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L’Encyclopédie/1re édition/PORTÉE

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PORTEE, s. f. (Gram.) étendue en longueur considérée relativement à l’action de quelque instrument. La portée d’un fusil. La portée de son esprit.

Portée, en Artillerie, est la ligne que décrit un boulet de canon depuis l’embouchure de la piece jusqu’à l’endroit où il va frapper. Voyez Canon, Boulet, &c.

Si la piece est pointée parallelement à l’horison, on l’appelle coup droit ou de niveau. Voyez Horisontal.

S’il est pointé à 45 degrés, le boulet a sa plus grande portée, & on dit que la piece est tirée à toute volée. A proportion toutes les autres portées qui sont depuis 0 degrés jusqu’à 45 degrés, sont appellées portées intermédiaires. Voyez Projectile, Coup, &c. Chambers.

Le boulet, en sortant du canon, ne décrit point une ligne droite dans toute l’étendue de sa portée, parce que sa pesanteur l’approche de la terre pendant toute la durée de son mouvement. Mais comme en sortant du canon il se meut avec une très-grande rapidité, la pesanteur ne paroît pas agir bien sensiblement sur lui dans les premiers instans : c’est pourquoi on peut considérer la ligne qu’il décrit alors comme sensiblement droite ; l’étendue de cette ligne se nomme la portée de but en blanc de la piece ; ainsi l’on peut définir cette portée l’étendue de la ligne sensiblement droite que décrit le boulet en sortant du canon.

La portée de but en blanc est bien moindre que la portée totale du boulet ; mais on ne peut aligner le canon ou le pointer vers un objet déterminé, que cet objet ne soit dans l’étendue de la portée de but en blanc ; hors cette portée les coups de canon sont trop incertains.

On a fait différentes expériences pour examiner la portée du canon de but en blanc, & il en résulte que cette portée est de 300 toises.

M. de Saint-Remi rapporte dans ses mémoires des expériences faites par M. Dumetz, lieutenant-général des armées du roi, & lieutenant de l’artillerie en Flandre, par lesquels il fut trouvé, les pieces étant tirées à toute volée, & chargées aux deux tiers de la pesanteur du boulet,

Que la piece de 24 portoit à 2250 toises.
Celle de 16 à 2020.
Celle de 12 à 1870.
Celle de 8 à 1660.
Et celle de 4 à 1520.

Quelque soin que l’on se donne pour faire ces expériences, il y a tant de choses différentes qui concourent à augmenter ou diminuer la portée du boulet, que l’on n’y compte pas absolument ; on les regarde seulement comme donnant à-peu-près l’étendue des portées.

A l’égard de la portée du fusil, voyez Feu militaire. (Q)

Portée, en Musique, est la collection des cinq lignes paralleles dont nous nous servons pour noter la musique, plaçant chaque note sur une ligne, ou dans l’espace qui est entre deux lignes, selon le degré qui convient à cette note. La portée de musique est composée de cinq lignes ; mais celle du plainchant n’en a que quatre. Je ne crois pas cependant que dans l’institution, Guy d’Arezze ait pu borner ses lignes à un si petit nombre ; car s’il est vrai, comme on le prétend, qu’il ne s’avisa pas d’abord de placer des notes dans les espaces, il lui fallut nécessairement autant de lignes que de différentes notes ; or personne n’imaginera que la musique de ce célebre auteur fut bornée à quatre ou cinq notes seulement.

A ce nombre de lignes fixes dans la musique & dans le plein-chant, on en ajoute d’accidentelles, quand cela est nécessaire, & que les notes passent en-haut ou en-bas l’étendue de la portée. Cette étendue, dans une portée de musique, est en tout d’onze différentes notes, faisant dix degrés diatoniques, & dans celle du plein-chant, de neuf notes formant seulement huit degrés. Voyez Clé, Notes, Lignes. (S)

Portée, en terme de commerce de mer, signifie une certaine quantité de marchandises qu’on permet aux gens d’équipage d’un vaisseau marchand de porter & d’embarquer pour leur compte, sans payer de fret : c’est ce que l’on nomme aussi pacotille : lorsqu’il n’y a que leurs coffres & leurs hardes, on l’appelle ordinaire ; & c’est ce qui doit être chargé le premier. Voyez Ordinaire & Pacotille.

Portée est encore un terme de Marine relatif au commerce, qui signifie la capacité d’un vaisseau. Désigner la portée d’un navire, c’est en exprimer la grandeur & le port. Voyez Port, Dictionn. de commerce.

Portée, (Econ. rustiq.) se dit des animaux à quatre piés ; la portée d’une lapine, c’est le nombre de petits qu’elle met bas. Portée se dit aussi du tems que la femelle porte ses petits.

Portée, s. f. (Archit.) c’est ce qui reste d’une plate-bande entre deux colonnes ou deux pié-droits. C’est aussi la longueur d’un poitrail entre ses jambages, d’une poutre entre deux murs, & d’une travée entre deux poutres. Les corbeaux soulagent la portée des poutres. Les solives n’ont pas cet avantage ; aussi doit-on les proportionner à leurs portées dans les travées.

On entend aussi par portée, le sommier d’une plate-bande, d’un arrachement de retombée, ou du bout d’une piece de bois qui entre dans un mur, ou qui porte sur une sabliere. C’est pourquoi une poutre doit avoir sa portée dans un mur mitoyen, jusqu’à deux pouces près de son parpain.

