L’Encyclopédie/1re édition/RATE

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RATE, s. f. en Anatomie, est un viscere mou, spongieux, d’une couleur rouge foncé, ou plutôt livide, qui ressemble ordinairement à la figure d’une langue, & qui est quelquefois triangulaire & quelquefois arrondi. Voyez les Pl. d’Anatom. & leur explication.

Ordinairement il n’y a qu’une rate, quelquefois cependant on en trouve deux, & même trois. Elle est située dans l’hypocondre gauche, entre les fausses côtes & l’estomac ; elle est un peu convexe du côté des côtes, & concave vers l’estomac. Communément sa longueur est de six pouces, sa largeur de trois, & son épaisseur d’un pouce. Elle est attachée avec l’omentum, qui avec les vaisseaux sanguins la joignent à l’estomac & au rein gauche, & quelquefois au diaphragme.

Elle est couverte de deux membranes ; la membrane externe vient du péritoine & n’est attachée à la tunique interne que par le moyen des vaisseaux sanguins. La membrane interne est composée de fibres admirablement entrelacées, c’est de-là probablement que viennent ce grand nombre de cellules ou de vésicules qui forment la principale masse de la rate, quoique Malpighi les attribue plutôt aux conduits veineux. Les cellules communiquent les unes aux autres & se dégorgent dans le tronc de la veine splénique. Elles sont garnies en-dedans, suivant Malpighi, de différentes petites glandes jointes ensemble, dont 6, 7, ou 8 forment une espece de petites glandes conglomérées, auxquelles les arteres & les veines paroissent se terminer.

Les vaisseaux sanguins sont l’artere splénique qui vient de la céliaque, & la veine splénique qui renvoye le sang au foie par la veine porte. Voyez Splénique.

Ses nerfs viennent du plexus splénique proche le fond de l’estomac : aussi-tôt que les vaisseaux entrent dans la rate, ils sont tous enveloppés d’une membrane ou enveloppe commune, & distribués abondamment dans toute la substance de la rate. De plus il y a quantité de vaisseaux lymphatiques.

Les anastomoses qui sont entre les arteres & les veines de la rate, sont plus visibles dans cet endroit qu’en toute autre partie du corps, & on observe que ce viscere reçoit à proportion beaucoup plus de sang que les autres parties. Voyez Anastomose.

L’usage de la rate a été bien contesté de tout tems, soit à cause que la dissection n’en fait point appercevoir l’usage immédiat, soit parce qu’on trouve que tous les animaux à qui on la coupe ne laissent pas de vivre sans rate. Tout ce qui arrive, par exemple, aux chiens à qui on l’a coupée, c’est qu’ils sont plus alertes qu’à l’ordinaire, qu’ils urinent plus souvent ; qu’ils sont plus affamés qu’auparavant, & que pendant les premiers jours ils sentent des nausées & qu’ils vomissent : on ajoute que pour faire un bon coureur il faut lui ôter la rate.

C’est pourquoi quelques-uns ont imaginé que la rate ne servoit que d’un poids pour entretenir l’équilibre du corps ; d’autres qu’elle ne servoit qu’à faire la symmétrie ; d’autres croient que c’est un poids inutile & une des superfluités de la nature ; d’autres que c’est une fosse commune dans laquelle le sang dépose ses parties grossieres ; d’autres enfin que c’est un feu dont la chaleur anime l’action de l’estomac.

Plusieurs anciens ont dit qu’elle étoit le réservoir de la bile noire ou humeur mélancolique ; c’est pourquoi quelques-uns d’entr’eux l’appellent l’organe du rire. Voyez Rire, Hypocondriaque, &c.

M. Cowper tire de la grande quantité de sang qui se trouve dans la rate, & de ses inosculations apparentes, une conjecture bien naturelle sur son usage, ou du-moins sur son méchanisme particulier. Il pense donc que la rate n’est qu’un organe subordonné qui aide à la circulation, & croit que du concours du sang artériel & de celui des veines, il résulte une impétuosité qui se communique au sang des veines, & qui facilite son passage à-travers les ramifications de la veine porte à la veine cave ; car autrement ce sang seroit tellement interrompu par les ramifications doubles de la veine porte, qu’il ne lui resteroit pas assez de force pour aller au cœur. Voyez Circulation.

