La province de Québec/Chapitre II

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Département de l’Agriculture de la province de Québec (p. 35-53).

CHAPITRE II




LE DOMAINE PUBLIC




I



C OMME on l’a vu précédemment, la province de Québec occupe une immense étendue évaluée à 347,000 milles carrés (560,000 kilomètres), ou 222,120,000 acres (89,000,000 d’hectares environ).

Telle est la superficie de la province reconnue et établie définitivement par un arrêté en conseil du gouvernement fédéral, en date du 8 juillet 1896.

Jusque-là on n’avait reconnu à la province qu’une étendue de 241,500 milles carrés, égale à 155,000,000 d’acres, et on lui avait assigné comme limite, du côté nord, la ligne de faîte qui sépare les eaux qui se jettent dans le Saint-Laurent, de celles qui se jettent dans la mer de Hudson. Mais les administrations provinciales, et tout particulièrement celle de M. Mercier, n’avaient cessé de réclamer contre cette fixation de frontière que rien ne justifiait, et qui enlevait à la province une étendue considérable de territoire à laquelle elle prétendait avoir droit.




Dans l’exposé des motifs que M. Mercier présentait au parlement fédéral, à l’appui des réclamations de la province, on trouve la déclaration suivante :

« La province de Québec doit avoir, du côté nord, les frontières qu’avait l’ancienne province du Canada-Uni, c’est-à-dire les frontières de la Nouvelle-France, quels qu’aient pu être les changements opérés dans la suite. Or si l’on consulte les documents anciens, émanant des premiers gouverneurs anglais, après la cession de la Nouvelle-France, on trouvera que la frontière nord de l’ancienne province du Canada était formée des rives de la Baie d’Hudson et de la baie de James, laquelle fait partie de la première. Ce sont ces rives, par conséquent, qui forment la frontière de la province de Québec. D’après les anciens documents, les gouverneurs des premiers temps de la colonie, après la cession à l’Angleterre, avaient juridiction sur toute l’étendue de ce territoire ».

* * *

Déjà la province d’Ontario avait fait une réclamation identique au sujet du territoire non organisé qui s’étendait au nord de la frontière que lui avaient assignée les statuts. Des arbitres nommés pour étudier la question avaient reconnu unanimement le


MONTRÉAL

bien-fondé des réclamations de cette province, et celle-ci n’avait pas tardé à adopter la législation nécessaire

pour mettre à exécution la décision des arbitres.

Les membres du Conseil Privé de la Grande-Bretagne déclaraient, de leur côté, que la ligne qui avait été tirée par les arbitres paraissait conforme aux titres et à la possession d’Ontario. Aussi, depuis cette déclaration, la province d’Ontario est-elle restée en possession incontestée du territoire qui lui avait été jusque-là disputé.


II


Le succès remporté par Ontario attira l’attention des hommes d’État de Québec, au sujet de la frontière septentrionale de leur province. Si cette frontière était formée par la « hauteur des terres, » ou ligne de séparation des eaux du Saint-Laurent et de la mer de Hudson, il restait derrière elle une immense étendue de terrain que personne ne réclamait et qui tombait pratiquement dans le domaine de la Confédération. Or, c’était là une grosse erreur, que l’éloignement de cette région absolument déserte avait facilement accréditée.

Un comité spécial, nommé par le parlement provincial pour étudier cette question, fit, le 14 juin 1886, un rapport concluant à l’établissement des frontières Ouest, Nord et Est, de la province, indiquant le lac Témiscamingue à l’ouest, comme la limite commune des deux provinces d’Ontario et de Québec ; puis la baie de James, au nord, jusqu’à l’embouchure de la rivière East Main, et de là, en suivant la rive droite de cette rivière, depuis son embouchure jusqu’à sa source, puis, de ce dernier point jusqu’aux eaux les plus septentrionales du grand fleuve des Esquimaux, Ashuanipi ou Hamilton, et, enfin, le long de la rive gauche de ce fleuve jusqu’à son entrée dans la haie du Rigolet, sur la côte du Labrador, comme étant la frontière septentrionale. Les conclusions de ce rapport du comité spécial de la Chambre fédérale faisaient droit aux réclamations de la province de Québec, qui obtenait de ce fait une étendue de territoire équivalent à 105,500 milles carrés, et qui complétait ainsi vers le nord son domaine porté jusqu’au 53° degré de latitude.

