La philosophie du bon sens/III/VIII
§. VIII.
e la Juſteſſe de nos Idées s’enſuit naturellement la Juſteſſe de nos Définitions que nous faiſons. Car, lorſque nous voulons expliquer la Nature ou les Propriétez d’une Choſe, nous regardons
d’abord à l’Idée que nous en avons : &, ſelon ce qui eſt dans notre Entendement, nous définiſſons cette Choſe bien ou mal ; bien, ſi l’Idée que nous en avons eſt juſte ; mal, ſi elle eſt fauſſe & trompeuſe. Or, nos Idées étant les Cauſes eſſentielles & réelles de nos Jugemens, les Hommes ſont plus ou moins ſavans, ſelon qu’ils ont plus ou moins d’Idées parfaites, qui les mettent à même de pouvoir définir &
connoître éxactement les Choſes. Car, la Quantité, & la Diverſité, des Idées, ne peuvent ſervir à perfectionner l’Entendement, & à acquérir la Science, qu’autant qu’elles ſont juſtes & véritables : la Multiplicité de fauſſes Notions ne ſervant qu’à égarer du Chemin de la
Vérité[1].
- ↑ « Or, quoique ce ſoit une Choſe conſidérable, que de ſavoir beaucoup de Choſes, & chacune en perfection ; toutes-fois, comme il y en a ſi peu qui ſoient capables de l’un & de l’autre, il ſemble que l’on ne doit point tant ſe mettre en peine d’avoir des Idées de beaucoup de Choſes, que de cultiver & perfectionner celles que l’on a, Car, il vaut mieux ſavoir peu, & le bien ſavoir, que de ſavoir beaucoup, & le ſavoir mal. » Bernier Abregé de la Philoſophie de Gaſſendi, Tom. I, pag. 81.