Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 20
a Les gutturales א, ה, ח, ע (§ 5 j−l) pouvaient sans doute être redoublées, c.-à-d. prolongées, à une certaine époque, en hébreu comme en sémitique commun et maintenant encore en arabe. Mais au stade de l’hébreu que nous connaissons les gutturales ne sont jamais redoublées, autrement dit ne sont jamais vraiment longues. Mais elles peuvent, comme les consonnes non gutturales, avoir un redoublement faible ou redoublement virtuel, c.-à-d. avoir une longueur moyenne (§ 18 b). Ce redoublement faible est le reste d’un redoublement fort antérieur, sauf dans le cas du redoublement spontané du ח (§ c). La consonne linguale ר ne peut avoir ni le redoublement fort (sauf de très rares exceptions, § 23 a) ni le redoublement faible.
Une forme avec redoublement fort primitif de la gutturale peut, dans l’hébreu que nous connaissons, ou garder un redoublement faible, p. ex. dans le futur piel יְבַעֵר i̯eḇa̦ʿˉ̆ẹr « il consumera », ou ne garder aucun redoublement, p. ex. dans l’infinitif piel בָּעֵר. La raison pour laquelle on a tantôt le redoublement virtuel, tantôt aucun redoublement, comme dans les deux exemples cités, n’apparaît pas. Dans le type יֵֽעָמֵד (fut. nifal des verbes à 1re gutturale) on n’a jamais le redoublement virtuel (§ 68 c).
L’aptitude des gutturales au redoublement virtuel est très inégale. Elle est grande pour ח, assez grande pour ה, faible pour ע, très faible pour א, nulle pour ר. L’ordre d’aptitude est donc ח > ה > ע > א > ר.
b Quand il y a redoublement virtuel, la syllabe est censée fermée, et l’on a les voyelles de syllabe fermée aiguë, p. ex. dans יְבַעֵר comme dans יְקַטֵּל. Quand il n’y a aucun redoublement, la syllabe est ouverte, et l’on a les voyelles de syllabe ouverte[1], à savoir les voyelles moyennes ◌ָֽ, ◌ֵ, ◌ֹ. Exemples avec ר : dans la conjugaison intensive du verbe bénir on a p. ex. : יְבָרֵךְ, בֵּרַךְ (P. בֵּרֵ֑ךְ), בֹּרַךְ (cf. § 18 e).
c Redoublement spontané du ח. De même que les consonnes non-gutturales (§ 18 d) la gutturale ח prend parfois un redoublement virtuel spontané. Cette propriété s’explique par la nature du son ḥ (§ 5 k). Ce redoublement est un phénomène secondaire ; il ne peut guère s’expliquer par l’affaiblissement d’un redoublement fort, car il se trouve en des mots où la gutturale ne demande pas de redoublement. Ce redoublement se trouve :
- 1) dans le pluriel de אָח frère (أَخ ʾaḫ) à l’état abs. אַחִים ʾaḥḥīm, et avec les suffixes légers, p. ex. אַחַי (P. אֶחָ֑י), אֶחָיו (pour le ◌ֶ cf. § 29 f) ; cf. § 98 b.
- 2) dans le singulier de l’adjectif numéral אֶחָד un, f. אַחַ֫ת (mais pl. אֲחָדִים). Forme qatal ; comp. ar. أَحَد ʾaḥad. Cf. § 100 b.
- 3) dans le singulier de l’adjectif אַחֵר autre (rac. اخر ʾḫr), f. אַחֶ֫רֶת (mais pl. אֲחֵרִים, אֲחֵרוֹת). Forme qatil.
- 4) dans la préposition אַחַ֫ר après (§ 103 n) (proprement état cst. d’un substantif de forme qatal dont l’état abs. n’existe pas ; rac. اخر ʾḫr) (mais la préposition avec la forme de l’état cst. pl. est אַֽחֲרֵי).
- 5) dans le nom מִבְטָח confiance avec suffixes, p. ex. מִבְטַחִי § 96 C b.
- ↑ Il n’y a donc pas lieu de parler d’allongement compensatoire de la voyelle, car on n’a pas une voyelle longue, mais une voyelle moyenne, qui est normale dans cette position.