Aller au contenu

Kiel et Tanger/02/21

La bibliothèque libre.

XXI

« HUMILIATION SANS PRÉCÉDENT » ET
« CHOSE UNIQUE DANS L’HISTOIRE » :
DE MARS À JUIN 1905.

Non, certes, ce qu’on poursuivait n’était pas la Revanche. Non, l’on ne voulait pas attaquer l’Allemagne. Mais, comme un somnambule, on suivait des chemins dans lesquels on devait nécessairement, la rencontrer, armée. Nous ne la visions pas, mais elle se voyait visée par l’Angleterre, qui nous conduisait par la main. Or, en mars 1905, la grossière parole de M. Maurice Rouvier n’était pas sans justesse : il y avait quelque chose de changé en Europe, il y avait « Moukden ». Le flanc oriental de l’Empire allemand était affranchi de toute menace russe.

Peut-être, après les premières défaites asiatiques et dès le milieu de l’année précédente, dès Lyao-Yang, en septembre 1904, eût-il été facile à un ministre des Affaires étrangères français de prévoir ce péril. Des esprits politiques auraient pris garde à ce nouvel élément pour en parer les conséquences. Mais, M. Delcassé, n’ayant rien su la veille de l’ouverture des hostilités russo-japonaises ne se fit une idée nette ni du cours que prenait cette guerre ni des répercussions qu’elle devait avoir. Les collaborateurs de M. Loubet ne montrèrent leur sollicitude militaire, maritime et diplomatique qu’après avoir subi le contre-coup des disgrâces de leur allié. Ils procédaient comme le Barbare de Démosthène : « S’il reçoit un coup, il y porte aussitôt la main. Le frappe-t-on ailleurs ? Il y porte la main encore. Mais de parer le coup qu’on lui destine, il n’en a pas l’adresse et même il n’y pense pas[1]. » Aucune prévision n’occupa nos ministres durant les progrès japonais de 1904, Au budget pour 1905, le compte de la préparation matérielle à la guerre (constructions neuves et approvisionnements de réserves) a été réduit à 27 millions (de 100 millions en 1904), et c’était l’année même où l’Allemagne élevait le même budget de 85 à 137 millions[2]. Le général André, ministre de la Guerre, consentait ces économies qui ne coûtaient rien aux parlementaires. Au surplus, qu’on se rappelle l’histoire de France dans les trois derniers quarts de 1904 ! On saura à quoi s’occupait le Gouvernement chargé de défendre la frontière et l’honneur français.

C’est un accident, la découverte des fiches, c’est un autre accident, la gifle de Syveton, qui, tout à la fin de l’année, eurent raison du général André. C’est l’année suivante, en janvier, que fut congédié M. Pelletan, destructeur de notre marine. Jusque-là donc nos flottes et nos régiments étaient administrés par leurs ennemis naturels, Le général de Négrier avait donné sa démission d’inspecteur d’armée quelques mois auparavant, parce que, disait un de ses rapports[3], « on croit que la froniière de l’Est est couverte, et elle ne l’est pas ». Qu’importait ! Le roi d’Italie et le roi d’Angleterre nous faisaient des visites ou nous en annonçaient. Tous les sots du pays faisaient escorte à M. d’Estournelles de Constant, qui leur prêchait l’évangile du pacifisme. Après trente-cinq années de préparatifs militaires, notre monde politique, représenté par une presse anarchiste et cosmopolite, provoquait les Russes à la révolution. Toutes les puissances judiciaires de l’État étaient employées à flétrir quatre officiers sans reproche emprisonnés sur une accusation infâme dont on finit par reconnaître l’absolue vanité, car elle avait été forgée de toutes pièces au ministère de la Guerre par des criminels bien connus, mais restés impunis, et qui ont même été abondamment récompensés, parce que l’objet de leur crime avait été de satisfaire les partisans du traître Dreyfus. Entre temps, on votait une loi militaire destinée à bien disposer les électeurs : ils ne feraient plus que deux ans[4] !

