L’Encyclopédie/1re édition/OBSERVATION
Observation, s. f. en termes de mer, signifie l’action de prendre la hauteur méridienne du soleil, d’une étoile, & principalement du soleil, afin de déterminer la latitude. Voyez Hauteur, & Latitude.
Trouver la latitude par l’observation de la hauteur méridienne, s’appelle chez les marins faire l’observation.
Observation, (Gram. Physiq. Méd.) c’est l’attention de l’ame tournée vers les objets qu’offre la nature. L’expérience est cette même attention dirigée aux phénomenes produits par l’art. Ainsi, l’on doit comprendre sous le nom générique d’observation l’examen de tous les effets naturels, non-seulement de ceux qui se présentent d’abord, & sans intermede à la vue ; mais encore de ceux qu’on ne pourroit découvrir sans la main de l’ouvrier, pourvu que cette main ne les ait point changés, altérés, défigurés. Le travail nécessaire pour parvenir jusqu’à une mine, n’empêche pas que l’examen qu’on fait de l’arrangement des métaux qu’on y trouve, de leur situation, de leur quantité, de leur couleur, &c. ne soit une simple observation ; c’est aussi par l’observation qu’on connoît la géographie intérieure, qu’on sait le nombre, la situation, la nature des couches de la terre, quoiqu’on soit obligé de recourir à des instrumens pour la creuser & pour se mettre en état de voir ; on ne doit point regarder comme expérience les ouvertures des cadavres, les dissections des plantes, des animaux, & certaines décompositions, ou divisions méchaniques des substances minérales qu’on est obligé de faire pour pouvoir observer les parties qui entrent dans leur composition. Les lunettes des Astronomes, la loupe du Naturaliste, le microscope du Physicien n’empêchent pas que les connoissances qu’on acquiert par ce moyen ne soient exactement le produit de l’observation : toutes ces préparations, ces instrumens ne servent qu’à rendre plus sensibles les différens objets d’observation, emporter les obstacles qui empêchoient de les appercevoir, ou à percer le voile qui les cachoit ; mais il n’en résulte aucun changement, pas la moindre altération dans la nature de l’objet observé ; il ne laisse pas de paroître tel qu’il est ; & c’est principalement en cela que l’observation differe de l’expérience qui décompose & combine, & donne par-là naissance à des phénomenes biens différens de ceux que la nature présente ; ainsi, par exemple, si lorsqu’on a ouvert une mine, le chimiste prend un morceau de métal, & le jette dans quelque liqueur qui puisse le dissoudre ; l’union artificielle de ces deux corps, effet indispensable de la dissolution, formera un nouveau composé, produira des nouveaux phénomenes, & fera proprement une expérience, par laquelle aux résultats naturels on en aura substitué d’arbitraires ; si le physiologiste mêle avec du sang nouvellement tiré d’un animal vivant quelque liqueur, il fera alors une expérience ; & la connoissance qu’on pourra tirer de-là sur la nature du sang, & sur les altérations qu’il reçoit de cette liqueur, ne sera plus le fruit d’une simple observation ; nous remarquerons en passant que les connoissances acquises par ce moyen sont bien médiocres & bien imparfaites, pour ne pas dire absolument nulles, & que les conséquences qu’on a voulu en tirer sur l’action des remedes sont très-fautives, & pour l’ordinaire démenties par l’observation ; &, en général, on tire peu d’utilité de l’expérience dans l’examen des animaux & des végétaux, même des expériences chimiques, qui, de toutes les expériences, sont, sans contredit, les plus sûres & les plus lumineuses, & la partie de la Chimie qui traite des corps organisés est bien peu riche en faits dûment constatés, & bien éloignée de la perfection où l’on a porté la Minéralogie ; & l’on ne pourra vraissemblablement parvenir à ce point dans cette partie, que par la découverte des lois du méchanisme de l’organisation, & de ce en quoi elle consiste ; découverte précieuse & féconde, qu’on ne doit attendre que de l’observation. L’expérience sur les corps bruts inanimés est beaucoup plus utile & plus satisfaisante : cette partie de la chimie a été poussée très-loin ; le chimiste est parvenu à décomposer & à récomposer ces corps, soit par la réunion des principes séparés, soit avec des principes tirés d’autres corps en entier, comme dans le soufre artificiel, ou en partie comme cela se pratique à l’égard des métaux qu’on récompose, en ajoutant à la terre métallique déterminée un phlogistique quelconque.
L’observation est le premier fondement de toutes les sciences, la voie la plus sure pour parvenir, & le principal moyen pour en étendre l’enceinte, & pour en éclairer tous les points : les faits, quels qu’ils soient, la véritable richesse du philosophe, sont la matiere de l’observation : l’historien les recueille, le physicien rationel les combine, & l’expérimental vérifie le résultat de ces combinaisons ; plusieurs faits pris séparément paroissent secs, stériles & infructueux ; dès qu’on les rapproche, ils acquierent une certaine action, prennent une vie qui par-tout résulte de l’accord mutuel, de l’appui réciproque, & d’un enchaînement qui les lie les uns aux autres ; le concours de ces faits, la cause générale qui les enchaîne, sont des sujets de raisonnement, de théorie, de système, les faits sont des matériaux ; dès qu’on en a ramassé un certain nombre, on se hâte de bâtir ; & l’édifice est d’autant plus solide, que les matériaux sont plus nombreux, & qu’ils trouvent chacun une place plus convenable ; il arrive quelquefois que l’imagination de l’architecte supplée au défaut qui se trouve dans le nombre & le rapport des matériaux, & qu’il vient à bout de les faire servir à ses desseins, quelques défectueux qu’ils soient ; c’est le cas de ces théoriciens hardis & éloquens, qui, dépourvus d’une patience nécessaire pour observer, se contentent d’avoir recueilli quelques faits, les lient tout de suite par quelque système ingénieux, & rendent leurs opinions plausibles & séduisantes par les coloris des traits qu’ils emploient, la variété & la force des couleurs, & par les images frappantes & sublimes sous lesquelles ils savent présenter leurs idées ; peut-on se refuser à l’admiration, & presque à la croyance, quand on lit Epicure, Lucrece, Aristote, Platon, & M. de Buffon ? Mais quand on s’est trop pressé (c’est un défaut ordinaire) de former l’enchaînement des faits qu’on a rassemblés par l’observation, on risque à tout moment de rencontrer des faits qui ne sauroient y entrer, qui obligent de changer le système, ou qui le détruisent entierement ; & comme le champ des découvertes est extrémement vaste, & que ses limites s’éloignent encore à mesure que la lumiere augmente, il paroît impossible d’établir un système général qui soit toujours vrai, & on ne doit point être étonné de voir des grands hommes de l’antiquité attachés à des opinions que nous trouvons ridicules, parce qu’il y a lieu de présumer que dans le tems elles embrassoient toutes les observations déja faites, & qu’elles s’y accordoient exactement, & si nous pouvions exister dans quelques siecles, nous verrions nos systèmes dominans qui paroissent les plus ingénieux & les plus certains, détruits, méprisés & remplacés par d’autres qui éprouveront ensuite les mêmes vicissitudes.