* * *

À la suite du rapport présenté par le comité de la Chambre provinciale, la question de la frontière septentrionale de la province de Québec sembla tomber dans une sorte d’oubli et subit un long temps d’arrêt, jusqu’au jour où le gouvernement fédéral, par un arrêté en conseil du 8 juillet 1896. adopta les conclusions du rapport et fixa la ligne qu’il considérait comme devant être la frontière septentrionale de la province. Le 11 novembre suivant, le gouvernement de la province de Québec faisait connaître à celui d’Ottawa son acceptation de cette décision, qui équivalait à une reconnaissance complète de ses réclamations.

* * *

Cette vaste accession de territoire a été divisée depuis en trois régions distinctes, sous les noms respectifs d’Ashuanipi, d’Abbittibi et de Mistassini.

La baie du Rigolet (Hamilton Inlet) où aboutit la frontière nord de la province de Québec, est une profonde échancrure de la côte du Labrador, dans laquelle vient se jeter le grand fleuve des Esquimaux, par 54° de latitude. De là la frontière nord-est suit le bord intérieur du Labrador terre-neuvien, jusqu’à l’anse au Blanc-Sablon, à l’entrée du détroit de Belle-Isle, par 51°30′ de latitude nord et 57° de longitude ouest.


III


Sur les 222,000,000 d’acres qui composent la superficie de la province de Québec, environ 10,680,000 acres ont été concédés sous l’ancienne tenure seigneuriale qui a subsisté jusqu’en 1854, et 12,185,000 l’ont été en vertu de lettres-patentes ou de billets de location issus depuis 1860, ce qui laisse en chiffres ronds près de 200 millions d’acres formant encore partie du domaine public.

Cette étendue, c’est le désert, mais c’est aussi la richesse du pays ; c’est la réserve de l’avenir. Cette immense forêt, qui semble reculer à mesure qu’on l’entame, c’est le domaine ouvert à l’esprit d’entreprise des Canadiens. C’est là que vont pénétrer le bûcheron et le colon pour transformer le sol inculte en moissons et, plus tard peut-être, en cités toutes remplies du bruit de l’activité humaine. Telle est la marche du progrès, la gradation du travail aux prises avec la nature primitive.

* * *

Le rapport présenté, à la clôture de l’année financière 1897-98, par l’honorable Commissaire des Terres, Forêts et Pêcheries, indique que les transactions qui en font l’objet ont été particulièrement heureuses ; elles apparaissent comme les plus fructueuses et les plus importantes de toutes celles qui ont été faites durant la période de trente années écoulées depuis l’inauguration de la Confédération Canadienne. Un rapide regard jeté en arrière de nous fera saisir promptement l’importance des résultats obtenus et des progrès accomplis, en même temps qu’il fera entrevoir quelles espérances nous offre l’immense tâche qui reste à accomplir.


IV


Lors de la création des gouvernements provinciaux, en 1867, comme nous venons de le voir dans les lignes qui précèdent, les frontières assignées vers le nord à la province de Québec ne dépassaient pas les limites extrêmes du bassin du Saint-Laurent. Aujourd’hui, après une lutte persévérante, engagée dès l’origine du pacte fédéral, la province a vu ses réclamations reconnues et ses frontières nord, nord-ouest et nord-est reculées jusqu’aux rives de la baie de James, d’un côté, et de l’autre, jusqu’à l’Atlantique, par la voie du grand fleuve des Esquimaux.




Les droits de pêche acquis en 1883, mais restreints à cette époque aux seules rivières et lacs de l’intérieur, sont maintenant conférés à la province sur toutes les eaux fluviales et maritimes, ce qui la met en possession d’innombrables pouvoirs hydrauliques d’une puissance collective presque illimitée. Ces pouvoirs hydrauliques sont créés par les rapides et les cascades qui brisent le cours des grandes et moyennes rivières qui sillonnent le pays en tous sens.

Après une période de temps suffisamment longue pour permettre d’apprécier les résultats des grands avantages qui ont été conférés à la province, l’honorable commissaire peut à bon droit se réjouir d’être le premier à les constater et, en même temps, d’avoir l’occasion d’exposer aux regards du public les développements futurs que le nouvel état de choses amènera nécessairement, et qui feront passer le pays par une série de métamorphoses et d’évolutions toutes plus brillantes les unes que les autres.


