Le Bouddhisme au Tibet/Chapitre 7

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Traduction par Léon de Milloué.
Texte établi par Musée Guimet, Impr. Pitrat Ainé (p. 39-48).

SECTION II
BOUDDHISME TIBÉTAIN

CHAPITRE VII


relation historique de l’introduction du bouddhisme au tibet

Première religion des Tibétains. — Introduction des dogmes bouddhistes dans le Tibet oriental. — Ère du roi Srongtsan Gampo et du roi Thisrong de Tsan. — Réformes du Lama Tsonkhapa. — Propagation du bouddhisme en Chine, à Ladak et dans l’Himalaya oriental.

Avant la propagation des doctrines bouddhistes dans le Tibet, la religion des habitants de ce pays était probablement une sorte de culte peu différent de ceux qui dominent parmi les peuplades grossières, c’est-à-dire un système mélangé d’idolâtrie et de sorcellerie, gouverné par des prêtres jouissant d’une grande réputation et d’une extrême puissance par suite de leurs prétendus entretiens avec les dieux et de leur connaissance supposée des moyens propres à obtenir la faveur et l’assistance divine. La première tentative des bouddhistes pour étendre leurs croyances au Tibet a sans doute rencontré une résistance générale de la part du clergé et du peuple. Celui-ci, en effet, devait trouver moins pénible de payer une caste cléricale pour obtenir une prospérité matérielle que de chercher le salut et l’éternel bonheur dans la réincarnation future et l’affranchissement final de la métempsycose par une discipline sévère et une méditation profonde. Afin d’atteindre le succès et d’imposer plus vite aux tribus qu’ils voulaient convertir à la nouvelle religion, les premiers missionnaires du bouddhisme dans le Tibet ont dû probablement s’attribuer des qualités surnaturelles et céder, sur les points de discipline les moins importants, à quelques-unes des idées de leurs néophytes. On trouve mainte suggestion tendant à ce but, dans les livres sacrés tibétains, le Böddhimör, par exemple et l’histoire de Ssanang Ssetsen qui est pleine des miracles et prodiges accomplis par les premiers prêtres bouddhiques. On raconte que le premier exploit de Padma Sambhava fut la soumission du terrible démon qui voulait l’empêcher de pénétrer au Tibet. On dit que ses disciples ont tiré des leçons qu’il leur donna sur l’emploi des charmes le pouvoir d’accomplir les actes les plus extraordinaires[1]. Ainsi ils font obtenir de bonnes récoltes et autres choses semblables ; ils enseignent aux Tibétains quelques-uns des arts et des sciences pratiqués alors dans la civilisation plus avancée de la Chine et de l’Inde (d’où ils venaient) ; mais ils sont assez discrets pour attribuer leurs succès au pouvoir des images et des reliques de Sākyamouni.

Nous possédons beaucoup de faits positifs sur l’introduction du bouddhisme dans la partie orientale du Tibet, bien qu’ici encore l’histoire primitive soit enveloppée d’ombres et de fables. Les premières tentatives paraissent avoir donné des résultats très peu satisfaisants ; du moins le monastère fondé, à ce que l’on croit, en l’an 137 avant Jésus-Christ sur le versant de la chaîne de Kaibas, fut bientôt abandonné et tomba en ruines[2]. Les légendes attribuent la conversion des Tibétains au Dhyāni Bōdhisattva Avalokitesvara, fils céleste d’Amitābha, dont le Tibet est le pays d’élection. Beaucoup de souverains et de prêtres qui prirent une part active à la consolidation de la religion bouddhique dans ce pays sont regardés par les habitants comme des incarnations de ces deux personnes sacrées.

Voici quelques faits historiques qui se rattachent au bouddhisme[3].