L’action ou l’effet de la rate, suivant Boerhaave, est de recevoir le sang nouveau des arteres, de le préparer dans ses glandes, & le répandre dans ses cellules ; de reporter le sang qui est resté après cette préparation aux petites veines, & de-là à la veine splénique ; de mêler les humeurs ainsi préparées avec les sucs nerveux, & de les préparer, atténuer, & unir plus intimement ensemble en une même humeur.

Malpighi, & après lui le docteur Keil, & quelques autres, prétendent que la rate est un viscere qui aide au foie à faire la secrétion, &c. de la bile. Nous avons observé qu’à cause de la proximité du foie & du cœur, & de la vîtesse du mouvement du sang dans l’aorte, une humeur composée de particules, qui se combine aussi lentement que le fait la bile, ne pourroit pas être préparée, si la vîtesse du sang n’étoit pas diminuée en faisant plusieurs tours pour passer à-travers l’estomac, les intestins, & l’omentum, &c. jusqu’au foie.

De plus, le docteur Keil conjecture que ces parties ne suffisoient pas pour recevoir tout le sang qui devoit être envoyé au foie ; c’est pourquoi la nature a formé la rate dans les cavités de laquelle le sang étant répandu par une petite artere, se meut du moins aussi lentement que tout ce qui passe au foie d’une autre maniere, au moyen de quoi les particules qui composent la bile dans le sang qui passe par le rameau splénique, ont plus d’occasion, par une circulation si longue & si lente, de s’unir, qu’elles n’en auroient si elles avoient été portées par les branches de la céliaque directement au foie ; par conséquent sans la rate le foie n’auroit pas pû préparer une aussi grande quantité de bile qu’il en faut, c’est-à-dire que la nature en demande. Voyez Bile ; voyez aussi Foie.

Je n’ajouterai qu’un petit nombre de remarques.

On ne sauroit donner une description exacte de la rate, parce que sa figure & son volume varient beaucoup, par conformation naturelle, par l’âge, par maladies ; elle paroit même grosse ou petite lorsque par l’ouverture du cadavre, l’estomac est vuide ou plein ; si l’estomac est plein, il la resserre ; s’il est vuide, il lui permet de s’étendre ; mais Van-Horne l’a une fois trouvée d’une grosseur extraordinaire, pesant plus de cinq livres ; d’autres fois elle se trouve presque réduite à rien. M. Littre a fait voir à l’académie des Sciences une rate d’homme entierement pétrifiée ; elle tenoit comme de coutume à ses vaisseaux & ligamens ordinaires, & elle pesoit une once & demi. Le même Littre fit aussi voir une partie de la membrane d’une autre rate d’homme devenue osseuse.

Ce viscere est communément attaché au bord du diaphragme par un ligament membraneux particulier ; mais dans quelques sujets on trouve d’autres ligamens différens des vaisseaux courts qui l’attachent à l’estomac & au colon.

Riolan dit avoir vû la rate dans l’hypocondre droit, & le foie dans le gauche. Guy-Patin raconte aussi que dans un voleur qui fut roué à Paris en 1650, on trouva le foie du côté gauche, & la rate du côté droit ; mais on ne peut guere compter sur le récit de Pline, ni sur celui de Gui-Patin, parce que ce dernier ne cite aucun témoignage confirmatif, & que les auteurs contemporains n’en ont fait aucune mention. Nos anatomistes modernes, qui dans l’Europe ont ouvert entre eux des milliers de cadavres depuis cent ans, n’ont jamais écrit qu’ils eussent vû ce phénomene.

D’autres auteurs ont prétendu qu’il y a des hommes auxquels la rate manque naturellement. Hollier, Dulaurens, Kerkring, ont appuyé ce conte du poids de leurs dissections ; mais quelque forts que semblent des témoignage affirmatifs, de pareilles observations sont trop suspectes pour les admettre, tant qu’elles ne seront pas confirmées par les dissections postérieures.

Il est d’autres anatomistes qui nous disent au-contraire avoir trouvé quelquefois dans le corps humain deux & même trois rates bien conformées ; mais leur témoignage ne mérite aucune créance. Il paroit même que les especes de petites rates particulieres vues par M. Winslow, n’étoient que des appendices de la rate, & des jeux de la nature.

Comme quelques expériences ont justifié que la rate n’étoit pas absolument essentielle à la vie des animaux, on a vû, dans le dernier siecle, des chirurgiens s’aviser de dire que l’homme tireroit des avantages de se faire ôter la rate ; mais ce système barbare & ridicule, eut d’autant moins d’approbateurs, que les chiens sur lesquels ils imaginerent de faire leurs expériences pour prouver leur opinion, souffrirent de grands dérangemens dans tout leur corps, languirent, & moururent bien-tôt après. (D. J.)