Portée signifie aussi une saillie au-delà du mur de face ; comme la saillie d’une gouttiere, d’un auvent, d’une cage de croisée, &c. (D. J.)

Portée, s. f. terme d’Arpenteur, c’est une mesure qui est de la longueur de la chaîne de l’Arpenteur, laquelle mesure il porte d’un piquet à l’autre. (D. J.)

Portée, en terme d’Epinglier, c’est une plaque plus forte que les autres, qui, dans la chaudiere du blanchissage, sépare ou la quantité, ou l’espece des épingles. Voyez les fig. dans nos Planches de l’Epinglier. La premiere représente la portée unie par-dessus, & la seconde, la portée unie par-dessous.

Portée, terme d’Horlogerie, c’est la petite assiette où un pivot prend naissance, & sur laquelle les arbres ou tiges portent, quand ils sont dans la verticale. Pour éviter un trop grand frottement sur les portées, elles doivent être bien plates, bien polies, & n’avoir qu’une largeur raisonnable.

Portée, (Metteur en œuvre.) Ce terme désigne la place dans laquelle doit être logée la pierre que l’on veut sertir. Quand on dispose un chaton pour y recevoir une pierre, on forme sur le bord du chaton un biseau à la lime ; c’est sur ce biseau que l’on creuse avec une échope ronde la portée. La facilité & la beauté du serti dépendent de l’ajustage de la portée. Il faut que le feuilleti de la pierre repose bien également, que la pierre ne soit pas trop enfoncée, & que l’ajustage ne soit pas trop lâche : sans ces conditions il peut résulter nombre d’inconvénient au serti, tel que celui de courir risque de casser la pierre losqu’elle porte à faux en quelqu’endroit de la portée, de n’avoir pas assez de matiere pour remplir les entre-deux des pierres lorsque l’ajustage est trop lâche, &c.

Portées, s. f. pl. terme de Plombier. Les Plombiers nomment les portées d’un moule à fondre les tuyaux sans soudure, deux petits tuyaux de cuivre de deux pouces de long ou environ, & de l’épaisseur que l’on veut donner aux tuyaux de plomb qui traversent les rondelles qui sont aux deux bouts du moule. (D. J.)

Portée, s. f. (Manufact. de lainage.) C’est un certain nombre de fils qui font partie de la chaîne d’étoffe.

La chaîne d’une étoffe de laine doit être composée d’une certaine quantité de portées, & chaque portée d’un certain nombre de fils. Le nombre des portées que chaque étoffe doit avoir, est fixé par les réglemens du lieu où elle se fabrique, suivant la largeur, son espece & sa qualité. Ainsi lorsque l’on dit que la chaîne d’une étoffe aura soixante-sept portées de quarante fils chacune, cela doit s’entendre que cette chaîne doit contenir en tout deux mille six cens quatre-vingt fils.

Les chaînes des étoffes de laine s’ourdissent ordinairement par demi-portées, c’est-à-dire, que chaque portée est partagée en deux, & cela pour avoir plus de facilité à les mettre sur le métier. Il y a des lieux de manufactures où les demi-portées sont appellées cuissette. Savary.

Portée, s. f. (Manufact. de soirie.) Ce mot signifie, comme dans la manufacture de lainages, un certain nombre de fils de soies, qui font une portion de la chaîne d’une étoffe ; ensorte que lorsque l’on dit qu’un taffetas de onze vingt-quatriemes d’aune de largeur entre les lisieres, aura vingt-quatre portées de vingt-quatre fils chacun, cela doit s’entendre que toute la chaîne qui est employée à faire ce taffetas, doit être composée de dix-neuf cens vingt fils.

En fait de velours, les portées se distinguent en portées de poil, & en portées de chaîne. Un velours à trois poils doit avoir soixante portées de chaîne, & chacune de ces portées doit être de quatre-vingt fils.

Les portées que doivent avoir toutes sortes de velours, taffetas, & tabis, suivant leurs différentes largeurs, especes & qualités, sont réglées par les statuts des ouvriers en draps d’or, d’argent & de soie, des villes de Paris, Lyon & Tours, faits en 1667 ; on y devroit changer bien des choses. (D. J.)

Portée, (Ruban.) s’entend dans l’ourdissage du ruban, de la descente & de la remontée du blin. Pour entendre ceci, il faut savoir que l’on ourdit ordinairement à 16 rochets, ce qui produit la demi-portée. Cette demi-portée est en croisée en haut. en commençant par deux fils de soie à la fois, voyez Encroiser. L’on descend ainsi, & lorsqu’on est arrivé à l’encroisure d’en-bas, on encroise seulement tous les 16 brins à la-fois, c’est-à-dire, qu’on les tourne à l’entour des boutons de cette encroisure, puis l’on remonte comme l’on étoit descendu pour encroiser encore par deux fils, comme il vient d’être dit, & voilà ce qu’on appelle une portée : ainsi on dit du ruban à 16, 18 ou 20 portées, selon la largeur que l’on veut lui donner. Voyez Encroiser, & Encroisure.

Portées, s. f. pl. terme de Chasse ; action du cerf, qui passant dans un bois épais, jeune & tendre, fait plier & tourner les branches avec sa tête. Salnove dit que le cerf de dix cors commence à faire des portées de la tête à la mi-mai. (D. J.)

Portée, en Fauconnerie. On dit l’oiseau a bonne portée ; il faut tirer le filet, c’est-à-dire, l’oiseau est attaché avidement à l’appât.