L’observation a fait l’histoire, ou la science des faits qui regardent Dieu, l’homme & la nature ; l’observation des ouvrages de Dieu, des miracles, des religions &c. a formé l’histoire sacrée ; l’observation de la vie, des actions, des mœurs & des hommes a donné l’histoire civile ; & l’observation de la nature, du mouvement des astres, des vicissitudes des saisons, des météores, des élémens, des animaux, végétaux & minéraux, des écarts de la nature, de son emploi, des arts & métiers, a fourni les matériaux de différentes branches de l’histoire naturelle. Voyez ces mots.
L’observation & l’expérience sont les seules voies que nous ayons aux connoissances, si l’on reconnoît la vérité de l’axiome : qu’il n’y a rien dans l’entendement qui n’ait été auparavant dans le sens ; au-moins ce sont les seuls moyens par lesquels on puisse parvenir à la connoissance des objets qui sont du ressort des sens ; ce n’est que par eux qu’on peut cultiver la physique, & il n’est pas douteux que l’observation même dans la physique des corps bruts ne l’emporte infiniment en certitude & en utilité sur l’expérience ; quoique les corps inanimés, sans vie, & presque sans action, n’offrent à l’observateur qu’un certain nombre de phénomenes assez uniformes, & en apparence aisés à saisir & à combiner ; quoiqu’on ne puisse pas dissimuler que les expériences, sur-tout celles des Chimistes, n’ayent répandu un grand jour sur cette science ; on voit que les parties de cette physique, qui sont entierement du ressort de l’observation, sont les mieux connues & les plus perfectionnées ; c’est par l’observation qu’on a déterminé les lois du mouvement, qu’on a connu les propriétés générales des corps ; c’est à l’observation que nous devons la découverte de la pesanteur, de l’attraction, de l’accélération des graves, & le système de Newton, celui de Descartes est bâti sur l’expérience. C’est enfin l’observation qui a créé l’Astronomie, & qui l’a portée à ce point de perfection où nous la voyons aujourd’hui, & qui est tel qu’elle surpasse en certitude toutes les autres sciences ; l’éloignement immense des astres qui a empêché toute expérience, sembloit devoir être un obstacle à nos connoissances ; mais l’observation à qui elle étoit totalement livrée, a tout franchi, l’on peut dire aussi que la physique céleste est le fruit & le triomphe de l’observation. Dans la Chimie, l’observation a ouvert un vaste champ aux expériences ; elle a éclairé sur la nature de l’air, de l’eau, du feu, sut la fermentation, sur les décompositions & dégénérations spontanées des corps ; c’est l’observation qui a fourni presque tous les matériaux de l’excellent traité du feu que Boerhaave a rassemblé de divers physiciens ; il y a dans la Minéralogie une partie qui ne pourra être éclairée que par le flambeau de l’observation ; c’est l’accroissement, la maturation & la dégénération des métaux dans les mines ; & si jamais on parvient à la découverte de la pierre philosophale, ce ne peut être que lorsqu’on aura vu les moyens dont la nature se sert pour porter les métaux aux différens points de maturation qui constituent chaque métal en particulier, alors l’art rival & imitateur de la nature pourra peut-être hâter & opérer la parfaite maturité, qui, suivant l’idée assez vraissemblable des adeptes, fait l’or.
En passant de la physique des corps bruts à celle des corps organisés, nous verrons diminuer les droits de l’expérience, & augmenter l’empire & l’utilité de l’observation ; la figure, le port, la situation, la structure, en un mot l’anatomie des plantes & des animaux, les différens états par lesquels ils passent, leurs mouvemens, leurs fonctions, leur vie, &c. n’ont été apperçues que par le naturaliste observateur, & l’histoire naturelle n’a été formée que par un recueil d’observations : les différens systèmes de botanique & de zoologie, ne sont que des manieres différentes de classer les plantes & les animaux en conséquence de quelques propriétés qu’on a observé être communes à un certain nombre, ce sont autant de points où se place l’observateur, & auxquels il vient rapporter & ranger les faits qu’il a rassemblés ; l’effet même de ces corps, pris par l’homme en remede, ou en nourriture, n’est constaté que par l’observation ; les expériences n’ont presque apporté aucune lumiere sur leur maniere d’agir, la pharmacologie rationelle de la plûpart des medicamens est absolument ignorée ; celle que nous avons sur quelques-uns est très-imparfaite, on n’en connoît que les vertus, les propriétés & les usages, & c’est à l’observation que nous devons cette connoissance ; il en a été à-peu-près des autres remedes comme du quinquina, dont la vertu fébrifuge s’est manifestée par hasard à quelques indiens attaqués de fievres intermittentes, qui allerent boire dans une fontaine où étoient tombées des feuilles ou de l’écorce de l’arbre appellé quinquina ; ils furent aussi-tôt guéris, le bruit s’en répandit, l’observateur recueillit ces faits, les vérifia, & ce remede fut d’abord regardé comme spécifique ; d’autres observations en firent appercevoir les inconvéniens, & sur cela, on fixa les cas où il étoit indiqué, ceux où il étoit contr’indiqué, & l’on établit des regles & des précautions pour en prévenir les mauvais effets ; c’est ainsi que notre matiere médicale s’est enrichie, & que la Pharmacologie, produit de l’expérience, est restée si imparfaite.
L’homme enfin de quelque côté qu’on l’envisage, est le moins propre à être sujet d’expérience ; il est l’objet le plus convenable, le plus noble, & le plus intéressant de l’observation, & ce n’est que par elle qu’on peut faire quelque progrès dans les sciences qui le regardent ; l’expérience est ici souvent plus qu’inutile. On peut considérer l’homme sous deux principaux points de vûe, ou comme relatif à la Morale, ou dans ses rapports à la Physique. Les observations faites sur l’homme moral sont, ou doivent être la base de l’histoire civile, de la morale, & de toutes les sciences qui en émanent. Voyez Morale. L’histoire de l’élévation & de la décadence de l’empire romain, & le livre immortel de l’esprit des lois, excellens traités de morale, ne sont presque qu’un immense recueil d’observations fait avec beaucoup de génie, de choix, & de sagacité, qui fournirent à l’illustre auteur des réflexions d’autant plus justes, qu’elles sont plus naturelles. Les observations faites sur l’homme considéré dans ses rapports à la Physique, forment cette science noble & divine qu’on appelle Médecine, qui s’occupe de la connoissance de l’homme, de la santé, de la maladie, & des moyens de dissiper & prévenir l’une, & de conserver l’autre ; comme cette science est plus importante que toute autre, qu’elle doit beaucoup plus à l’observation, & qu’elle nous regarde personnellement, nous allons entrer dans quelque détail.