Rate, (Physiolog.) la rate située dans l’hypocondre gauche, pendante sous le diaphragme, adhérente au rein gauche, à l’épiploon, & en quelque maniere à l’estomac, est exposée dans cette situation à la pression du diaphragme & des muscles de l’abdomen. Elle reçoit un sang pur, artériel, qui ne fait que de sortir du cœur ; la céliaque, quelquefois l’aorte même lui fournit une artere, de laquelle le foie, le pancréas, le duodenum, le ventricule, reçoivent aussi leurs vaisseaux artériels ; d’où il est constant que le sang ainsi distribué à la rate par une infinité de rameaux, est tout-à-fait semblable à celui qui est porte aux autres parties qu’on vient de nommer.

Comme l’injection prouve qu’il y a un passage directement ouvert de ces arteres dans les veines, il paroit que les extrémités des artérioles spléniques ne se terminent pas toutes de la même maniere, mais qu’il regne ici une variété assez considérable, que cependant aucun art n’a pu démontrer jusqu’à présent, sur-tout à cause de la grande friabilité de ce viscere.

Il est néanmoins évident que la rate est construite comme tous les lieux du corps où se font des secrétions, & que conséquemment il s’en fait certainement en cette partie. Les vaisseaux lymphatiques qu’on y trouve environnant toute la tunique vaginale, rampant entre les deux sur les membranes propres spléniques, s’écartant çà & là de l’artere splénique ; ces vaisseaux, dis-je, sont en plus petite quantité dans ce viscere que dans les autres ; & comme ils ne pénetrent point dans l’intérieur, il suit qu’ils prennent leur origine des vaisseaux qui servent à nourrir le corps de la rate.

Si dans une rate lavée, dont on a exactement lié la veine, on souffle de l’air par l’artere dans toute la substance de ce viscere, & qu’ensuite après avoir lié l’artere, & laissé la rate se dessécher à l’air, on la disseque ; outre les arteres, les veines, & les nerfs, on voit en l’examinant bien, plusieurs cellules vuides, distendues, distinctes, composées de membranes élevées en droite ligne, de figure & de capacité diverses, lesquelles s’ouvrent les unes dans les autres par un orifice, & même dans ses plus grands trous faits au sinus veineux.

Les parois des membranes qui forment ces cellules sont arrosées de très-petites arteres ; on y voit de plus une grande quantité de corps ovales blancs, mous, disposés en forme de grappes glanduleuses, dont toutes les propriétés montrent sensiblement que ces grains servent à exprimer les glandes.

Quoique la rate ait à peine aucun mouvement sensible, qu’elle ne soit point douée d’un sentiment exquis, & qu’on n’observe pas même qu’elle en ait besoin, elle a cependant plusieurs grands & différens nerfs destinés pour elle seule, & qui se distribuent dans toute sa masse. C’est pourquoi il est très-vraissemblable que ces petits tuyaux nerveux s’y déchargent de leur humeur subtile, qui se mêle ensuite aux autres liqueurs veineuses qu’on y trouve.

Il suit de ce détail, que la principale action de la rate paroit consister en ce que, 1°. le sang artériel pur, abondant en lymphe, prépare une lymphe très subtile dans les petites glandes de ce viscere, l’y sépare, la verse dans les cellules par ses émonctoires particuliers, & en décharge aussi peut-être une partie dans la veine splénique. 2°. Le sang qui reste après cette action semble être porté dans les petites veines, & de-là dans les veines communes. 3°. L’autre troupe d’artérioles qui tapisse les parois des membranes, verse peut-être dans les cellules ouvertes des membranes, un sang plein de lymphe, & qui vient d’être atténué dans ce tissu artériel, comme il arrive dans les corps caverneux. 4°. Il est aussi croyable que les nerfs y portent, y déposent, y mettent, y fournissent sans cesse une grande quantité d’esprits. 5°. Que toutes ces humeurs, ainsi préparées, confusément mêlées, après avoir croupi un moment, sont comprimées, mêlées, atténuées, & souffrent la même élaboration que dans le poumon, par la forte action du sang artériel, par l’impétuosité du suc nerveux, par la contraction des deux membranes propres de la rate, & de sa tunique vaginale, par le renversement des fibres qui sont ici très-nombreuses, par l’agitation du diaphragme, des muscles, des vaisseaux, & des visceres abdominaux.