V


Au 30 juin 1868, tous les terrains vendus, octroyés, ou possédés en vertu de lettres-patentes ou de billets de location, émis depuis la cession du pays, sous le régime anglais, durant l’espace de cent ans, comprenaient une superficie de 8,950,000 acres. Les ventes et les octrois de même nature, effectués depuis cette date, couvrent une superficie de 4,567,753 acres, c’est-à-dire qu’ils accusent, pour une période de trente ans, des transactions aussi considérables que celles des cinquante années précédentes.

Le nombre d’acres octroyés par lettres-patentes, pour la période de 1762 à 1868, était de 5,407,823 acres, et du 30 juin 1868 au 30 juin 1898, de 2,270,012.

La superficie totale des terres publiques vendues en 1868 était de 138,972 acres, au prix de $69,954 ;[1] en 1898 elle était de 188.661 acres, cédés au prix de $83.508.

Le département des Mines et de la Colonisation ayant fait arpenter et diviser en lots de ferme une superficie de 104,413 acres, l’étendue des terrains subdivisés et disponibles était, au 30 juin 1898, de 6,850,965 acres.

Dans le cours des vingt-huit dernières années. 1,393,200 acres de terre sont redevenus la propriété de l’État, par suite des annulations de vente qui ont eu lieu, pendant cet intervalle, pour défaut d’accomplissement des conditions d’acquisition.

Pendant le dernier exercice, le revenu proprement dit de la vente des terres a doublé ; il s’est élevé à la somme de $134.852, soit 675,000 francs.

* * *

Au 30 juin 1868. l’étendue de forêts concédée pour la coupe du bois ne dépassait pas 18,000 milles en superficie ; elle était, au 30 juin 1898. de près de 47,000 milles. Aussi, les droits de coupe, qui ne rapportaient en 1868 que 65,382 dollars, en rapportaient-ils 713,435 en 1898.

Les rentes foncières produisaient $22,400 en 1868 ; elles donnaient $149,000 en 1898.

Le total des perceptions de ce chef, en 1868. était de $195,115, et, en 1898, il s’élevait à 911,090 dollars.

Enfin, le revenu total du département, qui n’était que de $378,000 en 1868, atteignait en 1898 le chiffre de 1,087,043 dollars.

* * *

Dernier rapprochement. Une opération financière célèbre, faite aux enchères de 1868, comprenant la vente de 5664 milles carrés des terrains les plus richement boisés de l’Outaouais et du Saint-Maurice, s’élevait à la somme de $72,685, soit une moyenne de $12.84 par mille. En mars 1898, à une vente présidée par le commissaire actuel, une concession de terrains, la plupart très éloignés et ne renfermant qu’une étendue de 216 milles, était faite moyennant la somme de $30,110, soit une moyenne de $140 par mille.

Les sommes reçues directement et provenant de ce service forment un total de $35,152.90, à diviser comme suit : $30,516.03 pour locations de privilèges de pêche sur lacs et rivières. $4024.50 comme permis de chasse et pour loyer de territoires de chasse, et $612.37 pour honoraires d’incorporations et autres.

De pareils chiffres sont concluants. Ils font voir la plus-value qu’acquiert la propriété publique confiée à des mains habiles, et, en second lieu, la richesse que renferment nos forêts, quand les gouvernements savent les exploiter.


VI


Au mois de janvier 1899, le gouvernement fédéral a abandonné aux gouvernements provinciaux le soin d’émettre des permis de pêche dans les eaux fluviales et maritimes. Un projet de loi devra être soumis à la prochaine législature, pourvoyant à l’administration de ce service ainsi augmenté, et qui devient, par ce fait, d’une importance majeure.

À part l’application directe de la force hydraulique comme principe moteur des diverses pièces de mécanisme employées dans toutes les industries, il ne faut pas oublier que la transmission de l’énergie électrique à de longues distances rend les pouvoirs d’eau de plus en plus recherchés pour la production de cette puissance destinée à changer l’aspect du globe. Et, sur ce point, quel est le pays au monde qui puisse rivaliser avec la province de Québec ? C’est encore là un prodigieux élément de richesse que l’avenir tient à notre disposition et dont nul, aujourd’hui, ne saurait encore calculer la portée.