En 371 avant Jésus-Christ, cinq étrangers apparaissent subitement devant


Padmapani, en tibétain Chenresi, protecteur spécial du Tibet
Padmapani, en tibétain Chenresi, protecteur spécial du Tibet
PADMAPANI, EN TIBÉTAIN CHENRESI, PROTECTEUR SPÉCIAL DU TIBET

le roi Thothori-Nyan-Tsan ; ils lui enseignent l’usage qu’il doit faire pour la prospérité générale du Tibet de quatre objets tombés du ciel (en 337 avant Jésus-Christ) enfermés dans une précieuse cassette[4] ; personne n’avait eu jusqu’alors la moindre idée de leur valeur intrinsèque. Ces instructions données, les cinq étrangers disparaissent tout à coup. Les quatre objets précieux étaient :

1o Deux mains jointes pour prier ;

2o Un petit chorten[5] ;

3o Une pierre précieuse avec une inscription de la prière « Om mani padme houm[6] » ;

4o L’ouvrage religieux, Zamatog, « vaisseau construit » sur des sujets moraux, faisant partie du Kandjour.

Le roi Thothori suivit strictement les avis des cinq étrangers et accorda une grande vénération aux quatre objets ; par leur bienfaisante et toute puissante influence il obtint de vivre jusqu’à cent dix-neuf ans et pendant tout ce temps la prospérité régna dans le royaume.

Ssanang-Ssetsen rattache l’introduction du bouddhisme à la date de cet événement ; mais, selon les historiens tibétains, « la première période de propagation du bouddhisme », qui décline ensuite jusqu’au dixième siècle, commence avec le roi Srongtsan Gampo, qui naquit en 617 et mourut en 698[7] ; ils décernent à ce roi les plus grands éloges pour ses efforts heureux dans la propagation du bouddhisme. Il envoya même dans l’Inde (623) son premier ministre, Thoumi Sambhota, avec seize compagnons pour étudier soigneusement les livres sacrés du bouddhisme et la langue indienne ; les membres de cette mission avaient aussi l’ordre de rapporter au Tibet un système complet d’alphabet, tel qu’il s’employait dans l’Inde, dans le but de l’adapter à la langue tibétaine[8]. Heureusement revenu d’un voyage que l’on décrit hérissé de difficultés incroyables, Thoumi Sambhota compose les lettres tibétaines d’après l’alphabet devanagari ; après quoi le roi Srongtsan Gampo ordonne de traduire en tibétain les livres sacrés indiens traitant des doctrines bouddhiques[9]. À la même époque il rendit plusieurs lois dans le but d’abolir, une fois pour toutes, quelques-unes des grossières coutumes de ses sujets.

Dans toutes ces actions méritoires le roi Srongtsan Gampo était énergiquement soutenu par ses deux femmes, dont l’une était une princesse népalaise et l’autre Chinoise. Toutes deux montrèrent pendant leur vie le plus fidèle attachement à la religion du Bouddha, et sont révérées soit sous le nom général de Dolma (en sanscrit Tārā) soit sous les noms respectifs de Dolkar et de Doldjang. Ces princesses avaient, dit-on, apporté au Tibet, une quantité de précieux livres de religion, avec de merveilleuses images miraculeuses et des reliques de Sâkyamouni ; en outre elles ont bâti beaucoup de temples et de colléges[10].


Manjusri, en tibétain Jamjang, dieu de la sagesse
Manjusri, en tibétain Jamjang, dieu de la sagesse
MANJUSRI, EN TIBÉTAIN JAMJANG, DIEU DE LA SAGESSE


La déesse Doljang, épouse du roi Srongtsan Gampo
La déesse Doljang, épouse du roi Srongtsan Gampo
LA DÉESSE DOLJANG, ÉPOUSE DU ROI SRONGTSAN GAMPO

Attirés par ces actes de bienfaisance, qui furent bientôt connus au loin, beaucoup de prêtres étrangers s’établirent au Tibet pendant la vie de ces princesses et contribuèrent à généraliser la connaissance du bouddhisme.