Le sang qui est fluide en cet endroit, disons riche en esprit & en lymphe, qui forme difficilement des concrétions, intimement mêlé, se séparant avec peine en parties hétérogenes, acquiert par ces causes une couleur rouge pourpre, & sort ainsi coloré de ce viscere par la grande veine splénique : tel est donc l’effet de la rate ; mais comme toute l’humeur qui y est préparée va dans la veine porte & au foie, il est évident que la rate travaille pour ce dernier viscere.

En effet, le foie & la rate semblent être dans une mutuelle dépendance l’un de l’autre. 1°. Dans les animaux auxquels on a enlevé la rate, on trouve le foie augmenté en volume, obstrué, flétri, ulcéré, défiguré ; ces changemens se sont trouvés quelquefois réunis & quelquefois séparés ; c’est-à-dire qu’on a trouvé dans quelques chiens ces assemblages de maux, & que dans d’autres on n’a rencontré qu’un seul de ces vices. 2°. Il est certain que la bile n’est plus la même dans les animaux auxquels on a enlevé la rate, la quantité est moindre, la couleur est blanchâtre, la consistance en est plus épaisse : on a trouvé les molécules de cette bile, comme des grumeaux de fromage. 3°. Il est donc évident que le foie & la bile ont besoin du sang de la rate, c’est-à-dire d’un sang plus fluide, & qui ait plus de lymphe & de sérosité, ou qui-soit préparé d’une façon particuliere comme le sang de la rate.

On peut juger par ce récit, si les diverses opinions qu’on a avancées sur les usages de la rate, sont des opinions bien fondées : les uns ont dit que la rate n’avoit d’autre usage que de servir de contre-poids au foie, en donnant plus de pesanteur à l’hypocondre gauche ; mais ceux qui raisonnoient ainsi ignoroient la véritable situation du foie qui couvre l’estomac en partie, & qui se jette quelquefois extraordinairement dans l’hypocondre gauche ; quelle étoit donc la nécessité de cet équilibre ? Peut-on dire d’ailleurs qu’un corps aussi petit que la rate par rapport au foie, puisse balancer ce viscere ?

Ceux qui ont imaginé que la rate n’étoit qu’un jeu de la nature ou un fardeau inutile, ont encore parlé avec moins de fondement ; sa perfection, les vûes raisonnées & constantes qu’on trouve dans sa structure animale, ne permet pas qu’on raisonne ainsi : les effets que produit l’absence de la rate, auroient dû inspirer un sentiment bien différent ; les chiens auxquels on enleve ce viscere, deviennent tristes, maigrissent, ont une bile visqueuse, un sang noirâtre & épais.

Les chimistes qui ont prétendu qu’il se filtroit dans la rate une âcreté vitale, sont encore plus chimériques, car il n’y a pas le moindre acide dans la rate, & le lait ne s’y caille jamais. Vains jouets de l’imagination, disparoissez à la vûe des vérités anatomiques.

Est-il probable qu’on soit impuissant & stérile quand la rate est détruite ? Non sans doute, & c’est plutôt le contraire. Les parties génitales sont éloignées de la rate de tout le péritoine. De plus, on sait que les chiennes sans rate ne sont pas moins fécondes ni moins avides du mâle. Tant qu’on ne raisonnera pas sur des principes tirés de la structure des parties, on ne fera que des systèmes propres à nous égarer.

Je pardonnerois plutôt aux anciens qui ont établi dans la rate le trône des ris, de la joie, & le siége des plaisirs du siecle de Saturne ; du-moins est-il vrai que quand la rate fait bien ses fonctions, on dort mieux, on est plus gai & plus content, mais c’est que rien ne gêne le cours du sang & des esprits.

Après tout, notre système physiologique sur la rate peut seul être en état de satisfaire à plusieurs questions, autrement assez obscures ; par exemple,

Que font la situation, le volume, le voisinage de la rate, la façon dont elle est suspendue ? Que nous apprennent la situation, la naissance, la capacité de l’artere splénique ? Je réponds, que la rate, voisine du diaphragme, du cœur, de l’estomac, & des muscles du bas-ventre qui l’entourent, est ainsi placée pour mieux recevoir l’action de toutes ces parties. Ce viscere est ainsi suspendu afin de pouvoir être également comprimé de toutes parts, par rapport aux besoins du sang qui s’y filtre. L’artere splénique, la plus grande des arteres du bas-ventre, libre dans son trajet, est avantageuse à la rate, parce qu’elle fournit promptement une grande abondance de sang qui circule avec rapidité.

