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L’Encyclopédie/1re édition/DESCRIPTION

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DESCRIPTION, s. f. (Hist. nat.) Décrire les différentes productions de la nature, c’est tracer leur portrait, & en faire un tableau qui les représente, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, sous des faces & dans des états différens. Les descriptions n’auroient point de limites, si on les étendoit indistinctement à tous les êtres de la nature, à toutes les variétés de leurs formes, & à tous les détails de leur conformation ou de leur organisation. Un livre qui contiendroit tant & de si longues descriptions, loin de nous donner des idées claires & distinctes des corps qui couvrent la terre & de ceux qui la composent, ne présenteroit à l’esprit que des figures informes & gigantesques dispersées sans ordre & tracées sans proportion : les plus grands efforts de l’imagination ne suffiroient pas pour les appercevoir, & l’attention la plus profonde n’y feroit concevoir aucun arrangement. Tel seroit un tas énorme & confus formé par les débris d’une multitude de machines ; on n’y reconnoîtroit que des parties détachées, sans en voir les rapports & l’assemblage.

Les descriptions ne peuvent donc être utiles qu’autant qu’elles sont restraintes à de justes bornes, & assujetties à de certaines lois. Ces bornes & ces lois doivent varier selon la nature de la chose & l’objet de la science, dans les différens regnes de l’Histoire naturelle. Plus un corps est composé, plus il est nécessaire de décrire les détails de son organisation, pour en exposer le jeu & la méchanique. Il faut donc que les descriptions des animaux soient plus étendues que celles des végétaux, tandis que les descriptions des minéraux, qui sont les corps les plus bruts, doivent être plus courtes que celles des végétaux. Par ce moyen chaque chose est traitée selon son importance, & l’auteur n’abuse ni de son tems ni de l’attention du lecteur.

Quelque perfection que l’on puisse donner à une description, ce n’est qu’une peinture vaine & le sujet d’une curiosité frivole, si on ne se propose un objet plus réel pour l’avancement de nos vrais connoissances en Histoire naturelle. Lorsqu’on décrit un être, il faut observer les rapports qu’il a avec les autres êtres de la nature ; ce n’est qu’en les comparant ainsi que l’on peut découvrir les ressemblances & les différences qui se trouvent entr’eux, & établir une suite de faits qui donne des connoissances générales. Dans cette vûe, les descriptions doivent être faites sur un plan suivi ; il faut que ce plan soit uniforme dans chacun des regnes de l’Histoire naturelle ; mais on ne peut se dispenser de le changer en passant d’un regne à un autre : pour s’en convaincre il suffit de réfléchir sur la différence qui se trouve entre les connoissances principales que l’on peut acquérir par les descriptions des objets de chaque regne en particulier. En décrivant les animaux on se propose de connoître l’œconomie animale ; les plantes nous conduisent à découvrir le méchanisme de la végétation. On considere dans les minéraux la formation & la combinaison de leurs parties constituantes, pour concevoir la minéralisation. On ne peut parvenir à des fins si différentes par une seule route ; chacun a la sienne, & exige des moyens particuliers pour que l’on puisse s’y conduire avec succès : c’est pourquoi le plan des descriptions doit être relatif à l’objet de la science de chaque regne ; mais il est absolument nécessaire qu’il soit uniforme dans un même regne, pour faire une comparaison exacte & suivie de chacun des animaux, ou des végétaux ou des minéraux, avec ceux qui y ressemblent ou qui en different le plus. V. Histoire naturelle. (I)

Description, terme de Géométrie, est l’action de tracer une ligne, une surface, &c. Décrire un cercle, une ellipse, une parabole, &c. c’est construire ou tracer ces figures.

On décrit les courbes en Géométrie de deux manieres, ou par un mouvement continu, ou par plusieurs points. On les décrit par un mouvement continu lorsqu’un point qu’on fait mouvoir suivant une certaine loi, trace de suite & immédiatement tous les points de la courbe. C’est ainsi qu’on trace un cercle par le moyen de la pointe d’un compas ; c’est presque la seule courbe qu’on trace commodément par un mouvement continu : ce n’est pas que nous n’ayons des méthodes pour en tracer beaucoup d’autres par un mouvement continu ; par exemple, les sections coniques : M. Maclaurin nous a même donné un savant ouvrage intitulé, Geometria organica, dans lequel il donne des moyens fort ingénieux de tracer ainsi plusieurs courbes. Voyez-en un leger essai à l’article Courbe. Mais toutes ces méthodes sont plus curieuses qu’utiles & commodes. La description par plusieurs points est plus simple, & revient au même dans la pratique. On trouve par des opérations géométriques différens points de la courbe assez près les uns des autres ; on y joint ces points par de petites lignes droites à vûe d’œil, & l’assemblage de ces petites lignes forme sensiblement & suffisamment pour la pratique la courbe que l’on veut tracer. (O)

Description, (Belles-Lettres.) définition imparfaite & peu exacte, dans laquelle on tâche de faire connoître une chose par quelques propriétés & circonstances qui lui sont particulieres, suffisantes pour en donner une idée & la faire distinguer des autres, mais qui ne developpent point sa nature & son essence.

Les Grammairiens se contentent de descriptions ; les Philosophes veulent des définitions. Voyez Définition.