Sous les successeurs du roi Srongtsan Gampo, la religion ne fut guère florissante. Pendant le règne de l’un d’eux, Thisrong de Tsan, qui vivait de 723 à 780 avant Jésus-Christ[11], le bouddhisme commença à se relever grâce aux utiles règlements de ce prince. Ce fut lui qui réprima avec succès une tentative faite par les grands, pendant sa minorité, pour supprimer la nouvelle croyance, et c’est grâce à lui que la foi bouddhique s’établit définitivement. Il décida le savant Pandit Santa Raksita (tib. Zhivatso), communément appelé Bôdhisattva, à quitter le Bengale pour se fixer au Tibet ; à sa demande le grand Gourou Padma Sambava (en tib. Padma joungue ou Ourgyen) de Kafiristan (Oudyana), renommé au loin pour sa connaissance extraordinaire des Dhāranis, de leur application et de leurs rites, quitta aussi sa résidence pour devenir sujet tibétain. Les sages indiens qui se décidèrent à s’établir au Tibet l’emportèrent sur l’influence des prêtres chinois et les doctrines qu’ils enseignaient. Ceux-ci avaient été les premiers missionnaires au Tibet ; ils paraissent avoir enseigné les doctrines de Nagarjouna avec les modifications établies par l’école Yogāchārya ; car d’après l’histoire du bouddhisme du Tibétain Pouton, ou Bouston, qui écrivait au quatorzième siècle, leur système défend de prendre aucune pensée pour objet de méditation. Padma Sambhava et les prêtres indiens ses successeurs développaient la loi dans le sens de l’école madhyamika, qui à cette époque avait pris dans l’Inde le pas sur le système Yogāchārya ; ils appuient sur l’assiduité dans la méditation sans distraction. Le roi Thisrong de Tsau, qui ne voulait pas laisser enseigner deux doctrines opposées, ordonna une discussion solennelle entre les Chinois Mahāyāna (nom évidemment symbolique de leur système) et les Hindous Kamalasila. Les Mahāyānas furent vaincus et obligés de quitter le Tibet, et depuis cette époque les prêtres indiens furent seuls appelés et enseignèrent la doctrine Madhyamika[12]. Le roi Thisrong construisit le monastère et le temple de Bima à Samyé et ordonna de pousser vivement la traduction des livres sacrés en langue tibétaine.

Un autre souverain, nommé Langdar ou Langdharma, tenta encore d’abolir les doctrines bouddhistes. Il ordonna de démolir les temples et monastères, de détruire les images et de brûler les livres sacrés ; mais ces actes sacrilèges soulevèrent une telle indignation qu’il fut assassiné en 900 après Jésus-Christ[13]. Le fils de Langdar, son successeur, mourut aussi, dit-on, « sans religion » dans sa soixante-quatrième année. Bilamgour, petit fils de Langdharma, se montra au contraire favorable au bouddhisme ; il rebâtit huit temples et monastères et mourut après un glorieux règne de dix-huit ans. À cette époque se place « la seconde propagation du bouddhisme ». Il reçut, surtout en 970, un élan puissant, par les efforts réunis des prêtres tibétains qui rentraient (ils avaient fui sous les derniers rois) et du savant prêtre indien Pandita Atisha et son élève Bromston. Peu avant l’arrivée d’Atisha au Tibet (1041 après J.-C), la doctrine Kala Chakra, ou mysticisme tantrika, fut introduite dans ce pays. Dans les douzième et treizième siècles beaucoup de réfugiés indiens arrivèrent et aidèrent puissamment les Tibétains dans la traduction des livres sanscrits.

Trois cents ans après la mort d’Atisha nous arrivons à l’époque de Tsonkhapa, « le réformateur extraordinaire », qui naquit en 1355 dans le district d’Amdo, là où s’élève maintenant le fameux monastère de Kounboum. Tsonkhapa s’était imposé la tâche ardue d’unifier et de réconcilier les écoles philosophiques et mystiques que le bouddhisme tibétain avait fait naitre ; il voulait extirper les abus graduellement introduits par les prêtres, qui étaient revenus aux anciennes fourberies et aux prétendus miracles du charlatanisme afin de prouver à la foule leur mission extraordinaire.

