L’Alcoran (Traduction de Du Ryer)/44

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Traduction par André Du Ryer.
Antoine de Sommaville (p. 473-476).



LE CHAPITRE DE LA FUMÉE,
contenant cinquante-neuf verſets,
eſcrit à la Meque.


AU Nom de Dieu clement & miſericordieux. Dieu en prudent & sage. Je jure par le livre qui distingue le bien d’avec le mal, que nous l’avons envoyé la nuit de benediction, pour enseigner au peuple les tourmens de l'Enfer ; Ce livre explique nos commandemens & tout ce que nous avons cy-devant ordonné aux Prophetes, c’est une grace speciale de ton Seigneur, il entend tout et sçait tout, il est le Seigneur du Ciel & de la Terre, & de tout ce qui eſt entr’eux, croyez en ſa toute-Puiſſance. Il n’y a point de Dieu que luy, il donne la vie & la mort à qui bon luy ſemble, il eſt voſtre Seigneur, le Seigneur de vos peres & de vos predeceſſeurs, les impies ſe mocquent de ce diſcours, mais le jour du Jugement les attend, ce jour le Ciel ſemblera de la fumée qui couvrira le monde; ce jour le peuple dira, voicy des tourmens douloureux, Seigneur delivre-nous de cette miſere nous croirons en ta loy : Leur converſion ſera inutile, parce que quand le Prophete les a preſchés, ils ſe ſont mocqués de ſes paroles, & ont dit qu’il eſtoit un maiſtre fol, & lors qu’ils ont eſté ſoulagez en terre; ils ſont retournez en leur impieté : Souviens-toy -du jour qu’ils eſté-ont vaincus, & pris par force, & que nous nous ſommes vengés de leur impieté. Nous avons cy-devant eſprouvé les gens de Pharaon, mon Prophete bien aymé leur a preſché mes commandemens, & a dit, Venez ſuivez-moy, ô ſerviteurs de Dieu, je ſuis fidelle Meſſager de ſa divine Majeſté, ne vous eſlevez pas contre ſa loy, je vous enſeigneray ſes commandemens, il me gardera de voſtre colere, il me preſervera d’eſtre lapidé ; ſi vous ne me voulez pas croire, eſloignez vous de moy. Il pria ſon Seigneur lors qu’il cogneut que ce peuple eſtoit infidelle & meſchant. Dieu luy dit, ſors la nuit de la ville avec mes ſerviteurs, ſi les gens de Pharaon te pourſuivent, entre dedans la mer par un chemin large & ſpacieux, tes ennemis qui te ſuivront ſeront ſubmergez. Combien ont ils quitté de jardins, de fontaines, & de lieux de plaiſance où ils prenoient leurs plaiſirs ? ils ſont tombez au pouvoir d’autruy avec tous leurs treſors, & perſonne ne les a regrettez ny au Ciel ny en laTerre, ils n’attendoient pas cette punition. Nous avons delivrés les enfans d’Iſraël de la tyrannie de Pharaon, il eſtoit puiſſant & grand pecheur. Nous les avons eſleus par noſtre certaine ſcience entre tout le monde, & les avons eſprouvez par nos mirſeres, & par nos commandemens. Les impies diſent, nous-mourrons & ne reſſuſciterons pas, ſi la reſurection eſt veritable faits reſſuſciter nos peres pour faire paroiſtre la verité de tes-paroles ; Sonr ils plus puiſſans que ceux qui les ont precedez, que nous avons exterminez à cauſe de leur impieté ? nous n’avons pas inutilement creé le Ciel & la Terre, & tout ce qui eſt entr’eux, nous les avons creés pour ſignes certains de noſtre unité, la plus grande partie du monde ne le cognoit pas, le jour du Jugement eſt le temps ordonné pour leur punition, ce jour perſonne ne pourra ſauner ſon prochain, ny ſon-parent, ny ſon amy, perſonne ne ſera ſauvé que ceux à qui Dieu donnera ſa miſericorde ; il eſt tout-Puiſſant & miſericordieux. Le Fruict de l’Arbre d’Enfer appellé Zacon ſervira de nourriture aux impies, il boüillira dedans leur ventre comme de la poix, & comme de l’eau. On criera, prenez les impies, traiſnez-les dedans le Feu d’Enfer, verſez ſur leurs teſtes toute ſorte de tourmens : On leur dira, gouſtez les peines de l’Enfer, vous croyez eſtre les tout-puiſſans & precieux en terre, voila la punition dont vous avez douté: Les gens de bien ſeront dans des lieux delicieux, dans des jardins ornez de fontaines, ils ſeront veſtus de pourpre, ils ſe verront tous en face, nous les aſſemblerons avec des femmes pures & nettes, qui auront les yeux tres-beaux, ils auront des fruicts delicieux & ſavoureux de toute ſaiſon, ils n’y mourront jamais, & ſeront delivrez des tourmens de l’Enfer par la grace ſpecialle de ton Seigneur, voila la ſupréme felicité. Certainement nous avons envoyé l’Alcoran en ta langue, peut-eſtre que les Arabes le comprendront, ils souhaittent ta ruyne, mais perſevere & attens·le temps de la punition de leurs crimes.