L’observation a été le berceau & l’école de la Médecine, en remontant aux siecles les plus reculés où la nécessité l’inventa, où la maladie força de recourir aux remedes, avant que quelques particuliers sacrifiassent leur tranquillité, leur santé, & leur vie à l’intérêt public, en s’adonnant à une science longue, pénible, respectable, & souvent peu respectée. La Médecine étoit entre les mains de tout le monde ; on exposoit les malades à la porte de leurs maisons, dans les rues, ou dans les temples ; chaque passant venoit les examiner, & proposoit les remedes qu’il avoit vû réussir dans une occasion semblable, ou qu’il jugeoit telle : les prêtres avoient soin de copier ces recettes, de noter le remede & la maladie, si le succès étoit favorable ; l’observation des mauvais succès eût été bien avantageuse, & dans quelques endroits on écrivoit ces observations sur les colonnes des temples ; dans d’autres on en formoit des especes de recueils qu’on consulta ensuite lorsqu’ils furent assez considérables. De là naquit l’empirisme dont les succès parurent d’abord si surprenans, qu’on déïfia les Médecins qui s’y étoient adonnés. Toutes leurs observations sont perdues, & on doit d’autant plus les regretter, qu’elles seroient sûrement simples, dépouillées de toute idée de théorie, de tout système, & par conséquent plus conformes à la vérité. La Médecine qui se conservoit dans la famille des Asclépiades, & qui se transmettoit de pere en fils, n’étoit sans doute autre chose que ce recueil intéressant ; les premieres écoles de Médecine n’eurent pas d’autres livres, & les sentences cnidienes n’étoient, au rapport d’Hippocrate, que de pareils recueils d’observations. Tel a été l’état de la Médecine clinique jusqu’au tems mémorable de ce divin législateur. Quelques philosophes après Pythagore, avoient essayé d’y joindre le raisonnement ; ils avoient commencé d’y mêler les dogmes de la physique regnante ; ils étoient devenus théoriciens, mais ils n’étoient médecins que dans le cabinet ; ils ne voyoient aucun malade ; les empiriques seuls qui avoient fondé la Médecine, l’exerçoient ; l’observation étoit leur unique guide ; serviles, mais aveugles imitateurs, ils risquoient souvent de confondre des maladies très-différentes, n’en ayant que des descriptions peu exactes, & nullement instruits de la valeur des vrais signes caractéristiques ; l’empirisme étoit alors nécessaire, mais il étoit insuffisant ; la Médecine ne peut absolument exister sans lui, mais il n’est pas seul capable de la former. Le grand & l’immortel Hippocrate rassembla les observations de ses prédécesseurs ; il paroît même s’être presque uniquement occupé à observer lui-même, & il a poussé si loin l’art de l’observation, qu’il est venu à bout de changer la face de la Médecine, & de la porter à un point de perfection, que depuis plus de vingt siecles on n’a pû encore atteindre. Quoique possédant bien des connoissances théoriques, les descriptions qu’il a donné des maladies, n’en sont point altérées, elles sont purement empiriques ; ses observations sont simples & exactes, dépouillées de tout ornement étranger ; elles ne contiennent que des faits & des faits intéressans ; il détaille les observations dans ses livres d’épidémie, ses aphorismes, ses prénotions coaques, & les prorrhétiques, & les livres de prognostics supposent une quantité immense d’observations, & en sont une espece d’extrait précieux. A quel dégré de certitude ne seroit point parvenue la Médecine, si tous les Médecins qui l’ont suivi, eussent marché sur ses traces ? Si chacun se fût appliqué à observer & à nous transmettre ses observations avec la simplicité & la candeur d’Hippocrate, quelle immense collection de faits n’aurions-nous pas aujourd’hui ? Quelles richesses pour le médecin ? Quel avantage pour l’humanité ? Mais, avouons-le, la Médecine d’aujourd’hui, & encore plus la Médecine du siecle passé, est bien éloignée, malgré les découvertes anatomiques, l’augmentation de la matiere médicale, les lumieres de la Physique, de la perfection que lui a donné un seul homme. La raison en est bien évidente : c’est qu’au lieu d’observer, on a raisonné, on a préféré le titre brillant de théoricien, au métier pénible & obscur d’observateur ; les erreurs de la Physique ont de tout tems infecté la Medecine, la theorizo-manie a gagné ; plus on s’y est livré, & moins on a cultivé l’observation ; les théories vicieuses dans leur principe, l’ont été encore plus dans leurs conséquences, Asclépiade médecin hardi & présomptueux, blâma publiquement l’observation qu’avoit suivi Hippocrate, & il eut des sectateurs. Il se forma aussi dans le même tems une nouvelle secte d’empiriques par système ; mais l’insuffisance de leur méthode les fit bien-tôt disparoître ; long-tems après parut le fameux commentateur d’Hippocrate, Galien qui a beaucoup observé, mais trop raisonné, il a monté la Médecine sur le ton de la Philosophie ; les Grecs l’ont suivi dans ce défaut, & ont négligé l’observation ; ils ont donné dans les hypothèses, & ont été imités en cela par les Arabes, qui ont presque entierement défiguré la Médecine. Nous n’avons d’eux que quelques observations de Chirurgie, & une description très-exacte de la petite vérole qu’on trouve dans Rhasis. La Médecine passa des mains des Galénistes ignorans & servilement attachés aux décisions de leur maître, dans celles des Chimistes médecins actifs, remplis d’imagination que la vapeur de leurs fourneaux échauffoit encore. Les principes de leur médecine étoient totalement opposés à l’observation, à l’étude de la nature ; ils vouloient toûjours agir, & se vantoient de posséder des spécifiques assûrés ; leurs idées étoient très-belles, très-spécieuses : qu’il seroit à souhaiter qu’elles eussent été vraies ? Les Méchaniciens s’emparerent de la Médecine, la dépouillerent de toutes les erreurs qu’y avoit introduit la chimie, mais ce fut pour en substituer de nouvelles. On perdit totalement de vue l’observation, & on prétendit la suppléer par des calculs algébriques, par l’application des Mathématiques au corps humain. La prétendue découverte de la circulation éblouit tous les esprits, augmenta le délire & la fureur des hypothèses, & jetta dans l’esprit des Médecins le goût stérile des expériences toujours infructueuses ; les théories qu’on bâtit sur ces fondemens devinrent la regle de la pratique, & il ne fut plus question de l’observation. Le renouvellement des Sciences procura à la Médecine quelques connoissances étrangeres à la pratique, plus curieuses qu’utiles, plus agréables que nécessaires. L’Anatomie, par exemple, & l’Histoire naturelle, devinrent l’objet des recherches des Médecins, qui furent par-là détournés de l’observation, & la médecine clinique en fut moins cultivée & plus incertaine, & nous n’y gagnâmes d’ailleurs que quelques détails minutieux absolument inutiles ; la Physiologie parut faire quelques progrès, la connoissance des maladies & la science des signes furent beaucoup plus négligées ; la Thérapeutique s’enrichit du côté des remedes, mais elle en fut moins sûre dans les indications, & moins simple dans les applications ; dans les derniers tems le Chiracisme étant devenu dominant, la médecine active fut mise à la mode, & avec elle l’usage inconsideré des saignées & des purgations. L’observation fut moins suivie que jamais, & elle étoit peu nécessaire, parce que ces remedes s’appliquoient indifféremment dans tous les cas ; ou si l’on donnoit quelques observations, il n’étoit pas difficile de s’appercevoir qu’on voyoit avec des yeux préoccupés, & qu’on avoit des intérêts à ménager en racontant.