Tsonkhapa défendit strictement ces procédés et contraignit l’ordre sacerdotal à la sévère observation des lois qui lient les prêtres : il se distingua aussi par la composition d’ouvrages très serrés, dans lesquels les principes de la religion bouddhique sont exposés à son point de vue particulier. Selon les traditions, il eut quelques entretiens avec un étranger de l’Ouest,


Padma Sambhava, sage indien déifié, qui vécut au VIIIe siècle
Padma Sambhava, sage indien déifié, qui vécut au VIIIe siècle
PADMASAMBHAVA, SAGE INDIEN DÉIFIÉ, QUI VÉCUT AU VIIIe SIÈCLE.

remarquable par son long nez. Huc croit que cet étranger devait être un missionnaire européen et attribue aux renseignements que Tsonkhapa aurait reçus de ce prêtre catholique la ressemblance du service religieux au Tibet avec le rituel catholique romain. Nous ne pouvons pas encore nous prononcer sur la question de savoir ce que le bouddhisme peut avoir emprunté au catholicisme ; mais les rites du bouddhisme relevés par les missionnaires français tiennent pour la plupart aux institutions particulières de cette religion, ou bien ont éclos à des époques postérieures à Tsonkhapa[14].

Les innovations de Tsonkhapa ne furent jamais toutes acceptées ; il eut pourtant beaucoup de partisans et leur nombre s’accrut rapidement pendant les deux siècles suivants, jusqu’à ce qu’ils fussent devenus prépondérants au Tibet et dans la Haute-Asie. La sévérité de ses ordonnances contre les prêtres a été cependant beaucoup adoucie ; nous pouvons juger combien leur pratique diffère maintenant de la théorie, par ce fait que la profession cléricale est généralement fort ambitionnée et qu’une partie considérable du revenu du clergé provient de cérémonies d’un caractère d’absolue fourberie, pratiquées à la demande de la population laïque pour écarter les mauvais esprits.

Au sujet de l’introduction du bouddhisme dans la Chine propre, je me bornerai à dire que dès l’an 217 avant Jésus-Christ, un missionnaire indien aurait, dit-on, prêché dans ce pays ; mais l’empereur le renvoya et le bouddhisme ne fut complètement établi en Chine qu’en 67 avant Jésus-Christ ; il fut reçu avec une satisfaction universelle[15].

Selon Cunnigham[16], le bouddhisme fut introduit à Ladâk vers l’an 240 avant Jésus-Christ, mais il ne paraît avoir dominé dans ce pays qu’à partir du premier siècle avant l’ère chrétienne. Les livres qui traitaient de l’histoire primitive de Ladák auraient été détruits, dit-on, vers la fin du seizième siècle par les fanatiques musulmans de Skárdo, qui envahirent le pays, brûlèrent les monastères et précipitèrent dans l’Indus les trésors de plusieurs bibliothèques. Le règne des musulmans ne fut pas de longue durée, et depuis lors les bouddhistes n’ont plus été opprimés.

Dans l’Himalaya oriental à Bhoután et à Sikkim, la conversion du peuple au bouddhisme se fit à une époque relativement moderne, c’est-à-dire vers le seizième siècle de notre ère[17]. Les circonstances relatives à l’introduction de la nouvelle religion sont bien connues des Lamas de ces pays, qui ont encore en leur possession plusieurs livres historiques traitant de cet intéressant sujet. En fait d’ouvrage de ce genre nous avons dans notre bibliothèque particulière un récit manuscrit de la « première arrivée des Lamas à Sikkim » en douze feuilles, écrites en petits caractères, et en outre un livre imprimé de 375 feuilles, « Histoire de l’érection des collèges ». Ces deux ouvrages appartenaient primitivement à la bibliothèque de Pemiongchi et furent acquis à Sikkim par mon frère Hermann.

SECTES BOUDDHIQUES AU TIBET

Il n’y eut pas de sectes au Tibet avant le onzième siècle ; il en existe encore neuf qui sont considérées comme orthodoxes ; nous n’avons du reste que peu de détails sur elles. La secte fondée par Tsonkhapa et ses dérivées ont adopté la couleur jaune pour leur habillement ; les autres portent de préférence des vêtements rouges. Ces sectes sont[18] :

1o La secte Nyigmapa, la plus ancienne de toutes ; c’est à elle qu’appartiennent les Lamas de Bhoutan, province de Gnary Khorsoum et de Ladák. Cette secte s’en tient strictement aux anciens rites et cérémonies, probablement tels qu’ils ont été enseignés par les prêtres chinois et possède quelques ouvrages symboliques particuliers, qui n’ont pas été incorporés dans les vastes recueils du Kandjour et du Tandjour.