Lacs et cours d’eau


I


Celui qui jette un regard attentif sur la carte de la province de Québec est étonné du nombre extraordinaire de lacs de toute dimension qu’elle renferme. Sans doute pour égayer la grande et sauvage monotonie de la nature canadienne, une main divine a creusé le lit de larges rivières et d’innombrables cours d’eau, leurs affluents a mêlé leurs reflets brillants à la sombre chevelure des forêts, et assuré dans les gorges des montagnes, dans toutes les anfractuosités, dans toutes les dépressions de terrain, de gigantesques et profondes coupes, éternels réservoirs de fraîcheur, de reproduction et de vie pour de multiples variétés de poissons, en même temps que pour l’agrément et l’utilité de l’homme.

* * *

Ces lacs sont une source incalculable de richesse, tout autant, proportions gardées, que le sont le golfe et le fleuve Saint-Laurent, avec leurs prolifiques tribus de poissons qui pourraient peupler tous les océans du globe, si rien n’entravait leur reproduction presque illimitée. Mais dans un pays jeune et inexpérimenté comme le nôtre, il en est de cette richesse comme de toutes les autres richesses naturelles ; nous l’avons gaspillée sans souci, sans appréhension du lendemain, assurés que nous étions, comme on le dit dans toutes les phrases stéréotypées, que cette richesse est inépuisable. Le mot « inépuisable » répond à tout. Nous sommes entourés ici de choses inépuisables ; nous nageons dans l’inépuisable. Nos forêts aussi étaient inépuisables, il n’y a pas longtemps, et, cependant, c’est à qui aujourd’hui jettera le cri d’alarme en présence des vides effrayants qui se font dans leurs « épais ombrages », en présence de la disparition presque complète de ces beaux bois de construction et de mâture qui, eux aussi, étaient inépuisables avant d’être épuisés.

* * *

Heureusement que nous n’en sommes pas encore, à propos de nos lacs, rendus à la période de l’alarme. Il y en a tant, tant surtout dans des régions encore à peu près inconnues, presque aussi vierges que l’étaient bon nombre de nos forêts, il y a moins d’un demi-siècle ! Naguère, une région inhabitée d’un pays aussi peu connu que l’était la province de Québec pouvait rester longtemps lettre close à tout autre qu’au chasseur ou au pêcheur s’aventurant jusqu’aux plus lointaines solitudes ; mais aujourd’hui, il n’y a plus de région, quelque inaccessible qu’elle ait paru, qui ne s’entrouvre rapidement sous le passage des locomotives précédant parfois même les défricheurs, et faisant entendre leurs mugissements là où il n’y a encore aucune habitation humaine, aucun chemin, aucun indice ni aucune trace du passage de l’homme.



Avant les colons et les pionniers arrivent aujourd’hui les touristes, les excursionnistes, les pêcheurs pour l’art ou pour l’agrément, ceux qui font de la pêche un divertissement d’après des règles et des lois, mais pour qui les simples plaisirs du « sport » sont bien inférieurs à l’art de conserver et de multiplier les espèces. En maint endroit, des sociétés se sont formées, sous le nom de clubs, qui ont obtenu du gouvernement, pour un prix modique, le droit exclusif de prendre du poisson dans certains de nos lacs. Quelques-unes de ces sociétés, composées en général de gens éclairés, qui veulent conserver au lieu de détruire, ont fait des dépenses d’installation considérables ; elles ont ouvert des chemins, donné de l’emploi à bon nombre de colons dans leur voisinage, opéré des défrichements, fait de la culture sérieuse, et ont accompli, par nécessité de position autant que par plaisir, une foule de travaux dont profite toute la région environnante.


II


Dans un pays aussi étendu que le nôtre, encore si peu peuplé, comprenant encore de si vastes espaces déserts, on conçoit que le gouvernement ne peut exercer une surveillance étroite sur son immense domaine ; on reconnaît qu’il est nécessaire d’intéresser au maintien et au bon ordre de la propriété publique des associations spéciales ou des individus qui s’en donnent la tâche, et que, par conséquent, le privilège accordé contre monnaie à ces associations ou à ces individus n’est, à vrai dire, qu’une délégation partielle et temporaire d’une souveraineté publique impossible à exercer efficacement. Du reste, ce privilège, accordé à nouveau tous les ans, est révocable tous les ans, s’il donne lieu à des abus ou si les conditions de son octroi ne sont pas remplies. Et comme le gouvernement ne l’accorde que pour se décharger sur certaines personnes d’un soin trop difficile pour lui, il n’y a lieu que de s’en féliciter pour le bien général.