Telle a été la Médecine depuis Hippocrate jusqu’à nos jours, passant sans cesse d’un sectaire à l’autre, continuellement altérée & obscurcie par des hypothèses & des systèmes qui se succédoient & s’entre-détruisoient réciproquement, avec d’autant plus de facilité, que le vrai n’étoit d’aucun côté ; plongée par le défaut d’observation dans la plus grande incertitude, quelques médecins observateurs en petit nombre, ont de tems en tems élevé la voix ; mais elle étoit étouffée par les cris des Théoriciens, ou l’attrait des systèmes empêchoit de la suivre. Voyez Observateur. Le goût de l’observation paroît avoir repris depuis quelque tems : les écrits de Sydenham, de Baglivi, de Sthal, ont servi à l’inspirer ; le pouvoir de la nature dans la guérison des maladies, rappellé par cet illustre auteur sous le nom impropre d’ame, n’y a pas peu contribué ; ce système qui n’est vicieux que parce qu’on veut déterminer la qualité de la nature & la confondre avec l’ame, est très-favorable à la Médecine pratique, pourvû qu’on ne le pousse pas à l’excès ; il a fait beaucoup de partisans, qui sont tout autant de sectateurs zelés de l’observation. L’esprit philosophique qui s’introduit heureusement dans la Médecine, qui veut principalement des faits, qui porte à tout voir, à tout examiner, à saisir avec ardeur le vrai & à l’aimer par-dessus tout ; la quantité prodigieuse d’erreurs passées, qui nous en laisse moins a craindre, peut-être aussi les lumieres de notre siecle éclairé, toutes ces causes réunies, favorisent le retour de l’observation, & servent à rallumer ce flambeau. La Médecine paroît être sur le point d’une grande révolution ; les systèmes bien apprétiés sont réduits à leur juste valeur ; plusieurs médecins s’appliquent comme il faut à l’observation ; ils suivent la nature, ils ne tarderont pas à faire revivre la Médecine d’Hippocrate, qui est la véritable Médecine d’observation. Ainsi, après bien des travaux, cette science pourra être avancée & portée au point où elle étoit il y a deux mille ans. Heureux encore les hommes, si les Médecins qui viendront après, continuent de suivre cette route, & si toujours guidés par le fil de l’observation, ils évitent des égaremens si honteux pour eux-mêmes, & si funestes aux autres.
En parcourant toutes les parties de la Médecine, nous verrons qu’elles sont toutes formées par l’observation, & qu’elles sont d’autant plus certaines & plus claires, que l’observation y a plus de part ; on pourroit assurer la même chose de toute la Physique ; & de cet examen naîtront les différentes especes d’observations qui sont du ressort des Médecins. 1°. L’Anatomie résulte de l’observation simple, de l’arrangement, de la figure, de la situation, &c. des parties qui composent le corps humain ; l’observation des fonctions qui sont produites par le mouvement ou la vie de ces différentes parties bien disposées, constitue la partie historique de la Physiologie & la séméiotique de la santé ; d’où l’on tire plus ou moins directement la Physiologie théorique. L’observation appliquée à l’homme malade, fait connoître les dérangemens qui se trouvent dans les fonctions qui constituent proprement l’état de maladie, & les causes éloignées qui les ont fait naître : c’est la vraie Pathologie, & ses deux branches essentielles l’Aitiologie & la Symptomatologie ; on doit aussi se rapporter la seméiotique de la maladie. L’observation de l’effet que produisent sur le corps sain l’air, les alimens, le sommeil, l’exercice, les passions, & les excrétions, en un mot, les choses non naturelles, forme l’Hygiene, & sert de fondement & de principe aux regles diététiques. L’observation des changemens que produisent les remedes sur le corps malade & dans la marche des maladies, a établi la Thérapeutique, ou la science des indications, d’où est née la matiere médicale. Telles sont les différentes sources d’observations qui se présentent au médecin, & dans lesquelles il peut & doit puiser la vraie Médecine : nous allons les suivre chacune en particulier, mais en peu de mots.
1°. Observations anatomiques cadavériques. Ces observations peuvent se faire sur des cadavres d’hommes morts de mort violente dans la simple vûe d’acquérir des connoissances anatomiques, où elles peuvent avoir lieu sur ceux qui sont morts de maladie, & elles ont alors pour but de découvrir les causes de la mort & les dérangemens intérieurs qui y ont donné lieu : la premiere espece d’observation, que nous appellerons simplement anatomique, peut aussi se faire sur les animaux, leur structure interne est, à peu de chose près, semblable à celle de l’homme, & c’est par la dissection des animaux que l’anatomie a commencé dans un tems où l’ignorance, la superstition & le préjugé faisoient regarder comme une souillure de toucher aux cadavres humains, & empêchoient à plus forte raison d’y porter le conteau anatomique pour en connoître l’intérieur ; & même dans notre siecle que nous croyons devoir appeller modestement le plus savant, le plus éclairé & le plus exempt de préjugés ; si l’on ne donne pas dans le ridicule outré de se croire souillé par la dissection d’un cadavre ; on se fait une peine d’en accorder au zele louable & aux recherches avantageuses des Anatomistes, & dans quelques endroits où l’on accorde (pour de l’argent) les cadavres des hommes, on refuse ceux des femmes, comme si l’un étoit plus sacré que l’autre pour le médecin, & qu’il ne lui fût pas aussi utile & nécessaire de connoître la structure des femmes que celle des hommes. Hérophile & Erasistrate passent pour être les premiers qui ont osé secouer le préjugé en dissequant non-seulement des cadavres humains, mais des hommes vivans criminels, que les princes zélés pour le bien public & philosophes leur faisoient remettre. Dès que le premier pas a été fait, les médecins qui les ont suivi se sont empressés de marcher sur leurs traces, & les rois éclairés ont favorisé leurs tentatives par les permissions les plus authentiques & les récompenses les plus honorables ; de là les progrès rapides de l’Anatomie, les découvertes fréquentes qui se sont faites successivement. Voyez-en l’histoire à l’article Anatomie. voyez aussi au même endroit les recueils d’observations anatomiques dans les ouvrages qui y sont cités, auxquels on peut ajouter les mémoires des différentes académies, & sur-tout de l’académie royale des Sciences, où l’on trouve dans chaque volume des observations singulieres, curieuses & intéressantes, ces mémoires sont devenus des monumens qui attestent & classent les découvertes qui se font chaque jour. Comme cette science, qui ne demande que de la dextérité dans la main & une bonne vûe, & qui est par conséquent du ressort immédiat & exclusif de l’observation, a été bientôt portée à une certaine perfection, il reste à présent peu d’objets d’observations, peu de chose à découvrir ; aussi n’ajoute-t-on, à présent que la science est faite, que quelques observations de monstres qui ne seront pas encore épuisées, parce que les écarts de la nature peuvent varier à l’infini, que quelques divisions futiles, quelques détails minutieux qui ne sont d’aucune utilité ; on ne peut même dissimuler que les avantages de l’Anatomie ne sont pas aussi grands qu’on devoit se le promettre. Il paroissoit tout naturel de croire que le corps humain étant une machine, plus on en connoîtroit les ressorts, plus il seroit facile de découvrir les causes, les lois, le méchanisme de leurs mouvemens, plus aussi on seroit éclairé sur la maniere d’agir & sur les effets des causes qui dérangeoient ces ressorts & troubloient ces mouvemens, & qu’enfin ces connoissances devoient répandre un grand jour sur l’art de guérir, c’est-à dire de corriger des altérations si bien connues ; mais l’évenement n’a pas justifié un raisonnement en apparence si juste & si conséquent ; toutes les observations & les découvertes anatomiques ne paroissent avoir servi jusqu’ici qu’à exercer la pénétration, la dextérité & la patience des hommes, & à enrichir la Médecine d’une science très-curieuse, très satisfaisante, & un des plus forts argumens, selon Hoffman, & tous les médecins & philosophes, de l’existence & de l’opération de Dieu. Cette espece d’observation auroit sans doute été plus utile, si l’on avoit examiné, comme Hérophile, la structure du corps dans l’homme vivant ; l’Anatomie raisonnée ou Physiologique auroit été principalement éclairée sur l’usage & la nécessité des différentes parties. On ne doit point regarder l’exécution de ce projet comme une action barbare & inhumaine ; il y a tant de gens qui ont mérité par leurs crimes de finir leur vie sur un échafaud dans les tourmens les plus cruels, auquel il seroit au-moins très-indifférent d’être mis entre les mains d’un anatomiste, qui ne regarderoit pas l’emploi de bourreau qu’il rempliroit alors comme déshonorant, mais qui ne le verroit que comme un moyen d’acquérir des lumieres, & d’être utile au public, le crime fait la honte & non pas l’échafaud. Le criminel pourroit encore avoir l’espérance de survivre aux observations qu’on auroit fait sur lui, & on pourroit proportionner le danger & la longueur des épreuves à la gravité des crimes : mais quand même une mort assûrée attendroit ce coupable, ou même un autre, soumis au couteau anatomique, il est des cas où il est expédient qu’un homme meure pour le public, & l’humanité bien entendue, peut adopter cette maxime judicieuse d’un auteur moderne, qu’un homme vis-à vis de tous les autres n’est rien, & qu’un criminel est moins que rien.