2o La secte Ourgyenpa (disciples d’Ourgyen ou Padma Sambhava) est aussi une des plus anciennes ; elle est principalement répandue dans la partie du Tibet qui confine au Népal et aux provinces de l’Himalaya indien ; le principal monastère de cette secte est à Samyé dans le Tibet oriental. Les Ourgyenpas se distinguent des Nyigmapas par le culte de l’incarnation d’Amitābha sous la forme de Padma Sambhava.

3o La secte Kadampa, fondée par Bromston (né en 1002 avant J.-C.), se borne à l’observation des « préceptes » (bkâ) et ne se soucie pas d’atteindre aux degrés plus élevés de la sagesse transcendante. Ses disciples portent un vêtement rouge.

4o La secte Sakyapa, dont nous ne savons rien, si ce n’est que ses adhérents ont un costume rouge.

5o La secte Géloukpa, ou Galdanpa et Geldanpa, nom qui provient de son principal monastère, Gáldan à Lhassa, érigé par Tsonkhapa ; cette secte suit les doctrines de ce réformateur et ses institutions ; ses membres portent un costume jaune ; ils forment la secte la plus considérable du Tibet.

6o La secte Kargyoutpa, « les croyants en la succession des préceptes », se contente d’observer le Do (Soutra ou aphorismes) et ne s’inquiète pas d’atteindre aux doctrines particulières du Prājna Paramitā ou de la sagesse transcendante.

7o La secte Karmapa, « les croyants en l’efficacité des actes », paraît presque identique à la secte Karmika du Népal[19].

8o La secte Brikoungpa tire son nom du monastère de Brikoung dans le Tibet oriental. Celle-ci, comme les deux précédentes (Kargyoutpa et Karmapa), est une branche de la secte Géloukpa ; toutes trois suivent la règle de s’habiller de jaune.

9o La secte Brougpa (ou Dougpaou Dad Dougpa) a un culte particulier pour le Dordje (Vadjra ou la foudre), qui descendit des cieux et tomba sur la terre à Séra dans le Tibet oriental. Elle paraît particulièrement attachée au mysticisme tantrika, où le Dordje est un instrument très important et très puissant.

À ces neuf sectes il faut encore ajouter la religion Bon, qui compte beaucoup de disciples nommés Bonpas et possède de nombreux et riches monastères dans le Tibet oriental. D’après la manière dont les livres tibétains parlent de cette secte, il paraît probable que le nom de Bonpas était restreint à ceux qui refusèrent d’embrasser le bouddhisme dès son introduction. Plus tard ils adoptèrent ses principes tout en gardant rigoureusement, autant du moins qu’on peut le présumer d’après le peu de données que l’on a sur eux, les idées superstitieuses et les cérémonies des premiers habitants. Cette opinion est celle de Csoma ; elle a été plus tard appuyée par Hodgson qui a récemment publié plusieurs gravures représentant leurs divinités. Elle est encore corroborée par ce fait que, même aujourd’hui, le nom de Bonpa est appliqué aux exorcistes de quelques-unes des tribus les plus grossières de l’Himalaya, telles que les Mourmis et les Sounvars[20].


    de Srontsan Gampo, qui eut lieu en 617 avant J.-C. (Klaproth et Ssanang-Ssetsen) plutôt qu’en 627. Voyez Köppen, Die Religion des Buddha, vol. II, p. 54. J’ai ajouté dans les notes les dates données par Klaproth et Ssanang Ssetsen.