En regard de ce peuple où tout se déchire, où le civil et le militaire sont ennemis, où le simple soldat fait peur au gradé, où l’officier en est réduit à fuir l’officier, où l’indiscipline politique engendre une indiscipline sociale et religieuse qui s’étend à tout et à tous, — en regard du pays où, qui plus, qui moins, tout le monde, fredonne, à son rang

… que nos balles
Sont pour nos propres généraux,

en regard du triste pays qu’est devenue la France, se dressait, — sur un peuple beaucoup moins bien doué, sur un territoire beaucoup moins riche, moins fécond, nullement prédestiné à nourrir un corps de nation — se dressait un État dont le seul avantage était de reposer sur un principe juste développant des mœurs politiques saines.

Le même prince y règne depuis dix-sept ans. Le chef d’état-major que ce prince devait congédier en 1906 était en fonctions depuis plus de quinze ans et, depuis 1821, date de l’institution de l’état-major prussien, c’était seulement le sixième titulaire du poste[5], Ce qui environne ce prince est tout à l’avenant : robuste, ancien, remis à neuf de temps à autre. Un pareil ordre, ayant pour caractères la prévoyance et la tradition, pour base le passé et pour objectif l’avenir, peut compenser des infériorités et des lacunes dans le caractère de la nation. La méthode, la discipline, l’économie, suppléant aux dons spontanés, ont mis sur pied un mécanisme qui fonctionne vigoureusement, activé par les impulsions, souvent singulières, d’autres fois merveilleusement sagaces et claires, du souverain qu’on appelle chez lui avec un mélange de dérision, de stupeur et d’admiration, « l’Empereur français ».

Son projet avait été étudié avec soin. Il l’avait mûri dans la solitude d’une croisière. On le vit, dit-on, hésiter après la station de Lisbonne, par suite des représentations d’une fille de France, la reine Amélie de Portugal[6] Mais le bolide était lancé. Le 31 mars 1905, Guillaume II débarquait à Tanger et annulait d’un geste toutes les compensations idéales que les Anglais avaient accordées aux Français en échange de l’Égypte et de Terre-Neuve. Il déclarait que le sultan du Maroc était pour lui un « souverain indépendant », et que ce souverain devait tenir le pays ouvert à la concurrence pacifique « de toutes les nations, sans monopole et sans annexion ». « L’Empire», disait-il encore, « a de très gros intérêts au Maroc. » Le progrès de son commerce, poursuivait-il, ne sera possible « qu’en considérant comme ayant des droits égaux toutes les puissances par la souveraineté du Sultan et avec l’indépendance du pays ». Il conclut lapidairement : « Ma visite est la reconnaissance de cette indépendance. »

Ce texte si net a été communiqué comme officiel soit aux Agences, soit même au Livre Jaune[7]. Une version plausible porte : « Je n’admettrai pas qu’une autre puissance y prenne une prépondérance. » Dès lors, quoi qu’il dût advenir, l’amitié de la population marocaine était assurée à la « pénétration pacifique de l’Allemagne ». La conférence d’Algésiras fera plus tard ce qu’elle voudra. Un résultat se trouve acquis, d’ores et déjà : la libre colonisation allemande est inaugurée au Maroc. Comme au Brésil[8], comme à Anvers, comme à Chicago, une nouvelle Allemagne est en formation sur ce territoire. Satisfait de son œuvre, l’empereur se rembarque et fait voile pour l’Italie.

En Italie, de Naples, nous est signifiée notre seconde erreur. Non seulement le Maroc n’a jamais été à nous, mais on nie, d’un accent hautain, que l’Italie nous soit acquise, ainsi que nous avions eu la simplicité de nous en vanter. Le roi Victor-Emmanuel, levant son verre devant l’Empereur, répète avec insistance la formule des « deux peuples alliés » et souhaite « la prospérité de la noble nation allemande, alliée fidèle de l’Italie ». Guillaume lui répond en vantant la Triple-Alliance, « gage sûr et solide de la paix », protectrice de leurs « deux peuples ». Il se déclare « fermement confiant dans l’alliance fidèle et dans l’amitié intime de l’Italie et de son auguste souverain ». Les deux souverains pouvaient paraître divisés sur le papier des arrangements signés avec d’autres puissances, mais ils se donnaient publiquement rendez-vous du même côté des champs de bataille futurs.