Pourquoi un animal qui a la rate coupée devient-il plus lascif ? La situation de l’artere spermatique en donne la raison. Le sang de l’aorte ne pouvant plus passer par l’artere splénique liée & bouchée, est forcé de couler plus abondamment dans les vaisseaux spermatiques ; ainsi la secrétion étant augmentée, augmente le desir de l’évacuer ; mais comme le manque de rate coûte beaucoup au foie, cette lasciveté est de peu de durée.

D’où vient que le même animal à qui on a coupé la rate pisse très-souvent ? C’est parce que la lymphe qui couloit par l’artere céliaque dans la rate, est obligée d’entrer dans les arteres émulgentes qui sont peu éloignées de l’artere céliaque.

D’où vient que les animaux qui n’ont point de rate sont plus voraces que les autres ? Cela doit arriver, tant parce qu’il se filtre plus de suc gastrique, une des causes de la faim, que parce que la contraction du ventricule augmente, & toujours par la même raison, qui est que le sang de la céliaque entre en plus grande quantité dans les rameaux qui se distribuent à l’estomac ; ainsi le ventricule étant évacué plus promptement, la voracité renaît ; mais elle dure peu, parce que la chylification se dérange.

D’où viennent les borborigmes, les nausées, les vomissemens qui arrivent les premiers jours qu’on a fait l’extirpation de la rate à quelque animal ? La situation des nerfs spléniques & stomachiques en donnent la raison. Le cours du sang & des esprits dans les intestins est entierement troublé ; telle portion qui en reçoit plus que de coutume, se contracte plus vivement, & l’air qui séjourne entre deux barrieres nouvelles, est poussé fortement & par secousses.

Par quelle raison, après l’extirpation de la rate, l’animal qui a souffert cette opération, est-il abattu, triste & tourmenté de la soif ? Je répons que cet animal a souffert des douleurs violentes qui ont dû troubler toute l’économie des parties voisines ; les nerfs sympathiques en restent ébranlés, & les impressions de la douleur subsistent long tems.

On remarque aussi que le foie grossit, ou se flétrit, ou s’enflamme dans les animaux qui n’ont pas de rate ; si ce viscere est en bon état, il doit grossir, par la même raison qu’un rein grossit quand l’autre est perdu ; mais s’il est mal disposé, il peut se flétrir ou s’enflammer, parce qu’il se trouve privé d’une grande quantité de lymphe qui lui venoit de la veine splénique.

On observe encore qu’après l’extirpation de la rate, l’hypocondre droit paroît plus élevé ; cela procede de ce qu’on a extirpé la partie qui élevoit l’hypocondre gauche ; outre qu’alors le foie s’augmente communément par la plus grande quantité de sang qui y circule.

On demande enfin par quelle raison les hypocondriaques & les spléniques sont sujets à tous les maux & accidens dont on vient de parler. Pour quelle raison sont-ils pâles, & pourquoi cependant sont-ils quelquefois provoqués à rire sur des riens ?

Les hypocondriaques en qui la rate obstruée ne fait pas ses fonctions, doivent être sujets à-peu-près aux mêmes symptomes que les animaux auxquels on a enlevé la rate ; c’est à-peu-près la même chose dans l’économie animale que la rate manque, ou qu’elle ne fasse pas ses fonctions.

La pâleur vient peut-être 1°. de ce que les veines mesentériques qui sont extrèmement grosses, retiennent une grande quantité de sang : 2°. de ce que le sang trop épais ne sauroit entrer dans le réseau qui colore la peau.

Quoique les hypocondriaques soient ordinairement fort tristes, il leur arrive cependant de rire le plus dans certaines occasions & sur des bagatelles ; c’est parce qu’alors le sang regorge dans les artères diaphragmatiques. On conçoit encore que les esprits refluent alors des nerfs de la rate dans les nerfs du diaphragme qui sont voisins, & l’on sait que le ris ne manque pas de survenir quand les nerfs du diaphragme viennent à être ébranlés. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Rate maladie de la, (Médecine.) le viscere attaché dans l’hypocondre gauche, suspendu au diaphragme, contenant dans ses cellules une grande quantité de sang moins disposé à s’épaissir que partout ailleurs, est le viscere qu’on nomme la rate ; ce viscere dépourvu d’un émonctoire particulier, & doué d’un mouvement propre, est sujet à grand nombre de maladies.