  1. Schmidt, Ssanang Ssetsen’s geschichte der Ostmongolen, p. 41, 43. 355. Comparez, Forschungen, p. 136.
  2. Lassen, Ind. Alterthumskunde, vol. II, p. 1072.
  3. Voyez la table chronologique de Csoma, extraite d’un livre historique écrit par Tisri, régent de Lhâssa en 1686. Dans les notes, Csoma ajoute de plus amples détails tirés d’autres livres. Voyez sa Grammaire, p. 181 et 198. Ssanang Ssetsen, Geschichte der Ostmongolen, aus dem Mongolischen übersetzt, von J.-J. Schmidt ; le chapitre iii traite de l’histoire du Tibet, de 407 à 1054. Les annotations de Ssanang Ssetsen contiennent des traductions du Bödhimör et autres livres mongols. Chronologie bouddhique, traduite du Mongol par Klaproth. Fragments bouddhiques, Nouveau Journal Asiatique, 1831. Les dates données par ces trois auteurs ne s’accordent pas jusqu’au onzième siècle ; à partir de cette époque, les catalogues de Csoma et de Klaproth sont d’accord, sauf une différence constante de deux ans qui provient de ce que l’une compte de l’ère tibétaine et l’autre emploie les années chinoises (Voyez chapitre xvi). Dans le texte, j’ai adopté les dates de Csoma, avec une seule exception pour la naissance
  4. Ssanang Ssetsen, en 367 ; il appelle ces objets Lhatotori ; les autorités citées par Csoma disent Tho-tori Nyantsau. La narration précédente est de Ssanang Ssetsen. Csoma, p. 168, raconte : « Qu’une voix fut entendue venant des cieux et disant qu’après tant de générations (septième siècle), le contenu du livre devait être révélé. » On ne dit pas d’où venaient ces cinq hommes, mais je crois, pour des raisons qui s’éclairciront plus loin, que c’étaient des prêtres chinois.
  5. Sur les chortens, voyez chapitre XIII.
  6. Voyez chapitre X.
  7. Sur cette distinction des deux périodes, voyez la Grammaire de Csoma, p. 196, note 18. L’année de la mort de Srongtsan est donnée sur l’autorité de Ssanang et de Klaproth. Elle ne figure pas sur le catalogue de Csoma.
  8. Les mauvais esprits forcèrent, dit-on, une première mission à reculer après avoir atteint la frontière. Sur les tentatives de Srongtsan pour former l’alphabet tibétain, voyez les notes de Schmidt sur « Ssanang Ssetsen », p. 326.
  9. Des remarques fort intéressantes sur la ressemblance des lettres capitales tibétaines avec l’ancien alphabet Devanagari, sont fournies par les tables comparatives de Hodgson dans ses Notices, As. Res., vol. XVI, p. 420, « Schmidt, Ueber den Ursprung der Tib. Schrift », Mém. de l’acad. de Pétersb., vol. I, p. 41. Csoma, Grammar, p. 204. — Thoumi Sambhota passe pour une incarnation du Bodhisattva Manjousri. Ce divin personnage, appelé en tibétain Jamjang, doit être envisagé sous deux points de vue. Il paraît avoir été un personnage historique qui enseigna les doctrines bouddhiques dans le Népal au viiie et au ixe siècle, après J.-C. ; mais il est aussi vénéré comme un être mythologique de la nature divine des Bodhisattvas (sa sakti est Sarasvati, tib. Ngagi Lhamo ; il passe pour avoir inspiré de sa divine intelligence plusieurs personnes qui ont contribué à la propagation des théories bouddhiques. Il est le dieu de la sagesse brandissant le « glaive de sagesse (tib. Shesrab ralgri), dont la pointe est enflammée pour dissiper les ténèbres parmi les hommes ». Les livres chinois disent de sa puissance : « Quand il prêche la grande loi, tous les démons sont vaincus, toutes les erreurs sont dissipées, et il n’est pas un hérétique qui ne retourne à son devoir. » Manjousri est aussi le « souverain de l’année », épithète qui vient de ce que le premier jour de l’année lui est consacré. Foc-ckoue-ki, p. 116. Comparez Hodgson, Classification of the Nevars, dans Journal. As. Soc. Beng., vol. XII, p. 216. Burnouf, Lotus, p. 498. Lassen, Indische Alterthumskünde, vol. III, p. 777.