Ce que signifiait de prochain la course de Guillaume, il n’était pas facile de le saisir. On ne voyait pas que l’empereur eût un intérêt immédiat à risquer la guerre avec l’Angleterre ; ses constructions navales étaient encore loin du terme. Mais, le geste et la voix étaient assez pressants. Provisoirement, il tâtait, il éprouvait la solidité des alliances d’Édouard VII. La conférence d’Algésiras a depuis témoigné que ces alliances n’étaient point trop mal agencées et résistaient à l’épreuve du tapis vert. Mais, plus tard, les incidents balkaniques ont prouvé à leur tour que la force du fait resterait acquise aux gros bataillons de l’Europe centrale et à la combinaison triplicienne qui les représente.

Quoi qu’il en soit, la vérité oblige à dire que le discours de Tanger résonna comme un coup de foudre à Paris ; le saisissement fut considérable. Assurément, sauf dans les marécages politiques délimités par le Palais-Bourbon, l’Élysée et la Place Beauvau, aucun Français n’eut peur, aucun ne trembla ; mais tout le monde vit que l’affaire était grave. Précisément, on discutait de théologie et de droit canon à la Chambre. Cela fit dire à beaucoup de gens, notamment à un homme d’esprit de profession nommé Harduin, à qui il est utile d’emprunter ce texte qui fera foi : « Ah ! oui, il s’agit bien de la séparation de l’Église et de l’État en ce moment, et du fameux article 4 ! Si nous le croyons, et nous avons tout l’air de le croire, nous sommes de fameux Byzantins. » Ces Byzantins n’étaient qu’au Parlement, dans les Loges et dans quelques rédactions de journaux. La nation comprit qu’il s’agissait de sa vie, de sa mort et de son honneur.

Le Gouvernement voulut faire une expérience. Il envoya une mission militaire, composée d’officiers de la plus haute distinction, pour le représenter au mariage du prince impérial allemand. Les délégués furent bien reçus comme militaires, et la mission, comme mission, presque éconduite. L’empereur imagina même de compléter les journées de Tanger et de Naples : il vint inaugurer un monument à Metz.

Il était naturel que le roi d’Angleterre fit alors sentir sa présence et sa volonté. Ayant intérêt à des chocs maritimes aussi prompts que possibles, Édouard VII aurait pu pousser au conflit immédiat. Plus d’un faiseur de pronostics annonçait qu’il y aiderait, pour écraser dans l’œuf la nouvelle flotte allemande. Il préféra resserrer ses liens avec le Japon, donner la paix aux Russes et les appeler dans sa ligue contre l’Allemagne. Comme il ne réussit pas tout d’abord en ce dernier projet, l’intervention aggrava la crise sans la résoudre. Le représentant de l’Angleterre au Maroc eut mandat d’appuyer fortement la cause française. La presse de Londres éclata en invectives contre Guillaume II. Édouard VII tint à l’ambassadeur impérial un langage plein d’énergie.

Il fut plus net encore devant l’ambassadeur français, qui en rendit compte à son Gouvernement dans une dépêche historique déclarant que, en présence de l’attitude de l’Allemagne, « il était autorisé à déclarer que le Gouvernement anglais était prêt à entrer dans l’examen d’un accord de nature à garantir les intérêts communs des deux nations, s’ils étaient menacés ». Or, « cette dépêche », a dit M. Maurice Sarraut, « fut communiquée, le jour même de l’arrivée du roi d’Espagne à Paris, par M. Delcassé à M. le Président de la République et à M. Rouvier : le lendemain elle était connue à Berlin ! » — « Comment et par qui avait-elle été communiquée ? » poursuit M. Sarraut. « Voilà ce qu’on n’a jamais pu savoir. »

Le Gouvernement de la République tremblait déjà. Avait-il intérêt à trembler davantage ? En avait-il simplement envie ? L’événement fut précipité. Averti par l’un ou par l’autre, mais enfin averti des intentions anglaises par un très haut personnage républicain, se croyant ainsi assuré qu’on répondait à sa menace de la veille par des préparatifs qui, eux, aboutiraient infailliblement à l’action — une action qu’à ce moment-là il désirait, peut-être autant et peut-être un peu moins que son bon oncle de Londres — l’empereur éleva le ton de ses journaux.