1°. Il est vrai que l’absence & le défaut de cette partie, quand le volume du foie se trouve plus considérable qu’à l’ordinaire, prouve qu’elle n’est pas absolument nécessaire à la vie, mais elle l’est à la santé.

2°. Les grandes blessures de la rate sont communément mortelles. La contusion & la compression qu’elle peut éprouver, produit une dureté très-difficile à résoudre : c’est le chef-d’œuvre de l’art d’y réussir.

3°. Ceux qui ont la rate enflée, sont appellés vaporeux, rateleux ; souvent on confond cette maladie avec la mélancolie, la colique, ou le gonflement de la partie gauche du foie ; souvent aussi l’enflure vient d’hydropisie, d’hydatides ; & alors la rate est attaquée de relâchement & de froideur. Les sujets qui se trouvent dans ces divers cas, sont ordinairement soulagés, lorsqu’il leur survient une diarrhée, à moins que cette diarrhée ne soit produite par la compression du réservoir lombaire. Ces sortes de tumeurs, à raison de leurs différentes causes, sont d’un traitement trop difficile ; l’enflure de la rate accompagnée de dureté, de skirrhe, d’écrouelles, exige des topiques résolutifs internes & externes joints à des douces frictions.

4°. On traite de même l’obstruction de la rate ; pour ce qui regarde son inflammation, la douleur, l’abscès, l’ulcere, & la corruption qui y surviennent, ce sont autant de maux dont le traitement ne s’éloigne pas de la méthode curative générale, à moins qu’on n’ait à prévenir avec grand soin le dépôt de l’humeur dans la cavité du bas-ventre. La douleur de la colique qu’on guérit par des émolliens & des minoratifs, est assez souvent attribuée à la rate. Quant à celle qui paroît à la suite d’une violente course, elle se dissipe d’elle-même par le repos, au cas qu’elle ne soit point accompagnée de fievre, d’inflammation, & d’autres symptomes fâcheux. (D. J.)

Rate retranchement de la, opération de Chirurgie par laquelle on extirperoit la rate. Le vulgaire ignorant imagine qu’on peut rendre un homme habile à la course, en le dératant, c’est-à-dire, en lui extirpant la rate. Ce viscere est sujet à des engorgemens considérables de sang qu’on soulage par l’application des sangsues aux veines hémorrhoïdales, à des skirres qu’on résout par des emplâtres ou cérats émolliens & discussifs. Fabrice d’Aquapendente, célebre chirurgien médecin de Padoue, rapporte des cures admirables de ce genre opérées par ses soins. Les anciens croyoient guérir les maux de rate, en cautérisant avec un fer rouge, en divers endroits, la peau sur la région de ce viscere. On a porté plus loin les tentatives cruelles & téméraires. Il y a cent cinquante ans qu’un particulier avoit acquis une certaine vogue en Italie par une opération sur la rate ; il couvroit l’hypocondre gauche d’une feuille de papier ; il appliquoit dessus le tranchant d’une hache, qu’il frappoit d’un grand coup de marteau : les malades s’en retournoient dans l’espérance d’être guéris. Fabrice d’Aquapendente assure qu’un pauvre homme fut tué par cette opération, parce que la hache ayant été frappée trop rudement, le papier, l’abdomen & la rate furent fendus du coup. Quand on considere la situation de la rate dans l’abdomen, & les connexions qu’elle a par le moyen de ses vaisseaux & de sa membrane, avec l’estomac, le diaphragme, l’épiploon, le péritoine, &c. on concevra bien qu’il n’est pas possible de faire l’extirpation de ce viscere, sans exposer celui à qui l’on feroit cette opération, au danger de mourir d’hémorrhagie dans l’opération même, ou fort peu de jours après, par l’inflammation de tous les visceres circonvoisins avec lesquels il a des rapports médiats ou immédiats. Cependant le chevalier Leonard Fioraventi prétend avoir extirpé la rate à une femme de Palerme avec le plus grand succès, & que cette rate pesoit plus de trente-deux onces. Plusieurs auteurs qui regardent Fioraventi comme un charlatan du premier ordre, tiennent cette observation pour très-suspecte. On sait que les animaux sur lesquels on a fait l’expérience de l’extirpation de la rate, sont tous morts peu de tems après par le vice du foie. On en a tiré des inductions sur les usages particuliers & relatifs de ces deux parties si essentielles à la digestion. Voyez Rate, terme d’anatomie. (Y)