  10. Dans les peintures, on les représente dans la même attitude le pied droit pendant devant le trône, la main droite tenant le lotus bleu Ouptala (Nelumbium speciosum), « Encyclopedia of India », par Balfour, p. 1291. Cette plante se rencontre à Kashmir et en Perse. Leur teint est différent. Dolkar est blanche, Doldjang est verte. Les femmes implorent Doldjang pour obtenir la fécondité, et c’est en allusion à cette vertu que, dans une de nos peintures, un plat avec des pommes amoncelées est dessiné à ses pieds. Le récit tibétain le plus complet des légendes qui concernent ces divinités se trouve dans le Mani Kamboum (voyez p. 53) et dans un livre intitulé, à ce qu’on a dit à Adolphe ; Un clair Miroir de généalogie royale. Un hymne à Doldjang est donné par Klaproth dans les Reise in den Kaucasus, vol. I, p. 215.
  11. Ssanang Ssetsen, 787-845. Klaproth, 778.
  12. Voyez p. 28, Wassiljev, Der Buddhismus, p. 350 ; comparez p. 324-55, Rémusat, Nouv. journ. As., 1832, p. 44. Le Bödhimör appelle les deux doctrines Stou-min et Tsernin ; Georgi, Alphabet tibétain, p. 222, Dote (du Mdo ou Soutras) et Gyoute (du Gyout ou Tantras). Ces noms impliquent que les principes tantrikas s’étaient graduellement glissés dans le système madhyamika.
  13. Ssanang Ssetsen recule cet évènement en 926, Langdharma était né en 861 selon Csoma : Ssanang Ssetsen dit 863 et Klaproth 901.
  14. Csoma, Journal As. Soc. Beng., vol. VIII, p. 145. Huc, Christianisme en Chine, Tartarie et Tibet, sq. II, p. 10. Wassiljew, notice sur les ouvrages en langue de l’Asie orientale, etc., Bul. hist. phil. de Saint-Petersbourg, vol. III, p. 233-242. Köppen, Die Religion des Bouddha, vol. II, p. 117, Sur les miracles exécutés par les prêtres bouddhistes avant Tsonkhapa, voyez Marsden, The travels of Marco Polo, p. 169.
  15. Lassen Indische Alterhumskünde, vol. II, p. 1078, vol. IV, p. 741. W. Scott, Ueber den Buddhismus in Hochasien, p. 18. Sur le sort du bouddhisme en Chine, voyez, Nouveau Journ. Asiatique, 1836, pages 106, 138, 139. C. Gützlaff, R. As. Soc, vol. XVI, p. 73.
  16. Cunningham, Ladâk, p. 317. À Leh, mes frères se procurèrent plusieurs grands livres historiques. Deux de ces livres ont une importance toute particulière, ils sont intitulés : Gyelrap salvai melong, le vrai Miroir de Gyelrap, ou la généalogie des Rajas de Ladâk, à partir de Chigmet Choiki Senge, descendant des premiers rajas.
  17. Hooker, Himalayan Journal, vol. I, p. 127. Köppen, Die Religion des Buddha, vol. II, p. 360.
  18. Voyez la table chronologique de Csoma, note 18, dans Grammaire, p. 197. Phrases du discours, ibid., p. 175. Notices, journal As. Soc. Beng., vol. VII, p. 146 ; Cunningham, Ladák, p. 367-72 ; Köppen, Die Religion des Buddha, index.
  19. À ce sujet, voyez Hodgson, Illustrations, p. 82 et 112.
  20. Le Bōdhimör dans l’histoire de Ssanang Ssetsen, p. 351 et 367. Csoma, Geographic Notices of Tibet, dans Journal As. Soc. Beng., vol. I, p. 124 ; Dictionnary of the Tibetan language, p. 94. B. H. Hodgson, Notice on buddhist symbols in Royal As. Soc., vol. XVII, p. 396. L’identité de ces images avec celles que l’on trouve dans les temples bouddhistes orthodoxes (les noms seuls différent) est une nouvelle preuve de l’alliance intime de la religion bouddhiste et des rites et idées païennes.