Le seul usage qu’on pût tirer des observations anatomiques, ou de l’Anatomie telle qu’on la cultive aujourd’hui, ce seroit sans doute d’éclairer pour les observations cadavériques, j’appelle ainsi celles qui se font pour découvrir les causes de mort sur des sujets que quelque maladie a mis au tombeau. Nous sommes encore forcés d’avouer ici qu’on n’a pas retiré beaucoup de lumiere sur la connoissance des causes de cette espece d’observation ; la Médecine clinique n’étoit pas moins avancée lorsqu’il ne se faisoit point d’ouverture de cadavres du tems d’Hippocrate qu’elle l’est aujourd’hui ; est-ce un vice attaché à la nature de cette observation, ou un défaut dépendant de la maniere dont on la fait ? Si l’on y fait attention, on verra que ces deux causes y concourent, 1° il est bien certain que les choses ne sont pas dans le même état dans un homme mort de maladie, que dans un homme mort subitement, ou encore vivant, les gangrenes qu’on trouve à la suite des maladies aiguës inflammatoires sont une suite ordinaire de la cessation de la vie dans ces parties, on en trouve quelquefois des traces dans des parties où il n’y a point eu d’inflammation ; les obstructions, suppurations que présentent les cadavres de ceux qui sont morts de maladie chronique, n’ont souvent eu lieu qu’à la fin de la maladie lorsqu’elle tendoit à sa fin, & qu’elle étoit incurable ; quelles lumieres de pareilles observations peuvent-elles répandre sur la connoissance & la guérison de ces maladies ? On raisonneroit bien mal, & on pratiqueroit bien plus mal encore si l’on établissoit des indications curatives sur les observations cadavériques. Pour avoir quelque chose de certain, il faudroit avoir ouvert cinquante personnes attaquées de la même maladie, & morts dans des tems différens par quelqu’autre cause, on pourroit alors voir les progrès de la maladie & des dérangemens qu’elle occasionne, ou qui l’ont produite ; observation presque impossible à suivre. Un des cas où l’on regarde l’observation cadavérique comme inutile, savoir celui où l’on ne trouve aucun vestige de maladie, aucune cause apparente de mort, où tous les visceres bien examinés paroissent sains & bien disposés : ce cas, dis-je, est précisément celui où cette observation me semble plus lumineuse, parce qu’elle dé montre qu’il n’y avoit qu’un vice dans les nerfs, & que la maladie étoit strictement nerveuse : un des cas encore où l’observation peut avoir quelqu’utilité, c’est pour déterminer le siege de la maladie ; il arrive souvent qu’on attribue des toux, des symptomes de phthisie, à des tubercules du poumon, tandis qu’il n’y a que le foie d’affecté : la même chose arrive dans certaines prétendues péripneumonies, & alors l’observation cadavérique peut faire réfléchir dans une occasion semblable, rectifier le jugement qu’on porte sur la maladie, & faire suivre une pratique différente. La seconde cause de l’inutilité des observations cadavériques, c’est qu’on les fait mal. Un malade auroit-il eu une douleur vive au côté, après sa mort le médecin qui croit que c’étoit une pleurésie, fait ouvrir la poitrine, n’y voit aucun dérangement, s’en va tout étonné, & ne s’éclaire point ; s’il eût ouvert le bas-ventre, il eût vû le foie ou la face inférieure du diaphragme enflammée. Un homme meurt dans les fureurs d’un délire phrénétique : on se propose de voir la dure-mere engorgée, tout le cerveau délabré, on scie le crâne, la dure-mere & le cerveau paroîtront dans leur état naturel, & on ne va pas s’imaginer & chercher le siege de la maladie dans le bas-ventre. Quand on veut examiner un cadavre pour y découvrir quelque cause de mort, il faut tout le parcourir, ne laisser aucune partie sans l’observer. On trouve souvent des causes de mort dans des endroits où on les auroit le moins soupçonnées : un autre inconvénient qui s’oppose à la bonté des observations cadavériques, c’est de fouiller les cadavres avec un esprit préoccupé, & avec l’envie d’y trouver la preuve de quelqu’opinion avancée ; cette prévention qui fait trouver tout ce qu’on cherche, est d’une très-grande conséquence en Médecine ; on prépare par-là de nouveaux écueils aux médecins inhabiles, & on taille des matériaux pour des systèmes erronés ; c’est un défaut qu’on reproche à certains infatigables faiseurs d’expérience de nos jours. J’ai vû des médecins qui ayant annoncé dans un malade une suppuration dans la poitrine, & en conséquence une impossibilité de guérison, prétendoient la trouver dans le cadavre, prenoient pour du pus l’humeur écumeuse qui sortit des vesicules bronchiques dans le poumon très-sain : il y en a d’autres qui ayant imaginé le foyer d’une maladie dans quelque viscere, trouvent toujours dans l’ouverture des cadavres quelques vices, mais ils sont les seuls à faire ces observations. Ceux qui seront curieux de lire beaucoup d’observations cadavériques dont je me garde bien de garantir l’exactitude & la vérité, peuvent consulter le Sepulchretum Boneti, les recueils d’observations de Tulpius, Forestus, Hoffman, Riviere, Sennert, Schenckius, Zacutus Lusitanus, Italpart Van der-vic, les miscellanea natur. curiosor. & le synopsis, & Wepfer histor. apoplectic. cum observat. celebr. medicor. Manget, bibliothec. med. practic. Lieutaud, son précis de la Médecine, remarquable par les observations cadavériques qu’il a faites lui-même, ou qu’il a rassemblé des autres, mais qu’on est fâché de voir si abrégée ; Morfon, sa Phthisiologie ; Senac, son immortel traité du cœur ; & un petit, mais excellent ouvrage sur les fievres intermittentes & remittentes, où il y a un chapitre particulier qui renferme les observations faites sur les cadavres de ceux qui sont morts de fievres intermittentes, &c. on trouve aussi de ces observations dans une foule de petits traités particuliers sur chaque maladie ; les mémoires de différentes académies ; les essais de la société d’Edimbourg, & le journal de Médecine en renferment aussi beaucoup.