La presse allemande déclara que la France servirait d’otage à l’Allemagne si l’Angleterre s’avisait jamais de menacer la flotte de l’Empire : pour chaque milliard de perdu sur la mer, on saurait retrouver deux milliards à terre, dût-on aller les demander jusqu’à Paris. Cet aimable langage fut accueilli en France comme il le méritait. L’esprit public fit tête. La nation ne se troubla point. Les journaux qui ont dit le contraire ont menti. Nous sommes des témoins et nous avons vu. Redisons que notre France n’a pas eu peur. On ne peut en dire autant de ceux qui la gouvernaient.

Le doute sur leurs appréhensions fut quelque temps possible. Nous savons maintenant, par des confidences dont l’origine est sûre, car elles émanent tout à la fois du monde radical et du monde modéré, que, non content d’agir par la presse, l’empereur faisait des menaces officieuses et officielles pressantes. Ce que des particuliers osaient imprimer à Berlin, les autorités de l’empire le disaient dans les mêmes termes. Ce langage de barbares ou d’énergumènes aura été, à cette époque, celui de la diplomatie. M. Clemenceau, dans l’Aurore du 21 septembre 1905, nous atteste que c’étaient « bien des voix autorisées » qui avaient porté à Paris le chantage prussien ; le même jour, M. Latapie[9], de La Liberté, continua et précisa les révélations de M. Clemenceau.

Quelles étaient « ces voix autorisées » ? dit M. Latapie. Jugeant qu’il n’y a plus d’inconvénient à les faire connaître, ce républicain a écrit : « C’est l’empereur allemand qui a proféré la menace et l’a fait signifier par son ambassadeur, le prince Radolin, au président du Conseil de France. » Dans une entrevue, toute privée, mais qui restera « un des incidents les plus graves et les plus douloureux de notre histoire », il fut demandé, exigé : que la France accomplit « un acte » et prît « une mesure » qui apparût nettement en opposition avec les faits publics de l’Entente cordiale franco-anglaise dont Guillaume II se montrait de plus en plus irrité. Le sacrifice du ministre des Affaires étrangères était indiqué comme suffisant, mais aussi comme nécessaire : le congé, le départ de l’homme qui s’était vanté de « rouler » l’empereur et d’« isoler » l’empire devant être considéré partout comme la conséquence et l’écho direct du discours de Tanger. La voix de l’empereur entendue au loin aurait fait tomber le chef de service français !

À Paris, les ministres estimèrent, avec raison, que l’énoncé d’une telle proposition suffisait à constituer une nouvelle offense pour le pays. « Ils hésitaient », assure M. Latapie, dont personne n’a démenti la version cruelle. Quant au Président de la République, « il avait le cœur déchiré ! » — « Il faut que les ministres sachent au moins ce qu’ils risquent », fit dire alors Guillaume II. « Nancy pris en vingt-quatre heures, l’armée allemande devant Paris dans trois semaines, la révolution dans quinze grandes villes de France et sept milliards à payer pour les dégâts que ne manquera pas de causer la flotte anglaise à la flotte allemande… »

Ce n’est malheureusement pas la première fois que l’on parle ainsi à la France. C’est la première qu’un tel langage est supporté et que l’on y répond en accordant tout. M. Rouvier, dont il est difficile d’imaginer le port de tête en cette circonstance, alla faire la commission de l’ambassadeur aux ministres et au président. Il paraît que M. Delcassé balbutia : « Mobilisons. » Mais ses collègues le regardèrent avec stupeur. Mobiliser l’armée française en 1905. Hélas ! l’état du commandement ! Hélas ! l’état de la troupe ! Hélas ! l’état de l’opinion ! La guerre enfin, la guerre, estimée de tout temps dangereuse à la République, soit qu’elle fût victorieuse ou qu’elle amenât des revers[10] !

