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L’Encyclopédie/1re édition/CRACHAT

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CRACHAT, s. m. (Medecine.) Les Medecins donnent ordinairement ce nom à toutes les matieres évacuées par la bouche, en conséquence des mouvemens & des secousses de l’expectoration. Voyez Expectoration.

Tous les sucs qui aboutissent à l’intérieur de la bouche par différens couloirs, sont donc la matiere des crachats, excepté la salive proprement dite, dont le flux ou l’écoulement contre nature s’appelle salivation. Voyez Salivation. On ne désigne à proprement parler par le mot de crachat, que les matieres qui sortent de la trachée-artere, de la gorge, des narines & des amygdales. Voyez Expectoration, Amygdales, Trachée-artere, &c. Il ne se présente aucune considération physiologique particuliere sur la secrétion & la nature des crachats. Voyez Secrétions, Excrétion, Glande. Nous allons donc les considérer comme un phénomene de l’histoire des maladies, & déterminer d’après les bons observateurs, les caracteres distinctifs des différentes especes de crachats sur lesquels le medecin peut fonder son diagnostic & son prognostic.

Il faut cependant remarquer d’abord qu’il ne paroît point aisé de décider si l’excrétion ou même la formation des crachats, peut jamais être dans l’ordre naturel ; car comme il paroît que la fonction des glandes, dont ils sont les produits, ne consiste qu’à séparer une espece de mucosité onctueuse propre à lubrifier certaines parties, il semble que cette mucosité ne peut se ramasser & former la matiere des crachats, que les parties dans lesquelles elle s’accumule jusqu’à un certain point, ne soient plus ou moins viciées.

Selon cette idée, un homme qui se porteroit parfaitement bien, ne devroit jamais cracher ; cependant comme bien des personnes crachent sans paroître réellement incommodées, il semble que les crachats peuvent quelquefois tenir lieu d’une excrétion naturelle, & être considérés sous cet aspect.

Quoi qu’il en soit, personne ne confondra le crachement habituel, ou dépendant du vice insensible dont nous venons de parler, avec celui qui est causé par les rhumes, les asthmes, les pleurésies, les péripneumonies, la phthysie, certaines fievres, & bien d’autres maladies & infirmités. C’est dans ce dernier cas qu’il est essentiel que le medecin distingue les bons crachats d’avec les mauvais ou d’avec les indifférens.

La quantité des crachats, leur consistence, leur odeur, leur couleur, leur égalité, leur figure, leur goût, le tems de la maladie auquel ils paroissent, l’âge & le sexe du malade, sont les qualités & les circonstances par lesquelles le medecin se dirige dans le jugement qu’il porte sur cette évacuation.

Voici les principales regles qu’une observation constante a fourni aux vrais maîtres de l’art, qui ont sur ce point une doctrine uniforme & constante depuis Hippocrate jusqu’à notre siecle. Nous allons les prendre dans l’illustre Riviere, & les accompagner, quoique toûjours sobrement, de quelques pourquoi, que nous distinguerons toûjours soigneusement des oracles de l’observation.

Les crachats, dit Riviere, sont bons en général, lorsqu’ils sont d’une consistence égale, æqualia, levia, ni trop gros ni trop petits, & qu’ils sortent de la gorge aisément & sans douleur… Ils supposent la disposition des couloirs aussi parfaite qu’il est possible pour qu’ils se déchargent des sucs qu’ils contiennent.

Si les crachats sont en petite quantité, qu’ils n’augmentent que peu-à-peu, & qu’ils restent long-tems cruds, ils ne sont pas sans danger… parce qu’il est à craindre qu’il ne se forme dans les glandes qui les fournissent, des arrêts indomptables, ou un relâchement encore plus pernicieux.

Les crachats cruds, qu’on nomme aussi pituiteux ou glaireux, sont ceux qui ressemblent à du blanc d’œuf, ou bien ceux qui sont formés par des glaires mêlées de plus ou moins de sang… Ceux-là sont la suite de l’expression seule, & non celle d’une résolution ou d’une maturation complete. Voy. Coction.

Les crachats cuits sont ceux qui sont blancs ou verdâtres, qui ressemblent à du pus, qui sont bien égaux & bien liés… Ils sont souvent si peu différens du pus, que les plus expérimentés s’y trompent. En général l’inspection du crachat est une ressource presqu’inutile pour découvrir s’il est purulent ou non. Voyez Pus.

Les crachats, quels qu’ils soient, paroissant précisément au commencement d’une maladie, sont favorables, dit Hippocrate…… En effet, il est bon que les efforts de la maladie ayent un aboutissant, & que la partie puisse se dégager….. Ils ne sont pas dangereux, lorsque le sang y est un peu mêlé avec la pituite….. Cela suppose que la résolution se travaille, & que quelque vaisseau sanguin déchiré ne l’empêche point.