Observations physiologiques. Ce sont des observations sur l’homme vivant & en bonne santé, par lesquelles on s’instruit de tous les phénomenes qui résultent du concours, de l’ensemble & de l’intégrité des fonctions humaines ; le recueil de ces observations, bien fait & tel que je le conçois, formeroit une histoire de l’homme physique très-complette, très-féconde & absolument nécessaire pour bâtir solidement un système bien raisonné d’économie animale : ce genre d’observations a cependant été presque généralement négligé ; inondés de traités de Physiologie, à peine en avons-nous un qui soit fait d’après l’observation exacte de l’homme, aussi quelle inexactitude dans les descriptions, quelles inconséquences dans les explications ! quel vague, quelles erreurs dans les systèmes ! Tous les physiologistes n’ont fait que se copier dans les descriptions, & semblent n’avoir eu en vûe que de se combattre dans les théories ; loin d’aller examiner la nature, de s’étudier soi-même, de consulter les autres, ils n’ont cherché qu’à se former une liste des fonctions de l’homme, & ils les ont expliqué ensuite chacune en particulier, comme si elles n’avoient pas les unes sur les autres une action, une influence réciproque ; il semble dans leurs écrits qu’il y ait dans l’homme autant d’animaux différens qu’il y a de parties & de fonctions différentes ; ils sont censés vivre séparément, & n’avoir ensemble aucune communication. On lit dans ces ouvrages un traité de la circulation après un chapitre de la digestion, & il n’est plus question de l’estomac, des intestins, de leur action sur le cœur & les arteres après qu’on en a fait sortir le chyle, & qu’on l’a fait monter méchaniquement jusqu’à la souclaviere gauche. On pourroit, suivant l’idée de ces auteurs, comparer l’homme à une troupe de grues qui volent ensemble dans un certain ordre, sans s’entr’aider réciproquement & sans dépendre les unes des autres. Les Medecins ou Philosophes qui ont étudié l’homme & qui ont bien observé par eux mêmes, ont vû cette sympathie dans tous les mouvemens animaux, cet accord si constant & si nécessaire dans le jeu des différentes parties les plus éloignées & les plus disparates ; ils ont vû aussi le dérangement qui résultoit dans le tout du désaccord sensible d’une seule partie. Un médecin celebre (M. de Bordeu) & un illustre physicien (M. de Maupertuis) se sont accordés à comparer l’homme envisagé sous ce point de vûe lumineux & philosophique à un grouppe d’abeilles qui font leurs efforts pour s’attacher à une branche d’arbre, on les voit se presser, se soutenir mutuellement, & former une espece de tout, dans lequel chaque partie vivante à sa maniere, contribue par la correspondance & la direction de ses mouvemens à entretenir cette espece de vie de tout le corps, si l’on peut appeller ainsi une simple liaison d’actions. Le traité intitulé, recherches anatomiques sur la position & l’usage des glandes, où M. de Bordeu donne cette comparaison composée en 1749, fut imprimé & parut au commencement de 1751. La dissertation de M. de Maupertuis où il en est question, a été aussi imprimée à Erlang en 1751 sous ce titre.
Pour faire une bonne physiologie, il faudroit d’abord l’histoire exacte & bien détaillée de toutes les fonctions du corps humain, de la maniere apparente extérieure dont elles s’exécutent, c’est-à-dire des phénomenes qui en sont le produit, & enfin des changemens qu’operent sur l’ordre successif de ces fonctions les causes naturelles de la durée de la vie. Voyez Œconomie animale & Physiologie. On ne peut obtenir cela que par une observation assidue, désintéressée & judicieuse de l’homme ; ce plan a été suivi par l’illustre auteur du specimen medicinæ conspectus, de l’idée de l’homme physique & moral &c. qui n’a donné dans ces ouvrages un système très-naturel & très-ingénieux d’économie animale qu’après s’être long tems-étudié & observé lui même & les autres, nous l’exposerons à l’article Œconomie animale. Ce fameux médecin pense que pour tirer un plus grand parti de l’observation, il faut déja avoir une espece de théorie, un point de vûe général qui serve de point de ralliement pour tous les faits que l’observation vient d’offrir ; mais il est à craindre que cette théorie antérieure dont l’esprit est préoccupé, ne lui déguise les objets qui se présentent ; elle ne peut être indifférente ou même utile qu’entre les mains d’un homme de génie, qui ne sait pas se prévenir, qui voit du même œil les objets contraires à son système que ceux qui lui sont favorables, & qui est assez grand pour savoir sacrifier quand il le faut les idées les plus spécieuses à la simple vérité.
Nous rapportons aux observations physiologiques la séméiotique de la santé, ou la science des signes qui caractérisent cet état si désirable, & qui peuvent faire promettre qu’il sera constant & durable ; pour déterminer exactement la valeur, la signification & la certitude de ces signes, il faut avoir fait un grand nombre d’observations : la séméiotique n’en est qu’un extrait digéré & rapproché.
Les observations hygiétiques trouvent aussi naturellement leur place ici, parce qu’elles nous apprennent ce que peut, pour maintenir la santé, l’usage réglé des six choses non naturelles. Cette connoissance, fruit d’une observation suivie, est proprement la Médecine, & ce n’est qu’en l’exerçant qu’on peut l’obtenir. Hippocrate la recommande beaucoup ; il faut principalement, dit ce divin vieillard, s’appliquer à connoître l’homme dans ses rapports avec ce qu’il boit & ce qu’il mange, & les effets qui en résultent dans chaque individu : omni studio annitatur ut percipiat quid sit homo, collatione factà ad ea quæ eduntur & bibuntur, & quid à singulis cuique eventurum sit, lib. de veter. medicin. Ce n’est qu’après avoir rassemblé beaucoup d’observations qu’on a pu établir les différentes regles d’hygiéne, dont la principale, la plus sûre & la plus avantageuse est pour les personnes qui ont un tempérament assez robuste de n’en point observer. Voyez Diete, Hygiene, Régime. On trouvera des observations & des regles d’hygiene dans les ouvrages d’Hippocrate, de Galien & de Celse, dans l’école de Salerne : on peut consulter aussi deux traités du docteur Arbuthnot, l’un intitulé : an essay concerning the nature of aliments and the choice of them, according to the different constitutions of human bodies in which, &c. London. 1731 ; & l’autre a pour titre : practical rules of diet in the various constitutions and diseases of human bodies. London. 1732, &c.
