L’Encyclopédie/1re édition/EPISCOPAUX

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EPISCOPAUX, (Hist. mod. d’Angl.) c’est le nom qu’on donna en Angleterre sous Jacques I. à ceux qui adhéroient aux rits de l’église anglicane, par opposition aux Calvinistes, qu’on appella Presbytériens. Voyez Presbytériens.

Dans la suite, sous Charles I. ceux qui suivoient le parti du roi furent nommés Episcopaux rigides, & les parlementaires, Presbytériens rigides.

Quand Charles II. fut monté sur le throne, les différentes branches des deux partis commencerent à se mieux distinguer ; & comme ils se rapprocherent, ils formerent les deux branches de Wighs & de Torys mitigés par rapport à la religion, de même que par rapport au gouvernement.

Il faut se mettre au fait du sens qu’ont eu tous ces divers mots, suivant les tems & les conjonctures, pour-bien entendre l’histoire d’une nation libre, & par conséquent toûjours agitée, où les deux partis qui dominent dans l’état, échauffés par les disputes, animés de plusieurs passions, se distinguent par des sobriquets, par des noms particuliers plus ou moins odieux ; ces noms changent souvent, augmentent de force ou s’adoucissent, selon que le peuple, inquiet sur sa situation, grossit l’objet de ses craintes, ou revenant des impressions violentes qu’on lui a données, appaise ses frayeurs, rentre dans le calme, & se sert alors dans chaque parti de termes plus modérés que ceux qu’il employoit auparavant. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

De tous les sectaires les Episcopaux sont ceux qui sont le moins éloignés de l’église romaine, pour ce qui concerne la discipline ecclésiastique ; ils ont des évêques, des prêtres, des chanoines, des curés & autres ministres inférieurs, & un office qu’ils appellent liturgie. Il est vrai que les Catholiques ne conviennent pas que l’ordination des ministres de cette société soit légitime & valide : on a agité cette question avec beaucoup de chaleur depuis 25 ans ; le P. le Courayer, ci-devant chanoine régulier & bibliothéquaire de sainte Génevieve, aujourd’hui réfugié en Angleterre & docteur d’Oxford, ayant écrit en faveur des Anglicans, sa dissertation a été réfutée par le P. Hardouin, jésuite, & par le P. le Quien, jacobin réformé, sans parler de deux ou trois autres théologiens qui sont encore entrés en lice, & auxquels le P. le Courayer a repliqué. Voyez Ordination.

Les Episcopaux, outre ces titres, ont retenu une grande partie du droit canon & des décretales des papes pour la discipline & la police ecclésiastique. Leur liturgie, qu’ils nomment autrement le livre des communes prieres, contient non-seulement leur office public, qui est presque le même que celui de l’église latine, mais encore la maniere dont ils administrent les sacremens. Ils ont l’office des matines qu’ils commencent par Domine labia nostra aperies ; ensuite on chante le pseaume Venite, puis les pseaumes & les leçons de chaque jour : ils disent aussi le cantique Te Deum, & quelques pseaumes de ceux que nous lisons dans l’office de laudes. Ils commencent aussi leurs vêpres par les versets Domine labia nostra aperies, & Deus in adjutorium, &c. puis ils récitent les pseaumes propres au jour, & ils ont à cet effet un calendrier où sont marquées les féries & les fêtes fixes ou mobiles, ayant pour chacune des offices propres. Ils célebrent aussi les dimanches, & distinguent ceux de l’avent, d’après l’épiphanie, d’après la pentecôte, ceux de la septuagésime, sexagésime, quinquagésime, trinité, &c. ils ont pour chacun de ces jours des collectes ou offices du matin, pour tenir lieu de la messe, qu’ils ont abolie, & dont ils ont proscrit jusqu’au nom. On y recite l’épître, l’évangile, quelques oraisons, le gloria in excelsis, le symbole, des préfaces propres à chaque solennité ; mais ils ont réformé le canon de la messe, & font leur office en langue vulgaire pour être entendus du peuple. La maniere dont ils administrent les sacremens est aussi marquée dans ce livre, & est peu différente de la nôtre : le ministre qui baptise, après avoir prononcé les paroles sacramentelles, je te baptise au nom du pere, &c. fait un signe de croix sur le front de l’enfant. L’évêque donne aussi la confirmation en imposant les mains sur la tête des enfans, & récitant quelques oraisons ausquelles il ajoûte sa bénédiction. Enfin on trouve dans cette liturgie la maniere d’ordonner les prêtres, les diacres, &c. la forme de bénir le mariage, de donner le viatique aux malades, & plusieurs autres cérémonies fort semblables à celles qu’on pratique dans l’église romaine : par exemple, ils reçoivent la communion à genoux ; mais ils ont déclaré qu’ils n’adoroient point l’Eucharistie, dans laquelle ils ne pensent pas que Jesus-Christ soit réellement présent : sur ce point, & sur presque tout ce qui concerne le dogme, ils conviennent avec les Calvinistes. Cette liturgie fut autorisée sous Edouard VI. la cinquieme ou sixieme année de son regne, par un acte du parlement, & confirmée de même sous Elisabeth. Les évêques, prêtres, diacres & autres ministres épiscopaux peuvent se marier, & la plûpart le sont. Leur église est dominante en Angleterre & en Irlande ; mais en Ecosse, où les Presbytériens & les Puritains sont les plus forts, on les regarde comme non conformistes : ceux-ci, à leur tour, ont le même nom en Angleterre ; on les y laisse joüir des mêmes priviléges que les Anglicans, & cela sans restriction : ils ne sont pas même assujettis au serment du test ; & lorsqu’on les met dans des emplois de confiance, on leur fait seulement prêter serment au gouvernement. Quant aux ministres épiscopaux, ils sont sujets à plusieurs lois pénales, sur-tout s’ils refusent de prêter les sermens du test & de suprématie. Voyez Test & Suprématie. (G)