Le bruit d’armes passait le Rhin. Des mouvements mystérieux s’effectuaient sur la frontière. Les émissaires impériaux inondaient Paris, et chacun précisant le rude ultimatum. M. Rouvier prit son parti. M. Loubet dut le subir, et quoi que pussent faire dire l’Italie et l’Angleterre, constituées en cette occasion les dernières gardiennes de notre dignité, malgré M. Reinach et M. Clemenceau qui s’étaient faits les porte-paroles des deux puissances désireuses de nous enfoncer dans un mauvais pas, on en passa par la volonté de Guillaume. La « chose unique dans l’histoire[11] » eut lieu. L’empereur reçut la victime telle qu’il l’avait choisie et marquée : le 6 juin 1905, M. Delcassé apporta sa démission. Dans les salons du quai d’Orsay, qui sont le centre de notre action dans le monde, M. Delcassé avait dit, six ans auparavant, au commandant Cuignet : — Quand je parle, c’est la France qui parle. Malgré tout ce qu’il faut penser du système, du rôle et du personnage de ce ministre présomptueux, il demeure certain que, le jour de sa chute, la France est tombée avec lui. L’injure, commencée le 31 mars à Tanger, consommée à Paris le 6 juin, est la plus grande et la plus grave que ce peuple ait eu à souffrir. On sait le nom qu’elle gardera dans l’histoire. « Humiliation sans précédent », a dit un historiographe républicain, fonctionnaire républicain, rédacteur de plusieurs journaux de la République, et qui rendait ainsi un hommage complet à l’ensemble des régimes antérieurs[12]. Aucun d’eux n’avait vu cela : en pleine paix, sans coup férir, le renvoi d’un de nos ministres par une puissance étrangère !

  1. Première Philippique.
  2. Le Général Langlois, Temps du 26 février, d’après M. Klotz, député, rapporteur du budget de la Guerre. — Tandis que le fait matériel de la guerre d’Extrême-Orient n’éveillait même pas l’inquiétude de la défense nationale chez nous, l’Angleterre en utilisait rapidement les leçons et les exemples concrets. Dès le lendemain des défaites russes qui révélaient le rôle décisif des grands cuirassés, elle mettait en chantier le Dreadnought (1905).
  3. M. Louis Dausset, dans la Liberté du 6 avril 1906, a publié la note suivante, signée du général de Négrier, et relative aux événements de 1904-1905 :

    « Mon rapport sur la situation à la frontière a été remis par moi-même au cabinet du ministre le 23 juillet 1904, à 5 h. 45 du soir.

    « Le jour même, je me suis rendu à l’Élysée, où j’ai laissé copie de la lettre d’envoi du rapport.

    « M. le Président de la République m’a fait appeler le 27 juillet pour m’entretenir de cette lettre elle se termine ainsi ;

    « Dans ces conditions, l’estime que je ne dois pas conserver en temps de paix des fonctions dont je ne pourrais pas remplir les obligations en temps de guerre, et, d’autre part, mon devoir est de dégager, vis-à-vis du pays, la responsabilité des généraux et des troupes du VIIe corps, relativement à leur situation à la frontière.