Observations pathologiques ou pratiques. Ce sont les observations qui se font au lit des malades, & qui ont, ou doivent avoir pour objet, les causes de la maladie, les symptomes qui la caractérisent, la marche qu’elle fait, les bons ou mauvais effets qui resultent de l’administration des remedes, & ses différentes terminaisons ; c’est cette espece d’observation, cultivée dans les tems les plus reculés, si bien & si utilement suivie par le grand Hippocrate, qui a été le fondement de la médecine chimique. Nous ne repéterons pas ce que nous avons dit plus haut sur les avantages de cette observation, & sur les qualités nécessaires à un bon observateur, voyez ce mot. Il ne nous reste plus qu’à donner un exposé des détails que doit embrasser une observation ; nous l’extrairons encore des ouvrages d’Hippocrate, que nous ne pouvons nous lasser de citer, & de proposer pour modele sur-tout dans cette partie : ce n’est point une prévention ridicule pour les anciens, un mépris outré des modernes, ou un enthousiasme aveugle pour cet auteur qui nous conduit, c’est la simple vérité, c’est l’attrait puissant qui en est inséparable, & que sentent très-bien ceux qui ont lu & relu ses écrits. On peut se former un plan très-instructif d’observations, en lisant celles qu’il rapporte dans ses épidémies, & sur-tout dans le premier & le troisieme livres qui ne sont point altérés, & que personne ne lui conteste. Mais il a soin d’avertir lui-même, avant d’entrer dans le récit circonstancié de ses observations, de la maniere dont il faut s’y prendre pour parvenir à la connoissance des maladies, & des points sur lesquels doit rouler l’observation : voici comme il s’exprime. « Nous connoissons les maladies par leur nature commune, particuliere & individuelle ; par la maladie présente ; par le malade ; par les choses qui lui sont offertes, & même par celui qui offre (ce qui n’est pas toujours indifférent), par la constitution partiale ou totale des corps célestes, τῶν οὐρανίων (& non pas simplement de l’air, comme l’a traduit le D. Freind), & du pays qu’il habite ; par la coutume, le genre de vie, par les études ; par l’âge de chacun ; par les discours que tient le malade, ses mœurs, son silence, ses méditations, ses pensées, son sommeil, ses veilles, ses songes ; par les inquiétudes, les démangeaisons, les larmes, les redoublemens, les déjections, les urines, les crachats, les vomissemens. Il faut aussi voir, continue cet illustre observateur, quelles sont les excrétions, & par quoi elles sont déterminées, καὶ ὅσαι ἐξ οἵων ; quelles sont les vicissitudes des maladies, en quoi elles dégénerent ; quels sont les abscès ou métastases nuisibles, quels sont les favorables ; la sueur, les frissons, le refroidissement, la toux, l’éternuement, le hoquet, l’haleine, les renvois, les vents chassés sans bruit, ou avec bruit : les hémorragies, les hémorrhoïdes, doivent encore être mûrement examinées ; il est enfin nécessaire de s’instruire de ce qui arrive de toutes ces choses, & de ce qui en est l’effet ». Morbor. vulgar. l. I. sect. iij. n°. 20. Telle est la table des objets que l’observateur doit recueillir auprès d’un malade. Il nous seroit facile de démontrer combien chaque article est important ; mais ce détail nous meneroit trop loin : il n’est d’ailleurs point de médecins, qui ayant vu des malades & des maladies, n’en sentent toute l’utilité. Les observations qui regardent les corps célestes, l’air, le pays, qui ont paru absolument indifférentes à plusieurs, ne laissent pas d’avoir beaucoup d’utilité, l’influence des astres n’étant plus regardée comme chimérique lorsqu’elle est restrainte dans des justes bornes, suffit pour constater les avantages des observations de la constitution des corps célestes, voyez Influence des astres, & plus bas, Observations météorologiques. On pourroit ajouter à l’exposition d’Hippocrate, les observations qui se font sur le pouls, & qu’on a de nos jours beaucoup cultivées, rendues plus justes & plus propres à éclairer la marche des maladies, que tous les autres signes, voyez Pouls. Parmi les observations de cette espece, celles qui sont les plus utiles, sont celles qu’on fait sur des maladies épidémiques, dans lesquelles, malgré quelque variété accidentelle, on voit toujours un caractere général ; on observe le génie épidémique, même marche dans les symptomes, même succès des remedes, même terminaison, &c. Mais il faut sur-tout dans ces observations, bannir toute conjecture, tout raisonnement, tout fait étranger ; il n’est pas même nécessaire de rapprocher les faits, de faire voir leur liaison ; il suffit, après avoir exposé la constitution du tems, les saisons, les causes générales, de donner une liste & une notice des maladies qui ont regné, & d’entrer après cela dans le détail. Voyez les épidémies d’Hippocrate, de Baillou, de Sydenham. Les recherches des causes prochaines ne doivent jamais entrer dans les observations. Celse voudroit qu’on les bannît de l’art ; il ne devroit pas permettre qu’on les laissât dans l’esprit des médecins : causis, dit-il, non ab artificis mente, sed ab arte rejectis. Elles sont toujours obscures, incertaines, & plus ou moins systématiques. Si un auteur a fait sur ses observations quelques remarques qu’il juge utiles, il peut en faire part à la fin & en peu de mots ; ces petits corollaires, sans jetter de la confusion dans le cours d’une observation, font quelquefois naître des vûes avantageuses. Quoique les observations dénuées de raisonnement & d’application, paroissent stériles, sans sel & sans usage, elles sont, suivant l’expression de Baglivi, comme les lettres de l’alphabet qui, prises séparément, sont inutiles, & qui dès qu’elles sont rassemblées & diversement rapprochées, forment le vrai langage de la nature. Un avantage bien précieux qu’on peut & qu’on doit tirer des observations recueillies en grande quantité, c’est d’en extraire tout ce qu’on voit d’exactement semblable, de noter les particularités qui ont eu les mêmes signes, les excrétions qui ont eu les mêmes avant-coureurs : on peut former par ce moyen un code extrèmement intéressant, de sentences ou d’aphorismes vérifiés par une observation constante. C’est en suivant ce plan qu’Hippocrate a formé, par un travail immense & avec une sagacité infinie, tous ces ouvrages aphoristiques qui sont la base de la séméiotique, & qui font tant d’honneur au médecin qui en sait profiter : c’est en marchant sur ses traces qu’on peut procurer à l’art des richesses inaltérables & des fondemens assurés. Hippocrate après avoir vu mourir plusieurs phrénétiques qui avoient eu des urines pâles, limpides, &c. il fit cet aphorisme : quibus phreneticis urina alba, limpida, mala, l. IV. aphor lxxij. L’observation de plusieurs fievres, qui ont été bientôt terminées lorsqu’il est survenu des convulsions, & qu’elles ont cessé le même jour, lui a fait dire : convulsio in febre orta, & eâdem die desinens, bona est, coac. præ. not. l. I. ch. iij. n°. 52. & ainsi des autres, par où l’on voit que chaque aphorisme, chaque prédiction est le résultat de plusieurs observations. Quelle quantité n’a-t-il pas été obligé d’en rassembler ! Quand on lit ses ouvrages, & qu’on voit le génie & la travail qu’ils exigent, on a de la peine à croire qu’un seul homme y ait pu suffire.
