérité, car souvent on voit que des œufs pareils sont pondus avant tout coït par de jeunes poules et de jeunes oies. Ces œufs sont moins grands, moins savoureux et plus liquides que ceux qui sont féconds ; mais ils sont plus nombreux. Couvés, la partie liquide ne s’épaissit pas, le jaune et le blanc ne subissent aucun changement. »
  24. On lit dans Hippocrate (Epid., VI, iv, 20, t. V, p. 312) : « Quand la sécheresse est sur la terre, les oiseaux prospèrent. »
  25. Ἢ μύλην ἢ ἄλλο τι τοιοῠτον, B. — Ces quatre mots manquent dans A, et dans les textes vulgaires ; mais ils sont représentés dans la traduction latine, et paraissent nécessaires. — Les vraies môles sont considérées par les modernes comme les restes des enveloppes du germe, anormalement développées ou plus ou moins modifiées après la mort ou la destruction d’un embryon ou même d’un fœtus qui s’est résorbé en tout on partie. — Les fausses môles sont des produits tout à fait étrangers à la conception.
  26. Καθ᾽ ὃν ἐκ τοῖς περὶ τροφῆς ὀργάνων προείρηται. — Ce membre de phrase, donné par B seul, manque dans les autres textes et dans la traduction latine. — Il pourrait bien n’être qu’une glose marginale.
  27. Ici Galien a commis des erreurs anatomiques, ou systématiquement, ou pour avoir fait des observations incomplètes : d’abord les artères spermatiques droite et gauche naissent, comme les émulgentes, à une hauteur inégale, quand toutes deux proviennent de l’aorte. Quelquefois, dit M. Sappey, elles sont fournies par les artères des reins. La gauche est presque toujours plus haute que la droite, suivant M. Theile, et provient parfois de la rénale gauche. C’est peut-être une disposition analogue que Galien aura rencontrée, et qu’il aura généralisée en vue de son système, lors même que d’autres dissections lui eussent révélé la disposition qui est la plus ordinaire. Quant aux veines, la droite se décharge dans la veine cave inférieure ; la gauche se rend quelquefois à cette veine, mais le plus souvent à la rénale gauche ; or, comme les veines ont pour les anciens beaucoup plus d’importance que les artères, il se peut que ce soit à peu près exclusivement en considération des veines que Galien ait fait sa théorie, de sorte qu’à vrai dire il n’y aurait qu’une demi-erreur.
  28. Voy. Dissert. sur l’anat. et la physiologie, et XI, xix.
  29. D’après les anatomistes modernes (voy. en particulier le Traité de splanchnologie de Theile, Paris, 1845, p. 366), il est rare de voir l’artère spermatique droite partir de la rénale, ou la veine spermatique du même côté s’aboucher par un ou plusieurs troncs dans la veine rénale, mais sans que ces anomalies soient signalées comme dépendant d’une modification dans la position des reins.
  30. Les deux manuscrits complètent la citation d’Hippocrate : « Attendu qu’à huit mois, chez les primipares, est achevée la formation du fœtus, et que l’aliment change de place (c’est-à-dire se porte aux mamelles). » Il est probable que ce complément est du fait des copistes, et non de Galien (cf. aussi son Comm. sur le passage précité des Épid., § 36, t. XVIIA, p. 454) ; il manque dans les textes vulgaires et dans les traductions latines.
  31. Platon, dans le Timée, p. 91 b-c, se sert d’une expression en tout semblable ; il présente les organes génitaux de l’homme comme des animaux privés de raison et furieux quant ils sont poussés par les désirs vénériens. — Voy. aussi p. 89, note 1.
  32. Ἀγήρωτα καὶ ἄφθαρτον εἰσαεὶ τὸ γένος — Ἀγήρωτα καί est donné seulement par B.
  33. Voy. Arist., Gener. anim., I, xx.
  34. Cf. Sur la nature du sperme, la discussion d’Aristote dans Gener. anim., II, ii, et la Dissert. sur la physiologie.
  35. Dans Aulu-Gelle (Noct. atticœ, XIX, ii, fine, t. II, p. 222, éd. Hertz), on lit : « Hippocrates divina vir scientia, de coitu venerio ita existimabat partem esse quandam morbi tæterrimi quem nostri comitialem dixerunt ; namque ipsius verba haec traduntur : Τὴν συνουσίαν εἶναι μίκραν ἐπιληψίαν. » — Je crois pouvoir affirmer que ce passage ne se trouve pas dans les ouvrages d’Hippocrate arrivés jusqu’à nous. Or, comme il n’est pas probable qu’Aulu-Gelle ait été, sous ce rapport, plus riche qu’on ne l’est actuellement, je pense qu’il a cité à faux. Stobée (Florilegium, VI, 57), Clément d’Alexandrie, dans son Pédagogue (II, 10), et d’autres auteurs attribuent précisément la même opinion et dans les mêmes termes à Démocrite. — Voy, pour de plus amples renseignements, Mullach, Democriti Fragm., p. 268.
  36. Voy. Dissert. sur la physiologie, et Hoffmann, l. l., p. 319.
  37. Hoffmann, l. l., p. 322, remarque que la prétendue démonstration ne se trouve pas dans le traité Du sperme, il pense que ce passage est corrompu. Les manuscrits ne fournissent aucune lumière.
  38. Voy. chap. IX fine ; Dissert. sur l’anat. et Hoffmann, l. l., p. 322 suiv.
  39. Le manuscrit A omet cette phrase et la suivante ; il omet également plusieurs autres passages assez étendus de ce chapitre ; mais ce sont évidemment des fautes de copistes.
  40. Comme les anciens, et Galien en particulier, voulaient trouver une analogie parfaite entre les différentes parties des organes génitaux mâles et femelles, ils se sont imaginé que les ligaments ronds et ceux de l’ovaire étaient des canaux qui débouchaient dans la matrice pour y verser un liquide analogue au liquide prostatique ; aussi Galien appelle-t-il ces ligaments du nom de parastates adénoïdes, comme il appelle les trompes parastates cirsoïdes par comparaison avec les canaux déférents. Voy. aussi Dissert. sur l’anatomie. — Il me semble, du reste, que dans la description de la prostate Galien se réfère particulièrement aux prostates lobées de certains mammifères.
  41. Voy. Dissert. sur la physiologie, et Hoffmann, l. l., p. 324-5.
  42. Ici j’ai suivi les Mss ; le texte vulgaire est tout à fait altéré par l’omission du mot οὔδε.
  43. Voy., pour cette question, Cuvier, Anat. comparée, t. VIII, p. 28-30, et Dissert. sur l’anatomie.
  44. Voy. Cuvier, Anat. comparée, t. VIII, p. 110 et p. 116.
  45. Galien entend sans doute ici le canal déférent, l’artère et la veine destinées au testicule.
  46. Pour cette phrase, j’ai suivi les manuscrits A et B, et je n’ai tenu aucun compte de la ponctuation du texte imprimé.
  47. Pour ce passage très-corrompu dans le texte vulg., j’ai suivi les manuscrits A et B.
  48. J’ai à peine besoin de rappeler que, suivant les anciens, la matrice faisait des voyages à travers l’abdomen. — Voy. du reste Hoffmann, l. l., p. 329-30, et Dissert. sur la physiologie.
  49. Voy. Dissert. sur l’anatomie, et Hoffmann, l. l., p. 330.