III


On ne saurait s’imaginer tout ce que peuvent donner nos rivières et nos lacs, à la condition d’être exploités convenablement. Nous ne faisons que commencer à nous rendre compte des bénéfices de cette exploitation, alors que nos gouvernements pourraient en retirer assez de revenus pour faire face à bien des charges, à bien des surcroîts de dépenses occasionnés par le développement du pays. Le seul moyen pour eux d’y parvenir à l’heure actuelle est de louer ces lacs et ces rivières à des prix qui n’en éloignent pas les associations de pêche, et, en même temps, à des conditions telles que le privilège n’équivaille pas virtuellement à l’exclusion du colon, qui ne fait pas de la pêche une occupation ou une exploitation, mais n’y cherche qu’un moyen occasionnel de sustenter sa famille.

L’argent dépensé par les seuls voyageurs américains sur nos chemins de fer et dans les endroits de pêche pourra se chiffrer à l’avenir par des centaines de milliers de dollars, grâce au développement de nos voies ferrées qui va permettre de pénétrer, dans toutes les directions, jusqu’aux parties les plus reculées du pays. En présence de cet avenir qui doit nous apporter une source de revenus considérable, le gouvernement n’a pas tardé à prendre des mesures bien définies et bien précises pour régler l’exploitation piscicole, pour empêcher tous les abus d’où qu’ils naissent, pour combattre la déprédation, pour garantir le colon contre sa propre ignorance qui lui fait à lui-même un tort inutile.

* * *

On peut dire que tous les lacs de la province, à très peu d’exceptions près, sont extrêmement poissonneux. Pour ne parler que de la truite, par exemple, sait-on que ce favori des gourmets, qui pullule, c’est le mot, dans la plupart des lacs et des rivières de la province, est doué d’une fécondité égale à celle des meilleures espèces de poissons de mer, au nombre desquelles sont la morue, le hareng, ou le maquereau. La truite pond ses œufs par millions. Elle les dépose sur les fonds de sable ou de gravois où l’eau est peu profonde. Si l’on fait la pêche à la seine dans ces endroits invitants, il est clair que l’on détruit non seulement la truite elle-même, mais encore les millions d’œufs qu’elle a déposés, et qu’il n’est pas nécessaire de répéter souvent cette opération pour dépeupler le lac le mieux rempli. Aussi les lois sont-elles très sévères contre le lucre coupable et contre la dévastation, mais en même temps elles s’adoucissent en faveur du colon qui ne pêche que par besoin, seulement à la ligne, dans le voisinage de son défrichement, et l’on ne peut exciper contre lui d’aucun privilège ni d’aucun droit exclusif absolu.

Du reste, le gouvernement, qui protège avec un soin jaloux la colonisation, refuse de louer les lacs qui se trouvent trop près des établissements, et il en réserve un pour les colons dans chaque canton expressément, en sorte qu’il est impossible de ne pas voir là une sollicitude réelle, sérieuse, efficace pour le colon, en même temps que le respect des droits des associations de pêche ou des concessionnaires des lacs, quels qu’ils soient.


IV


Dans l’intervalle des quatorze années écoulées, de 1885 à 1898 inclusivement, on a compté 72 clubs de chasse et de pêche qui se sont constitués en vertu d’un acte d’incorporation accordé par le gouvernement provincial.

Ces clubs paient une redevance annuelle et sont tenus à exercer une surveillance attentive sur leurs territoires respectifs, pour empêcher qu’aucune infraction aux lois de chasse et de pêche y soit commise.

Dans le même espace de temps, l’administration provinciale avait concédé à bail trente-huit territoires de chasse et vendu des permis, opérations qui donnaient une somme totalisée de $4025 ou plus de vingt mille francs.

À la fin de l’année 1898 on comptait dans la province 230 rivières ou lacs qui avaient été loués à des clubs ou à des particuliers, et dont la location avait rapporté au gouvernement près de 30,516 dollars pour l’année, soit 53,000 francs.


  1. Le signe $, qui précède les chiffres, est le signe représentatif du dollar américain ou canadien, lequel vaut généralement cinq francs, 12 à 15 centimes.