La table que M. Cliffon a proposée, peut servir de modele à ceux qui s’appliquent à l’observation. Une société illustre qui travaille avec fruit aux progrès de notre art l’a adoptée ; elle renferme six colonnes. Il met dans la premiere le sexe, l’âge, le tempérament, les occupations & le genre de vie du malade ; dans la seconde, les jours de la maladie ; dans la troisieme, les symptomes ; dans la quatrieme, les jours du mois ; dans la cinquieme, les remedes administrés ; & dans la sixieme, la terminaison de la maladie. Il y auroit bien des remarques à faire sur la maniere dont il faut remplir chaque colonne ; mais chaque observateur doit consulter là-dessus ses propres lumieres, & ce que nous avons dit dans le courant de cet article, que plus d’une raison nous force d’abréger : je remarquerai seulement qu’il me paroît qu’on devroit ajouter à la tête une colonne qui renfermât les observations météorologiques, l’état de l’air & du ciel pendant que cette maladie a eu son cours, & avant qu’elle se décidât : cette attention est sur tout nécessaire lorsqu’on décrit les maladies épidémiques. La seconde colonne dans la façon de vivre, comprendroit les causes éloignées, ou un détail des erreurs commises dans les six choses non-naturelles, s’il y en a eu. Enfin on pourroit y joindre une derniere colonne qui contînt les observations cadavériques ; quoique nous ayons dit que ces observations n’avoient pas jetté jusqu’ici beaucoup de lumieres sur le diagnostic des maladies, je n’ai point prétendu décider une absolue inutilité ; j’ai encore moins pensé qu’on ne pourioit jamais perfectionner ce genre d’observations, & le rendre plus utile : je serois bien volontiers de l’avis de ceux qui regardent comme très-avantageuse une loi qui ordonneroit que les cadavres ne fussent remis entre les mains des prêtres, qu’au sortir de celles des Anatomistes ; la connoissance des maladies ne seroit même pas le seul bien qui en resulteroit. Les observations seroient infiniment plus utiles si chaque médecin s’appliquoit à suivre avec candeur, le plan que nous venons d’exposer, ou tel autre semblable ; le lecteur se mettroit d’un coup d’œil au fait des maladies. Et qu’on ne dise pas qu’il n’y a plus rien de nouveau à observer, & que les sujets d’observations sont épuisés ; car 1°. il y a des maladies qui ne sont pas encore assez bien connues, telles que les maladies de la peau, du nez, des yeux, de la bouche, des oreilles, de l’estomac, du foie, des nerfs, &c. la goutte, la migraine, beaucoup de fievres, &c. Des observations bien suivies sur ces maladies seroient neuves, curieuses & importantes. Il nous manque encore des distinctions bien constatées des maladies nerveuses d’avec les humorales, des maladies incurables d’avec celles où l’art n’est pas absolument inutile ; nous aurions aussi besoin des signes assurés, qui nous fissent connoître ces maladies dès le commencement. Nous ne sommes que très-peu éclairés sur la valeur des signes qu’on tire des urines & des selles, & ce n’est que depuis peu de tems que de nouvelles observations ont perfectionné ceux que le pouls fournit ; elles méritent & ont encore besoin d’être confirmées : nous ne finirions pas si nous voulions suivre tous les sujets nouveaux d’observations. Baglivi en indique quelques-uns, voyez les ouvrages excellens que nous avons de lui, Praxeos medic. l. II. ch. vij. Mais en second lieu, quand les observations qu’on feroit ne serviroient qu’a vérifier celles qui sont dejà faites, à leur donner plus de force, de poids & de célébrité, ne seroit-ce pas un grand avantage, & j’ose même dire plus grand que celui qu’on procureroit par des découvertes qui, quelqu’intéressantes qu’elles soient, ont toujours des contradicteurs dans les commencemens, & ensuite, qui pis est, des enthousiastes outrés ? Quoique nous n’ayons pas beaucoup de médecins qui méritent le titre glorieux d’observateur, il y a cependant une assez grande quantité d’observations. Plusieurs médecins ont pris la peine d’en former des recueils, & nous leur avons obligation de nous avoir conservé & rassemblé des faits quelquefois intéressans, qui sans cette précaution, se seroient perdus, ou seroient restés épars çà & là, & par conséquent ignorés. La plûpart des auteurs de ces recueils se sont principalement attachés aux observations des faits merveilleux, qui nous montrent plutôt les écarts peu fréquens de la nature, que sa marche uniforme, & qui par-là sont bien moins utiles ; d’autres pour rassembler un plus grand nombre de faits, les ont tronqués, & ont prétendu nous donner des observations en deux ou trois lignes ; quelques uns pour les plier à leurs opinions, sont allés jusqu’à les défigurer. Les principaux auteurs qui nous ont transmis des collections générales, sont Schenkius, Tulpius, Benivenius, Zacutus & Amatus Lusitanius, Forestus, Riviere, Manget, Sthalpart Van-der wiel, Hoffman, Bonet, Chesneau, Albert qui a fait une espece de lexicon d’observations, Cherli auteur italien. On trouve beaucoup d’observations semblables dans les mémoires des différentes académies, dans les acta natur. curiosor. les essais & observations de médecine de la société d’Edimbourg ; dans les miscellanea di medicina, che contiene dissertazioni lettere, é osservazioni di alcuni celebri professori, &c. dans les medical observations and inquiries, by a society of physcians in London ; dans les ouvrages de Freind ; dans les transactions philosophiques & leurs différens extraits & abregés. Nous avons ensuite des observations sur des maladies particulieres. Hippocrate en a donné sur les maladies épidémiques, de même que Sydenham, Huxham, Baillou, Ramazzini, Cleghorn on the epidemical discases in minorca from the year 1744, to 1749. Bianchi, sur les maladies du foie ; Morton, sur la phthysie ; Senac, sur les maladies du cœur, dans l’immortel traité qu’il a fait sur cette matiere, &c. On travaille à présent à un recueil d’observations de médecine, sous forme de journal. Le projet en étoit beau, louable ; il étoit dirigé par un célebre médecin, tout sembloit devoir promettre une heureuse exécution, mais l’événement n’y a pas répondu. Nous sommes bien éloignés d’en attribuer la faute à l’auteur ; nous savons que la jalousie peut faire échouer les desseins les plus utiles & les mieux concertés. La plûpart des observations sont très-mal faites, remplies de raisonnemens à perte de vûe, de théorie, de conjectures, & ces défauts ne sont pas pour le journaliste un motif d’exclusion : elles sont inserées sans choix, & l’on y reçoit également l’observation d’un chirurgien, qui dit avoir guéri une maladie interne, que celle d’un apoticaire qui raconteroit une amputation qu’il auroit faite. Quoique ce défaut n’en soit pas un rigoureusement, on ne peut cependant s’empêcher d’être surpris qu’un chirurgien se vante d’avoir exercé une profession qu’il n’entend pas, & dont l’exercice lui est défendu par les lois & les arrêts les plus formels ; & qu’un médecin publie bonnement ce fait, quoiqu’il ne soit ni rare, ni curieux, ni en aucune maniere intéressant, & qu’il n’ait d’extraordinaire que la qualité de l’auteur.