L’Encyclopédie/1re édition/ECHAUFFANT et ECHAUFFEMENT

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ECHAUFFANT & ECHAUFFEMENT, (Thérapeutique & Pathologie.) La qualité échauffante est proprement attribuée à un remede, à un aliment, & même à toute cause non-naturelle, qui peut produire l’état de chaleur animale augmenté, que nous avons décrit à l’article Chaleur animale contre nature (Med. prat.) ; & l’échauffement est cet état.

Le véritable caractere de l’échauffant, pris dans ce sens précis, est que son action puisse s’étendre jusqu’à exciter la fievre dans le plus grand nombre de sujets.

Les effets manifestes de l’action plus modérée des remedes échauffans, pour ne parler d’abord que des médicamens, doivent être de porter la chaleur animale à un degré intermédiaire, entre la chaleur naturelle & la chaleur fébrile ; mais cet état qui seroit l’échauffement proprement dit, n’a pas été assez exactement déterminé : & peut-être lorsqu’il se soûtient pendant un certain tems, ne differe-t-il pas essentiellement de la fievre.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas par l’augmentation réelle de chaleur que se détermine l’incommodité appellée communément échauffement Un sentiment incommode de chaleur dans toute l’habitude du corps, ou dans diverses parties ; une disposition à la sueur, ou une sueur actuelle ; la soif plus ou moins pressante ; de fréquentes envies d’uriner, suivies d’une évacuation peu abondante d’urines rouges & fœtides, & qu’on trouveroit apparemment trop peu aqueuses ; la constipation, les démangeaisons de la peau, les rougeurs au visage, le saignement de nez, les paroxysmes vifs & douloureux d’hémorrhoïdes seches ; l’insomnie ou le sommeil leger, inquiet, & interrompu ; une pente violente & continuelle aux plaisirs de l’amour ; l’image la plus complette de ces plaisirs, souvent présentée dans les songes, avec ou sans émission de semence ; les érections fréquentes : voilà les symptomes qui constituent l’incommodité généralement connue sous le nom d’échauffement.

Les remedes qui peuvent produire tous ces symptomes, ou le plus grand nombre, sont : les corps actuellement chauds, soit qu’on les prenne intérieurement, tels que l’eau, le thé, & les autres boissons de cette espece, avalées très-chaudes ; soit qu’on les applique extérieurement, comme un bain très chaud, les vins & liqueurs spiritueuses, les alkalis volatils, animaux, & végétaux ; les sucs, les eaux distillées, les décoctions, les infusions, ou les extraits des plantes alkalines ; les plantes à saveur vive, analogue à celle des précédentes, comme ail, oignon, capucine, &c. les plantes aromatiques, âcres, ou ameres, les baumes, les huiles essentielles, les résines, & les gommes-résines, les martiaux ou préparations du fer, tous les vrais sudorifiques, & les diurétiques vraiment efficaces ; tous les aphrodisiaques reconnus, comme les cantharides, dont la dangereuse efficacité n’est pas douteuse, les truffes, les artichaux, les champignons, &c. s’il est vrai ce que le proverbe publie de la merveilleuse vertu de ces végétaux, les épispastiques, & les caustiques appliqués extérieurement. Voyez tous ces articles particuliers.

Tous les remedes que nous venons de nommer, sont des échauffans légitimes ; ils en ont la propriété distinctive. Leur usage immodéré peut allumer la fievre, & ils sont distingués par-là d’une foule de prétendus échauffans, connus dans les traités de matiere médicale, & dans le jargon ordinaire de la Medecine, sous le nom d’incisifs, d’atténuans, de remedes qui foüettent, qui brisent le sang & la lymphe, &c. Voyez Incisif. Parmi ces remedes chauds exactement altérans, presque tous indifférens, ou du moins sans vertu démontrée, aucun n’est peut-être plus gratuitement qualifié que l’écrevisse ou la vipere. Voyez Ecrevisse & Vipere.

Quant aux alimens échauffans, on ne sait point encore par expérience qu’il y ait des alimens proprement dits, qui possedent d’autre propriété que la qualité nutritive. Ainsi tout ce que les auteurs des traités de diete nous ont dit sur la qualité échauffante de la chair de certains animaux ; ce que des medecins d’une école très-célebre pensent des bouillons de bœuf, qu’ils se garderoient bien de permettre dans les maladies aiguës ; ce qu’on nous raconte de la chair des vieux animaux, sur-tout des mâles des animaux lascifs : tout cela n’est pas plus réel, du moins plus constaté que les dogmes du galénisme sur la même matiere. Voyez Galénisme & Qualité.

Les alimens ne paroissent donc être réellement échauffans, que par les assaisonnemens ; & le medecin peut, en variant ces assaisonnemens, ou en les supprimant, prescrire un régime échauffant, rafraîchissant, indifférent, &c.

Au reste, les alimens quels qu’ils soient, même considérés avec leurs assaisonnemens, sont à-peu-près indifférens dans l’état sain, où ils le deviennent par l’habitude ; ce n’est que dans la maladie, dans la convalescence, ou pour un sujet foible & valétudinaire, qu’il importe de défendre ou de prescrire des alimens échauffans. Voyez Régime.

Outre les médicamens & les alimens, il est plusieurs autres causes d’échauffement auquel notre corps est exposé. Un climat chaud, un jour chaud, une saison chaude, un soleil brûlant, en un mot la chaleur extérieure, échauffe réellement. Voyez Climat, Eté, & Soleil. L’exercice violent échauffe, la veille échauffe ; l’exercice vénérien échauffe, mais plus encore l’appétit vénérien non-satisfait, surtout lorsqu’il est irrité par la présence de certains objets, ou qu’il s’est emparé d’une ame livrée à toute l’énergie de ce sentiment dans une retraite oisive ; l’étude opiniâtre, la méditation profonde & continue échauffent ; le jeûne échauffe ; les austérités, & sur-tout la flagellation, échauffent très-considérablement ; le jeu échauffe ; les fréquens acces de plusieurs passions violentes échauffent, &c. Voyez tous ces articles particuliers, & Chaleur animale contre nature. Il faut observer que toutes les causes dont il s’agit ici, sont des échauffans proprement dits ; mais qui different des médicamens échauffans, en ce que l’action des premiers n’est efficace qu’à la longue, & qu’ils procurent aussi un échauffement plus constant, plus opiniâtre, un échauffement chronique : au lieu que l’action des derniers est plus prompte, & qu’ils produisent aussi un effet plus passager, une incommodité qu’on pourroit appeller aiguë, en la comparant à la précédente.

Les échauffans sont très-redoutés dans la pratique moderne (Voyez Chaleur contre nature), & jamais on ne s’avise de prescrire un échauffant comme tel ; l’effet échauffant n’est jamais un bien, un secours indiqué ; l’échauffement n’est pas un changement avantageux que le praticien se propose : c’est toûjours un inconvénient inévitable, attaché à un secours utile d’ailleurs.

Quant à la maniere de remédier à l’effet excessif des échauffans, aux inconvéniens qui suivent leur application, à l’échauffement maladif en un mot, voy Chaleur animale contre nature. (b)