    « En conséquence, j’ai l’honneur de vous demaader de me relever de ma fonction de membre du Conseil supérieur de la Guerre et de me placer en disponibilité, en attendant mon passage dans la 2e section du cadre de l’état-major général de l’armée. Négrier. »

  4. « Quand les Allemands ont, en 1893, mis à l’essai le service de deux ans pour l’infanterie, ils ont eu soin d’accroître sensiblement leurs cadres de sous-officiers. Actuellement, le nombre de leurs sous-officiers dépasse 82.000, tous rengagés, du reste. Nous, nous n’en comptons que 50.000. » Pierre Baudin, L’Alerte, 1906.
  5. En Angleterre, M. de Chaudordy compte, de 1783 à 1895, c’est-à-dire en plus d’un siècle, trente-trois ministères ; il y en a eu trente-cinq en France de 1870 à 1895.
  6. MM. Denis Guibert et Henri Ferrette, qui indiquent le fait, sont républicains tous les deux.
  7. Voir l’analyse des deux discours prononcés par Guillaume II le 31 mars 1905 à Tanger, dans le livre d’André Mévil : De la paix de Francfort à la Conférence d’Algésiras.
  8. « Les immenses richesses de ces vastes territoires encore vierges réalisent le rêve d’une plus grande Allemagne, économiquement indépendante, au-delà des mers. Déjà 500.000 Allemands et leur progéniture résident au Brésil. Dans le sud, ils sont l’élément dirigeant : leurs factoreries, leurs fabriques, leurs fermes, leurs magasins, leurs écoles, leurs églises, couvrent toute la contrée. Le portugais, langage officiel du pays, est remplacé par l’allemand dans nombre de communes. Des capitaux allemands s’élevant à 20 millions de livres sont placés dans les banques, les tramways, les ouvrages électriques, les mines, les plantations de café, etc., sous la protection du drapeau allemand.

    « Un réseau de chemins de fer traversant le pays et un projet de réseau plus étendu encore sont entre les mains des capitalistes allemands. Dans tout le grand trafic de l’Océan, dans celui des côtes ainsi que dans la navigation de l’Amazone, les Allemands prédominent.

    « La germanisation du Brésil n’est pas un projet datant du xixe siècle ; il y a soixante-dix ans qu’elle est entreprise, bien qu’elle ne soit poursuivie de façon agressive que depuis dix ans environ, époque qui coïncide avec la naissance et le développement de ce mouvement expansionniste exubérant connu sous le nom de pangermanisme.

    « Dans les nombreuses communautés peuplées uniquement de Germains, le gouvernement allemand autonome existe. Les États du Brésil sont divisés en petits districts, Parmi ceux-ci, il en est des quantités qui sont administrés pour et par des Allemands. Ils ont le droit même de maintenir un système de taxation pour l’entretien d’églises et d’écoles exclusivement allemandes. L’allemand est parlé partout. » (L’Énergie française par André Chéradame)

  9. Il faut lire la belle enquête de M. Latapie « sur la frontière de l’Est et en Allemagne », Sommes-nous préts ?
  10. D’après M. Pierre Baudin (L’Alerte), et M. André Tardieu (La Conférence d’Algésiras), les lacunes de notre situation militaire, telles qu’on dut les constater en 1905, s’élevaient à 224.190.200 francs. Et ces dépenses n’étaient pas des dépenses imprévues, c’était pour exécuter en quelques mois des commandes qu’on aurait dû faire en quelques années ; c’était pour combler des vides énormes dans des stoks de marchandise, pour mettre en état nos quatre grandes places fortes, pour compléter l’armement et l’équipement de l’armée, pour quelques travaux de chemin de fer absolument indispensables à la concentration telle qu’elle était prévue par le plan de mobilisation…
  11. Ce mot est de M. André Mévil dans son livre : De la paix de Francfort à la Conférence d’Algésiras.
  12. C’est M. André Tardieu, auteur du Bulletin de l’Étranger dans le Temps du 5 juin 1908, qui caractérisa de la sorte, trois années presque jour pour jour après l’événement, cette démission de M. Delcassé sur l’injonction de l’empereur Guillaume II. L’année suivante, le 20 juillet 1909, à la tribune de la Chambre, M. Clemenceau, président du Conseil, appela cet événement « la plus grande humiliation que nous ayons subie ». La Chambre semble avoir renversé M. Clemenceau dans le dépit et dans la rage que cette vérité, éclatante et sonore, lui aurait inspirée. En tout cas, ce mot vrai et dur n’y fut point étranger.