Une description est l’énumération des attributs d’une chose, dont plusieurs sont accidentelles, comme lorsqu’on décrit une personne par ses actions, ses paroles, ses écrits, ses charges, &c. Une description au premier coup d’œil a l’air d’une définition ; elle est même convertible avec la chose décrite, mais elle ne la fait pas connoître à fond, parce qu’elle n’en renferme pas ou n’en expose pas les attributs essentiels. Par exemple, si l’on dit que Damon est un jeune homme bienfait, qui porte ses cheveux, qui a un habit noir, qui fréquente bonne compagnie, & fait sa cour à tel ou tel ministre ; il est évident qu’on ne fait point connoître Damon, puisque les choses par lesquelles on le designe lui sont extérieures & accidentelles, jeune, cheveux, habit noir, fréquenter, faire sa cour, qui ne designent point le caractere d’une personne, Une description n’est donc pas proprement une réponse à la question quid est, qu’est il ? mais à celle-ci, quis est, qui est-il ?

En effet, les descriptions servent principalement à faire connoître les singuliers ou individus ; car les sujets de la même espece ne different point par leurs essences, mais seulement comme hic & ille, & cette différence n’a rien qui les fasse suffisamment remarquer ou distinguer. Mais les individus d’une même espece different beaucoup par les accidens : par exemple, Alexandre étoit un fléau, Socrate un sage, Auguste un politique, Titus un juste.

Une description est donc proprement la réunion des accidens par lesquels une chose se distingue aisément d’une autre, quoiqu’elle n’en differe que peu ou point par sa nature. Voyez Accident, Mode, &c.

La description est la figure favorite des Orateurs & des Poëtes, & on en distingue de diverses sortes : 1°. celle des choses, comme d’un combat, d’un incendie, d’une contagion, d’un naufrage : 2°. celle des tems qu’on nomme autrement chronographie, voyez Chronographie : 3°. celle des lieux qu’on appelle aussi topographie, voyez Topographie : 4°. celle des personnes ou des caracteres que nous nommons portrait, voyez Portrait. Les descriptions des choses doivent présenter des images qui rendent les objets comme présens ; telle est celle que Boileau fait de la mollesse dans le lutrin :

La mollesse oppressée
Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée,
Et lasse de parler, succombant sous l’effort,
Soupire, étend les bras, ferme l’œil & s’endort. (G)

Mais d’où vient que dans toutes les descriptions qui peignent bien les objets, qui par de justes images les rendent comme présens, non-seulement ce qui est grand, extraordinaire, ou beau, mais même ce qui est desagréable à voir, nous plaît si fort ? c’est que les plaisirs de l’imagination sont extrèmement étendus. Le principe de ce plaisir semble être une action de l’esprit qui compare les idées que les mots font naître avec celles qui lui viennent de la présence même des objets. Voilà pourquoi la description d’un fumier peut plaire à l’entendement par l’exactitude & la propriété des mots qui servent à le dépeindre. Mais la description des belles choses plaît infiniment davantage, parce que ce n’est pas la seule comparaison de la peinture avec l’original qui nous séduit, mais nous sommes aussi ravis de l’original même. La plûpart des hommes aiment mieux la description que Milton fait du paradis, que de celle qu’il donne de l’enfer, parce que dans l’une, le feu & le souffre ne satisfont pas l’imagination, comme le font les parterres de fleurs & les bocages odoriférans : peut-être néanmoins que les deux peintures sont également parfaites dans leur genre.

Cependant une des plus grandes beautés de l’art des descriptions, est de représenter des objets capables d’exciter une secrette émotion dans l’esprit du lecteur, & de mettre en jeu ses passions ; & ce qu’il y a de singulier, c’est que les mêmes passions qui nous sont desagréables en toute autre tems, nous plaisent lorsque de belles & vives descriptions les élevent dans nos cœurs ; il arrive que nous aimons à être épouvantés ou affligés par une description, quoique nous sentions tant d’inquiétude dans la crainte & la douleur qui nous viennent d’une toute autre cause. Nous regardons, par exemple, les terreurs qu’une description nous imprime avec la même curiosité & le même plaisir que nous trouvons à contempler un monstre mort : plus son aspect est effrayant, plus nous goûtons de plaisir à n’avoir rien à craindre de ses insultes. Ainsi lorsque nous lisons dans quelque histoire des descriptions de blessures, de morts, de tourmens, le plaisir que ces descriptions font en nous, ne naît pas seulement de la douleur qu’elles causent, mais encore d’une secrette comparaison que nous faisons de n’être pas dans le même cas.

Comme l’imagination peut se représenter à elle-même des choses plus grandes, plus extraordinaires, & plus belles que celles que la nature offre ordinairement aux yeux, il est permis, il est digne d’un grand maître de rassembler dans ses descriptions toutes les beautés possibles. Il n’en coûte pas davantage de former une perspective très-vaste, qu’une perspective qui seroit fort bornée ; de peindre tout ce qui peut faire un beau paysage champêtre, la solitude des rochers, la fraîcheur des forêts, la limpidité des eaux, leur doux murmure, la verdure & la fermeté du gason, les Sites de l’Arcadie, que de dépeindre seulement quelques-uns de ces objets. Il ne faut point les représenter comme le hasard nous les offre tous les jours, mais comme on s’imagine qu’ils devroient être. Il faut jetter dans l’ame l’illusion & l’enchantement. En un mot, un auteur, & sur-tout un poëte qui décrit d’après son imagination, a toute l’œconomie de la nature entre ses mains, & il peut lui donner les charmes qu’il lui plaît, pourvû qu’il ne la réforme pas trop, & que pour vouloir exceller, il ne se jette pas dans l’absurde ; mais le bon goût & le génie l’en garantiront toûjours. Voyez les réflexions de M. Adisson sur cette matiere. Addition de M. le Chevalier de Jaucourt.