Si les crachats sont jaunes & sanguinolens dans les inflammations du poumon, ils ne sont pas dangereux, pourvû que ce ne soit pas après le septieme jour, dit Hippocrate………….. Le septieme jour & les suivans sont des jours après lesquels les matieres doivent être cuites, sans quoi la maladie va trop lentement pour pouvoir se terminer heureusement.

Les crachats visqueux, glutineux, épais dans la pleurésie ou la péripneumonie, sont de mauvais augure, sur-tout s’ils sont accompagnés d’une sorte d’extinction de voix, ramedo, selon Hippocrate….. En effet, l’extinction de voix & les crachats de cette nature annoncent un relâchement dangereux, ou une constriction qui n’est pas moins à craindre.

Les crachats verds, très-roüillés, livides, noirs, fétides ou non fétides, sont fort à craindre… car toutes ces couleurs supposent que le sang se mêle avec les crachats & le pus ; que ces matieres séjournent, que le poumon perd son ressort peu-à-peu.

Si les crachats quelconques se suppriment une fois qu’ils ont paru ; s’il survient dans les maladies aiguës ou dans les ulceres du poumon plus ou moins de râlement, c’en est fait du malade… le poumon est pris ; il ne joue presque plus : la tête va se prendre.

Les crachats qui suivent un crachement de sang, sont toûjours suspects, sur-tout dans les maladies chroniques… parce qu’on doit toûjours craindre qu’ils ne soient purulens, ou le produit d’un ulcere presque toûjours mortel.

Les crachats qui nagent sur l’eau sont en général moins fâcheux que ceux qui vont au fond ; ces derniers tiennent toûjours plus ou moins du pus… Il en est pourtant de la premiere espece qui sont tout aussi dangereux que ceux de la derniere ; les bons praticiens ne s’en laissent pas imposer par leur légereté, lorsque les signes suffisans de la suppuration intérieure existent d’ailleurs : ils pensent dans ces cas à une sorte de suppuration lymphatique, que Fernel connoissoit très-bien. Nous avons déjà observé que l’inspection du crachat étoit un mauvais moyen de s’assûrer s’il étoit purulent ou non.

Les mélancoliques sont grands cracheurs ; ils prodiguent leur salive, toûjours rejettée avec la matiere propre & l’espece de stimulus de leur crachement. Les femmes grosses sont assez fréquemment dans le même cas. Voyez Grossesse & Mélancolique. C’est ordinairement une fort bonne pratique contre les inconvéniens de cette indisposition, que celle d’avaler ces crachats très-chargés de salive ; ce secours devient même quelquefois curatif.

Les mélancoliques & les femmes grosses jettent quelquefois par la bouche certains grains ou noyaux durs, transparens, noirs ou jaunâtres, qui ne supposent qu’un resserrement des glandes, & qui ne sont pas de grande conséquence.

Les crachats méritent plus d’attention s’ils sont salés, amers, ou qu’ils ayent une saveur fade, dégoûtante ; Hippocrate l’a dit, & Bennet l’a sur-tout confirmé parmi les modernes… soit que ces saveurs annoncent des qualités nuisibles, des acrimonies dans les crachats ; soit qu’ils n’impriment la sensation de salé, d’amer ou de fade, qu’en conséquence d’une certaine disposition des organes qu’ils affectent, dépendante d’un vice général dans le système des solides, vice éminemment dangereux, &c.

Les crachats qui semblent être des morceaux de chair fongueuse, jaunâtre ou rougeâtre, sont toûjours pernicieux, soit dans les maladies aiguës, soit dans les chroniques….. Ce sont des portions du parenchime du poumon qui se détruit ou qui se gangrene.

Si les crachats, quels qu’ils soient, s’arrêtent subitement, c’est toûjours un mauvais signe, comme nous l’avons déjà observé ; & alors le medecin doit tâcher de les faire paroître de nouveau ; indication qu’il remplit par différens moyens indiqués aux mots Expectorant, Saignée, Vomitif.

L’expectoration anacatharsis étant une des voies par laquelle la nature se délivre utilement quelquefois de la matiere morbifique, le medecin doit se proposer quelquefois aussi de l’évacuer par les crachats. Voici les signes qui dénotent que la crise ou les torrens des excrétions se portent vers la poitrine.

Ces signes sont les douleurs dés côtés, la difficulté de respirer, la toux, le crachement de sang qui a paru au commencement d’une maladie ; & avec cela la sécheresse de la peau, la coction imparfaite des urines, la sécheresse du ventre ; en un mot l’absence de tous les symptomes qu’annoncent les évacuations critiques par d’autres couloirs que par ceux de la poitrine.

Le medecin se détermine & favorise les crachats par les mêmes secours par lesquels il tâche de les rétablir, & que nous avons indiqués en général plus haut, lorsque nous avons annoncé que nous proposerions ces moyens aux mots Expectorant, Saignée, Vomitif.

En général, c’est une fausse indication que celle d’arrêter les crachats ; mais cette proposition n’est problématique que pour le cas particulier du crachement de sang. Voyez Hemoptysie. (b)