L’Encyclopédie/1re édition/NÉGOCIATION

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NÉGOCIATION, s. f. (Société civile.) conduite d’affaires & de traités entre particuliers.

Le but de toutes négociations est de découvrir ou d’obtenir quelque chose. Les hommes se découvrent ou par confiance, ou par colere, ou par surprise, ou par nécessité, c’est-à-dire lorsqu’on met quelqu’un dans l’impossibilité de trouver des faux fuyans, ni d’aller à ses fins sans se laisser voir à découvert.

Pour gagner un homme, il faut connoître son naturel & ses manieres ; pour le persuader, il faut savoir la fin où il butte, ou gagner les personnes qui ont le plus de pouvoir sur son esprit : pour lui faire peur, il faut connoître ses foiblesses & ses désavantages. Avec les gens adroits, consultez plutôt leurs desseins que leurs paroles, vous connoîtrez leurs vûes par leurs intérêts : la ruse décele moins d’esprit que de foiblesse ; mais la finesse permise est le chemin couvert de la prudence.

Les négociations importantes ont besoin de tems pour mûrir. La précipitation fait de grands maux dans les affaires, ainsi qu’une digestion trop hâtée détruit l’équilibre des humeurs, & que la crudité des sucs devient le germe des maladies. On avance beaucoup plus à marcher d’un pas égal & soutenu, qu’à courir à perte d’haleine. La vanité de paroître expéditif fait perdre beaucoup de tems ; allez plus sensément, vous aurez plutôt fait.

La hardiesse tient mal la place des talens réels ; quelquefois cependant dans les négociations elle ne manque pas d’avoir de l’empire sur les hommes.

Il vaut mieux généralement négocier de bouche que par lettres ; & plutôt par personne tierce, que par soi-même. Les lettres sont bonnes, lorsqu’on veut s’attirer une réponse par écrit, ou quand il est utile de garder par-devers soi les copies de celles qu’on a écrites, pour les représenter en tems ou lieu, ou bien lorsqu’on peut craindre d’être interrompu dans son discours. Au contraire quand la présence de celui qui négocie imprime du respect & qu’il traite avec son inférieur, il vaut beaucoup mieux qu’il parle. Il est encore bon que celui qui desire qu’on lise dans ses yeux ce qu’il ne veut par dire, négocie par lui-même ; enfin il doit se conduire ainsi, lorsqu’il projette de se réserver la liberté de dire & d’interprêter ce qu’il a dit.

Quand on négocie par un tiers, il vaut mieux choisir quelqu’un d’un esprit simple, qui exécutera vraissemblablement les ordres qu’il aura reçus, & qui rendra fidelement la conversation, que de se servir de personnes adroites à s’attirer l’honneur ou le profit par les affaires des autres, ou qui dans leurs réponses ajouteront pour se faire valoir, ce qu’ils jugeront pouvoir plaire davantage. Mais prenez par préférence à tout autre ceux qui souhaitent le succès de l’affaire pour laquelle ils sont employés. Les passions aiguisent puissamment le zèle & l’industrie. Cherchez encore avec soin ceux de qui le caractere convient le plus pour la chose dont vous les voulez charger, comme un audacieux pour faire des plaintes & des reproches, un homme doux pour persuader, un homme subtil pour découvrir & pour observer, un homme fier pour une affaire qui a quelque chose de déraisonnable & d’injuste. Employez par choix ceux qui ont déja réussi dans vos affaires, ils auront plus de confiance & feront tout leur possible pour soutenir l’opinion déja établie de leur capacité.

Quant aux négociations politiques, voyez Négociateur, Ministre, Plénipotentiaire. (D. J.)

Négociation, s. f. (Comm.) se dit du commerce des billets & lettres de change, qui se font dans les bourses & sur les places de change par l’entremise des courtiers ou agens de change, ou par les marchands & banquiers eux-mêmes. Voyez Lettres de change, Bourses, Place de change, Agent de change, Courtier, Banquier, Marchand. Dict. de com. (G)